Intervention de Arnaud Lagardère

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 17 février 2022 à 14h30
Audition de M. Arnaud Lagardère président-directeur général du groupe lagardère

Arnaud Lagardère, président-directeur général du groupe Lagardère :

Je vous remercie pour vos propos, d'autant que je les entends rarement. J'aurais pu céder ce groupe mille fois, à différentes personnes qui me proposaient des sommes très importantes. Je serais probablement moins heureux aujourd'hui, mais à la tête d'une fortune plus importante. J'ai décidé en 2006 de tout miser sur l'entreprise. Je me suis endetté à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros et j'en ai racheté les titres. Ce n'était peut-être pas le bon moment, puisqu'ils étaient à 60 euros, alors qu'aujourd'hui ils sont redescendus à 24. Je croyais et crois toujours en cette entreprise. Ce choix de l'entreprise, de l'héritage, c'est ainsi que je le conçois. Il est vrai que j'ai beaucoup lu, et cela m'attriste, qu'une certaine France n'aime pas les héritiers. Je me souviens de la phrase de mon père qui me disait toujours, alors que les réseaux sociaux n'existaient pas encore, « ne bâtis jamais ton bonheur et ton équilibre personnel et professionnel à travers le regard des autres », principe qu'il a toujours respecté. Il a été traité de tous les noms, avant que, subitement le 14 mars 2003, jour de son décès, il devienne l'immense industriel que j'ai pour ma part toujours connu et qu'il a toujours été. Ce sont des réalités connues, propres à la vie des chefs d'entreprise, des hommes politiques, des sportifs.

Le pluralisme n'est pas uniquement incarné par les journalistes, mais aussi par les invités qui s'expriment. Nous n'avons jamais interdit la venue de qui que ce soit sur Europe 1, au Journal du Dimanche ou à Paris Match, et nous ne le ferons jamais. C'est un reproche qu'on ne peut pas nous faire. Je regrette en outre qu'on nous le concède aujourd'hui en ajoutant que ce ne sera bientôt plus le cas et que je suis dans le déni. Nous sommes à des années-lumière de la réalité. Cette idée m'attriste malgré tout, mais ne me rend pas aigri. L'ambition est toujours là et le pluralisme demeurera, je n'en doute absolument pas. J'ai confiance en mes amitiés de trente ans. J'ai eu l'occasion d'échanger avec Vincent Bolloré, qui m'a énormément aidé moralement le jour du décès de mon père. Cela compte. Son soutien témoigne également d'une forme de sincérité. Il a fait des choses qu'il n'était pas obligé de faire, de façon désintéressée, et j'ai donc une totale confiance en lui. J'espère que cette commission reverra le jour dans quelques années et que nous pourrons en reparler, non pas en nous appuyant sur des prédictions, mais sur des constatations de ce qui se sera réellement passé, dans les faits, contrairement à ce que certains médias d'opinion imaginent.

J'ai commis énormément d'erreurs, mais mes équipes m'ont souvent rattrapé. Si je devais un jour laisser un tel héritage, dont les deux branches, surtout celle du livre, se trouveraient à la première place mondiale, je ferais fi des critiques. Je me dirais que c'est la vie, que c'est normal. Je ne ferais pas ce métier s'il ne me passionnait pas, et je ne le ferais pas en France. Un tel accomplissement est magnifique. C'est dommage que vous n'ayez pas été là en 2003, l'année du décès de mon père, alors que l'on trouvait déjà que cette idée de réduire la taille du groupe pour le faire grandir à nouveau était une évidence. Nous ne serions nulle part aujourd'hui si nous avions conservé ce conglomérat, cet empire, qui a été soi-disant détruit. Hachette serait dilapidé, le travel retail n'existerait pas. Quant à nos médias, je ne sais pas où ils seraient.

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