Cet amendement vise à supprimer l'article 41 du projet de loi de finances, qui prévoit le transfert à la sécurité sociale du produit d'un panier de neuf taxes, en compensation des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.
Si nous sommes bien évidemment d'accord sur le principe de cette compensation, nous récusons la méthode employée. En effet, elle conduit à une débudgétisation massive, en contradiction absolue avec les arguments qui avaient été avancés par la majorité et le Gouvernement lors de la suppression du FOREC, le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale.
Pour compenser intégralement les 18, 9 milliards d'euros d'allégements de cotisations sociales, il faut opérer un prélèvement sur recettes qui permette l'équilibre « à l'euro près », pour reprendre une expression favorite mais largement galvaudée du Gouvernement.
L'article 41 est, à cet égard, totalement insuffisant, comme le reconnaissent d'ailleurs certains membres influents de la majorité, en particulier M. Vasselle.
Pour ce qui est du mécanisme d'ajustement prévu, la procédure de revoyure est si lourde et si complexe que l'on peut douter qu'elle puisse vraiment être mise en oeuvre. D'ailleurs, elle ne sera enclenchée que si les pertes de recettes liées aux allégements de cotisations sociales excèdent de plus de 2 % le produit des taxes et impôts affectés aux caisses et régimes de sécurité sociale visés ; en dessous de 2 % - ce qui représente tout de même quelque 400 millions d'euros eu égard au montant actuel des allégements, qui est de 18, 9 milliards d'euros -, tant pis pour la sécurité sociale !
Le principe de la compensation intégrale, prévu par la loi de 1994 et qui n'a pu être inscrit dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, est donc implicitement abrogé.
Adopter cet article, c'est organiser sciemment la fragilisation de notre sécurité sociale, puisque le financement des exonérations de cotisations sociales devient structurellement déficitaire. L'État fait au passage une excellente affaire. En effet, toutes choses égales par ailleurs, la réduction de dépenses afférente à cette débudgétisation devrait connaître une évolution exponentielle : les allégements décidés connaîtront une rapide croissance, car le nombre de salariés payés au SMIC augmente.
Non seulement les recettes fiscales qu'il est prévu de transférer augmenteront moins vite que les allégements de charges sociales, mais la sécurité sociale subira inéluctablement un manque à gagner croissant, en raison d'une part des allégements supplémentaires qui seront décidés chaque année, et d'autre part de la disparition quasiment annoncée de certaines taxes, notamment de la taxe sur les salaires, dont 95 % du produit, soit 9, 408 milliards d'euros, c'est-à-dire environ la moitié de l'ensemble des recettes prévues, sont affectés aux régimes de sécurité sociale.
Pour cette seule année 2005, le montant des exonérations non compensées, dont vous omettez fort opportunément de parler, monsieur le ministre, est passé à 2, 7 milliards d'euros, contre 2, 1 milliards d'euros pour 2004. En 2005, le Gouvernement a notamment ramené le plafond salarial en dessous duquel sont accordés des allégements de charges à 1, 6 fois le SMIC, au lieu de 1, 7 fois le SMIC précédemment, ce qui d'ailleurs n'est pas étranger à la stagnation des salaires et à la baisse du pouvoir d'achat. Qui plus est, ces allégements sont consentis sans qu'aucune contrepartie soit exigée en matière d'emploi : c'est toute la faiblesse de la loi Fillon par rapport aux lois sur les 35 heures.
Il s'agit donc non pas d'une simple mesure technique, mais bien d'une manipulation budgétaire par laquelle le Gouvernement fait prendre en charge par la sécurité sociale le coût de sa politique d'allégements de cotisations sociales.
Certains membres de cette assemblée proposent de substituer à ce panier de taxes une quote-part de 3, 5 points de TVA. Avant de s'engager dans cette voie, il serait bon d'évaluer les effets, en termes de justice sociale, de la mise en oeuvre de ce principe de « TVA sociale ».
En attendant, nous demandons la suppression de l'article 41, pour toutes les raisons précédemment exposées.