Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’allocation de soutien familial, anciennement allocation parent isolé (API), est versée pour soutenir les parents qui élèvent seuls leur enfant.
En 2020, 815 000 foyers français en ont bénéficié, pour un coût total de 1, 79 milliard d’euros. Cette prestation est conditionnée à l’isolement du parent bénéficiaire : lorsque ce dernier se remet en couple, il en perd le bénéfice.
Mes chers collègues, en 2020, la France comptait 2 millions de familles monoparentales, soit 24, 7 % de l’ensemble des familles, soit deux fois plus qu’en 1990. L’augmentation de la proportion de ces familles et des familles recomposées constitue un fait social auquel les dispositifs socio-fiscaux ont dû s’adapter.
De plus, les chiffres de l’Insee ne prêtent pas à controverse : dans un tiers des familles monoparentales, le parent avec lequel les enfants résident la plupart du temps n’a pas d’emploi.
Cette réalité appelait des réponses fortes soit par le biais de prestations ciblant spécifiquement les parents isolés, soit en prévoyant une majoration des montants accordés, soit au travers de plafonds de ressources pour ces publics. C’est le cas pour le RSA, mais aussi, par exemple, pour la majoration du plafond du complément de mode de garde.
Ces majorations spécifiques perdent leur effet dès lors que le parent isolé s’unit à un nouveau partenaire de vie. L’article 1er de la proposition de loi déposée par Mme Laurence Rossignol vise à supprimer le conditionnement du célibat pour obtenir l’allocation de soutien familial en partant du postulat que le nouveau partenaire de vie n’a aucune obligation de s’impliquer dans les dépenses liées à la prise en charge des enfants de la personne avec laquelle il entend s’unir.
Le second article de la proposition de loi tend à demander au Gouvernement un rapport sur la diversité des situations familiales et leur prise en compte par la fiscalité.
Si le texte est louable dans ses intentions, il soulève un certain nombre de réserves pour trois raisons essentielles.
Premièrement, les nouvelles dispositions risqueraient de remettre en cause l’application des autres dispositifs précités mis en œuvre au profit des parents isolés.
Deuxièmement, une telle mesure risquerait de n’avoir qu’un faible effet sur les publics les plus précaires que notre politique familiale entend cibler en priorité. En effet, force est de le constater, les enfants qui grandissent avec un couple, au sein d’une famille recomposée ou non, ont un meilleur niveau de vie que ceux qui évoluent au sein d’une famille monoparentale.
Troisièmement, alors que la France consacre à la politique familiale un pourcentage de son PIB plus important que la moyenne de l’Union européenne ou de l’OCDE, il eût été indispensable que le coût financier de cette proposition de loi soit chiffré.
Par ailleurs, nous savons que 85 % des foyers monoparentaux sont constitués de femmes. Il est d’évidence que cette proposition de loi cherche à améliorer leur indépendance économique. Ce sujet a régulièrement été la priorité du Gouvernement. Nous avons ainsi voté, par exemple, une facilité de garde d’enfants pour les parents engagés dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle, éligibles à l’ASF. Nous croyons profondément qu’en accompagnant la prise en charge des enfants et l’insertion du parent sans emploi, nous aidons ces familles.
De même, nous avons réformé les pensions alimentaires.
Enfin, n’oublions pas que le taux de non-recours à l’ASF est extrêmement élevé. C’est sur ce point que nous devons concentrer toute notre attention et nos intentions.
Pour ces raisons, et malgré le fait que nous partagions bien évidemment l’objectif affiché, notre groupe votera en majorité contre cette proposition de loi.