Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui représente une avancée majeure pour les parents isolés.
L’allocation de soutien familial a pour objectif d’aider à l’éducation d’enfants privés du soutien d’au moins un des parents, défaillant ou absent. Elle vise en priorité les femmes monoparentales, plus vulnérables et surexposées à la pauvreté. L’ASF est versée à 807 000 familles et bénéficie à 1, 3 million d’enfants.
Actuellement, dès lors que le parent se met en couple, le versement de cette allocation est supprimé. La présente proposition de loi de ma collègue Laurence Rossignol, dont nous connaissons la détermination à défendre l’intérêt des enfants – et je salue ici son travail incessant –, vise à supprimer la condition d’isolement pour bénéficier de l’ASF, afin de permettre à des parents en famille recomposée de continuer de la percevoir.
En effet, ce mécanisme de suspension repose sur l’hypothèse contestable et moralement inacceptable que le nouveau partenaire de vie contribue automatiquement à l’éducation des enfants.
L’obligation alimentaire est alors déportée sur une personne qui n’a aucun lien de parenté avec l’enfant. D’ailleurs, dans la plupart des situations, cette hypothèse ne repose sur aucune réalité concrète.
Mais certains parents isolés sont contraints de faire un choix : se remettre en couple et renoncer à l’allocation, au risque de se retrouver avec des difficultés financières encore plus prégnantes, ou renoncer à une nouvelle vie de couple. C’est inacceptable : l’octroi de l’allocation ne doit pas être lié à un critère de conjugalité.
La France compte aujourd’hui près de 2 millions de familles monoparentales, soit une famille sur quatre, qui sont deux fois plus touchées par le chômage et la précarité. Elles sont constituées à 85 % de mères et de leurs enfants. Leur nombre est en forte augmentation du fait de la hausse des séparations.
D’après l’Insee, 12, 5 % des femmes tombent dans la pauvreté après une séparation. Cette situation nécessiterait la reconnaissance d’un statut de « monoparent » permettant de bénéficier d’un accompagnement dans la vie quotidienne. Cette proposition trouvera sa place dans la campagne présidentielle.
Derrière la qualification de « famille monoparentale » se cache une réalité quotidienne très compliquée. Ces mères isolées doivent jongler entre l’éducation des enfants, une forte charge mentale, l’organisation de la prise en charge de chaque enfant et, lorsque c’est possible, une activité professionnelle parfois difficile à assumer.
Elles doivent faire de nombreux sacrifices qui entraînent inévitablement des conséquences non seulement sur leur activité professionnelle, emploi ou formation, mais aussi sur leur vie personnelle, ce qui les empêche de disposer de moments de répit.
La constitution de réseaux d’entraide est rendue difficile par cette faible disponibilité. Pour nombre de mères monoparentales, se mettre en couple représente une occasion de les soulager de la charge familiale qui pèse sur leurs seules épaules.
Celles qui ne peuvent se passer de l’ASF pour leur survie matérielle sont contraintes de rester célibataires, avec un niveau de vie médian avoisinant 1 180 euros mensuels, bien en deçà du revenu médian national. La moitié de ces familles vivraient avec ce faible niveau de revenu.
En 2020, 24 000 parents auraient perdu le bénéfice de cette allocation, parce qu’ils ont choisi de se remettre en couple. La perte de l’ASF peut entraîner un risque accru de dépendance économique vis-à-vis du nouveau partenaire. Le ciblage de l’ASF sur les seuls parents isolés constitue donc une double peine pour ces personnes.
Le bénéfice de l’ASF aux seuls parents isolés déclenche une forme de « trappe à l’isolement », comme cela a déjà été dit, qui constitue une entrave à la remise en couple.
Par ailleurs, en raison de la complexité des conditions d’octroi, l’allocation de soutien familial est touchée par un important phénomène de non-recours, auquel s’ajoute un non-recours volontaire, les mères concernées préférant renoncer à cette allocation pour éviter d’engager un litige avec leur ancien conjoint défaillant.
Ainsi, près d’un parent isolé sur deux serait éligible à l’ASF, mais ne la réclamerait pas. Cette condition d’isolement constitue un obstacle supplémentaire à l’octroi de cette allocation, déjà difficilement accessible. En supprimant cette condition, le texte propose une réponse concrète à une incohérence des modalités d’attribution de l’ASF.
L’allocation de soutien familial doit être considérée comme une allocation versée au parent assumant seul l’éducation de ses enfants, indépendamment de sa situation de couple, souvent non stabilisée.
Le maintien de l’allocation aux parents éligibles, indépendamment de la condition d’isolement, est une mesure de justice sociale qui permettra aux familles concernées de ne pas basculer dans la précarité.
Les familles monoparentales étant principalement constituées par des mères, cette mesure de bon sens permettrait à ces femmes de conserver leur indépendance économique vis-à-vis de leur nouveau partenaire.
Ainsi, à l’issue de nos discussions, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera favorablement et sans réserve pour cette proposition de loi, qui aidera à la subsistance des personnes en situation de monoparentalité et rendra moins difficile la situation de précarité que vivent la moitié d’entre elles.