Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 24 février, la Fédération de Russie a décidé, sur l’ordre de son président, Vladimir Poutine, l’invasion d’un autre pays souverain, l’Ukraine, en violation flagrante du droit international.
Une guerre se déroule sous les yeux du monde. Poutine a mis tout en œuvre pour cacher ses intentions, et désormais les morts et les blessés.
Mais le courage des Ukrainiens, notamment celui du président Zelensky, permet à la communauté internationale de prendre la mesure de la tyrannie de Poutine, qui résulte de trop nombreuses reculades – pour ne pas employer le mot de lâchetés.
Nous pensons à tous les Ukrainiens, ainsi qu’aux victimes de ce conflit qui n’a pas lieu d’être. Nous pensons à celles et ceux qui se sont établis en France et qui vivent dans la crainte pour leur famille et leurs amis restés là-bas. Nous pensons également à la communauté française résidant en Ukraine.
Comment ne pas y penser, nous qui pour beaucoup sommes liés par nos récits de vie à cette Europe de l’Est si souvent malmenée à travers l’Histoire ? Nos familles – ma famille – avaient trouvé refuge en France. Je pense aux familles d’Europe centrale, que celles-ci soient polonaises, tchèques, slovaques, roumaines, moldaves, bulgares, ukrainiennes, baltes, mais aussi russes. Toutes ont un jour trouvé un foyer dans notre pays. Alors, en m’exprimant à la tribune de la Haute Assemblée de la République, mes pensées sont imprégnées d’une émotion singulière.
Nous mesurons en ces instants que la guerre n’est pas le prolongement naturel de la politique, mais bel et bien la somme de la déraison et de la haine. Ici, dans ces travées, nombre d’entre nous sont nés et ont grandi dans un monde coupé en deux, dans lequel la menace du feu nucléaire planait de manière permanente. L’automne 1956 et le printemps 1968 avaient vu les cortèges d’espoirs décimés sous le poids des blindés et des bottes. Nous ne pouvons pas rester spectateurs de la répétition de l’Histoire et de ses pages le plus sombres.
Nous étions pourtant prévenus. Dans son discours d’adieu au Parlement européen, le 17 janvier 1995, le président François Mitterrand nous laissait un héritage à cultiver et nous disait : « Le nationalisme, c’est la guerre ! » Nous mesurons le poids de ses mots et notre engagement républicain doit être total au service de la construction de l’Europe.
Ces derniers temps, jusque dans notre propre pays, nous constatons la tentation d’opposer les Français entre eux, ou d’attiser les communautés entre elles. Nous combattrons cela avec la même énergie !
Le patriotisme ne se mesure pas aux harangues et aux coups de menton. Ceux qui crient à une prétendue identité surannée sont aux abonnés absents quand il s’agit de tenir le drapeau. En cela, ils ne sont que les héritiers de ce que la France a produit de pire à travers son histoire. Lorsque l’on se revendique français, enfant du pays des Lumières, il n’y a pas de place possible pour une parole politique dont le projet est justement la destruction méthodique de la liberté.