Intervention de Claude Raynal

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 mars 2022 à 9h00
Élaboration composition pilotage et mise en œuvre des crédits du plan de relance – Audition de M. Pierre Moscovici premier président de la cour des comptes pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

président. – Je salue votre proposition de clore le plan de relance en 2022.

Lors de l’anniversaire des vingt ans de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), j’ai fait observer que les plans successifs étaient « hors LOLF », avec une large liberté de manœuvre du Gouvernement au sein de ces enveloppes. On m’a répondu, fort logiquement, qu’une période de crise appelait des solutions de crise.

Mais les solutions de crise ne doivent pas être éternelles, ne serait-ce que pour ne pas mélanger tous les plans – nous ne sommes pas à l’abri d’un nouveau plan, à la suite des événements en Ukraine. À titre personnel, je trouve donc tout à fait judicieux de fermer le plan de relance en 2022.

Par ailleurs, je m’interroge sur le lien entre ce plan de relance et le taux de reprise de l’activité en 2021, dans une perspective internationale. A-t-on dépensé plus et fait mieux ? Notre forte reprise, de 7 %, est-elle à mettre en rapport avec le niveau du plan de relance ? La comparaison internationale des rythmes de reprise rapportés aux plans de relance contient-elle des éléments d’explication ?

Mme Sophie Taillé-Polian. – Les quartiers prioritaires de la politique de la ville ont-ils fait l’objet d’une évaluation particulière ? Nous nous souvenons que, à la suite de l’appel d’un grand nombre de maires issus de nombreux territoires et de familles politiques diverses, le Premier ministre a pris un engagement très fort en faveur de ces quartiers.

Or des moyens importants ont « atterri » sur ces territoires, mais sans finalités propres à ceux-ci. Ainsi, mon territoire a bénéficié de crédits au titre du fonds friches, mais ces sommes sont indépendantes de ses caractéristiques spécifiques.

Une évaluation particulière est-elle menée de cet objectif supplémentaire, ajouté in extremis sur pression des maires ?

M. Jérôme Bascher. – En fait de préparation du plan de relance, le Gouvernement a dit : je veux 100 milliards d’euros et les pleins pouvoirs, on crée une mission déconnectée de l’architecture de la LOLF et, peut-être, on vous rendra compte – heureusement, il y a la Cour des comptes pour nous éclairer. Du point de vue de l’autorisation parlementaire, c’est un peu court, surtout pour des sommes aussi considérables.

On me dira : la crise sanitaire était historique. Mais le plan de relance porte sur l’avenir. J’insiste : on n’a jamais autant nié l’autorisation parlementaire !

Ces 100 milliards d’euros, ce sont 100 milliards de dette, pour des effets de levier que vous semblez trouver modestes. Et pour cause : notre pays ayant l’un des taux de dépenses publiques les plus élevés au monde, il nous faut dépenser toujours plus pour obtenir un effet de levier minimal. C’est pourquoi nous avons un plan de relance qui paraît énorme par rapport à ceux de certains de nos partenaires européens, alors que nous sommes déjà les derniers de la classe en matière de trajectoire des finances publiques – vous l’avez suffisamment souligné dans vos fonctions actuelles, monsieur le Premier président, mais aussi dans votre fonction antérieure de commissaire européen.

Peut-on continuer à faire autant de plans de relance qu’on veut, qui sont autant de dette supplémentaire ?

M. Marc Laménie. – L’ampleur de ce plan est considérable, mais comment les fonds sont-ils géographiquement répartis ? Il serait intéressant d’avoir une idée précise de cette répartition, sans doute inégale, entre les différents territoires, en métropole comme en outre-mer.

Vous avez mentionné les investissements en direction du ferroviaire. C’est un sujet dont nous avons débattu juste avant votre audition, dans le cadre d’un contrôle budgétaire sur la situation et les perspectives financières de la SNCF. Les fonds consacrés aux infrastructures de réseau, même s’ils représentent plusieurs milliards d’euros, paraissent insuffisants par rapport aux besoins.

M. Christian Bilhac. – En ce qui concerne l’avenir, la situation actuelle commande la plus grande prudence. Il y a quelques semaines encore, on nous expliquait que tout allait mieux, que le Covid disparaissait, que notre économie se relevait dans les meilleures conditions. Et puis ce qui se passe en Ukraine aura des incidences financières dont nous sommes tous conscients. Dans ce contexte, faire des prévisions relève autant de la voyance que du savoir…

Vous avez insisté sur la nature forcément temporaire de ce plan de relance. Il est vrai qu’il faut concilier la nécessaire relance et le retour aux équilibres budgétaires.

Mais ce plan doit aussi être réactif, efficace. Or nombre de crédits se perdent en route. Ainsi, une part importante de la DSIL exceptionnelle n’a pas été consommée, parce que les communes et intercommunalités ont repoussé leurs travaux, à cause du flou sur les aides qu’elles pourraient obtenir – elles n’avaient de réponse qu’après le vote de leur budget.

J’ai également en tête un exemple personnel qui montre qu’il a fallu quatorze mois de rendez-vous et de compléments de dossier pour que, enfin, le dossier d’une rénovation énergétique soit retenu – mais pas encore approuvé. Il y avait de quoi devenir fou !

Il faut des contrôles, car l’État doit savoir où va l’argent ; mais entre contrôler et imposer des parcours du combattant, il y a un juste milieu à trouver.

M. Rémi Féraud. – En matière de territorialisation, l’information n’est pas la concertation. À Paris, le préfet de région nous réunit régulièrement par visioconférence, mais ce n’est pas de la concertation, plutôt de l’information. C’est mieux que rien, mais on est loin, très loin de la décentralisation. N’était-il pas possible qu’une part de ce plan soit vraiment décentralisée, notamment au niveau des régions ?

Par ailleurs, vous expliquez qu’il est difficile, aujourd’hui, d’apprécier le plan de relance dans son ensemble, faute d’information complète et détaillée. Mais pourra-t-on le faire un jour ?

En matière de contractualisation, le sentiment existe que c’est un peu à la tête du client. L’État a-t-il défini des critères objectifs ? Je n’ai pas eu ce sentiment.

Un bilan complet de la territorialisation est pourtant nécessaire, car il y va de l’égalité sur le territoire.

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