Ce sont des démarches volontaires. M. Patrick Eveno, que vous avez entendu, mettait en garde sur les réserves qu'aurait certainement le Conseil constitutionnel sur la création d'un statut juridique des rédactions. Ce sujet pose de redoutables défis juridiques, notamment constitutionnels comme je le disais. Il mérite études et consultation d'experts. En revanche, les rédactions peuvent s'organiser en tant que société civile ou association de type loi 1901 afin d'exercer des droits collectifs, notamment des actions en justice ou de se porter acquéreurs de parts de sociétés. Il existe déjà des outils dont les rédactions peuvent se saisir. Le droit d'agrément des actionnaires existe déjà dans l'article 4 de la loi du 1er août 1986. Il ne concerne que les sociétés par actions et il n'est pas très opérant puisque les administrateurs sont par définition nommés par les actionnaires réunis en assemblée générale. Cela reflète donc la façon dont les titres de presse sont détenus.
Faut-il réfléchir à une modification, à une évolution du dispositif, par exemple en rendant obligatoire la clause d'agrément par les sociétés de nouveaux entrants, clause qui peut déjà exister mais de façon volontaire dans les statuts ? Là encore, ce sujet pose de redoutables questions juridiques qu'il convient d'expertiser.
Enfin, l'agrément par la rédaction de son directeur me semble incompatible avec le droit légitime de l'actionnaire. Il peut être mis en place de façon volontaire mais l'imposer par la loi nous mettrait juridiquement en risque. Je rappelle un principe fondamental : les journalistes ont le droit de ne pas être d'accord avec la ligne éditoriale. C'est pour cette raison que la loi leur octroie ce privilège un peu particulier par rapport aux autres salariés de la clause de conscience, doublée de la clause de cession. Par ailleurs, si les médias ne sont pas des entreprises comme les autres, ce sont quand même des entreprises qui ont besoin de capitaux et d'investisseurs. Au cours de vos auditions, des intervenants ont relevé que certaines propositions seraient décourageantes pour un investisseur, même bien avisé.
Les journalistes doivent cependant être protégés de l'ingérence éditoriale pour des motifs économiques ou idéologiques. La loi Bloche a renforcé la loi du 30 septembre 1986 et il y a déjà des dispositifs de protection. Je rappelle que la réglementation interdit toute confusion entre publicité et rédactionnel, dans la presse comme dans l'audiovisuel.
Nous n'avons eu de cesse que de renforcer la place des journalistes. J'ai confié une mission de réflexion à Laurence Franceschini. À la suite du rapport qu'elle m'a remis, nous avons modifié un certain nombre de critères d'accès aux aides. Les critères d'éligibilité aux aides à la presse ne comportaient pas jusque-là d'exigences relatives à la présence de journalistes dans les rédactions. Le décret du 21 décembre dernier conditionne désormais les aides fiscales et postales à la présence de journalistes professionnels dans les rédactions et renforce les obligations d'identification de la publicité pour une meilleure transparence de l'information.
Je m'interroge vraiment sur la faisabilité d'un statut des rédactions au regard de la constitution.