Intervention de Raymonde Poncet Monge

Réunion du 23 février 2022 à 21h30
Maintien du versement de l'allocation de soutien familial — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Raymonde Poncet MongeRaymonde Poncet Monge :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, si les inégalités femmes-hommes puisent souvent leurs sources dans la structure hétéronormative qui cadre les relations, c’est la séparation conjugale qui révèle brutalement les inégalités creusées durant toute la vie du couple.

Dans leur ouvrage Le genre du capital - Comment la famille reproduit les inégalités, les chercheuses Céline Bessière et Sibylle Gollac soulignent que les effets différenciés d’une séparation résultent de stratégies économiques genrées ayant eu lieu durant la relation du couple.

La conséquence d’une répartition inégale des rôles économiques dans le couple, tant des stratégies de dépenses différenciées que de la division genrée du travail professionnel et du travail domestique gratuit, explique que le prix de la rupture est encore aujourd’hui chèrement payé par les femmes. En effet, une séparation conduit à une perte moyenne de niveau de vie de 19 % pour les femmes, contre seulement 2, 5 % pour les hommes.

Ces inégalités vont perdurer, puisque dans presque 84 % des cas, les familles monoparentales sont constituées de mères et 40 % des enfants de ces familles sont pauvres. Ces mères sont davantage au chômage, occupent plus souvent des postes précarisées et suivent des carrières plus heurtées.

Aussi, venant compenser parfois la faiblesse de certaines pensions alimentaires, les parents bénéficiaires de l’allocation de soutien familial appartiennent pour plus de 70 % d’entre eux aux 20 % des ménages les plus pauvres.

La suppression de cette allocation dans le cadre de la reconstitution d’une nouvelle famille repose sur le postulat que cette dernière est automatiquement créatrice de nouvelles solidarités rendant caduques cette prestation. En réalité, la recomposition d’un couple n’efface pas pour autant la situation personnelle vulnérable d’une majorité de ces parents. Par ailleurs, on ne sort pas de la précarité en se mettant simplement en couple, surtout si le nouveau partenaire est lui aussi précaire.

Perdre, lors d’une remise en couple, cette prestation dont l’objet est de soutenir les frais d’éducation de l’enfant, c’est perdre une marge d’autonomie financière et créer de nouveau une dépendance économique et symbolique.

Car ce nouvel espace de solidarité n’entraîne pas nécessairement pour le nouveau partenaire des obligations envers l’enfant identiques à celles qu’aurait eues le parent dont il est privé. La prestation doit donc demeurer attachée à la situation inchangée de l’enfant. Là réside son sens profond.

Enfin, on ne peut exclure la désincitation à s’engager pour les plus fragiles du fait de la baisse immédiate de revenus accompagnant la perte de cette prestation de soutien, d’autant plus essentielle que les niveaux de revenus sont faibles.

En conséquence, le maintien du versement de cette allocation, indépendamment de la situation affective du parent qui assure l’éducation de l’enfant, permet de stabiliser la situation. Il peut alors s’engager dans une nouvelle relation sans effet collatéral sur une allocation dont l’objet et la fonction n’ont aucunement disparu.

Le texte de loi proposé vise à tenir compte de l’augmentation des familles recomposées et à adapter le droit aux évolutions sociétales.

Pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, le fait de s’attaquer aux trappes à pauvreté ou à l’isolement comme aux inégalités de genre qui les traversent reste une priorité et une urgence. Aussi, nous voterons cette proposition de loi.

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