La Haute Assemblée s’est saisie de la question du mal-être au travail à la suite d’une série de drames survenus dans plusieurs grandes entreprises de taille internationale.
Il aura malheureusement fallu ces drames pour que la question du mal-être au travail cesse d’être considérée comme une simple conséquence du harcèlement individuel.
Il est désormais démontré que certaines méthodes de management sont susceptibles, par leur brutalité psychique, la pression exercée, l’isolement des salariés, en un mot la négation de toute humanité, de provoquer des troubles graves, à la fois sur le plan moral et sur le plan physique.
Notre législation n’avait pas, quand elle a été élaborée, prévu ces situations, et ce pour deux raisons, me semble-t-il.
Notre structure de production, essentiellement industrielle, était constituée de grandes unités regroupant un nombre important de salariés. Les processus de production, souvent tayloriens, et les rapports avec la hiérarchie étaient certes durs, mais clairement définis. La solidarité dans le travail et aussi dans la revendication, chers collègues, fonctionnait.
Notre économie a connu une mutation considérable, passant de la domination industrielle à la prépondérance des services. Les structures de production et de solidarité ont éclaté. La précarité s’est développée. C’est la concurrence de tous contre tous qui est érigée en principe et en mode de gestion, comme si cela était inévitable. La mondialisation en est à la fois la cause et le prétexte.
Nous avons donc vu apparaître des méthodes d’organisation du travail et de gestion du personnel importées des pays anglo-saxons. Elles ont heurté de plein fouet nos traditions, nos méthodes et nos valeurs et ont provoqué les désastres que j’ai évoqués.
Notre collègue Gérard Dériot, au nom de la mission sénatoriale d’information sur le mal-être au travail, a signé un rapport dans lequel sont formulées plusieurs propositions relatives au management. Nous avons adopté ce rapport à l’unanimité ; ces propositions sont donc les nôtres.
Nous ne sommes pas là dans le cadre de la pénibilité telle que vous l’entendez, c’est-à-dire le risque professionnel causé par des critères matériels et mesurables. Et vous avez raison. Le mal-être au travail n’entre pas dans la pénibilité, mais il est de la responsabilité de l’employeur, en application des mêmes dispositions du code du travail, de veiller à ce que la santé mentale et physique des salariés ne soit pas menacée.
Il nous paraît donc indispensable que notre droit prenne en compte l’introduction de ces modes de production éclatés et les modes de gestion du personnel qui leur ont été associés, et dise clairement que de telles pratiques sont interdites sur notre sol. Nous aurons l’occasion d’y revenir.