Je dirige le groupe TF1 depuis six ans ; je le connaissais bien puisque dès 2009, Martin Bouygues m'avait demandé de siéger à son conseil d'administration. J'ai dirigé auparavant d'autres grandes entreprises telles que Disneyland Paris, Bouygues Telecom et Accor.
Le groupe TF1 réunit plus de 3 600 collaborateurs dans neuf pays. Nos investissements annuels dépassent 400 millions d'euros par an dans la création, environ 60 millions d'euros dans le sport et environ 135 millions d'euros dans l'information. Le coût total de la grille est d'un milliard d'euros.
Nos résultats 2021, très bons, sont le fruit d'une transformation continue de notre modèle économique ces cinq dernières années, dans un monde où la consommation des contenus évolue chaque jour. Nous essayons de rassembler les Français, de créer du lien social tout en gardant notre identité.
En traitant des enjeux de notre société, en proposant des divertissements familiaux, nous avons créé des rendez-vous populaires et même contribué à replacer la fiction française au sein des meilleures audiences de l'année. Nos antennes proposent également de grands rendez-vous sportifs féminins, avec l'Euro de football en juillet ou la Coupe du monde de rugby en fin d'année, et masculins, avec la Coupe du monde de football en fin d'année et la Coupe du monde de rugby en 2023.
Pour ce qui est de l'information, nos rédactions professionnelles indépendantes proposent des grands rendez-vous très variés, avec les JT du 13 heures et du 20 heures, des magazines et l'information en continu sur LCI. Nous dédions une équipe à la lutte contre les fake news, notamment à destination des jeunes.
Nous devons nos très bons résultats d'audience, face à la montée des réseaux sociaux, à nos plus de 430 journalistes qui travaillent sur nos contenus, désormais disponibles en replay sur MYTF1, notre plateforme de streaming. Avec 27 millions d'inscrits et 2,7 milliards de vidéos vues, c'est la première plateforme de replay en France, aux côtés de Salto, que nous partageons avec France Télévisions et M6.
Je souhaite enfin saluer le succès de Newen Studios, notre filiale de production, qui emploie plus de 600 salariés dans neuf pays.
C'est dans ce contexte que nous avons annoncé l'an dernier le projet de fusion des groupes TF1 et M6, opération inédite à l'aune des mutations de notre secteur, car les Français n'ont jamais bénéficié d'une offre aussi large.
Les investissements des plateformes, accessibles en un seul clic sur les télécommandes, donnent le vertige. Les huit premiers groupes américains investissent 115 milliards de dollars de dépenses pour les films et les émissions de télévision sur l'année qui vient. Aussi, les acteurs nationaux doivent défendre des projets ambitieux pour préserver un modèle garantissant notre souveraineté culturelle. Ce projet de fusion en est un. La mise en vente du groupe M6 est une opportunité historique. Depuis quelques années, nous étions convaincus, avec Nicolas de Tavernost, de la nécessité de consolider notre secteur. Je suis fier que le groupe TF1, soutenu par son actionnaire Bouygues, soit l'initiateur d'une telle opération, car ma responsabilité de chef d'entreprise est d'intégrer les ruptures qui pourraient affecter la pérennité de notre modèle.
L'évolution des modes de consommation des contenus fait baisser nos audiences. La durée d'écoute individuelle (DEI) par jour baisse de manière continue : elle est de moins de trois heures pour les 25-49 ans, quand les autres usages comme la SVOD, à 46 minutes, ne cessent de progresser.
Les plateformes internationales, avec leurs capacités financières presque illimitées, créent une spirale inflationniste. Elles mettent en place des stratégies locales en réservant les talents et en verrouillant les droits. Elles ont récemment investi de nouveaux territoires, tels que le sport et le spectacle vivant.
Dans le digital, les investissements technologiques sont capitaux. Puisque l'expérience du consommateur est la clé de sa satisfaction, la connaissance de ses goûts et de ses comportements par l'intelligence artificielle est cruciale.
Les acteurs locaux ont besoin de plus de moyens pour rester compétitifs dans la création comme dans la technologie.
J'entends certains dire que notre projet serait défensif, car nous serions trop petits face aux géants américains. Leurs investissements dans la création française, d'environ 300 millions d'euros, seront inférieurs à ceux de TF1 et de M6 cumulés. C'est bien sur les contenus locaux que nous voulons les concurrencer. Par ailleurs, nous resterons les principaux partenaires de la création française.
Pour d'autres, nous serions trop gros. Côté publicité, les annonceurs souhaitent-ils une alternative réelle aux Gafam et à leurs trois grandes régies publicitaires qui dominent la publicité digitale mondiale ? Côté producteurs, après une grande concentration, Mediawan regroupe plus de vingt sociétés de fiction française. Le groupe Banijay Endemol Shine, dans le divertissement, s'est lui aussi consolidé.
Enfin, je tiens à rappeler que le futur groupe sera plus petit que France Télévisions. On est très loin du géant décrit.
TF1 est une entreprise unique en Europe. C'est ce qui pousse le groupe Bouygues à réinvestir. Nous pensons sincèrement que l'intérêt du public est d'avoir, aux côtés d'un service public puissant, un groupe audiovisuel capable de continuer à faire vivre la marque de fabrique française dans le monde de la création culturelle.
Nous faisons entièrement confiance aux autorités qui analysent notre dossier.