Intervention de David Assouline

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 18 février 2022 à 9h30
Audition de M. Martin Bouygues président de bouygues

Photo de David AssoulineDavid Assouline, rapporteur :

Nous nous acheminons vers la fin de cette audition. J'ai deux questions et une remarque. Je suis frappé par la férocité de la concurrence, par exemple entre vous et M. Niel, et par la férocité des mots, des reproches ou des sous-entendus, car vous voyez bien que l'objet principal du débat sur la concentration que vous initiez consiste à faire face aux plates-formes étrangères en unifiant un peu les grands acteurs français. On se rend compte que cela ne fait nullement trembler les plates-formes étrangères mais que la perspective d'émergence d'un nouveau grand acteur suscite surtout des craintes à l'intérieur.

Je rappelle que la principale concurrence, pour les grandes plates-formes, pourrait porter sur les capacités capitalistiques d'investissement, l'argent constituant le nerf de la guerre dans ces domaines où les investissements sont très coûteux. Pour le seul acteur Netflix, on évalue ces investissements à 17 milliards d'euros par an. L'entité que vous souhaitez créer se situerait au niveau de 1,3 milliard d'euros par an. Si l'on considérait l'ensemble des acteurs du secteur, on pourrait estimer le volume total d'investissement du secteur à près de 100 milliards d'euros par an. Je mentionne ces chiffres pour pondérer la nécessité de la fusion. Je ne suis pas un décideur en la matière mais il me paraît utile de ramener les choses à leur juste proportion.

Je voudrais revenir sur la question de l'indépendance des rédactions et de la spécificité du champ médiatique lorsqu'il est question de pluralisme, d'indépendance et de liberté. Il est reconnu que les rédactions de TF1 et LCI sont des rédactions solides, professionnelles, qui travaillent de façon tout à fait efficace. Il n'y a pas là de polémique comme il peut y en avoir avec d'autres groupes, notamment dans celui de M. Bolloré. Cela dit, vous ne répondez pas complètement à la question. Vous assurez que vous n'intervenez jamais. Nous savons néanmoins qu'un nuage peut planer au-dessus des rédactions et se traduire par une forme d'autocensure, lorsqu'un propriétaire a d'autres activités.

On m'a par exemple alerté sur des circonstances à propos desquelles j'aimerais avoir votre réaction. Le groupe Bouygues a été définitivement condamné, le 12 janvier 2021, pour recours au travail dissimulé sur le chantier de l'EPR de Flamanville. L'affaire n'est pas anecdotique puisque selon l'ancien directeur du travail Hervé Guichaoua, l'Etat estime avoir perdu au moins 10 à 12 millions d'euros de cotisations sociales non versées. Aucun média du groupe TF1 n'a évoqué ce sujet. On peut se dire que vous n'avez probablement passé aucun coup de téléphone pour demander aux rédactions de ne pas traiter ce sujet. On peut aussi penser que celles-ci vont peut-être d'elles-mêmes rester à l'écart de certains sujets touchant à vos activités. Le problème ne se résume pas à savoir si M. Niel a l'occasion ou non de s'exprimer sur TF1. Il s'agit d'un risque structurel. Dès lors que des activités industrielles importantes touchent à de multiples choses dans notre pays, la façon de traiter les informations relatives à ces activités, pour un groupe dont le propriétaire est responsable de ces activités, constitue un sujet, indépendamment de vous et de votre volonté d'intervenir. Avez-vous quelque chose à dire sur ce cas particulier ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion