Intervention de Roselyne Bachelot

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 23 février 2022 à 16h45
Audition de Mme Roselyne Bachelot ministre de la culture

Roselyne Bachelot, ministre :

À ce jour les opérations de fusion dans le secteur de l'édition littéraire ne font l'objet d'aucun encadrement sectoriel et relèvent exclusivement du droit de la concurrence. Devons-nous nous doter de règles sectorielles ? Cette question me paraît légitime et je souhaite y travailler même si elle soulève des problèmes ardus sur le plan juridique. Il faut trouver la base constitutionnelle qui permettrait un tel encadrement. Les règles anti-concentration dans le secteur des médias sont fondées sur un objectif constitutionnel de pluralisme des courants de pensée et d'opinion. Or, il n'est pas contestable que l'édition littéraire ou au moins une partie de celle-ci participe au pluralisme des courants de pensée et d'opinion.

Je veux également insister sur la protection des auteurs face à ces opérations de concentration parce que ce sujet a été évoqué lors de vos auditions. Je rappelle que le droit de la concurrence n'est pas indifférent à cette question. Le projet de rachat du grand éditeur américain Simon & Schuster par Penguin Random House, c'est-à-dire Bertelsmann est actuellement bloqué par l'autorité fédérale de la concurrence, notamment au nom de la défense des intérêts des auteurs. J'ai pris note avec intérêt de la proposition de la Société des gens de lettres (SGDL) d'une clause de conscience pour les auteurs inspirée de celle dont bénéficient les journalistes. C'est une piste intéressante qui mérite d'être approfondie parce que les deux situations ne sont pas strictement comparables. Dans le cas des journalistes, seuls les contrats de travail sont mis en cause et l'entreprise de presse peut continuer à exploiter les articles des journalistes, tandis que pour les auteurs, la résiliation du contrat d'édition emporterait restitution des droits cédés à l'éditeur, qui constituent des actifs de son entreprise, sans qu'aucun manquement à ses obligations légales n'ait été constaté. Un tel mécanisme pourrait avoir de lourdes conséquences sur le modèle économique des maisons d'édition et créerait évidemment une forte insécurité juridique et économique à l'occasion d'un changement de contrôle, en fragilisant les actifs de l'entreprise.

Je rappelle qu'un auteur peut déjà obtenir la résiliation de son contrat devant un juge si la cession porte un préjudice grave à ses intérêts moraux comme l'a montré la cession du Serpent à plumes aux éditions du Rocher.

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