Intervention de Dominique Vienne

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 20 janvier 2022 : 1ère réunion
Étude sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale — Auditions de Mm. Dominique Vienne président du conseil économique social et environnemental régional ceser de la réunion co-président du groupe de travail « france maritime » de l'assemblée des conseils économiques sociaux et environnementaux régions ceser de france et julien bluteau délégué général du ceser de france

Dominique Vienne, co-président du groupe de travail « France maritime » de l'Assemblée des conseils économiques, sociaux et environnementaux régions (CESER) de France :

président du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) de La Réunion, co-président du groupe de travail « France maritime » de l'Assemblée des conseils économiques, sociaux et environnementaux régions (CESER) de France. - Mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices, je vais partager avec vous la réflexion des CESER de France. Ce travail reflète la richesse de la pensée de tous nos territoires, les 13 régions métropolitaines, les 5 DROM et les 3 PTOM. Il témoigne aussi d'une difficulté. Avec la décentralisation, le regard de chaque membre de CESER de France est légitime. Cette situation fait toute la richesse et la difficulté de notre démarche de convergence vers un regard sur cette puissance maritime.

Cette difficulté de nous assembler vient de notre éducation originelle. L'école nous présente la carte de la France hexagonale avec, à côté, les confettis de la République. De manière provocatrice, nous avons montré le monde vu par les Australiens, un monde comprenant beaucoup plus d'océans. À titre personnel, j'ai présenté la carte à mon petit garçon qui m'a dit qu'elle était fausse. Ce n'est pas ainsi qu'il apprend le monde à l'école.

Avant de projeter une communauté humaine vers un destin, il nous a semblé important de réinventer notre regard. Certains diront notre paradigme. À défaut, nous serons confrontés à un biais cognitif dans notre capacité à nous projeter. C'est ce que nous avons tenté de poser dans cette synthèse. Le CESER de France n'est pas une entité qui parle à la place des territoires ; elle agrège leurs pensées. Nous sommes le fruit de la décentralisation.

La France peut devenir une puissance de stabilisation ou une puissance d'avenir, comme l'a déclaré le Président Emmanuel Macron hier, dans son discours sur la présidence française du Conseil de l'Union européenne. Pour ce faire, il nous faut maîtriser plusieurs facteurs de manière combinatoire et simultanée. Parfois, nous avons la perception en territoire que certains facteurs sont mis en avant depuis 30 ans, mais jamais utilisés de manière combinatoire.

Le premier de ces facteurs est un facteur territorial. Nous avons des possessions, des zones économiques exclusives (ZEE). Il nous semble cependant nécessaire d'additionner ce facteur de territorialité au facteur historique, c'est-à-dire l'histoire de chacun de ces bouts de France, au facteur économique, avec nos ports, nos activités commerciales, nos usages des ressources halieutiques, nos usages des potentiels énergétiques et enfin au facteur technologique, avec nos câbles sous-marins, nos navires, nos capacités d'exploitation. Nous n'avons pas inclus le 5ème facteur, c'est-à-dire le facteur régalien de la défense, car il sortait selon nous du fait régional. Néanmoins, il en fait évidemment partie.

Sur ces quatre facteurs, l'histoire de cette France éclatée sur toute la surface du monde, cette territorialité administrative, ces potentiels économiques et ces capacités technologiques, il nous faut trouver l'alchimie des éléments de puissance maritime. Cette recette entre les éléments géopolitiques, géostratégiques, géoéconomiques et géoculturels doit permettre de créer des dynamiques de puissance maritime. Parmi ces dynamiques nous pouvons citer la territorialisation et la maritimisation, l'exploitation et la valorisation des ressources marines, et enfin le contrôle et la sécurisation des routes maritimes et des zones exclusives.

Notre regard a pour fil conducteur l'idée qu'il existe un travers jacobin de pensée sur notre puissance maritime. Après le pacte jacobin, nous proposons d'imaginer le pacte girondin et de refondre ce potentiel de puissance stabilisatrice par un pacte océanien. Depuis 2019, l'Agence française de développement (AFD) s'est organisée autour d'une « stratégie Trois océans ». Nous proposons que, par ce pacte océanien, la Nation fonde son ambition maritime par ses territoires. De facto, ces territoires d'outre-mer ne seraient plus gérés comme ils le sont depuis une vingtaine d'années, avec des enjeux de rattrapage. Certes, il faut accompagner ces territoires, mais nous devons en même temps adopter la logique de territorialisation de cette ambition maritime. Si nous restons dans une logique jacobine, nous perdrons la capacité de projection de cette ambition.

Le soleil ne se couche jamais sur la France. Cette dimension peut nous projeter dans un avenir commun, une maritimisation de nos ambitions et une capacité de régulation géopolitique. Comme vous le savez, 63 % des échanges économiques se déroulent aujourd'hui dans la zone indopacifique. Nous savons aussi que la Chine est devenue plus tôt que prévu la puissance économique des prochaines années. Dans ce contexte, il nous paraît important que la France sorte de sa vision continentale pour faire face aux nouveaux défis de changement climatique, de préservation de la biodiversité, d'accès à des ressources énergétiques à des coûts acceptables, et de sécurité par une dimension maritime, océanique et par une dimension territoriale. À travers la notion de pacte océanien, nous évoquons en effet l'utilisation de ces territoires administratifs comme des espaces de projection de nos ambitions nationales.

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