Monsieur le président, Madame la rapporteure, Mesdames, Messieurs les sénateurs, vous m'invitez aujourd'hui à un exercice de transparence démocratique. C'est évidemment bien volontiers que je m'y soumets.
Je comprends du travail de la commission que vous cherchez à faire toute la lumière sur la manière dont l'État recourt pour répondre à ses besoins, y compris en temps de crise, à des prestations intellectuelles fournies par des conseils privés. Cela rentre évidemment dans les attributions du Parlement. J'espère contribuer à cette mission dans le cadre des attributions qui sont les miennes.
Il me semble toutefois important à ce titre de commencer par préciser quelles sont mes attributions, définies par le décret du 14 août 2020.
En tant que secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, je suis, comme vous le savez, placé auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Pour le compte du ministre de l'économie, des finances et de la relance, je traite des questions relatives à la souveraineté numérique, au développement de l'économie numérique et des technologies numériques, à la transformation numérique des entreprises et aux communications électroniques.
À ce titre, je veille notamment au développement des entreprises et des acteurs français du numérique. Je promeus les actions propres à accélérer la transformation numérique de notre économie. Je participe à l'élaboration du cadre juridique relatif au numérique, aux technologies d'avenir et aux plateformes à l'échelle nationale, européenne et internationale. Je participe également à la mise en oeuvre du programme des investissements d'avenir dans le domaine du numérique. Je traite des questions relatives à la promotion et à la diffusion numérique, à la gouvernance d'internet, aux infrastructures, équipements, services, contenus et usages numériques, ainsi qu'à la sécurité des échanges des réseaux et des systèmes d'information. Je contribue enfin à l'action du Gouvernement en matière de transition écologique, de souveraineté technologique et d'éthique.
Pour le compte de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, je participe à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière de transition numérique des territoires.
Je pilote, à ce titre, le déploiement des infrastructures numériques et promeus une meilleure accessibilité aux services numériques. Je mets ainsi en oeuvre la politique d'inclusion numérique du Gouvernement visant à garantir l'accès et l'appropriation par l'ensemble de la population et dans tous les territoires des usages et services numériques.
J'ai fait cette description en plein parce qu'elle recouvre une description en creux : au regard de mes attributions - vous avez, je crois, auditionné il n'y a pas très longtemps ma collègue Amélie de Montchalin -, je n'exerce pas de compétences pour le développement du numérique au sein de l'État. Cette mission est dévolue à la ministre de la transformation et de la fonction publiques, qui promeut les actions propres à accélérer la transformation du numérique de l'État.
Il peut bien évidemment y avoir une forme d'adhérence, par exemple lorsque nous développons une politique de cloud, mais la supervision de la direction interministérielle du numérique (Dinum), a fortiori la supervision de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), le travail de sous-traitance supervisé le cas échéant par la Dinum en matière de développement informatique ne sont pas dans ma responsabilité ministérielle. Nous travaillons ensemble, avec Amélie de Montchalin, mais c'est elle qui en exerce la responsabilité.
Ce long préambule ayant été fait, je souhaite saisir l'occasion que vous m'offrez aujourd'hui pour dire quelques mots afin d'éclairer le recours aux cabinets de conseil par l'administration, qui, comme vous le savez, est encadré par la circulaire du Premier ministre du 19 janvier dernier.
Vous avez eu, je crois, l'occasion d'en discuter lors de vos auditions avec des personnes qui ont plus de responsabilités ministérielles que moi en la matière. L'objectif de cette circulaire est de s'assurer que les prestations de conseil soient utilisées conformément au cadre réglementaire, mais également à bon escient, c'est-à-dire pour renforcer la capacité d'action de l'État à un moment donné sur un sujet nécessitant une expertise particulière et en appui aux agents publics.
Il n'y a pas, je crois, de doutes sur le fait que les cabinets de conseil peuvent constituer une ressource utile pour multiplier l'action des agents dans un certain nombre de cas, notamment trois.
Premièrement, pour faire face à un besoin en compétences expertes à un moment donné. Dans ce cas, l'accompagnement peut couvrir plusieurs étapes du diagnostic et la mise en oeuvre du changement. Mais il appartient toujours à l'administration de prendre des arbitrages sur les propositions formulées par les cabinets de conseil.
Deuxièmement, pour faire face à un projet limité dans le temps et que les équipes ne peuvent pas intégrer complètement. L'exemple typique est le recours au conseil pour des prestations informatiques en lien avec des compétences rares et utiles, uniquement ponctuellement.
Troisièmement, pour disposer d'un regard extérieur affûté sur des situations comparables dans d'autres environnements. Il peut s'agir de prestations d'expertise pour des besoins d'analyses comparatives avec d'autres entités du secteur public, du secteur privé ou à l'étranger dont l'administration ne dispose pas toujours. Les cabinets de conseil qui interviennent chez des clients variés peuvent disposer plus aisément des éléments comparatifs.
Plus généralement, un regard externe est souvent indispensable pour aider à concevoir et à mettre en oeuvre une transformation. Les cabinets de conseil disposent de compétences et de méthodes éprouvées dans ces domaines. Ce sont des compétences qui sont parfois rares - nous y reviendrons peut-être - et qui sont utiles, en appui des compétences propres de l'administration : DITP, inspections générales, etc.
Comme nous traitons là du sujet de la donnée, qui, je le sais, vous intéresse, je vous propose de conclure mon propos avec quelques éclairages en la matière, du point de vue de la puissance publique.
Les cahiers des charges des marchés publics, tout particulièrement dans le domaine des prestations intellectuelles, prévoient des clauses pour encadrer la propriété intellectuelle, soit de manière spécifique au marché, soit en référence au cahier des clauses administratives générales dédié aux prestations intellectuelles. Le non-respect de cette obligation est sanctionné par la résiliation pour faute du titulaire, en application de ce cahier des charges.
Ce sont les administrations qui contrôlent les données transmises, souvent d'ailleurs après un premier retraitement pouvant amener à les anonymiser ou, en tout cas, à les agréger. Les cabinets de conseil ne peuvent pas réutiliser ces données à des fins commerciales pour d'autres études.
Les données transmises sont donc protégées par les dispositifs contractuels. Il est en outre de plus en plus souvent demandé, conformément au plan achats de l'État, que les données soient hébergées sur des serveurs basés en France ou dans l'Union européenne. Cet élément est d'ailleurs repris dans la récente circulaire évoquée par Amélie de Montchalin. Des clauses de sécurité peuvent également être intégrées pour protéger ces données du risque cyber.
Dans les questions préliminairement transmises, vous m'avez posé un certain nombre de questions sur les cabinets de conseil. En l'espèce, je pense qu'ils sont les plus à même de vous expliquer comment ils sont organisés pour pouvoir proposer rapidement des prestations dans ce cadre.
Je me bornerai à constater que les cabinets s'appuient sur des travaux préparatoires sur lesquels ils peuvent capitaliser, réalisent eux-mêmes des benchmarks à partir de leur réseau international ou en faisant appel à des prestataires et ont de puissantes capacités d'analyse des données ouvertes. Celles-ci constituent déjà une source très importante d'information.