Intervention de Grégory Fourcin

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 2 décembre 2021 : 1ère réunion
Étude sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale — Audition de M. Grégory Fourcin vice-président pour l'amérique latine les antilles-guyane et l'océanie accompagné de M. Jacques Gérault conseiller institutionnel du groupe compagnie maritime d'affrètement-campagne générale maritime cma cgm

Grégory Fourcin, vice-président du groupe CMA CGM pour l'Amérique latine, les Antilles-Guyane et l'Océanie :

La modernisation, impérative, requise dans les outre-mer nécessite que nous disposions d'un plus grand tirant d'eau. Or, le port de la Martinique, qui dispose d'un tirant d'eau naturel de plus de quatorze mètres, nous demande de nous maintenir à treize mètres pour des questions d'habitude. Nous voulons cependant nous développer, au-delà des habitudes ! Nous voulons pouvoir venir dans ce port avec des navires plus grands - ce qui augmenterait d'ailleurs les droits de port.

Le quatrième portique installé en Guadeloupe est arrivé à temps. Depuis sa construction, nous déchargeons plus rapidement nos navires et pouvons effectuer plus de transbordements, car nous disposons de plus d'infrastructures et de place pour nos conteneurs. Je remercie donc le grand port maritime de la Guadeloupe d'avoir pris cette décision.

Les compagnies maritimes ont besoin d'être associées aux instances de coopération - conseils portuaires des grands ports et conseils de surveillance - et aux processus de décision, afin de pouvoir communiquer leurs visions, leurs difficultés et leurs projets. Cette implication est d'autant plus importante que les cycles de décision dans les grands ports sont trop longs par rapport à la vitesse du transport maritime. Nous avons besoin d'une plus grande coopération sur ce point.

Le succès de Port Réunion tient à l'environnement particulier de La Réunion - Mayotte, Madagascar, le Mozambique -, qui attire le transbordement. Cependant, ce hub arrive au bout de son processus d'exploitation et est déjà obsolète, car il ne peut accueillir de plus grands navires. Or il est impossible de fonctionner avec quatre portiques à La Réunion.

Le délai d'un an et demi nécessaire pour la commande de deux portiques est effectivement trop long. Les portiques ne seront disponibles qu'en juillet 2022. Les compagnies maritimes, les exportateurs réunionnais et les importateurs en pâtiront. Il en résultera des congestions, des retards, etc.

Il est indispensable par ailleurs de changer les conditions de travail dans les outre-mer, en développant notamment le travail de nuit pour le déchargement des conteneurs afin d'optimiser nos horaires, de réduire les retards liés au temps passé à quai et de diminuer la pollution. Ce point est important également pour nous en tant qu'exploitant de terminaux aux Antilles et à La Réunion. Il faut que nous en discutions avec les grands ports maritimes, qui pilotent les portiqueurs qui commandent les grues. Jean-Rémy Villageois, directeur général du grand port maritime de la Martinique, y est tout à fait disposé à discuter des conditions de travail. Ce point pourrait être revu dans un cadre législatif.

S'agissant des enjeux environnementaux, l'Organisation maritime internationale (OMI) mettra en place un contrôle plus étroit de nos émissions de carbone à partir de 2023, qui passera par un classement de nos navires allant de A à E, établi en fonction de leur taille et de leurs routes maritimes. À titre d'exemple, un petit navire consommateur de fioul parcourant de faibles distances sera classé E. Or, nous serons très exposés à ce problème dans les outre-mer, et devrons donc revoir nos schémas de route à l'aune de cette nouvelle règle. Il en résultera des changements dans la manière dont nous approvisionnons ces territoires.

La réduction de vitesse de nos navires est un enjeu essentiel pour réduire notre consommation d'énergie. Toutefois, si nous réduisons la vitesse, nous irons moins vite en Guyane ou aux Antilles. Nous devrons en outre utiliser des bateaux plus gros, les petits navires étant trop rapides et trop consommateurs d'énergie. Pour repenser la manière de desservir rapidement ces territoires, nous avons donc besoin de ports capables de nous accueillir.

Si les Antilles, qui peuvent pourtant jouer un rôle de hub dans leur région, ne sont pas capables de nous accueillir au moyen de tirants d'eau plus importants et d'une plus grande capacité à quai, notre niveau de service risque de se dégrader, ce que nous ne souhaitons pas.

C'est pourquoi nous avons besoin d'être impliqués dans les instances de décision, pour que nous puissions travailler ensemble à l'évolution de nos structures portuaires.

Enfin, des opérations complexes d'approvisionnement ont été menées au port de Marigot durant l'ouragan Irma, au moyen d'un navire roulier. Ce port souffre toutefois d'un manque d'infrastructures et de tirant d'eau. Son développement impliquerait par conséquent de lourds investissements. Cette possibilité peut néanmoins être étudiée.

Nous n'armons plus le Marion Dufresne, mais je dois me renseigner sur les raisons ayant justifié ce choix.

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