La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 25 bis.
(Non modifié)
Le 1° de l’article L. 4121-1 du même code est complété par les mots : « et de la pénibilité au travail ».
Par cet article, vous introduisez dans le code du travail la notion de pénibilité au travail, mais vous ne prenez en compte que l’invalidité constatée. Pour intervenir, vous attendez donc que les salariés soient « cassés » par le travail.
La pénibilité au travail est un problème de société qui tend à s’étendre. Selon l’enquête SUMER – surveillance médicale des risques – de 2002-2003, la proportion de salariés exposés à au moins une pénibilité physique, en France, se situe à 56 %, toutes durées hebdomadaires d’exposition confondues – moins de deux heures à plus de vingt heures –, soit 9 800 000 salariés. En intégrant le critère de cumul de pénibilités physiques, 4 % des salariés, soit 700 000, cumulent au moins deux pénibilités physiques, dont la durée d’exposition est, pour chacune, supérieure ou égale à vingt heures par semaine. Et la liste des statistiques pourrait être longue dans le domaine.
Trois facteurs sont généralement retenus pour définir la notion de pénibilité : le travail de nuit, qui est une des premières causes de vieillissement prématuré ; le travail à la chaîne et le déplacement de charges lourdes, qui provoquent des troubles physiques aux conséquences souvent irréversibles ; l’exposition à des produits toxiques comme l’amiante, qui est à l’origine de nombreuses maladies et de multiples cancers.
Les emplois évoluent et un métier jugé pénible il y a cinquante ans peut l’être un peu moins aujourd’hui. Dans le même temps, avec l’émergence de certains nouveaux emplois, de nouvelles formes de pénibilité sont apparues. Par exemple, avec la généralisation du travail de bureau sur ordinateur, de nouveaux troubles musculo-squelettiques ont été constatés, entraînant parfois une véritable détérioration physique.
Comme l’a montré la commission des affaires sociales dans le rapport qu’elle y a consacré, le mal-être progresse sous l’effet des mutations du monde du travail. Le stress, la pression, voire le harcèlement au travail sont à l’origine de troubles psychosociaux dont l’impact sur la santé est perceptible, même s’il est difficilement évaluable.
Depuis le début de l’examen de ce projet de loi, monsieur le ministre, vous vous gargarisez du fait que la pénibilité est enfin prise en compte.
M. le ministre lève les yeux au ciel.
Par ailleurs, vous demandez aux employeurs de mettre en place des actions de prévention de la pénibilité sans donner les moyens à l’inspection du travail de contrôler la pertinence des mesures et leur application.
Ce volet préventif est essentiel et efficace, mais votre texte ne prévoit aucune obligation pour l’employeur et on a bien l’impression qu’il ne comportera finalement que peu d’avancées, comme dans le domaine social.
La Haute Assemblée s’est saisie de la question du mal-être au travail à la suite d’une série de drames survenus dans plusieurs grandes entreprises de taille internationale.
Il aura malheureusement fallu ces drames pour que la question du mal-être au travail cesse d’être considérée comme une simple conséquence du harcèlement individuel.
Il est désormais démontré que certaines méthodes de management sont susceptibles, par leur brutalité psychique, la pression exercée, l’isolement des salariés, en un mot la négation de toute humanité, de provoquer des troubles graves, à la fois sur le plan moral et sur le plan physique.
Notre législation n’avait pas, quand elle a été élaborée, prévu ces situations, et ce pour deux raisons, me semble-t-il.
Notre structure de production, essentiellement industrielle, était constituée de grandes unités regroupant un nombre important de salariés. Les processus de production, souvent tayloriens, et les rapports avec la hiérarchie étaient certes durs, mais clairement définis. La solidarité dans le travail et aussi dans la revendication, chers collègues, fonctionnait.
Notre économie a connu une mutation considérable, passant de la domination industrielle à la prépondérance des services. Les structures de production et de solidarité ont éclaté. La précarité s’est développée. C’est la concurrence de tous contre tous qui est érigée en principe et en mode de gestion, comme si cela était inévitable. La mondialisation en est à la fois la cause et le prétexte.
Nous avons donc vu apparaître des méthodes d’organisation du travail et de gestion du personnel importées des pays anglo-saxons. Elles ont heurté de plein fouet nos traditions, nos méthodes et nos valeurs et ont provoqué les désastres que j’ai évoqués.
Notre collègue Gérard Dériot, au nom de la mission sénatoriale d’information sur le mal-être au travail, a signé un rapport dans lequel sont formulées plusieurs propositions relatives au management. Nous avons adopté ce rapport à l’unanimité ; ces propositions sont donc les nôtres.
Nous ne sommes pas là dans le cadre de la pénibilité telle que vous l’entendez, c’est-à-dire le risque professionnel causé par des critères matériels et mesurables. Et vous avez raison. Le mal-être au travail n’entre pas dans la pénibilité, mais il est de la responsabilité de l’employeur, en application des mêmes dispositions du code du travail, de veiller à ce que la santé mentale et physique des salariés ne soit pas menacée.
Il nous paraît donc indispensable que notre droit prenne en compte l’introduction de ces modes de production éclatés et les modes de gestion du personnel qui leur ont été associés, et dise clairement que de telles pratiques sont interdites sur notre sol. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
M. Thierry Repentin applaudit.
L’article L. 4121–1 du code du travail rappelle, en matière de sécurité et de prévention des risques professionnels, les obligations principales des employeurs du point de vue de la santé de leurs salariés :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
« Ces mesures comprennent :
« 1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
« 2° Des actions d’information et de formation ;
« 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
« L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes. »
Il nous est proposé d’ajouter à la prévention des risques professionnels celle de la pénibilité du travail. Nous pourrions nous interroger : sommes-nous encore dans le débat sur la réforme des retraites ou sommes-nous en train de récrire les articles génériques du code du travail, articles au demeurant relativement clairs dans leur rédaction actuelle ?
Poser la question est toutefois y répondre par avance, puisque certains de nos collègues du côté droit de l’hémicycle ont déposé un amendement de suppression de cet article en arguant du fait que la pénibilité étant une notion relativement évolutive, il semble difficile d’imposer aux employeurs de la prévenir.
La pénibilité sur le fond procède de trois catégories de problèmes et de douze critères différents.
Ce sont les contraintes physiques – manutention et port de charges lourdes ; contraintes posturales et articulaires ; vibrations –, un environnement agressif – exposition à des produits toxiques, cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques ; exposition aux poussières et fumées ; exposition à des températures extrêmes et aux intempéries ; exposition aux bruits intenses ; les rayonnements ionisants –, les contraintes liées aux rythmes de travail – travail de nuit ; travail alterné, décalé, travail posté en discontinu, travail par relais en équipe alternante ; longs déplacements fréquents ; gestes répétitifs, travail de chaîne, cadences imposées.
Cela constitue à nos yeux une première base de réflexion. Mais la question qui nous est posée est cependant doublée par les formes nouvelles de la pénibilité, fondées notamment sur la pression du résultat, les contraintes psychologiques, tout ce qui peut procéder du harcèlement moral du salarié et qui n’a parfois que des effets de caractère psychosomatique.
De plus, l’un des problèmes posés par la pénibilité réside dans le fait que ses effets se font parfois ressentir bien après l’exposition à tel ou tel facteur aggravant de la difficulté des conditions de travail.
Le scandale de l’amiante a suffisamment montré, de ce point de vue, comment les salariés sérieusement exposés au matériau avaient découvert, bien souvent des années après, les affections dont ils étaient atteints.
Enfin, on peut se demander, à ce stade du débat, si le texte ne devient pas une sorte de DDOS puisqu’il entretient une regrettable confusion entre amélioration nécessaire des conditions de travail et droit à la retraite.
Sommes-nous en train de faire comme si l’action nécessaire contre la détérioration des conditions d’exercice de telle ou telle profession n’avait de sens que lorsque les salariés approcheraient de la retraite, alors même que la lutte contre la pénibilité commence peut-être dès l’embauche de l’apprenti ?
L’article 25 bis renforce, et je m’en réjouis, les obligations de l’employeur en matière de prévention de la pénibilité au travail.
Chacun sait que les situations de pénibilité naissent aussi des conditions de travail et de l’organisation de celui-ci. Or ce domaine reste de la responsabilité de l’employeur. De ce point de vue, il s’agit en effet d’une avancée.
Toutefois, cet article demeure incomplet et imprécis, tout simplement parce qu’il s’adosse à une définition de la pénibilité sur laquelle je souhaite revenir, même si elle a alimenté notre débat de tout à l’heure, car elle est à nos yeux est trop restrictive et source d’injustice.
Certes, les salariés en situation d’usure professionnelle et dont l’incapacité physique constatée lors d’une visite médicale est supérieure ou égale à 20 % pourront partir à 60 ans. Mais la pénibilité constatée au cas par cas se confond, nous l’avons dit, avec le handicap constaté.
Or le fait de demander à un salarié de prouver à un médecin qu’il souffre et que ses moyens physiques sont diminués afin de pouvoir faire valoir son droit à partir à 60 ans est nécessaire, mais pas suffisant.
Monsieur le ministre, je tiens à nouveau à préciser notre position. Ce que nous récusons, ce n’est pas l’intervention du médecin, contrairement à ce que vous nous avez reproché tout à l’heure ; au contraire, nous y sommes favorables. Ce qui nous paraît contestable, je le répète une nouvelle fois, c’est de limiter la prise en compte de la pénibilité au seul aspect individuel. Les travailleurs confrontés aux situations de pénibilité ont, chacun le sait, une espérance de vie plus courte. Il s’agit donc d’un problème de justice et d’équité.
Il me semble que les négociations interprofessionnelles qui se sont terminées en juillet 2008 ont permis de nous doter d’un certain nombre de critères qui définissent relativement précisément ce qu’est la pénibilité.
Nous sommes, me semble-t-il, en mesure de proposer une véritable définition – et c’est bien le sens de nos propositions – des critères de pénibilité : par exemple, des contraintes physiques, notamment le port de charges lourdes, des contraintes posturales, un environnement agressif, notamment l’exposition à des produits toxiques… Je pourrais prolonger cette liste qui a été remarquablement illustrée tout à l’heure sur le plan humain par notre camarade et ami Thierry Repentin.
Le refus d’identifier l’exposition à certains risques ne résiste pas à l’énumération des conditions dans lesquelles beaucoup de Français exercent leur métier.
La pénibilité est un problème majeur. La représentation nationale a, me semble-t-il, la responsabilité politique d’intégrer la pénibilité non pas au cas par cas et après qu’elle a fait son œuvre, mais de façon collective et juste.
Dans cette perspective, nous proposons, je veux le redire avec force, que toutes les périodes de travail pénible fassent l’objet d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt à la retraite. C’est cela, intégrer la pénibilité dans la retraite ! C’est une mesure de justice sociale pour les quelque deux millions de salariés concernés par des conditions de travail particulièrement difficiles, exposés à des facteurs de risque et pour lesquels, nous ne nous lasserons pas de le répéter, l’espérance de vie est plus courte.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n° 608 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et Beaumont, Mme Hermange et M. Darniche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Dominati.
L’article 25 bis, qui a été ajouté par l’Assemblée nationale, étend le principe de responsabilité de l'employeur, posé par l'article L. 4121-1 du code du travail, en matière de sécurité dans l'entreprise et de santé physique et mentale des travailleurs à la prévention des facteurs de pénibilité. Parmi les mesures nécessaires, cet article institue, à côté des actions de prévention des risques professionnels, des actions de prévention de la pénibilité au travail.
Pourtant, la notion de pénibilité n'est pas encore clairement ni précisément définie. L'article 25 du présent projet de loi renvoie en effet l'identification des facteurs de risques professionnels générant de la pénibilité à un décret ultérieur.
Il est délicat pour le législateur de pouvoir mettre en cause la responsabilité des employeurs à partir d'une notion qui ne sera clairement définie que dans le futur. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé cet amendement de suppression.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement de M. Dominati soulève une question délicate et difficile : d’une part, l’absence de définition juridique de la pénibilité peut, on le comprend, poser un problème ; d’autre part, en tant qu’élus, nous devons donner un signe et montrer tout notre attachement à la lutte contre la pénibilité et à sa prévention. Compte tenu de cette dualité, la commission s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.
Avant de donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement, je tiens à indiquer que le nombre d’inspecteurs du travail a non pas diminué, contrairement à ce qui a été dit à plusieurs reprises par des intervenants, mais au contraire progressé. Il est passé en quatre ans de 1 300 à 2 000 dans le cadre du plan de développement et de modernisation de l’inspection du travail, soit une augmentation de 700 postes.
Monsieur Dominati, je comprends que l’absence de définition de la pénibilité pose un problème juridique, mais je ne suis pas persuadé qu’il suffirait de ne pas intégrer la pénibilité dans le projet de loi pour régler ce problème. Par ailleurs, le champ de l’article L. 4121-1 du code du travail est suffisamment vaste pour l’intégrer.
Nous essayons d’installer l’idée qu’il faut faire de la prévention, lutter contre la pénibilité. L’Assemblée nationale a souhaité inscrire la « pénibilité au travail » dans le projet de loi. Supprimer cette mention ne me paraît pas être un bon signal. Je suis donc plutôt défavorable à cet amendement.
L’objectif de cet article est intéressant. Il s’agit de renforcer les obligations de l’employeur en matière de prévention des risques professionnels et, nouveauté, de pénibilité, avec tout le débat que cela sous-entend.
Mais, une fois encore, on bute sur l’absence de définition de ce qu’est la pénibilité au travail. Comment mettre en place des actions de prévention de la pénibilité si l’on ne sait pas ce qu’est la pénibilité ?
Or, monsieur le ministre, il existe une définition qui fait consensus parmi les partenaires sociaux ; Claude Jeannerot y a fait allusion tout à l’heure. Nous pourrions donc y faire référence.
De plus, cela apporterait un élément de sécurité juridique aux employeurs, qui disposeraient ainsi d’un cadre d’action. Je rappelle que l’article L. 4121-1 du code du travail pose le principe de la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité dans l’entreprise et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs. C’est pour cela qu’il est tenu de prendre : « les mesures nécessaires parmi lesquelles des actions de prévention des risques professionnels » et, désormais, de la pénibilité.
M Dominati s’inquiète, lui aussi, de l’absence de définition de la pénibilité et il en tire la conclusion qu’il faut supprimer l’article 25 bis. C’est une solution de facilité, mon cher collègue. L’adoption d’une telle position constituerait un colossal retour en arrière. Et cela ne constituerait en rien une plus-value pour le présent projet de loi, bien au contraire.
Nous considérons a contrario qu’il faut absolument maintenir cet article et le compléter en donnant une base légale à la définition de la pénibilité. C’est d’ailleurs l’objet de plusieurs de nos amendements portant articles additionnels, qui ne seront examinés qu’à la fin de la discussion.
Nous déposons des amendements visant à insérer des articles additionnels pour essayer de trouver des pistes, pour ouvrir le dialogue, mais leur discussion est reportée à la fin de l’examen des articles, lorsque tout est joué ! Voilà une curieuse façon de dialoguer ! Cette méthode est préjudiciable à la clarté des débats.
Nous en avons une nouvelle preuve avec l’amendement de M. Dominati, car nous considérons que l’article 25 bis ne doit absolument pas être supprimé.
Je serais tenté de suivre mon collègue Jean-Pierre Godefroy : je préférerais que l’examen de cet amendement soit reporté à la fin de la discussion du projet de loi, après que nous aurons vu si nous sommes ou non parvenus à définir la notion de pénibilité.
Il s’agit d’un problème de droit et non pas d’un problème lié à la nature de l’article. En tant que législateur, il m’apparaît dangereux de voter un article dont la portée sera définie par un décret. Si nous adoptions cet article, nous pourrions à l’avenir être amenés à adopter des articles présentant les mêmes failles, ce qui me paraît problématique.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, je souhaite la réserve du vote de cet amendement jusqu’à la fin de la discussion.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
L’article 25 bis est adopté.
Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
(Non modifié)
L’article L. 4612-2 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il procède à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité. »
Cet article est intéressant parce qu’il valorise le rôle du CHSCT, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lequel fait partie des acteurs de prévention qui, au sein de l’entreprise, contribuent à la protection de la santé physique et mentale des salariés. En cela, cet article rejoint l’une des recommandations de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail que j’ai eu l’honneur de présider et dont le rapporteur était Gérard Dériot. Si vous voulez consulter notre rapport sur ce sujet, je vous renvoie à la recommandation n°10.
Je me réjouis de la valorisation des CHSCT, mais il conviendrait toutefois d’aller plus loin, dans ce texte ou dans un autre.
La première chose serait de veiller à ce que les CHSCT soient bien mis en place partout où la loi en fait aujourd’hui obligation. Je vous rappelle que l’article L. 4111-1 du code du travail dispose que la constitution d’un CHSCT est obligatoire dans les établissements et les entreprises occupant au moins 50 salariés. Or il semble que ce ne soit pas toujours le cas.
Il en est de même dans la fonction publique : l’accord conclu en 2009 sur la santé et la sécurité au travail prévoit d’y généraliser les CHSCT, mais, en 2010, on est encore loin du compte.
Je rappelle aussi que, à cet égard, la loi sur le dialogue social a tourné court en ce qui concerne les très petites entreprises, ce qui est regrettable.
J’espère que l’actuelle prise de conscience concernant les problèmes de santé et de sécurité au travail contribuera à lever certaines réticences et permettra d’accélérer le mouvement.
Parmi les recommandations de la mission, la plus importante, me semble-t-il, concerne l’élection directe des membres des CHSCT. Cette mesure leur donnerait plus de visibilité et accroîtrait leur légitimité. En outre, elle donnerait régulièrement l’occasion aux salariés de s’informer et de débattre, au sein de l’entreprise ou des branches, sur les questions de santé et de sécurité au travail. Nous avons déposé un amendement sur ce sujet. J’espère qu’il sera examiné avec bienveillance.
Une deuxième mesure pourrait consister à renforcer les moyens d’action des CHSCT, par exemple en augmentant les délégations horaires des élus ou en dotant chaque comité d’un budget propre. Cela renvoie encore à la recommandation n°10 de la mission d’information sénatoriale sur le mal-être au travail, qui a été votée à l’unanimité des membres de la commission des affaires sociales.
La troisième serait de mieux former les élus au CHSCT, en particulier sur les nouveaux risques pour la santé psychologique des salariés.
La quatrième vise à la création, dans les grandes entreprises, d’un « comité central d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail » ou d’un « CHSCT de groupe », à l’instar du comité central d’entreprise ou du comité de groupe : cela permettrait d’aborder à un niveau adéquat des problèmes de santé au travail qui ne peuvent être traités complètement à l’échelle d’un établissement.
Bien entendu, je n’oublie pas qu’une négociation est actuellement en cours sur une éventuelle réforme des institutions représentatives du personnel. Nous devrions connaître, dans quelques mois, les propositions des partenaires sociaux sur ce thème – nous en avons déjà une petite idée grâce au rapport du Conseil économique, social et environnemental. Sans préjuger du résultat de cette négociation, j’espère, monsieur le ministre, que vous voudrez bien tenir compte de ces premières propositions d’origine sénatoriale.
Monsieur le ministre, mon intervention portera essentiellement sur une question à laquelle j’aimerais que vous me répondiez.
Vous confiez au CHSCT le soin de procéder à l’analyse de l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité. Nous savons que ceux-ci sont multiples et en pleine mutation. Lesquels comptez-vous retenir ?
Je voudrais citer l’exemple d’une entreprise de ma circonscription spécialisée dans la sérigraphie sur matériaux composites. La manipulation de produits dangereux expose les salariés à divers risques ayant des répercussions à plus ou moins long terme sur leur santé. Ainsi, il n’est pas rare que ceux-ci développent des maladies professionnelles telles que des brûlures, des affections articulaires ou des problèmes pulmonaires, tout cela étant amplifié par la pratique d’horaires décalés en 2x8 et en 3x8. Dans cette entreprise, cette situation dure depuis plus de dix ans sans que rien ne soit fait pour y remédier.
Quand bien même l’exposition aux risques serait diagnostiquée et analysée, aucun moyen supplémentaire n’est alloué au CHSCT pour lui permettre de mener à bien cette nouvelle mission. Dans ces conditions, comment pourra-t-il se faire entendre de l’employeur et le contraindre à diminuer les risques sanitaires impliqués par l’exposition des salariés aux facteurs de pénibilité ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 25 ter, qui semble purement rédactionnel, porte sur les compétences des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Nous sommes, là encore, en présence d’une disposition dont on peut se demander si elle a tout à fait sa place dans un projet de loi portant réforme des retraites, sauf à considérer que la raison d’être des CHSCT est de favoriser la préparation à la retraite des salariés des entreprises.
Permettez-moi cependant, mes chers collègues, de souligner ceci : le fait d’inscrire l’analyse de la pénibilité dans le champ de compétences des CHSCT est presque tautologique, tout simplement parce que, dans de nombreuses entreprises, cela fait bien longtemps que ces organismes paritaires se préoccupent de la question et qu’ils recommandent, études et rapports à l’appui, de prendre toutes dispositions en ce sens.
Dans le cadre du rapport de la mission d’information sénatoriale sur le mal-être au travail, nous avions d’ailleurs fait de cette mesure l’une des préconisations essentielles.
Pour autant, nous pourrions nous féliciter de ce qu’une telle disposition soit inscrite dans le texte, quand bien même ne fait-elle que traduire dans le droit ce qui existait déjà dans la vie de nombre d’entreprises, en tout cas de celles qui sont dotées d’un CHSCT, et c’est sans doute de ce point de vue que le bât blesse.
Il va en effet falloir se pencher sérieusement sur la question des entreprises où il y a carence de CHSCT, et, plus encore, de celles qui ne sont pas tenues d’en posséder un, pour cause d’absence d’obligation légale.
Sans doute n’est-ce pas le sujet pour ce jour, puisque cette question procéderait plus d’une réforme du code du travail visant à renforcer les droits et garanties des salariés.
Nous sommes, hélas ! convaincus qu’il faudra un changement de politique suffisamment profond pour qu’une telle éventualité soit rendue possible. Il nous fallait cependant apporter ces précisions au débat.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la première des inégalités est celle de l’âge de la mort. À ce sujet, Mme Parisot a déjà répondu à sa façon, en soulignant à quel point tout est précaire et qu’on ne pouvait, en somme, que s’y résoudre : « La vie est précaire ; la santé est précaire ; pourquoi le travail ne le serait-il pas ? »
Oui, la vie est précaire ; oui, la santé est précaire. C’est pourquoi notre rôle de législateur est de garantir une fin de vie digne et des retraites qui le soient tout autant. Je dis souvent que le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Les retraites aussi !
L’espérance de vie en fonction des professions est une inégalité tangible et quantifiée statistiquement : l’espérance de vie d’un ouvrier est de sept années inférieure à celle d’un cadre.
Or ce projet ne prend aucunement en compte la pénibilité qui est à l’origine de cette inégalité devant la mort. Pis, il fait porter le coût du financement de la réforme sur tous ceux qui ont connu ou connaissent des métiers pénibles. Les ouvriers et les femmes sont ainsi appelés à payer la facture de la crise financière.
Voilà l’injustice. Doit-on s’y résoudre ? Oui, dit le MEDEF ; non, dit la gauche ! Peut-on, doit-on compenser cette inégalité première ? Non, dit ce projet de loi ; oui, dit la gauche !
À votre projet inefficace et cruellement, cyniquement injuste, nous répondons, au parti socialiste, par des propositions ; contrairement à ce que vous dites, nous avons aussi un bilan en la matière.
La loi Fillon sur les retraites de 2003 avait prévu, en son article 12, l’ouverture de négociations sur la pénibilité. Depuis 2005, les partenaires sociaux y travaillent. Une mission d’information parlementaire, confiée à un député de votre majorité, M. Poisson, a notamment examiné cette question.
Toutes ces rencontres, tous ces débats ont abouti à élaborer une définition très précise de la pénibilité intégrant les effets différés : « Il s’agit des expositions qui réduisent l’espérance de vie sans incapacité des travailleurs. » Il convient de souligner les termes « sans incapacité ». Cette définition avait fait l’objet d’un accord avec les partenaires sociaux.
Si les négociations entre partenaires sociaux n’ont pas abouti, ce n’est pas, contrairement à ce que vous laissez entendre, parce que la pénibilité est difficile à définir. Elles n’ont pas été finalisées tout simplement parce que les partenaires n’étaient pas d’accord sur le financement. Cessez de dire, comme je viens de l’entendre de l’autre côté de l’hémicycle, que c’est compliqué, alors que le texte intègre, dans le volet « prévention », les facteurs de pénibilité identifiés !
Les statistiques sur l’espérance de vie montrent, avec certitude, que le lien entre la pénibilité et l’espérance de vie ne peut être appréhendé en fonction des effets immédiats. En retenant le concept d’incapacité, vous faites fausse route.
Vous affirmez qu’avec les carrières longues vous prenez en charge la question de la pénibilité : cela n’a rien à voir !
Vous dites que la pénibilité, prise en compte de façon collective, se révèle extraordinairement complexe. Oui, nous reconnaissons que c’est un sujet compliqué, mais tous les sujets visant à maintenir le « vivre ensemble », la solidarité, dans un pays de 60 millions d’habitants, sont délicats.
Face à ce projet injuste et inefficace, nous proposons la mise en place d’un système de bonification des annuités en fonction de la durée d’exposition, sous l’égide du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Toute période de travail doit bénéficier, selon des critères précis – travail de nuit, travail posté, port de charges lourdes –, d’une majoration des annuités permettant de partir plus tôt à la retraite.
C’est une proposition claire qu’il est possible de mettre en œuvre.
Vous vous félicitez d’être les premiers à prendre en compte la pénibilité. C’est doublement faux : d’une part, la pénibilité définie par la droite est assimilée à de l’invalidité ; d’autre part, elle se pose aujourd’hui en des termes différents qu’en 2002, avant la loi Fillon de 2003. En augmentant la durée des annuités, le problème est d’une tout autre acuité. Il s’aggrave encore avec un départ à la retraite repoussé de 60 à 62 ans.
Les réponses que vous apportez au problème sont inappropriées.
Vous dites que la gauche n’a rien fait : en 2000, le gouvernement Jospin avait mis en place un dispositif de cessation d’activité de certains travailleurs exerçant des métiers pénibles.
Dois-je aussi rappeler que la fonction publique prend en depuis longtemps compte la pénibilité, avec la mise en place du service actif ? C’est également la pénibilité qui est à l’origine des régimes spéciaux.
Monsieur le ministre, l’intégration d’un chapitre par le biais de l’article 25 quater sur la réforme de la médecine du travail ne vise qu’à masquer l’absence de prise en compte de la pénibilité dans votre projet !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L’article 25 ter est adopté.
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Les articles L. 4622-2 et L. 4622-4 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 4622-2. – Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, ils :
« 1° Conduisent les actions de santé au travail, dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel ;
« 2° Conseillent les employeurs, les travailleurs et leurs représentants sur les dispositions et mesures nécessaires afin d’éviter ou de diminuer les risques professionnels, d’améliorer les conditions de travail, de prévenir ou de réduire la pénibilité au travail et de contribuer au maintien dans l’emploi des travailleurs ;
« 3° Assurent la surveillance de l’état de santé des travailleurs en fonction des risques concernant leur sécurité et leur santé au travail, de la pénibilité au travail et de leur âge ;
« 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire.
« Art. L. 4622 -4. – Dans les services de santé au travail d’entreprise, d’établissement, interétablissements ou communs à des entreprises constituant une unité économique et sociale, les missions définies à l’article L. 4622-2 sont exercées par les médecins du travail. Ils agissent en coordination avec les employeurs et les salariés désignés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ou les intervenants en prévention des risques professionnels. » ;
2°
Supprimé
3° La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie est complétée par deux articles L. 4622-9 et L. 4622-10 ainsi rédigés :
« Art. L. 4622 -9. – Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels et des infirmiers. Ces équipes peuvent être complétées d’assistants des services de santé au travail et de professionnels recrutés après avis des médecins du travail. Les médecins du travail animent l’équipe pluridisciplinaire.
« Les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou coordonnent leurs actions avec celles des services sociaux du travail externes.
« Art. L. 4622 -10. – Les missions des services de santé au travail sont précisées, sans préjudice des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens conclu entre le service d’une part, l’autorité administrative et les organismes de sécurité sociale compétents d’autre part, après avis des organisations d’employeurs, des organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et des agences régionales de santé.
« Ce contrat fixe également les modalités des actions conjointes ou complémentaires conduites par les services de santé au travail et les services de prévention des risques professionnels des caisses de sécurité sociale dans le respect de leurs missions respectives. À cet effet, ces services échangent toutes informations utiles au succès de ces actions de prévention à l’exclusion des informations personnelles relatives aux salariés, venues à la connaissance des médecins du travail. » ;
4° L’intitulé du chapitre IV du même titre II est ainsi rédigé : « Actions et moyens des membres des équipes de santé au travail » ;
5° Le même chapitre IV est complété par un article L. 4624-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 4624 -3. – Des décrets en Conseil d’État précisent les modalités d’action des personnels concourant aux services de santé au travail ainsi que les conditions d’application de l’article L. 4624-1. » ;
6° Le titre IV du livre VI de la quatrième partie est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail
« Art. L. 4644-1. – I. – L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
« À défaut, si les compétences dans l’entreprise ne permettent pas d’organiser ces activités, l’employeur fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative.
« 1°
Supprimé
« 2°
Supprimé
« 3°
Supprimé
« Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes et organismes mentionnés aux 1°, 2° et 3°. Ces conditions sont déterminées par un décret en Conseil d’État.
« II. – Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret.
« III. – Le présent article entre en vigueur à la date de publication des décrets prévus au II. »
II. – L’habilitation d’intervenant en prévention des risques professionnels délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement, au sens de l’article L. 4644-1 du code du travail, pendant une durée de trois ans à compter de la date de publication de la présente loi.
III. – À l’issue d’un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les clauses des accords collectifs comportant des obligations en matière d’examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime sont réputées caduques.
En 2008, votre volonté de satisfaire le MEDEF en mettant les services de santé au travail sous la coupe des employeurs s’est heurtée au refus de tous les syndicats de salariés, et les négociations n’ont pu aboutir.
Aujourd’hui, vous essayez, par cet article, de passer en force. Vous y précisez la composition des services de santé au travail, les SST, à savoir au moins un médecin du travail, des intervenants en prévention, des infirmiers et des assistants. Si la pluridisciplinarité est un avantage, il est nécessaire de l’organiser. Qu’est devenue la prépondérance du médecin du travail ? Elle a disparu !
Vous ajoutez des assistants, ce qui est une façon d’entériner la pénurie de médecins du travail en les remplaçant par des personnels qui n’ont ni les mêmes compétences médicales ni les mêmes compétences réglementaires en termes d’interpellation des employeurs.
Dans cet article, l’employeur désignera les représentants des salariés au SST. Dans quel système sommes-nous ? Où est la démocratie sociale si c’est désormais l’employeur qui désigne les représentants des salariés ?
Si vous aviez voulu le renforcement de la démocratie sociale, vous auriez proposé, par exemple, l’élection des représentants au CHSCT par les salariés et l’extension des missions avec les compétences et les moyens afférents.
Comme d’habitude, vous privilégiez la loi du plus fort. Pour vous, la loi n’est pas une protection du faible contre le fort ; elle est un moyen de museler encore un peu plus le faible !
Les missions des services de santé au travail ne pouvant pas, dans de nombreuses entreprises, être assurées en interne par l’entreprise, vous proposez de faire appel à des intervenants extérieurs payants, donc payés par l’employeur, donc, là encore, placés sous son autorité. Où est l’indépendance du diagnostic et des solutions proposées ? Vous avez décidément une vision à sens unique de la démocratie sociale !
Je serai bref, car j’ai déjà évoqué ce qu’il convient de souligner à cet article 25 quater lors de mon intervention sur l’article 25. Il va de soi que les deux articles se recoupent.
Le présent article, dont l’objet est de préciser les missions des services de santé au travail, soulève plusieurs problèmes.
D’abord, l’équipe pluridisciplinaire est définie de manière trop floue – c’est un euphémisme ! –, ce qui contribue à alimenter les craintes des personnes directement concernées, qu’il s’agisse des représentants du monde du travail ou des salariés eux-mêmes.
Cette équipe comprendra au moins des médecins du travail, des intervenants en prévention des risques professionnels, des infirmiers, et, le cas échéant, des assistants de services de santé au travail.
Des questions s’imposent immédiatement.
Quels seront les rôles respectifs des uns et des autres ? Qui déterminera ces rôles ? Que devient la prépondérance du médecin du travail dans cet ensemble pluridisciplinaire ? Que feront exactement les assistants dont on nous parle ? Quel sera le positionnement hiérarchique du médecin du travail par rapport au directeur des services de santé au travail ?
En outre, l’employeur désignera des salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention. Vaste problème !
Sur quels critères s’effectuera une telle désignation ? Comment le dispositif s’articulera-t-il avec les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ? Pourquoi les intervenants des services de santé au travail n’interviendront-ils qu’à défaut de la désignation des salariés de l’entreprise ? La pluridisciplinarité avec des spécialistes se fait-elle à défaut d’une organisation mise en place par l’employeur ? Ne faudrait-il pas plutôt, monsieur le ministre, renforcer et étendre les CHSCT, et, au besoin, comme vient de le rappeler Mme Jarraud-Vergnolle, prévoir leur élection directement par l’ensemble du personnel ?
Il convient de dissiper un tel halo d’incertitudes, tant pour rassurer les futurs usagers sur l’efficacité de cette structure que pour donner l’assurance aux professionnels qui l’animeront de pouvoir travailler en bonne complémentarité. C’est, en effet, le moins que l’on puisse attendre d’une équipe pluridisciplinaire !
Ce sont autant de questions sur lesquelles nous attendons des réponses claires et précises, monsieur le ministre.
Article 25 quater, ou comment troquer une réforme de fond, attendue et nécessaire, celle de la médecine du travail, contre un amendement gouvernemental mal ficelé, inséré au milieu d’un projet de loi polémique… Je veux parler naturellement de l’amendement n° 730 rectifié, présenté par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, et qui, après son adoption, est devenu l’article 25 quater.
Votre redéfinition des missions des services de santé au travail, sous couvert de modernisation et d’avènement de la pluridisciplinarité, signe la fin de la médecine du travail protectrice, pour mieux laisser la place à la médecine des patrons.
Entrons dans le détail : au lieu et place d’une médecine du travail dont l’objectif premier était « d’éviter toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail », vous proposez que cette médecine ne fasse plus que « préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel », selon les termes de l’article 25 quater. Qu’est-ce qui a changé ? La référence au lien causal entre travail et santé est tout simplement supprimée !
Pourtant, la mention « éviter toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail » avait été votée à la Libération, à l’unanimité des députés. Elle entendait mettre un terme à la médecine d’usine, c’est-à-dire à la médecine sous l’autorité de l’employeur.
C’était un progrès social essentiel, un de plus que vous sabrez aujourd’hui. Dès lors, comment ne pas croire que votre dispositif a, une fois encore, été écrit sur le bureau de Mme Parisot ?
Murmures sur les travées de l’UMP.
C’est évident ! C’est d’ailleurs pour cela qu’elle se tait aujourd’hui !
Pour ce faire, que proposez-vous ? De remplacer les médecins du travail par une équipe pluridisciplinaire !
Pourquoi pas ? L’apport de spécialités et de compétences complémentaires peut être une bonne chose, à condition que cela ne soit pas organisé n’importe comment et qu’il y ait une véritable garantie d’indépendance. Or, là où les médecins du travail avaient une indépendance garantie par la loi et étaient protégés du licenciement par l’inspecteur du travail, tout en étant contrôlés tous les cinq ans par les services du ministère, votre équipe pluridisciplinaire sera placée sous l’autorité… de l’employeur ! Pour l’indépendance, on repassera !
À croire que personne, dans ce gouvernement, n’est capable de reconnaître un conflit d’intérêts !
Votre projet pour la médecine du travail est tel que l’Ordre des médecins le condamne sans ambigüité, dans ces termes : « Le texte ne répond pas aux attentes des salariés, qui doivent bénéficier d’une prise en charge globale de leur santé, ni aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance. » On ne saurait être plus clair.
Ce que je ne comprends pas, monsieur le ministre, c’est votre précipitation. La profession de médecin du travail se meurt faute d’un renouvellement suffisant, celui-ci étant sciemment bloqué par un numerus clausus bien trop faible. Aujourd’hui, 75 % des médecins du travail ont plus de 50 ans. Ces spécialistes vont disparaître et, avec eux, avec leurs expertises, les maladies professionnelles également. Sans médecins du travail pour les qualifier, plus de maladies du travail ! Alors, monsieur le ministre, pourquoi avoir pris les devants, puisqu’il suffisait tout simplement d’attendre ?
En réalité, vous n’aviez pas le choix, car l’objet de votre texte n’était pas la disparition de la médecine du travail, seulement sa mise au pas. Le sociologue Pascal Marichalar, enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales, l’EHESS, a un avis éclairant sur la question.
Il déclarait récemment : « La majorité se soucie certes de prévention des risques professionnels – notamment parce qu’un salarié sain est plus productif –, mais d’une prévention qui ne passe pas par la déclaration de maladies professionnelles ou les procès pour faute inexcusable de l’employeur, tels ceux des victimes de l’amiante. » Tout est dit.
Avec cet article, vous sapez le fondement de la médecine du travail et, disons-le, c’est l’un des piliers de notre droit du travail que vous abrogez en prétendant mieux protéger les salariés. Cette disposition ne vous honore vraiment pas, monsieur le ministre, tout comme elle n’honore pas le patronat.
En l’état, nous voterons donc résolument contre cet article.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Avec cet article, nous entrons dans le dur de la réforme de la médecine du travail et de la contestation de toute une profession.
Un rôle méconnu, un fonctionnement complexe, un financement opaque, des moyens et des effectifs insuffisants : depuis plusieurs années, différents rapports ont mis en lumière les dysfonctionnements de la médecine du travail et, plus généralement, du système français de santé au travail.
Depuis deux ans, les partenaires sociaux avaient entamé une intense et difficile négociation en vue d’une refonte des services de santé au travail instaurés en 1946. C’est pourquoi ils n’ont pas compris que le Gouvernement coupe court à tout ce processus en faisant adopter à l’Assemblée nationale une dizaine d’amendements reprenant, pour l’essentiel, purement et simplement les positions patronales sur le sujet, même si vous avez fait un pas en matière de paritarisme, monsieur le ministre, comme vous l’aviez d’ailleurs annoncé lors de votre audition par la mission d’information sénatoriale sur le mal-être au travail.
Voilà pourquoi toute une profession s’est insurgée. Comme moi, vous êtes sans doute nombreux, mes chers collègues, à avoir reçu des courriels envoyés par des médecins du travail en colère.
Fort heureusement, le travail effectué par la commission des affaires sociales a modifié de façon positive certains aspects du texte initial. Mais ce n’est pas suffisant pour changer l’économie générale de la réforme. À l’évidence, nous ne pouvons pas accepter un texte qui préfigure la fin de la médecine du travail et la transforme en un service de santé publique dirigé par les employeurs, lesquels n’ont pas d’autre but que de s’exonérer de leurs responsabilités.
Aujourd’hui, la France est la lanterne rouge en Europe dans la plupart des indices de santé au travail. Les besoins sont donc immenses. Il n’est plus à démontrer qu’une réforme s’attaquant aux vrais empêchements à la prévention ferait faire un bond en avant, tant à la santé publique qu’à la cohésion sociale. Mais la réforme que vous proposez ici ne touche à aucun des déterminants de progrès précisément identifiés par les professionnels de terrain impliqués.
Alors qu’il est urgent de libérer les acteurs de santé pour qu’ils œuvrent en toute indépendance, la mission de santé au travail est retirée aux médecins pour être confiée aux gestionnaires employeurs. Ces derniers n’ont pourtant aucune compétence en la matière et sont porteurs d’un grave conflit d’intérêts, que l’on a déjà vu à l’œuvre dans les dysfonctionnements des services de santé au travail et dans des instances comme le Comité permanent amiante, aboutissant aux drames que l’on connaît.
A contrario, nous croyons que la confusion organisée dans ces jeux d’intérêts doit être cassée.
À nos yeux, la question de la gestion des risques, qui doit être assurée par les employeurs, ne doit pas être amalgamée avec l’exercice de la santé au travail, comme le prévoit le projet actuel. On ne peut absolument pas confier aux employeurs la responsabilité de définir la mission des médecins du travail. C’est un peu comme si l’on confiait le contrôle de la sécurité des médicaments aux laboratoires pharmaceutiques !
Au contraire, les professionnels de santé au travail doivent être clairement séparés, dans leur mission et leur activité, de ceux qui génèrent les risques, avec de véritables garanties d’indépendance.
En aucun cas les directeurs de service, nommés par le patronat, ne peuvent être garants de l’indépendance du médecin.
La mission de santé au travail doit être confiée à une équipe de professionnels coordonnée par les médecins, lesquels doivent pouvoir, en toute indépendance, mener les actions de prévention exclusivement à partir des diagnostics portés sur la base de leurs constats : il ne peut y avoir de santé au travail si l’on n’établit pas un lien entre la santé et le travail.
Nous pensons, conformément aux recommandations de la mission sur le mal-être au travail et du Conseil économique, social et environnemental, que le paritarisme de la gestion des services est nécessaire, mais qu’il ne constitue pas une garantie suffisante dans le contexte actuel de défaillance de la démocratie sociale, en particulier dans les PME. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le groupe majoritaire à l’Assemblée nationale a fait échouer tout un pan du texte sur le dialogue social dans les TPE, un échec dont se réjouissent publiquement le MEDEF et la CGPME – je tiens à votre disposition les textos qu’ils ont envoyés à ce sujet.
Sans un relèvement du numerus clausus, qui limite le nombre d’étudiants en médecine, la profession est de toute manière condamnée à disparaître à petit feu : près de 500 médecins du travail vont partir à la retraite en 2010, et seulement 100 postes sont ouverts à l’internat. Depuis des années, les syndicats tirent la sonnette d’alarme, mais l’État laisse faire. La santé des salariés et la prévention des maladies professionnelles ne peuvent pas s’améliorer en diminuant le nombre de médecins et en espaçant les visites.
C’est pourquoi cette réforme de la médecine du travail nécessiterait un grand débat public et non un passage en force, à l’ombre du grave sujet des retraites.
Il est d’ailleurs fort à craindre que cette jonction des questions de la médecine du travail et des retraites n’obère gravement la sérénité de nos futurs débats sur l’avenir de la médecine du travail.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Cet article 25 quater est emblématique.
Il n’aura fallu que quelques jours au Gouvernement pour balayer pratiquement trois ans de négociations avec les partenaires sociaux et occulter les nombreux rapports publiés sur la réforme de la médecine du travail.
Monsieur le ministre, vous n’avez pas saisi l’opportunité historique qui s’offrait à vous de soumettre au débat démocratique la nécessaire réforme de la médecine du travail au travers d’un projet de loi spécifique. Vous avez préféré le passage en force, par l’adoption d’amendements en catimini, …
… au beau milieu d’une réforme des retraites amplement contestée, sur un sujet pourtant crucial pour notre société.
Certes, le protocole national interprofessionnel auquel avaient abouti les partenaires sociaux le 11 septembre 2009 n’a pas été signé par l’ensemble des syndicats salariés en raison de points d’achoppement importants sur la question de la périodicité des visites médicales, de la procédure de constatation de l’inaptitude, du financement et de la gouvernance des services de santé au travail. Pour autant, l’importance de la médecine du travail aurait mérité que le Parlement se saisisse pleinement de cette question.
Face à la mobilisation générale des organisations syndicales et des professionnels, qui ont dénoncé, à juste titre, un tel passage en force, la commission des affaires sociales du Sénat n’a pas eu d’autre choix que de leur concéder quelques revendications.
Ainsi, la gestion paritaire a été introduite, de même que la pluridisciplinarité. Cette dernière ne peut toutefois constituer une réelle avancée que si le statut des médecins du travail est appliqué à l’ensemble des membres de cette équipe, pour que les uns et les autres puissent travailler en toute sécurité et de manière coordonnée. Vous savez pertinemment que, tout comme le médecin du travail, ces personnels se trouveront au cœur de l’affrontement de classes. C’est pourquoi cette protection statutaire est nécessaire pour leur permettre d’avoir une liberté de parole, et surtout une liberté d’action.
Or tel n’est pas le cas dans ce texte. En dépit de ces deux concessions, résultat d’une lutte sociale, l’introduction d’articles réformant la médecine du travail reflète un triple déni démocratique.
Déni, d’abord, des organisations représentatives de médecins, dont vous réduisez le rôle et la place. En effet, la question primordiale de l’indépendance du médecin du travail par rapport à l’employeur est mise à mal : il revient aux services de santé de définir les missions du médecin du travail, lequel n’a plus que des fonctions d’exécution. C’est donc son cœur de métier qui est touché, le médecin du travail étant en quelque sorte placé sous la tutelle d’un directeur de santé au travail chargé de chapeauter l’ensemble du service de santé au travail de l’entreprise.
Déni, ensuite, des autorités compétentes, car le texte va à l’encontre de la volonté exprimée par tous les professionnels de la prévention des risques professionnels, mais également par le Conseil national de l’Ordre des médecins, lequel a estimé dans un communiqué que « le texte voté ne répond pas […] aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique », avant de s’étonner « de l’absence de toute concertation […] alors qu’il demande depuis six mois à être reçu par le ministre du travail pour évoquer ce sujet ».
Déni, enfin, des parlementaires, car votre projet, monsieur le ministre, s’oppose aux conclusions de la mission d’information du Sénat sur le mal-être au travail, publiées le 7 juillet dernier, et qui, je vous le rappelle, recommandent de « conforter l’indépendance des médecins du travail ». Si nous souhaitons être crédibles, mes chers collègues, nous nous devons de rejeter cet article, ainsi que les suivants sur cette question, car tous vont à l’encontre de nos propres recommandations.
Vos propositions, monsieur le ministre, sont également loin d’être à la hauteur des enjeux à venir.
Ainsi, l’ensemble des articles passent sous silence le problème de la démographie médicale, alors que les différents rapports publiés soulignent l’urgence de remédier à la pénurie de médecins du travail. De même, ont été occultés le rôle et la place du médecin du travail, qui doit être au service de l’approche individuelle, mais qui doit également avoir une approche collective, au travers, notamment, de la connaissance des situations de travail ou de la question de l’aptitude. Ces problématiques auraient mérité, pour le moins, un projet de loi spécifique.
Au moment où les risques psychosociaux et les maladies professionnelles s’accentuent, nous sommes toutes et tous unanimes pour affirmer qu’une réforme de la médecine du travail est nécessaire. Mais elle doit être le fruit d’un débat national.
Rappelons-le, la médecine du travail est née en 1946 d’un vote unanime de la représentation nationale. Aujourd’hui, soixante-quatre ans après, votre réforme ne sera que le résultat d’un arbitrage entre le patronat et le Gouvernement !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le ministre, lors des débats à l’Assemblée nationale, vous avez orchestré un véritable coup de force par le biais de l’amendement « surprise » n° 730 rectifié du Gouvernement, portant un mauvais coup à la médecine du travail.
On nous avait effectivement annoncé une réforme du secteur, mais le sujet de la médecine du travail a été « glissé », scandaleusement et en catimini, par cet amendement surprise.
Une levée de boucliers s’est opérée depuis, et à juste titre. On vous a même taxé de commettre un hold-up sur la santé au travail. Voyez si les conséquences sont outrageusement graves ! Dans un texte aussi controversé que celui des retraites, pensiez-vous vraiment que cette manœuvre allait passer inaperçue ? Si vous n’écoutez pas le peuple, le peuple et les élus, eux, vous écoutent !
Le professeur Desoille, fondateur de la chaire de médecine du travail, l’énonçait déjà en 1949 dans sa leçon inaugurale : « Certains redoutent-ils qu’un médecin à l’œil trop critique ne circule dans l’entreprise, ne relève les fautes d’hygiène et n’en avertissent les intéressés ? »
Vous souhaitez que les médecins du travail, placés sous l’autorité d’un chef de service en santé au travail, deviennent les médecins de l’entreprise, asservis à elle et non au service des salariés en souffrance ! Sous prétexte d’une adaptation du rôle des services de santé au travail au volet « pénibilité » de la réforme, vous abandonnez, en fait, le système de santé au travail au patronat ! C’est inadmissible !
Dans une interview au quotidien Le Monde daté du 19 septembre dernier, un médecin du travail rappelait déjà : « La tentative du MEDEF sur les députés UMP et sur Éric Woerth, le ministre du travail, a réussi, puisqu’ils présentent textuellement la demande du MEDEF qui avait été présentée il y a deux ans aux organisations syndicales et que toutes avaient refusée à l’unanimité. »
Créée en 1946, la médecine du travail est exclusivement préventive : elle a pour objet d’éviter toute altération de la santé des salariés, du fait de leur travail.
Le médecin du travail est lié à l’employeur ou au président du service de santé au travail interentreprises, par un contrat de travail qui en fait un salarié, mais un salarié au statut particulier.
Il ne doit agir, dans le cadre de l’entreprise, que dans l’intérêt exclusif de la santé et de la sécurité des travailleurs, son rôle principal restant l’amélioration des conditions de travail, ce qui ne peut être garanti que par la préservation de son indépendance dans la définition des objectifs de ses missions.
Au contraire, le texte institue un transfert de pouvoir et de mission du médecin du travail vers l’employeur via le directeur du service de santé au travail. De nouveaux professionnels de la santé au travail, infirmiers, intervenants en prévention des risques professionnels, sont mis en place sans protection légale ni indépendance statutaire. Le statut des médecins du travail est remis en cause puisque celui-ci devient dépendant de l’employeur par le biais du directeur du service de santé au travail.
Si l’on ajoute l’absence complète de propositions pour remédier à la pénurie croissante en médecins du travail, on voit bien que c’est à une démédicalisation programmée de la santé au travail que nous sommes en train d’assister.
Si ces dispositions sont votées, comment le rôle spécifique du médecin du travail pourra-t-il être assumé ?
Les médecins du travail seront écartelés entre un rôle spécifique pour lequel ils n’auront aucun moyen et les injonctions de leurs employeurs à agir dans le cadre contractualisé des missions du service de santé au travail, auquel il faut absolument associer la profession d’infirmier, service qui ne vise pas tant à éviter qu’à gérer les risques et leurs effets. Comment les salariés pourront-ils dorénavant leur faire confiance ?
À une époque où les collectifs de travail se morcellent, où la grande majorité des entreprises ne dispose pas d’un CHSCT ou même de délégué du personnel, le médecin doit rester un acteur indépendant pour assurer non seulement sa mission de préservation de la santé de l’individu au travail, mais aussi son rôle de veille et d’alerte sanitaire devant les risques persistants ou émergents.
En somme, que devient le droit à la protection de la santé garanti par la Constitution ?
L’Ordre des médecins proteste, les syndicats protestent, les associations et différents collectifs protestent.
Mme Éliane Assassi. Je vous en conjure, monsieur le ministre, écoutez-les !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons, avec cet article 25 quater – Mme Assassi vient d’en parler –, un scandaleux cavalier législatif introduit à l’Assemblée nationale par un amendement du Gouvernement, qui vise, à moyen terme, à la casse pure et simple de la médecine du travail.
Au travers de nos différents amendements sur cet article, nous entendons vous amener à considérer avec nous qu’un acquis fondamental tel que la médecine du travail mérite bien mieux qu’un article à la sauvette, au détour du projet de loi portant réforme des retraites.
Les médecins du travail que nous avons rencontrés ou qui nous ont écrit pour nous dire leur émoi soulignent que, depuis deux ans et sans doute plus, leur profession est dans l’obligation de réfléchir sur les évolutions qu’elle vit du fait des choix imposés voilà des années sur le numerus clausus.
Des documents ont été rédigés et des rapports remis au Gouvernement. Je pense au rapport de Françoise Conso et Paul Frimat sur le bilan de la réforme de la médecine du travail, ainsi qu’à celui du Conseil économique, social et environnemental.
(M. le rapporteur s’exclame.) Je ne suis pas convaincue que les modifications apportées par la commission aient vocation à redonner ses lettres de noblesse à la médecine du travail.
M. le rapporteur lève les bras au ciel.
Rayant tout ce travail d’un trait de plume, plusieurs éléments d’une gravité certaine ont été introduits dans ce projet de loi, à la demande de l’Élysée, à la stupéfaction des professionnels de la médecine du travail. §
Permettez-moi de résumer la portée de ce cavalier.
L’essentiel me semble bien être la disparition de la relation étroite, intime, entre travail et santé. Et ce n’est pas rien !
En effet, le fondement de la médecine du travail était jusqu’alors « d’éviter toute altération de la santé du travailleur du fait de son travail ». Désormais, imaginons la nature de cette altération ; il ne resterait que la définition suivante : « Préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel. »
De la sorte, vous faites disparaître, même si vous vous en défendez, toute référence aux risques professionnels inhérents au travail !
Voici, mes chers collègues, ce que m’écrivait il y a peu un médecin du travail de mon département : « Faut-il comprendre que nos priorités seront réorientées vers la santé publique ?
« Alors, que va donc devenir notre vigilance de médecin vis-à-vis des risques dans les entreprises : développement des RPS, risques chimiques émergents, souffrance au travail, apparition de nouvelles pathologies...
« Dans des situations dont nous connaissons la difficulté, notre seul rempart est souvent l’indépendance de notre fonction que ce texte remet aussi en question. »
Ainsi, mes chers collègues, l’indépendance des médecins du travail est aussi mise à mal par cet article, qui, décidément, n’a pas sa place au sein du texte que nous examinons.
Mon correspondant poursuivait : « Autre élément, et non des moindres, le médecin du travail est mis en position de prendre la responsabilité de la reconnaissance de la pénibilité, laquelle pénibilité devrait permettre, au cas par cas, d’accorder ou non le taux d’invalidité permettant un départ à la retraite anticipé. Comment faire cela, alors que nous sommes de moins en moins nombreux et que même notre suivi médical individuel des salariés ainsi que celui des entreprises est de plus en plus problématique ? Cela nous met dans une position insoutenable. »
Si je vous ai lu ce courrier, ce n’est pas pour nier la nécessité de mettre en place une réforme de la prévention en santé au travail. Mais il doit s’agir d’une véritable réforme, dans l’intérêt exclusif de la santé des salariés, et non de la reproduction des dispositions que le MEDEF voulait, il y a un an, faire signer par les organisations syndicales qui, souvenez-vous, les ont toutes repoussées !
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à ne pas laisser brader, au travers de cet article, une conquête sociale aussi fondamentale que la médecine du travail !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.
Messieurs les ministres, sans grande surprise mais avec beaucoup d’aplomb, cet article répond une nouvelle fois aux exigences du MEDEF en s’attaquant aux missions des services de santé au travail. Vous entendez assurer la mainmise de l’employeur sur la médecine du travail, qui devient une médecine d’entreprise !
Cet article est à l’image de l’ensemble du texte : une réponse adaptée aux exigences de ceux qui ont le pouvoir.
La médecine du travail dérange les patrons d’entreprises ? Ce n’est pas grave : insidieusement, on s’attaque à son indépendance !
Jusqu’à présent, la loi conférait aux médecins du travail la tâche de définir et de mettre en œuvre la prévention médicale des risques professionnels, les employeurs étant contraints d’en fournir les moyens matériels et d’en permettre l’organisation.
À la suite d’une modification des articles L. 4622-2 et L. 4622-4 du code du travail, les services de santé au travail seront désormais placés sous l’autorité des employeurs.
En effet, l’organisation de la médecine du travail et, surtout, les missions de prévention seront non plus directement confiées aux médecins du travail, mais aux directeurs d’organismes de santé au travail. Ceux-ci ne seront ni élus ni choisis directement par les salariés ou leurs organisations syndicales ; ils seront bien désignés par les employeurs.
Certes, il est prévu la parité syndicats-employeurs au sein des conseils d’administration des services de santé au travail, mais une voix prépondérante est accordée au président, issu des employeurs !
Voilà votre vision de l’équité et du service social vers les salariés.
Le service de santé au travail pourra donc limiter l’action du médecin du travail par la prise en compte des « contraintes économiques » de l’entreprise.
Or, depuis 1946 – c’est une date dont vous ne cessez de bafouer les valeurs –, la mission principale du médecin du travail est d’éviter toute altération de la santé.
Avec cet article, cette mission disparaît au profit d’une tâche plus générale confiée au service de santé au travail : diminuer les risques professionnels.
Il s’agit bien de démédicaliser la seule spécialité dont l’objet est le lien entre la santé et le travail.
C’est une disparition de la médecine du travail que vous nous proposez alors que la santé au travail ne cesse de se dégrader.
Pour preuve, en dix ans, le nombre d’ouvriers d’usine souffrant de troubles musculo-squelettiques a augmenté de 18 %.
Les personnes atteintes par cette pathologie rencontrent des difficultés pour poursuivre leur emploi en raison de la douleur justement liée à l’exercice répété de leur travail.
C’est une maladie professionnelle dont la médecine du travail peut prendre en compte les conséquences physiques afin d’améliorer la qualité de vie de l’employé.
Comme tous les collègues de mon groupe, je ne voterai donc pas cet article : je refuse une telle mise en danger de la médecine du travail, alors que celle-ci doit garantir la protection de la santé de plus de 15 millions de salariés.
Nous constatons tous avec évidence le lien que vous tissez entre cet article 25 quater et l’ensemble du projet de loi, s’agissant de la pénibilité et des facteurs d’exposition aux risques.
Cet article va irrémédiablement affaiblir la médecine du travail. Selon nous, des dispositions essentielles à la construction d’une politique de prévention des risques professionnels et de la pénibilité n’ont pas leur place dans un projet de loi traitant de la réforme des retraites. Elles relèvent d’une réflexion plus globale sur la santé au travail.
Nous ne voterons donc pas cet article, car nous croyons en l’exigence d’une médecine du travail indépendante, au service des seuls salariés !
M. Jean-François Voguet applaudit.
Il faut parler clairement. En introduisant ces dispositions relatives à la médecine du travail, vous portez, monsieur le ministre, un très mauvais coup à un certain nombre de principes fondamentaux, ainsi que l’ont souligné plusieurs de mes collègues.
La première question que je veux vous poser est la suivante : pourquoi avez-vous ajouté de telles dispositions dans un texte sur les retraites ? Vous faites comme si vous vouliez vous compliquer la tâche, en ajoutant des difficultés aux difficultés, de l’incompréhension à l’incompréhension.
Le dernier alinéa de l’actuel article L. 4622-4 du code du travail, article ô combien important, dispose : « Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes ou organismes associés. »
Si l’on se réfère à l’excellent tableau comparatif réalisé par la commission, on constate que cet article figure bien dans la colonne « Textes en vigueur », mais que les colonnes « Texte du projet de loi », « Texte adopté par l’Assemblée nationale » et « Texte de la commission » sont vierges ! Plus un mot sur l’indépendance des médecins du travail ! Le mot « indépendance » a disparu. Pourquoi, monsieur le ministre ? Pourquoi ne voulez-vous pas inscrire ce terme dans ce texte ?
Soyons sérieux ! Deux minutes ! Seulement deux petites minutes !
Mais, monsieur le ministre, c’est important !
On a cité de nombreuses organisations, et je ne pense pas que l’Ordre des médecins soit sous l’emprise des gauchistes ou ait des idées subversives ! Cela m’étonnerait !
L’Ordre des médecins, pas plus que de nombreux syndicats et organismes représentatifs des médecins, ne comprend pas les raisons pour lesquelles vous avez supprimé le terme « indépendance ».
Monsieur le ministre, c’est très grave. Pour les médecins du travail, comme pour tous les médecins d’ailleurs, l’indépendance est liée à la conception même qu’ils se font de leur métier. Nous ne comprenons donc pas votre obstination à ne pas vouloir faire figurer ce mot. Et nous ne sommes pas les seuls ! Je le répète, les médecins et les médecins du travail ne comprennent pas non plus ! J’aimerais bien que vous nous donniez un ou deux arguments.
J’ai reçu, comme tout le monde, de nombreux courriers. Permettez-moi de vous lire ce que m’ont écrit des médecins du travail que je connais :
« La médecine du travail en France actuellement porte son action tant sur le plan collectif – approche par les risques en entreprise réalisée conjointement par les intervenants en prévention des risques professionnels et les médecins du travail – que sur le plan individuel – consultation des salariés auprès des médecins du travail. Les problématiques actuelles de santé au travail que sont les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux liés aux transformations récentes du monde du travail représentent aujourd’hui deux des principaux problèmes de santé publique en termes de coût de santé, de production d’arrêt de travail et de séquelles définitives entraînant la mise en invalidité.
« Ces problématiques ne peuvent ni être identifiées ni se traiter par l’approche collective seule, la consultation individuelle étant une étape indispensable à l’analyse du travail, à la mise en évidence du lien santé-travail, puis à la prise en charge préventive et curative de chacun, mais aussi de l’entreprise. Sans cela, plus de veille en santé travail, plus de visibilité et plus d’analyse des effets du travail sur la santé physique comme psychique.
« C’est pourquoi nous défendons notre spécialité. »
Ces propos rendent hilares les collaborateurs du Gouvernement. Mais voyez-vous, messieurs, moi, cela ne me fait pas rire du tout ! D’ailleurs, vous êtes là non pas pour rire, mais pour assister le ministre et écouter, je suppose, ce que nous disons ! Monsieur le président, j’attire votre attention sur cet état de fait.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Il n’y a vraiment pas de quoi rire ! Cela pose un vrai problème, monsieur le président !
M. Jean-Pierre Sueur. En tout état de cause, on ne peut pas ainsi mettre en cause l’indépendance des médecins, ni la médecine du travail, sans avoir engagé, au préalable, l’indispensable concertation !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Comme tout le monde, je me suis demandé pourquoi on réforme la médecine du travail au moment même où l’on engage un débat sur la pénibilité.
Quoi qu’on pense des conclusions du rapport Poisson, celui-ci est très intéressant dans la mesure où il abat les cartes et nous donne exactement la raison pour laquelle vous avez décidé de procéder à cette réforme.
Ce rapport répond, sur le fond, à la question que nous nous posons : doit-on lier la pénibilité à l’espérance de vie ?
Un ouvrier qui a une espérance de vie inférieure de sept ans à celle d’un cadre touche sept ans de retraite en moins ! Il faudrait qu’il puisse bénéficier d’une retraite avant 60 ans, enfin, avant 62 ans désormais !
Mais M. Poisson nous répond : non, non et non ! Prendre en compte l’espérance de vie dans le calcul des retraites, c’est de l’égalitarisme. Il faut, selon lui, calculer les retraites sur la base des principes fondateurs de l’assurance vieillesse, c’est-à-dire le droit, à partir d’un certain âge, à recevoir une pension dont le calcul repose sur des éléments de carrière professionnelle, sans référence aucune à la pénibilité. « L’égalisation de l’espérance de vie en pleine santé ne peut, à l’évidence, faire l’objet d’aucune garantie de quelque ordre que ce soit. Faire de cette intention un objectif en tant que tel des politiques publiques serait, pour cette raison, excessif en regard des responsabilités normales de l’État et ne pourrait conduire qu’à des confusions de tous genres », ajoute-t-il.
Il poursuit : « [S’il] est indubitable que des différences réelles en matière d’espérance de vie sont constatées entre les ouvriers et les cadres, il demeure impossible de considérer que la seule cause de cet écart provient des conditions de travail. » Écoutez bien, mes chers collègues, selon lui, « la santé est une réalité suffisamment personnelle pour que soient également évoquées des considérations qui touchent au mode de vie des personnes, et en particulier à la qualité de leur accès aux soins, non moins qu’à leurs habitudes ».
On ne peut donc pas lier l’espérance de vie aux conditions de travail parce que d’autres facteurs font que les ouvriers meurent plus vite. Mais quels sont-ils ? Le mode de vie ? Voilà qui me rappelle le xixe siècle, quand on mettait en avant l’hygiène de vie de l’ouvrier, arguant du fait que l’alcoolisme dans lequel il sombrait, le tabagisme ou tout autre abus ne faisaient qu’altérer sa santé et écourter sa vie. Vous vous demandez sans doute où je veux en venir ! Tout simplement au texte dont nous discutons !
Il est bizarre que le Gouvernement soutienne de façon si partisane le point de vue de l’entreprise. Il veut étendre la mission de la médecine du travail à une mission de santé publique, évacuant les risques professionnels. Ainsi, les effets des conditions du travail sur la santé du travailleur ne seront plus pointés du doigt, puisque la question sera traitée dans sa globalité. On est donc bien là, monsieur le ministre, au cœur de votre projet et on comprend mieux pourquoi vous faites cette réforme de la médecine du travail : pour exonérer l’employeur…
M. David Assouline. … et porter atteinte à l’indépendance de la médecine du travail en la mettant sous la responsabilité de l’employeur, ce qui constitue un deuxième effet.
Murmures sur les travées de l’UMP.
Il y a donc bel et bien une cohérence dans votre texte. Il ne s’agit pas ici d’une improvisation, ni d’une mesure prise en catimini : vous voulez absolument casser l’idée selon laquelle l’espérance de vie des ouvriers ou de toute autre catégorie est réduite en raison non pas de la pénibilité du travail, mais de leur mode de vie, de leur façon de se soigner ou encore de leurs habitudes ! Comme si les cadres avaient, eux, une vie plus saine ! C’est scandaleux !
Pour cette raison, nous voterons contre cet article.
L’article 25 quater et les suivants relatifs à l’organisation et aux missions des services de santé au travail reflètent un état d’esprit que nous trouvons profondément choquant – c’est un euphémisme ! – de la part de ses inspirateurs.
Toutefois, notre rapporteur a modifié dans un sens favorable plusieurs dispositions. Je veux lui rendre cette justice, il a notamment rétabli dans le texte la mission fondamentale de la médecine du travail, qui est « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
En revanche, l’amendement gouvernemental, présenté dans une quasi-clandestinité à l’Assemblée nationale, visait à modifier en profondeur les missions des services de santé au travail, pour n’en plus faire que des organismes « conduisant des actions visant à préserver la santé des travailleurs ».
Cette formulation nous entraîne dans une perspective tout à fait différente. Les SST étaient appelés à remplir de simples missions d’appui aux actions préventives des employeurs, étroitement dépendantes des volontés des gestionnaires patronaux.
Le maintien de la rédaction du chapitre IV : « Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail » est d’ailleurs révélateur de cet état d’esprit.
Mes chers collègues, il s’agit bel et bien de secourir l’employeur, qui serait ennuyé par toute cette paperasserie, devant affronter tous les frais et les soucis juridiques causés par ses obligations légales en matière de santé et de sécurité.
Dans le dispositif mis en place, on n’hésite pas à dire que l’employeur désignera lui-même des salariés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
La santé et la sécurité des travailleurs ne sont pas une occupation. C’est une responsabilité, c’est même celle de l’employeur, et ce texte vise précisément à l’en dédouaner !
Dans l’esprit des auteurs de ce texte, tout ce qui a trait à la représentation des salariés est jugé comme intrusif. D’ailleurs, nous avions déjà pu faire ce constat juste avant l’examen de ce projet de loi, avec le texte sur le dialogue social dans les très petites entreprises.
Le MEDEF s’était opposé avec une virulence surprenante à de simples commissions paritaires régionales de dialogue, faisant tout non seulement pour qu’elles ne voient pas le jour, mais aussi pour qu’aucun de leurs membres ne puisse entrer dans une entreprise.
Il en est de même aujourd’hui avec la médecine du travail. Le procédé inventé consiste à faire désigner par l’employeur des salariés qui s’occuperont de la prévention et de la protection des autres salariés. Nous y reviendrons dans le détail ultérieurement, mais nous pouvons déjà poser les questions suivantes : sur quelles compétences cela se fera-t-il ? Avec quels moyens ? Et quelle marge d’autonomie ?
À défaut, et seulement à défaut, des intervenants en prévention des risques professionnels pourront accéder à l’entreprise.
La santé et la sécurité des salariés, pas plus que le dialogue social, ne valent que l’on permette à des intrus de pénétrer dans l’entreprise. L’employeur aura donc tout pouvoir sur l’organisation de la protection et de la prévention contre les risques professionnels dans son entreprise.
Il ne s’agit même plus ici de se demander si les salariés sont aussi des citoyens dans l’entreprise ; mais interrogeons-nous : quelle valeur est accordée par les inspirateurs de ce texte à leur santé et à leur sécurité ?
Le dispositif proposé n’est ni efficace ni responsable. Il est surtout porteur de régressions pour les travailleurs et, au bout du compte, pour la santé publique !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous propose un quiz sur la législation du travail. Qui a interdit l’amiante ? C’est Jacques Barrot. Qui est l’auteur du premier plan de santé au travail ? C’est Gérard Larcher. Qui a élargi les compétences des CHSCT ? C’est Jean Auroux. Qui a fait le premier plan de développement de l’inspection du travail ? Ce sont Gérard Larcher et Xavier Bertrand.
Qui est à l’origine du plan de lutte contre le stress ? C’est Xavier Darcos. Qui a lancé la réforme de la médecine du travail ? C’est François Fillon en 2004, puis cette majorité en 2010. Qui intègre la pénibilité dans la réforme des retraites ?
M. Éric Woerth, ministre. Quelles mesures concrètes a pris la gauche dans le domaine du travail ?
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Éric Woerth, ministre. Votre bilan est à peu près nul depuis les lois Auroux !
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En réalité, le parti socialiste n’a jamais investi le champ du travail ! Tout simplement. Vous avez investi le champ de l’emploi, je vous l’accorde, mais pas celui du travail. Et cela est perceptible dans vos déclarations. À de rares exceptions près, vous ne connaissez pas la médecine du travail. Vous ignorez tout de la médecine du travail !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Vous jugez cette réforme sans connaître la médecine du travail !
M. Éric Woerth, ministre. Vous nous dites, la main sur le cœur, que nous touchons à l’indépendance de la médecine du travail.
Protestations sur les mêmes travées.
Attendez, vous nous avez insultés pendant près d’une heure et quart sur la médecine du travail. Permettez-moi tout de même de répondre…
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Si, si ! C’est ainsi que j’ai compris vos propos ! Lorsque vous prétendez que nous voulons la mort de la médecine du travail et que nous défendons la régression sociale, c’est – excusez-moi de le souligner – politiquement lourd !
Qu’est-ce que l’indépendance ? (Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je constate que vous êtes incapables d’écouter !
Monsieur Assouline, vous passez votre temps à nous provoquer ! Vous êtes même un spécialiste de la provocation.
M. Éric Woerth, ministre. Au moindre mot, vous bondissez ! Vous allez bientôt vous lever pour me casser la figure, je le vois venir…
Sourires.
On ne dit pas ça à un ministre, monsieur Assouline ! Ce n’est pas correct !
Revenons-en à l’indépendance de la médecine du travail et à ses relations avec les employeurs. Tout est dans le code du travail.
En son article L. 4622-1, il est écrit : « Les employeurs relevant du présent titre organisent des services de santé au travail. » Par ailleurs, l’article D. 4622-6 précise : « Le service de santé au travail est administré par l’employeur sous la surveillance du comité d’entreprise ou d’établissement. » Enfin, aux termes de l’article D. 4622-10, « le service de santé au travail interétablissements est administré par l’employeur sous la surveillance du comité central d’entreprise et des comités d’établissement intéressés ». J’y insiste, toutes ces dispositions sont présentes dans le code du travail.
Le rapport entre les employeurs et la médecine du travail est donc clairement établi, que ce soit à l’intérieur des entreprises ou par le biais de services interentreprises. Il y a toujours un patron quelque part. Un médecin du travail – sauf s’il exerce en tant que profession libérale, fait plutôt rare dans ce métier – a un patron. Ce peut être le directeur du service de santé au travail, ou le chef d’entreprise. De même, le médecin du travail est bien soumis à un contrat de travail.
D’ailleurs, au sein des hôpitaux, les médecins dépendent également d’un directeur d’hôpital. Cela ne nuit en aucun cas à leur indépendance, ni à la qualité de leur expertise.
L’indépendance de la médecine du travail est assurée par l’article R. 4127-95 du code de la santé publique. Permettez-moi de vous lire ses deux alinéas :
« Le fait pour un médecin d’être lié dans son exercice professionnel par un contrat ou un statut à un autre médecin, une administration, une collectivité ou tout autre organisme public ou privé n’enlève rien à ses devoirs professionnels et en particulier à ses obligations concernant le secret professionnel et l’indépendance de ses décisions.
« En aucune circonstance, le médecin ne peut accepter de limitation à son indépendance dans son exercice médical de la part du médecin, de l’entreprise ou de l’organisme qui l’emploie. Il doit toujours agir, en priorité, dans l’intérêt de la santé publique et dans l’intérêt des personnes et de leur sécurité au sein des entreprises ou des collectivités où il exerce. »
L’indépendance de la médecine du travail est également garantie par le code du travail, dont les articles L. 4622 et suivants définissent les missions confiées au médecin. Tout cela, monsieur Sueur, c’est le code du travail, ne prétendez pas le contraire !
Protestations sur les travées de l’UMP.
M. Éric Woerth, ministre. Je veux bien que vos propos n’aient rien à voir avec le texte, mais tout de même ! Le code du travail définit et établit l’indépendance de la médecine du travail, que le projet de loi ne remet nullement en question !
Si, si ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Éric Woerth, ministre. Jamais, absolument jamais !
Protestations sur les mêmes travées.
D’ailleurs, pour aller au fond des choses, vous prétendez que notre projet a été rédigé sur le bureau de Mme Parisot.
M. Éric Woerth, ministre. Ce nom revient dans vos bouches à tout instant ! Il y a toujours une Mme Parisot qui surgit dans le débat de façon impromptue… J’ignore pourquoi, mais c’est un fait !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Il me semble que vous faites une sorte de fixation. Quant à moi, je n’ose pas imaginer que l’ensemble de vos interventions aient été rédigées sur le bureau des syndicats les plus corporatistes dans le domaine du travail !
Précisément, je ne le dis pas. Faites la même chose à mon égard, je vous en prie ! En réalité, vous relayez les positions de SUD sur la médecine du travail.
M. Éric Woerth, ministre. Je rappelle que la CGT est extrêmement divisée à ce sujet. D’ailleurs, M. Dellacherie, plutôt proche de la CGT et lui-même auteur d’un rapport qui fait autorité, est assez favorable au texte que nous défendons, à tel point que l’on retrouve ses propres propositions dans celles que nous défendons.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Par ailleurs, M. Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail, membre du parti socialiste et ancien de la LCR, dirige un collectif intitulé « Sauvons la médecine du travail ».
Voilà ! sur les travées de l’UMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ce que vous dites est proprement scandaleux ! Quel besoin avez-vous de citer les appartenances politiques des gens ? Est-ce que l’on vous demande où militait M. Longuet quand il était plus jeune ?
Madame, ne pouvez-vous donc pas nous laisser parler deux minutes ? Laissez-moi m’exprimer, enfin ! Si vous ne supportez pas la contradiction, il faudrait penser à exercer une autre profession !
M. Éric Woerth, ministre. L’ensemble des articles parus dans la presse, disais-je, sont totalement corporatistes ! Comme vous, nous avons reçu beaucoup de courriers, et nombreux sont les avis ou rapports défendant des positions différentes depuis trois ans. Je pense à ceux de M. Frimat, de M. Lasfargues et d’autres. Mais je note que les quelques journaux qui ont publié des tribunes sur ce sujet n’ont retenu que celles qui allaient dans le même sens, sans jamais laisser de place aux autres !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Moi qui ai rencontré beaucoup de médecins du travail, je peux vous dire qu’ils trouvent notre réforme tout à fait excellente ! Cette réforme va plus que dans le bon sens, elle résume des années de discussions avec les médecins, des années de rapports, des années de négociations. Elle trouve parfaitement sa place dans un texte qui concerne les retraites !
Dès lors que l’on aborde la pénibilité, donc les conditions de travail, il est naturel d’évoquer la médecine du travail. La réforme de la médecine du travail a évidemment sa place dans la prévention de la pénibilité, et plus largement dans la réforme des retraites.
De quels dysfonctionnements souffre la médecine du travail aujourd’hui ? D’abord, d’un manque de médecins du travail. Contrairement aux allégations de Mme Le Texier, pour qui cette situation anormale devrait conduire à ouvrir plus de postes…
Mais, madame, informez-vous ! Lors du dernier concours, 120 postes étaient ouverts, et seulement 90 candidats s’y sont présentés ! C’est un problème non pas de nombre, mais d’attractivité.
Mais vous venez de dire le contraire, madame, en affirmant que le Gouvernement n’ouvrait pas assez de postes ! Je répète : 120 postes à pourvoir, 90 candidats !
Je vous répète que les candidats n’étaient que 90 !
M. Éric Woerth, ministre. Comment donc ? Mais non, c’est la même chose ! On peut toujours ouvrir 150 postes, cela ne changera rien s’il y a seulement 90 postulants ! Enfin, soyons sérieux un instant !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Pour résoudre ce problème de pénurie, il faut revaloriser le statut des médecins du travail.
Très bien ! sur les travées de l’UMP.
Par ailleurs, 2 millions de salariés échappent aujourd’hui à la médecine du travail. Pour des raisons diverses et variées, ils ne consultent pas de médecin du travail. Notre projet vise à répondre à cet état de fait de façon pragmatique.
Enfin, l’approche de la visite médicale pose également problème. La médecine du travail ne se réduit pas à la visite de travail, que chacun d’entre nous passe à intervalles réguliers – un, deux ou trois ans. Cela n’est pas suffisant.
Bien sûr que cela est nécessaire, monsieur Sueur ! Mais si vous ne faites que cela, vous aurez la même médecine pendant cinquante ans ! Un poste de travail, c’est autre chose ! C’est de l’ergonomie, de la toxicologie, c’est tout cela !
Mais c’est l’objet de notre texte, madame Le Texier ! Dans ce projet de loi, nous défendons la pluridisciplinarité !
Avec notre proposition, on trouvera, dans chaque service de santé au travail, un médecin pour animer l’équipe pluridisciplinaire de santé au travail, avec des ergonomes, des psychothérapeutes qui pourront évaluer le stress au travail, des spécialistes de la toxicologie, de la cancérologie ! C’est bien de cela qu’il s’agit !
Monsieur Assouline, nous parlons bien de notre projet, pas d’un non-projet. Il faut en parler concrètement ! Vous allez le trouver à votre goût maintenant ! Vous allez le trouver très bien, j’en suis persuadé.
Nous soulevons également la question de la coordination. Les services de médecine du travail ne sont pas coordonnés. Ils fonctionnent en parallèle, alors qu’ils auraient besoin de partager leur expérience. Nous organisons donc un pilotage à l’échelon national et régional. Je vous encourage, si vous ne l’avez pas encore fait, à discuter avec les services de santé au travail, en particulier dans le bâtiment, avec les services interprofessionnels.
Vous constaterez qu’ils ont envie d’échanger. Ils le font un peu, notamment au niveau des caisses régionales d’assurance maladie. Mais cela n’est pas suffisant. C’est pourquoi nous tentons d’obtenir une vision d’ensemble plus cohérente, en liaison avec le Conseil d’orientation sur les conditions de travail et les comités régionaux de prévention des risques professionnels. Par ce texte, nous nous efforçons de réorganiser la coordination des services de médecine du travail, pour améliorer leur fonctionnement.
Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens du projet du Gouvernement en la matière.
Nous prévoyons des équipes pluridisciplinaires, parce qu’il n’est pas souhaitable d’appréhender la santé au travail uniquement sous l’angle de la médecine du travail. Le médecin animera une équipe plus large, composée d’autres spécialistes et experts.
Nous renforçons également l’indépendance de la médecine du travail. Nous voulons toujours plus d’indépendance !
Nous améliorons l’organisation même de la médecine du travail, afin que tous les services puissent être coordonnés et travailler ensemble.
Nous complétons le dispositif par la transposition de directives européennes. Vous nous reprochez d’avoir inscrit dans le texte la possibilité pour l’employeur de désigner un ou plusieurs travailleurs pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise ou de l’établissement. Mme Le Texier va jusqu’à trouver cela incroyable !
Ce n’est peut-être pas vous, mais vous pouvez endosser la responsabilité d’une telle affirmation, j’imagine ! Cette disposition est issue d’une directive européenne, qui s’applique à tous les États membres. Nous nous contentons de la transposer.
M. Éric Woerth, ministre. Ce texte sur la médecine du travail n’est en aucun cas un cavalier législatif. Il ne sort pas de nulle part ! Au contraire, il est absolument essentiel, car pour mieux comprendre les conditions dans lesquelles on prend sa retraite, il faut prendre en compte les conditions de travail. C’est, d’abord et avant tout, le rôle des médecins du travail.
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 263 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L’amendement n° 364 rectifié est présenté par MM. Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L’amendement n° 411 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L’amendement n° 991 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 263.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Avec cet article 25 quater et les suivants, le Gouvernement propose tout simplement de démanteler notre système de santé au travail, comme plusieurs de nos collègues viennent de l’exposer.
Protestations sur les travées de l’UMP.
Mais c’est la réalité !
Depuis l’introduction de ces articles portant réforme de la médecine du travail, monsieur le ministre, nous avons tous reçu de nombreux courriers de protestation des syndicats, qui dénoncent l’abandon de notre système au profit des employeurs.
Cet après-midi, un cortège de médecins du travail assez important participait à la manifestation. Tous disaient craindre de ne pouvoir exercer leur métier en toute transparence et en toute indépendance. Il fallait les rencontrer !
Comme vous le savez, les inégalités en matière d’espérance de vie selon les métiers existent et les risques psychosociaux augmentent dans l'ensemble des secteurs professionnels. Il est donc important que des études épidémiologiques et ergonomiques soient menées en toute indépendance par rapport à l’employeur et bienveillance à l’égard des porteurs d’alerte.
Pour faire suite au projet du Gouvernement, voici ce que m’a rapporté tout à l’heure un médecin du travail qui venait de Grenoble.
Les visites systématiques ne sont pas une perte de temps ; elles permettent l’écoute et le dépistage précoce de dangers individuels et collectifs.
Le « tiers temps » du médecin du travail pour étudier les postes en lien avec les constats cliniques ne peut être réduit, même si le travail pluridisciplinaire avec infirmiers, ergonomes, épidémiologistes est susceptible de renforcer la capacité d’analyse du service.
Mais ces compétences doivent se coordonner avec la médecine du travail et non la remplacer, comme le souhaite la direction.
Parfois des ergonomes rattachés à des DRH se voient interdire de faire connaître leurs constats, alors que le statut du médecin du travail donne une autonomie, même s’il est toujours possible de mettre le médecin à l’écart ou de le licencier s’il diffuse certains constats.
Enfin, une structure nationale et régionale garantissant l’emploi des médecins du travail et des autres « préventeurs », avec financement des employeurs, peut réduire les pressions si un comité de gestion fait une large place aux représentants du personnel.
Voilà ce que nous disent les médecins du travail, monsieur le ministre. Nous, nous les avons écoutés ; mais peut-être pas vous ?
Par conséquent, nous proposons la suppression de l’article 25 quater, et nous vous demandons surtout qu’un véritable débat sur la médecine du travail ait lieu dans la sérénité et la concertation. Cet article sacralise une dérive déjà existante, qui consiste à favoriser les intérêts des employeurs. Aussi, mes chers collègues, je vous demande de ne pas l’adopter.
L’amendement n° 364 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 411.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt, mais je tiens à vous dire que vos propos sont inacceptables lorsque vous affirmez que nous ne connaissons rien au monde du travail !
Protestations sur les travées de l’UMP.
Monsieur le ministre, j’ai commencé à travailler à quinze ans. Je n’ai fait ni HEC ni l’ENA, et je n’en rougis pas.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je me suis construit tout seul et j’ai travaillé. Je connais donc le monde du travail.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Mêmes mouvements.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je peux m’arrêter ! On a bien compris que le fait de parler du monde du travail vous dérangeait vraiment, surtout lorsqu’il s’adresse à vous !
Protestations sur les travées de l’UMP.
Mes chers collègues, je sais ce qu’est le travail pénible et je sais aussi que certains en meurent.
Monsieur le ministre, je vous invite dans notre ville, pour voir les victimes de l’amiante dans les constructions navales, et dans la vallée de Condé-sur-Noireau, que l’on appelle aussi « la vallée de la mort ».
Venez voir les anciens de ces entreprises-là se promener. Ils sont peut-être encore vivants, mais ils ont des tuyaux dans les narines et traînent leur bouteille d’oxygène derrière eux pour pouvoir encore se déplacer et faire leurs courses !
Nous en sommes là parce qu’il y a eu faillite de la prévention, des lacunes et des manquements. À l’époque, le Comité permanent amiante expliquait que ce n’était pas grave et donnait comme conseils au Gouvernement de ne pas interdire l’amiante, car des normes avaient été fixées et il n’y avait donc aucun risque à respirer tant de particules d’amiante par litre d’air.
Mais on s’est aperçu que c’était faux et que les gens en mouraient ! Voilà pourquoi la médecine du travail est importante pour ceux qui sont vraiment au travail !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
J’ai vu des camarades mourir de l’amiante, une mort à petit feu par asphyxie !
L’amiante, on le respirait aussi quand vous étiez au pouvoir, et c’est un gouvernement de droite qui en a interdit l’usage !
Monsieur le ministre, contrairement à ce que vous affirmez, je connais le monde du travail !
Vous ne pouvez pas porter une telle accusation à notre égard, monsieur le ministre.
Tout a été fait, avez-vous affirmé. Mais je ne cherche pas à dire que les prédécesseurs n’ont rien fait.
Quant à M. Barrot – souvenez-vous, ce devait être en 1976 –, il est à l’origine non pas de l’interdiction de l’amiante, mais de son interdiction dans certaines fabrications. L’interdiction totale est venue après !
Monsieur le ministre, demandez à vos conseillers si c’est vrai ou non !
Par conséquent, il ne faut pas lancer de telles affirmations ! C’est bien pour faire des effets de manches à une tribune ou vis-à-vis de la presse, mais ce n’est pas vrai !
Vous avez affirmé aussi que rien n’avait été fait auparavant. Mais c’est bien Martine Aubry et la gauche qui sont à l’origine du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, ainsi que du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA !
Par conséquent, cessez ces invectives contre nous, surtout sur le dos des travailleurs !
Exclamations sur les travées de l’UMP.
M. Jean-Pierre Godefroy. Rien que pour cela, il faut voter contre cet article !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, je voudrais dissiper un malentendu.
Monsieur Godefroy, je n’ai rien dit de tout cela et votre intervention est sans rapport avec les propos que j’ai tenus !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ce procès d’intention est d’autant plus anormal que nous respectons les victimes de l’amiante. Sur ce sujet de l’amiante, les gouvernements de droite ont fait ce qu’ils devaient faire, tout comme vous probablement. On a aussi respiré des particules d’amiante sous des gouvernements de gauche, car le nuage de l’amiante ne s’est pas arrêté à un moment donné. Les gens en ont souffert longtemps !
Il a tout de même fallu vingt ans de batailles menées par les associations de malades !
Aujourd’hui, un dispositif de lutte est mis en place. L’utilisation de l’amiante a été totalement interdite par M. Barrot en 1996, et c’est tant mieux ! Cela ne fait pas si longtemps : quatorze ans. L’amiante, c’est une longue chaîne, et tout le monde est particulièrement horrifié par ce qui arrive aux victimes.
Monsieur Godefroy, je n’ai jamais dit que vous ne connaissiez pas le travail.
M. Éric Woerth, ministre. Qui peut se permettre de dire cela ?
Vous ! sur les travées du groupe CRC-SPG.
Je vous parle du droit du travail, non du travail !
J’ai dit que le parti socialiste avait investi le champ de l’emploi, et non du droit du travail, des conditions de travail.
Je n’ai pas dit que vous ne connaissiez pas le travail. Tout le monde connaît le travail et, heureusement, en a eu !
Faites bien la différence, autrement on dérape très vite et on en vient au procès d’intention. Encore une fois, je n’ai jamais dit ce que vous prétendez avoir entendu !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.
Contrairement à ce que vous venez d’affirmer, monsieur le ministre, cet article n’est rien d’autre qu’un cavalier législatif.
En effet, au mépris des organisations syndicales et des spécialistes de la prévention des risques professionnels, il réorganise et redéfinit la médecine du travail par voie d’amendement à l’Assemblée nationale.
Au-delà du procédé antidémocratique, c’est véritablement le cœur de métier des médecins du travail qui est malmené, puisque ces derniers seront réduits à ne faire que de l’hygiène industrielle, comme nous l’ont indiqué les médecins du travail que nous avons rencontrés.
Alors que, actuellement, ils définissent et mettent en œuvre leurs missions, ces tâches reviendront désormais aux services de santé au travail et à leur direction, donc aux employeurs.
Monsieur le ministre, ce transfert de responsabilité réduit leur indépendance à leur protection statutaire que vous n’avez pas osé toucher. Mais, malheureusement, et vous le savez, elle ne suffit pas.
Un employeur mécontent des rapports d’un médecin du travail peut demander aux services interentreprises que celui-ci soit remplacé par un de ses collègues. Lorsque le service de santé est organisé en interne, le médecin du travail est un salarié de l’entreprise et est donc susceptible de faire l’objet de diverses manœuvres d’intimidation.
La mainmise du patronat sur la santé au travail est d’autant plus prégnante qu’il est également indiqué que « les missions des services de santé au travail sont précisées, sans préjudice des missions générales prévues à l’article L. 4622-2 et en fonction des réalités locales ».
La commission a d’ailleurs jugé utile de renommer le chapitre IV « Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail ». Cela a au moins le mérite de la clarté !
Les médecins du travail sont ainsi réduits à n’être que de simples exécutants au service de leur employeur pour mettre en œuvre une des obligations patronales pourtant prévues à l’article L. 4121-1 du code du travail : « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
Les médecins du travail vont ainsi se retrouver tiraillés par des injonctions contradictoires. D’un côté, ils devront se soumettre aux missions du service de santé au travail, et, de l’autre, ils devront répondre à leur code de déontologie.
Comment, dans un tel contexte, leur permettre de mener à bien leur mission, c’est-à-dire prévenir les atteintes à la santé au travail et accompagner les salariés en souffrance ?
L’article 25 quater, en marquant un recul grave d’une politique de prévention des risques professionnels indépendante de toute pression, dénature complètement l’esprit de la loi de 1946 qui créa la médecine du travail. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir le supprimer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’ai écouté avec attention tout ce qui s’est dit, mais j’aimerais bien qu’on en revienne au cœur du sujet. Même si le débat est passionné, de grâce, écoutez-vous les uns les autres ! Des propos excessifs ont été tenus...
Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
À chaque fois qu’on parle, madame, vous êtes là à crier et, après, vous vous plaignez que le ton monte ! Vous ne vous en rendez même plus compte.
Faites attention et respectez les autres ! Certes, il est normal, dans une assemblée, d’apporter la contradiction, mais si chacun crie plus fort que l’autre et que nous ne nous écoutons pas, nous ne ferons pas avancer le débat !
Vous avez reconnu que la commission avait tenté d’améliorer le texte, en commençant par le structurer en évoquant la prévention et la préparation.
En matière de prévention et de pénibilité, une chose est incontournable, c’est le code du travail ! D’ailleurs, la médecine du travail figure dans ce code-là et non dans le code de la santé publique.
Ainsi, l’article L. 4622-3 du code du travail précise « Le rôle des médecins du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d’hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé. »
Dans cette logique, nous avons rencontré tous les médecins du travail représentatifs – médecins syndiqués, professeurs – et même l’Ordre des médecins. C’est à partir de leurs réflexions que nous avons essayé d’écrire quelque chose et, hormis quelques points de détail qui ne leur plaisaient pas, ils étaient globalement satisfaits et nous demandaient d’aller un peu plus loin.
Inutile de nous jeter à la tête nos lettres respectives ; nous en recevons tous ! Je n’ai pas demandé qu’on me les écrive ; je ne connais pas mes interlocuteurs et eux ne me connaissent pas non plus.
Prenez garde à ce qui se dit à l’extérieur ! On nous regarde. Or cela fait huit jours que, dans la presse spécialisée, on ne lit plus de critiques sur le texte.
Dans les manifestations, vous avez, dites-vous, rencontré des médecins mécontents. Mais les points de vue exprimés dans ces manifestations, comme il y en a eu aujourd'hui, portent sur la réforme dans sa globalité. Ils ne reflètent pas obligatoirement l’avis de ceux qui ont travaillé la question, étudié le texte et suivi les débats. Voilà la vérité !
Revenons-en donc à l’essentiel : le texte !
Le médecin du travail serait sous la coupe du patron ? Diable ! Mais, je vous l’ai dit, nous avons réécrit l’article L. 4622-4 – c’est l’alinéa 8 de l’article 25 quater – avec eux, pour préciser qu’ils agissent « en coordination » ! La version de l’Assemblée nationale était totalement différente. Maintenant, ils en sont contents. Que faire de plus ? Je ne sais pas.
Monsieur Sueur, nous vous avons écouté avec attention.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous vous écoutons toujours avec attention ! Parfois, votre propos nous agace un peu, car le ton est assez dérangeant. Mais vous ne vous en rendez peut-être pas compte...
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Écoutez-moi ! Vous avez cité le troisième alinéa de l’article L. 4622-10 du code du travail. Lisez le projet, nous l’avons repris intégralement. Que pouvons-nous faire de plus ? Dites-le-moi, parce que je ne sais plus. Soyez raisonnable et revenons à la définition du texte !
J’ai lu le rapport Conso-Frimat, notamment sa conclusion. Elle est essentiellement consacrée aux statuts et à l’évolution statutaire. En un mot, ils se tourmentent à leur sujet. C’est leur droit mais je ne pense pas que ce soit ce qu’on attendait des conclusions de ce rapport.
Monsieur Sueur, comme je vous l’ai dit, j’ai reçu plusieurs dizaines de lettres. Permettez-moi de vous en lire une dernière. Son auteur ? Thierry Lasfargues. Je ne le connais pas et ne l’ai jamais rencontré.
Voici ce qu’il m’écrit : « Monsieur le sénateur, en tant que médecin du travail en exercice, il m’apparaît que le projet de réforme des services de santé au travail attaché au projet de loi portant réforme des retraites comprend des dispositions qui constituent un progrès important au regard de la mission spécifique dévolue à la santé au travail, même si, sur certains points, elles devront être précisées et améliorées par les décrets à venir. » Donc, un peu d’humilité les uns et les autres !
Il conclut ainsi : « Compte tenu de ces aspects positifs et conscient de la nécessité d’une réforme rapide de la santé au travail, … » – qui nous a fait le reproche d’être opportunistes et guidés par le MEDEF ? – « … je souhaite voir approuvées les dispositions principales du projet de réforme de la santé au travail qui est soumis à votre assemblée. »
Tout est dit, je ne peux pas faire plus !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Ce que je souhaite, c’est que tout le monde puisse s’exprimer – on ne peut pas tous dire la même chose, ce serait ennuyeux §et que la discussion progresse.
Nous abordons ce soir la question de la médecine au travail dans le secteur privé. Monsieur le ministre, inversons les choses pour une fois et intéressons-nous à la fonction publique, car le problème de la souffrance au travail s’y pose également, comme l’a souligné la mission d’information sénatoriale sur le mal-être au travail.
Pour en revenir au trois amendements identiques de suppression de l’article 25 quater, la commission a émis un avis défavorable. En effet, leurs auteurs souhaitent écarter d’un revers de main non seulement le travail de la commission, mais surtout le projet du Gouvernement.
Revenons à nos moutons, c’est-à-dire à ce qui était au cœur de nos préoccupations. Comme nous l’avons dit – et nous voyons la passion que suscite ce débat –, cet article 25 quater et toutes les dispositions qui ont trait à la médecine du travail n’ont pas leur place dans un projet de loi portant réforme des retraites.
Nous avions souhaité que ce sujet fasse l’objet d’un texte spécifique et, à plusieurs reprises, monsieur le ministre, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat, vous aviez souscrit à cette proposition,
Aujourd’hui, notre opposition repose véritablement sur ce qui a été l’expression des médecins du travail. Sans doute n’avons-nous pas les mêmes relations, les mêmes contacts, ne côtoyons-nous pas les mêmes publics, mais les médecins du travail ont été unanimes à dénoncer votre initiative tant sur la forme que sur le fond. Pourtant, vous osez encore prétendre que vous voulez revaloriser leur fonction !
Depuis des années, et surtout depuis l’échec des négociations, nous considérons que tout ce qui a été fait pour cette spécialité est allé dans le sens de la régression. On sait la part que le MEDEF, la CGPME y ont prise.
Protestations sur les travées de l’UMP.
Je n’ai pas voulu prendre tous les dossiers les concernant mais nous avons reçu comme vous tous des lettres très militantes du MEDEF, et surtout de la CGPME ! Et dans quels termes !
Aujourd’hui, entre la majorité et ces deux organisations, ces deux partenaires sociaux, il y a une volonté d’agir vite pour démanteler la médecine du travail.
C’est le mot qui convient !
Vous méprisez les partenaires sociaux puisque la réforme de la médecine du travail était en cours de négociation. Et ce n’est pas parce qu’ils n’avaient pas encore réussi à se mettre d’accord que vous deviez agir ainsi.
J’ajoute que la manière dont vous conduisez cette réforme traduit également un mépris à l’égard des parlementaires. J’en veux pour preuve le dépôt inopiné de votre amendement à l’Assemblée nationale. Leur temps de parole étant épuisé à ce stade du débat, les députés n’ont pas pu s’exprimer sur vos propositions et le débat n’a pas pu avoir véritablement lieu.
M. Guy Fischer. C’est un véritable coup de force que vous avez orchestré à l’Assemblée nationale.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Vous vous vantez de respecter et de faire respecter le dialogue social ; c’est faux !
Monsieur le ministre, ici-même, le 5 octobre dernier, vous vous félicitiez de l’issue en commission mixte paritaire du projet de loi sur le dialogue social dans les TPE alors que, de l’aveu général, y compris des rapporteurs, ce fut un véritable fiasco !
Nous sommes donc absolument opposés à cet article, et c’est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression. Nous aurons l’occasion, au fil des amendements suivants, de développer notre point de vue sur ce sujet.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Bariza Khiari applaudit également.
M. Jean-Pierre Sueur. Je suis très sensible à tous les appels à la sérénité, propice au bon déroulement de notre discussion, monsieur le rapporteur. Que personne n’irrite personne !
Marques d’ironie sur les travées de l’UMP.
Monsieur le ministre, vous avez d’abord expliqué que les socialistes s’intéressaient à l’emploi mais non au travail.
C’est une absurdité totale !
Je me souviens très bien du vote des quatre lois Auroux, que j’ai soutenues, à l’Assemblée nationale. Pendant des jours et des nuits, MM. Madelin, Toubon et beaucoup d’autres – la liste est longue ! – étaient mobilisés contre l’ensemble des dispositions contenues dans ces lois. C’est la vérité.
Aujourd’hui, on a entendu de votre part : « Le droit du travail, c’est nous ! » Pendant une minute, deux minutes, c’est revenu comme un refrain : « C’est nous, c’est nous ! » Je pensais que vous alliez dire : « Le Front populaire, c’est nous ! » Et conclure par : « Mai 68, c’est nous, c’est nous ! »
Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Dites plutôt : « Tout est nous ! »
Monsieur le ministre, ce genre d’argument tombe de lui-même.
En guise de deuxième argument, nous avons eu droit au syndicat SUD. Nos propositions, dites-vous, en émaneraient et M. Godefroy en serait le porte-parole.
Et puis vous en arrivez à nous parler de M. Filoche, du présent et du passé de M. Filoche. Tout cela est très intéressant…
Voulez-vous que je vous parle du présent et du passé de tel ou tel, monsieur le ministre ? Mais en quoi cela a-t-il un rapport avec le sujet qui nous occupe ?
Ensuite, on a eu droit – je parle avec beaucoup de modération, puisque je vous cite – à : « Tous les journaux disent la même chose. » L’ensemble de la presse, des médias et toutes les tribunes se seraient donc ligués contre la réforme très opportune que vous proposez !
Il suffit de répéter ce que vous dites pour que chacun comprenne que cela n’a pas de sens. Pourquoi employez-vous de tels arguments ? J’essaie de comprendre.
Vous nous dites ensuite que l’on ne trouve plus de médecins du travail. Mais on ne trouve pas non plus de médecins anesthésistes, d’obstétriciens, …
… on ne trouve pas de médecins pour aller dans la Creuse, dans le Cantal, dans certains cantons ruraux. C’est un vrai problème, on le sait bien, auquel nous sommes tous confrontés. Il faudra un jour prendre des mesures pour que le droit à la santé soit autre chose que l’addition des décisions individuelles des praticiens, parce que la somme des décisions individuelles ne produit pas le bien commun en matière de santé publique. Et cela vaut dans tous les cas.
Il n’y a pas assez de médecins du travail, prétendez-vous. Et pourquoi, dans certains cantons ruraux de mon département, n’y a-t-il pas de médecins anesthésistes ? Je veux bien qu’on ait ce débat, mais en quoi fait-il avancer le sujet de la médecine du travail ?
Ensuite, vous nous objectez qu’il n’y a pas que les visites individuelles. Pour préparer ce débat – je ne suis sans doute pas le seul –, j’ai reçu un certain nombre de médecins du travail. Tous, sans exception, m’ont confié qu’ils tenaient comme à la prunelle de leurs yeux à un équilibre entre les visites individuelles, absolument nécessaires, et le fait de pouvoir travailler collectivement sur un certain nombre de sujets de prévention, de sujets d’intérêt général.
Il n’y a pas, contrairement à ce que vous affirmez, ceux qui seraient pour la visite individuelle et ceux qui seraient pour avoir une vision plus large. Aucun médecin du travail ne défend cela !
Ensuite, on a eu droit au fait que, quand bien même l’Ordre des médecins s’était exprimé, ce qu’il disait n’avait pas beaucoup d’importance, puisque, de toute façon, il était influencé par le syndicat SUD.
Mes chers collègues, qui peut donner crédit à ce genre de raisonnement ? Personne ! Donc, on n’est pas dans le sujet, monsieur le ministre. Ce n’est pas parce que quelqu’un dit que votre projet a été écrit sur la table de Mme Parisot qu’il faut répondre que le syndicat SUD a grandement influencé l’Ordre des médecins. Tout cela est nul ! Disons-le et parlons du sujet !
Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.
Je conclus, monsieur le président.
M. le rapporteur a évoqué l’article L. 4622–4 du code du travail. Je ferai de même dans sa version actuelle, il est fait deux fois référence à l’indépendance. Dans le texte proposé par la commission pour ce même article, ce mot a été retiré. Voilà qui est très clair.
La commission a ajouté que les médecins du travail agissent « en coordination ». Que voulez-vous de plus en termes d’indépendance ?
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 992, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
En décidant de déposer sur un projet de loi portant réforme des retraites une série d’amendements entraînant des modifications structurelles importantes en matière de médecine du travail, alors même que les groupes de l’opposition avaient, à l’Assemblée nationale, épuisé leur temps de parole, le Gouvernement a donné l’impression qu’il voulait en finir – en toute discrétion, oserai-je dire – avec la médecine du travail.
Je pense sincèrement qu’il faut faire grandir cette question de la fonction de médecin et de la médecine du travail. Sur ce sujet, monsieur le ministre, il faut écouter le monde du travail et lui donner plus de pouvoir.
Des travailleurs sont morts du cancer en raison de l’amiante ou de la nocivité d’un certain nombre de produits. On sait très bien que, lorsque les salariés de ces entreprises exposaient les raisons pour lesquelles leurs collègues étaient décédés, les patrons niaient l’existence de ces produits ou leur nocivité.
C’est pourquoi il faut élargir la question de la médecine du travail et donner plus de droits aux salariés des entreprises.
L’alinéa 1 que nous proposons de supprimer en est la parfaite démonstration. Il prévoit ni plus ni moins que d’autoriser l’employeur à rechercher auprès de ses propres salariés ceux qui pourraient « s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels ».
Sur la forme, la rédaction retenue me paraît particulièrement mal choisie. Quand il y va de la santé des salariés, il ne s’agit pas d’une « occupation ». Il aurait été préférable que le projet de loi retienne une formule plus positive et responsabilisante.
Sur le fond, ce ne sont pas à de simples salariés, choisis par un employeur, que doit revenir la tâche importante de garantir la non-altération de la santé des salariés, du fait de leur activité professionnelle.
Nous nous interrogeons sur les critères qui conduiront l’employeur à opter pour tel ou tel salarié. En effet, en l’absence de précisions, il est à craindre que l’employeur ne choisisse parmi les salariés en situation de grande précarité, ces derniers pouvant être sensibles à différentes formes de pression.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
M. Thierry Foucaud. Je vais conclure rapidement, monsieur le président, mais je tenais à m’exprimer, car M. le ministre nous a attaqués sur cette question.
Nouvelles exclamations sur les travées de l’UMP.
Vous ne voulez pas donner de droits supplémentaires aux salariés. Vous vous réfugiez derrière le code du travail, que les patrons, et le Gouvernement qui soutient le MEDEF, bafouent tous les jours !
Brouhaha sur les mêmes travées.
Que mes collègues m’en laissent la possibilité, monsieur le président !
Nous souhaitons que les choses se passent comme dans les CHSCT où les salariés sont élus et non pas choisis par les patrons !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je suis gêné pour M. Foucaud, car il va rendre M. Sueur chagrin ! Monsieur Sueur, vous nous avez lu le troisième alinéa de l’article L. 4622-4 du code du travail, qui est repris dans sa totalité à l’alinéa 26 de l’article 25 quater. C’est là que figure le terme « indépendance », garantie par le code du travail.
En outre, nous avons ajouté le mot « coordination », à la plus grande satisfaction des médecins du travail.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Puisque vous n’avez pas voulu me laisser terminer, je vais en faire plus, toute la nuit s’il le faut !
L’alinéa 1 soulève la question des critères qui vont conduire l’employeur à opter pour tel ou tel salarié. Je l’ai dit, en l’absence de précisions, il est à craindre que l’employeur ne choisisse parmi les salariés en situation de grande précarité, lesquels peuvent être sensibles à différentes formes de pressions.
Ne perdons pas de vue que le propre de la relation contractuelle en matière de travail est le lien de subordination, qui est un critère déterminant. Celui-ci est défini par l’autorité sous laquelle est placé le salarié : elle est détenue par l’employeur, qui dispose du pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
Monsieur le ministre, si je suis l’argumentation que vous avez développée en réponse aux interventions sur l’article 25 quater, c’est précisément la raison pour laquelle les législateurs successifs, jusqu’à votre majorité, ont décidé d’instaurer, dans les entreprises de plus de 50 salariés, un comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dans lequel siègent des salariés : ils sont partis du postulat que, ces derniers étant les premiers intéressés, ils seraient les meilleurs conseillers.
Mais, à la différence de ce qui est proposé dans cet article, les délégués du personnel siégeant au CHSCT sont non pas nommés par l’employeur, mais élus par l’ensemble des salariés, et se trouvent, en raison de la protection dont ils bénéficient, partiellement extraits de l’emprise de l’employeur. Ils peuvent, par exemple, se déplacer dans l’entreprise sans l’autorisation de celui-ci, ont théoriquement accès à certains documents obligatoires et qui revêtent une certaine importance en termes de santé au travail, et bénéficient d’heures de délégation.
Tel n’est pas le cas des salariés visés à l’alinéa 1 de cet article. Force est de constater que, à ce stade du débat, nous n’avons aucune garantie quant à leur indépendance. C’est la raison pour laquelle nous en demandons la suppression.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
M. Gérard Larcher remplace M. Roger Romani au fauteuil de la présidence.
Je n’ai pas compris la logique de la réponse de M. le rapporteur à M. Sueur. Pour résumer, son propos revient à lui dire : « Je vous ai pris la main dans le sac, vous nous faites des procès d’intention. Mais si, il y a le terme “indépendance”, mais renvoyé au code du travail ! » Franchement, on ne peut pas dire que ce texte est avare de mots. Au contraire, beaucoup de choses y sont dites.
Monsieur le rapporteur, vous pouvez estimer que nous vous faisons un mauvais procès, mais la seule façon de lever l’ambigüité, c’est de remettre le terme d’« indépendance » dans cette loi.
Non, pas à cet article ! Il y était auparavant, mais vous l’avez retiré.
Vous pouvez tourner autour du pot, mais vous comprendrez que, depuis le début de la discussion, nous avons quelques raisons d’être vigilants sur les termes employés. Nous ne nous contentons pas de croire vos belles paroles, nous essayons de codifier les choses noir sur blanc dans la loi.
Si vous estimez qu’il n’y a pas de problème sur la question de l’indépendance, que tout cela n’est qu’un faux procès conduit par la gauche en collusion avec Sud et le diable, rétablissez donc la rédaction initiale de l’article !
Vous le savez, cette question a soulevé de nombreuses discussions, bien avant que le texte n’arrive en séance plénière : alors passons à autre chose !
Je l’affirme clairement, nous n’avons pas supprimé le terme « indépendance » dans le texte de loi. La rédaction actuelle de l’article L. 4622-4 du code du travail y est reprise in extenso ; voici les termes de son dernier aliéna : « Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes et organismes mentionnés au 1°, 2° et 3°. Ces conditions sont déterminées par un décret en Conseil d’État. » Il a simplement été replacé, car le code du travail est un texte vivant !
Je mets aux voix l’amendement n° 992.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 54 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 993, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
Nous demandons la suppression pure et simple de l’alinéa 2 de l’article 25 quater.
Comme l’ont excellemment montré les collègues de mon groupe qui sont intervenus sur cet article, ce que vous nous présentez, monsieur le ministre, comme un « remaniement » de la médecine du travail est intolérable.
Nous n’aurons de cesse de vous le dire, ces dispositions, présentées en catimini, sont inacceptables parce que, contrairement à vos dires, elles placent les médecins du travail sous la coupe du patronat. Elles ne peuvent donc nous satisfaire, car elles reviennent à donner les clés du poulailler au renard ! §
Dans le secteur industriel et commercial, environ 6 500 médecins et plus de 10 000 professionnels « non médicaux » suivent un peu plus de 15 millions de salariés, d’après un avis du Conseil économique, social et environnemental présenté en 2008.
Quelque 950 structures interviennent au sein même des entreprises ou à l’extérieur. C’est dire si le secteur de la santé au travail est un sujet très important, qu’il ne faut en aucun cas négliger. Voilà pourquoi il n’a pas sa place dans ce débat.
Avez-vous entendu au printemps dernier l’appel des 1 100 médecins du travail, des inspecteurs et contrôleurs du travail ainsi que des acteurs de santé au travail, qui a recueilli à ce jour plus de 30 000 signatures, critiquant les dispositions affichées par M. Darcos, le précédent ministre du travail ? Non, je ne le pense pas ! Pas plus que vous n’entendez depuis des semaines nos concitoyens de plus en plus nombreux vous dire leur désaccord avec ce texte, vous n’entendez le personnel de santé intégré aux entreprises.
Pour notre part, nous attendons une réforme beaucoup plus ambitieuse, distinguant bien l’évaluation des risques, qui doit être indépendante, de la gestion des risques et comprenant une gestion de la pénibilité, prenant en compte les nouveaux troubles auxquels sont confrontés les salariés.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons d’adopter cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 994, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
L’alinéa 3 de l’article 25 quater redéfinit les services de santé au travail en ajoutant quelques alinéas à la formulation pour le moins succincte du code du travail.
Cela étant, la véritable question qui semble bel et bien posée par cet article, c’est celle de l’indépendance et du rôle des médecins du travail.
Sur le fond, quand on appréhende le contenu des dispositions du texte, tout semble fait pour que les services de santé au travail soient sous l’influence des employeurs. Ainsi, l’action de prévention des risques professionnels est menée en collaboration avec les employeurs, les salariés référents choisis par les employeurs et les intervenants extérieurs toujours sollicités par les employeurs. C’est donc à une sorte de mise en coupe réglée de l’intervention des médecins du travail à laquelle nous assistons avec cet article 25 quater.
Pourquoi tant d’insistance et de volonté politique de conduire à cette organisation des tâches ?
On peut penser, comme le font certains, qu’il était important de lancer le débat législatif afin de définir les conditions d’intervention des médecins du travail dans la vie de l’entreprise et pour protéger l’intégrité des salariés. Toutefois, on est bien obligé de se demander pourquoi les choses se déroulent de cette manière, surtout dans un contexte où tout ce qui fait sens du côté du service public de l’inspection du travail, de la recherche, du conseil en sécurité et en prévention des risques professionnels est sérieusement remis en question.
Outre le fait que tout cela n’ait qu’un rapport pour le moins ténu avec la réforme des retraites, cela confirme simplement notre sentiment général sur le sens de la politique gouvernementale en la matière : faire en sorte que les entreprises passent du strict respect des obligations de sécurité à un management du risque.
Il s’agirait ainsi d’une sorte de prévention qui n’en est pas une, faisant du risque un élément naturel de l’activité professionnelle, une présence permanente qu’on s’attache à éloigner sans en faire disparaître nécessairement les causes, sans doute afin de pouvoir, au cas où le risque statistique prendrait corps, imputer sa réalisation non pas à l’organisation du travail, mais à l’imprudence du salarié, considéré dès lors comme insuffisamment attentif.
Les finalités de cet article ne sont pas acceptables. Aussi, nous ne pouvons qu’inviter le Sénat à adopter cet amendement.
Je fais remarquer que cet alinéa est celui qui définit la médecine du travail dans le code du travail.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 995, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Beaucoup de choses ont été dites à propos de cet article, et singulièrement que cette réforme des retraites permet de remanier l’organisation et la définition même de la médecine du travail.
Nous le répétons encore une fois, si une réforme de la médecine du travail, acquis fondamental des salariés depuis 1946, devait se trouver sur le devant de la scène parlementaire, elle devrait faire l’objet d’un débat et d’un texte de loi autonome et non pas être imbriquée dans une réforme qui soulève déjà bien des contestations.
Tout d’abord, nous contestons logiquement la forme en elle-même de la tentative de réforme de la médecine du travail. Cette dernière se trouve « mise sur la table » et pas comme l’auraient souhaité les professionnels de la santé et nous-mêmes. À ce sujet, le président de l’association Santé et médecine du travail, Dominique Huez, précise : « Ce projet est arrivé devant les députés dans le cadre de la réforme des retraites, c’est bien la preuve que les politiques n’osent pas l’assumer ! ».
Ensuite, nous contestons le fond même de ce remaniement, qui, toujours selon Dominique Huez, « porte ni plus ni moins la démédicalisation de la santé au travail ».
Le Conseil national de l’ordre des médecins a été critique, estimant que le texte voté à l’Assemblée nationale « ne répond pas aux attentes des salariés qui doivent bénéficier d’une prise en charge globale de leur santé, ni aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique ».
Il paraît, monsieur le ministre, que vous les avez convaincus. Nous verrons…
Nous déplorons donc qu’une telle redéfinition d’un acquis fondamental de notre société s’effectue sous la forme d’un cavalier législatif, alors que « le projet de réforme aurait mérité un vrai débat au niveau national », comme le souligne Jean-François Naton, conseiller confédéral, responsable du secteur travail-santé à la CGT, qui se prononce également en faveur d’une profonde transformation des services de santé au travail.
Refuser votre réforme, ce n’est pas refuser une réforme de progrès.
Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG propose de supprimer l’alinéa 4 de l’article 25 quater.
L'amendement n° 412, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
et à l'issue de ce parcours en prévention de la survenue éventuelle de pathologies à effet différé
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Par cet amendement, nous revenons sur la question des pathologies à effet différé. Notre proposition pourrait être qualifiée de cohérente, à l’égard non du projet de loi, mais de l’action des services de santé au travail.
Il est bien évident que si les services de santé au travail accomplissent leurs missions, à condition bien entendu qu’ils en aient les moyens, les effets de leur action devront dépasser le temps du parcours professionnel.
Nous avons malheureusement par le passé eu à constater la carence des services de médecine du travail dans le drame de l’amiante ou des éthers de glycol, aveuglement auquel certaines pressions n’étaient pas étrangères. Cela ne doit pas se reproduire !
Le dernier rapport de la mission d’information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l’amiante a montré que plusieurs maladies se déclarent trente-sept ans après le premier contact avec le produit. En d’autres termes, les travailleurs en contact avec les substances CMR partiront à la retraite apparemment en bonne santé, alors que leur durée de vie et leur santé sont gravement obérées par une maladie à effet différé.
Combien de salariés employés dans les services de nettoiement, dans le secteur de l’agroalimentaire ou du bâtiment ressentent bien avant leur retraite des problèmes articulaires, qui, avec l’âge, deviendront de plus en plus graves et aboutiront à de véritables handicaps.
Combien de salariés travaillant la nuit, par équipes, en horaires décalés, ressentent l’épuisement de leur organisme et ont une durée de vie diminuée.
En juillet dernier, le Conseil économique, social et environnemental, le CESE, rendait un avis sur le travail de nuit, qui touche près d’un salarié sur cinq. Le travail prolongé la nuit, note le Conseil, présente des dangers pour la santé et devrait rester une exception. Il propose en particulier de renforcer la surveillance médicale, notamment pour les salariés de plus de 50 ans, et de développer la surveillance épidémiologique afin d’améliorer les connaissances sur les risques à long terme.
En effet, c’est par une surveillance au-delà de la durée d’emploi, par les médecins de ville en liaison avec les médecins du travail, que l’on peut déterminer avec précision non seulement le dommage causé, mais également les moyens d’y remédier. Je pense, par exemple, à de nouveaux temps de pause.
J’ajouterai un élément, même si on en parle trop peu : combien de cadres, de commerciaux vivent un stress permanent en raison de la pression des résultats qui pèse sur eux, ce qui obère aussi leur santé à long terme. On en arrive à un tel point que se développent des addictions dans ces populations, notamment à l’alcool et à la cocaïne, pour tenir le rythme effréné qui leur est imposé.
C’est un monde absurde que celui où des êtres humains en viennent à s’autodétruire pour obtenir seulement de quoi assurer leur survie, alors que le vrai profit est accaparé par quelques-uns qui coulent des jours dorés. Paraphrasant Brassens, je dirai : c’est perdre sa vie pour que d’autres la gagnent.
Les services de santé au travail ont donc parmi leurs missions de prévenir toutes ces atteintes durables à la santé. Celles-ci ne se mesureront pas en pourcentage d’invalidité, mais elles auront des effets délétères sur les victimes.
Marques de satisfaction sur plusieurs travées de l ’ UMP.
L’absence de prise en compte par votre texte des maladies à effet différé nous conduit à insister sur le rôle des services de santé au travail dans la prévention de l’apparition de ces douleurs et de ces souffrances. Voilà pourquoi nous demandons que cette précision soit inscrite dans la loi.
Mme Odette Terrade et M. Guy Fischer applaudissent.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote sur l'amendement n° 412.
M. Yann Gaillard. Je ne comprends absolument pas la logique du groupe socialiste : alors qu’il a passé son temps à nous expliquer que la médecine du travail n’avait rien à faire dans ce projet de loi, il propose maintenant d’étendre le dispositif.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 996, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Depuis des jours que dure notre débat, nous voyons bien que réformer les retraites est un vaste sujet qui se suffit à lui-même. Or, dans l’alinéa 5 de l’article 25 quater, quoi que vous en disiez, vous redéfinissez ni plus ni moins les rôles assignés à la médecine du travail auprès des employeurs, des travailleurs et de leurs représentants.
La question d’une éventuelle réforme de la médecine du travail devrait faire l’objet d’un débat et d’un texte de loi autonomes. En effet, on ne peut pas accepter que ce sujet aussi sensible soit examiné ici sous la forme d’un scandaleux cavalier législatif.
À ce sujet, le Gouvernement – cela a été dit, mais il faut le répéter – s’était tout de même engagé à mener une grande réforme de la médecine du travail afin, notamment, de faire face à la pénurie de médecins. Preuve qu’il n’assume pas ce débat, puisque, avec l’amendement qui a été introduit à l’Assemblée nationale, il veut faire passer cette discussion quasiment en catimini pour que ni les syndicats, ni les salariés, ni les employeurs ne puissent s’emparer de la question.
Puisque la mémoire des luttes sociales se perd dans le velours pourpre de ces fauteuils, …
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Visiblement, c’est nécessaire !
De nombreux acquis sociaux ont été conquis en 1946. La médecine du travail ne fait pas exception. Il serait trop long de vous exposer le combat de longue haleine qui a été nécessaire pour obtenir cet acquis social : un combat aussi ardu et gratifiant que celui qui a conduit le peuple français à conquérir des droits, dont celui d’accéder à la retraite à 60 ans.
La médecine du travail est le fruit de deux siècles de luttes, de débats, d’évolution des consciences et, à ce titre, elle mérite autre chose que la place que le Gouvernement veut lui donner dans cet article. Celle-ci est la preuve du manque de considération accordée aux professionnels de ce milieu et au travail qu’ils fournissent chaque jour dans des conditions de plus en plus difficiles.
Cependant, force est de constater qu’il y a une certaine logique derrière ce processus. En effet, pénibilité et médecine du travail sont intimement liées puisque l’une est la condition de l’autre.
Or, la pénibilité fait l’objet d’un véritable dénigrement par le Gouvernement.
En effet, c’est en relativisant son impact sur la santé des travailleurs que cette réforme repousse l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans en toute impunité. Et qui d’autre que la médecine du travail est plus à même d’incarner ce concept de pénibilité ?
Défavorable, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 997, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
Le Gouvernement, nous le savions déjà, est coutumier de grands textes de loi qui peuvent apparaître comme « fourre-tout », et qui permettent de dissimuler à volonté de graves atteintes aux acquis fondamentaux des salariés de notre pays.
Ce projet de loi ne fait pas exception à cette triste règle. En effet, vous proposez, monsieur le ministre, de manière insidieuse, de démanteler la médecine du travail dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites.
En effet, les missions actuelles des médecins du travail que sont le conseil aux employeurs, aux travailleurs et à leurs représentants, la surveillance de l’état de santé des travailleurs, la conduite d’actions de santé au travail seraient confiées aux directeurs des services de santé au travail. Autrement dit, c’est un salarié de l’entreprise qui sera garant de l’indépendance du médecin du travail.
Le projet de loi organise donc clairement la perte de l’indépendance de l’action du médecin du travail. Cela contrevient totalement aux principes fondateurs de la médecine du travail.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit l’intervention de médecins non spécialistes, déconnectés de la connaissance du milieu de travail et des postes de travail. Cela ne peut conduire qu’à une baisse évidente de la qualité de la médecine du travail.
Tous ces points ont été soulevés depuis des mois, tant par les médecins du travail que par le Conseil national de l’ordre des médecins. Il n’y a eu aucune véritable concertation avec ces professionnels. Votre projet de loi méprise totalement l’avis des professionnels de la médecine du travail.
Ce sujet de grande importance est traité en catimini, au détour d’un article, noyé dans la masse législative, mais nous sommes vigilants.
Il aurait mérité un véritable débat et un texte de loi autonome. Mais le Gouvernement, féru de cavaliers législatifs, préfère revenir de manière déguisée sur tous les fondements de la médecine du travail, à savoir une médecine indépendante centrée sur les risques professionnels. À la dérobée, le Gouvernement prévoit l’appropriation par les employeurs des moyens de contrôle de la santé au travail des salariés et organise sciemment la gestion de la pénurie des médecins du travail.
Cependant, personne n’est dupe, monsieur le ministre, chacun a compris que la combinaison de ces deux réformes – pénibilité et médecine du travail – n’a qu’un seul objectif : permettre au patronat de tout contrôler et limiter au maximum les départs anticipés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 998, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je vois que l’éventualité que nos débats se prolongent tard dans la nuit se précise, monsieur le président…
M. le président. Ce n’est pas une éventualité, madame la présidente. Nous allons continuer le travail parce qu’il s’agit d’un sujet important, qu’il convient d’analyser globalement. Nous poursuivons donc l’examen des amendements.
Marques d’approbation sur les travées de l ’ UMP.
Merci, monsieur le président !
J’ai constaté ici que notre rapporteur était équipé d’un iPad, qui lui permettait, ce qui est très bien, de nous montrer les lettres qu’il avait reçues de certains médecins du travail. J’ai appris que le groupe socialiste prenait ses ordres auprès du syndicat SUD, et que M. Filoche avait été membre de la LCR, à une époque… Je crois qu’il faudrait s’abstenir de ce genre de commentaires.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. D’aucuns n’aimeraient pas que l’on dise ce qu’ils faisaient quand ils étaient tout petits. S’il vous plaît, monsieur le ministre, évitez ce genre de choses.
Protestations indignées sur les mêmes travées.
M. Guy Fischer a parfaitement exposé ce qu’il advient en matière d’indépendance de la médecine du travail. C’est très clair : c’est inscrit en toutes lettres dans le texte.
Si nous poursuivons la suppression de ces articles, c’est pour une raison de fond, que je vais évoquer à l’occasion de l’alinéa 7 que nous proposons de supprimer et sur lequel je n’en dirai pas davantage. Il faut rendre hommage à vos talents de prestidigitateur, monsieur le ministre. En effet, alors que la pénibilité collective, par branche, est remplacée par une pénibilité individuelle fondée sur le taux d’invalidité des personnes, le débat de fond sur ce point nous est refusé et il est remplacé par un débat sur la médecine du travail, que vous avez introduite dans ce texte.
Certes, une réforme de la médecine du travail est nécessaire, mais pour garantir bien davantage l’indépendance des médecins du travail vis-à-vis du patronat. En effet, bien que celle-ci soit inscrite dans le code du travail, vous avez du mal à l’accepter puisque vous prévoyez la tutelle du directeur des services de santé au travail, et nous savons ce que cela signifie.
Or, ce qui pèse sur les médecins du travail, c’est précisément la tutelle permanente du patronat, qui fait tout pour les empêcher de faire leur travail. Par ailleurs, une telle réforme devrait lutter contre la pénurie des médecins du travail en revalorisant cette profession.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce débat devrait être traité de manière séparée, en dehors d’une loi sur les retraites.
M. Jean-Paul Emorine martèle son pupitre en signe d’impatience.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 999, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Vera.
Je voudrais évoquer un ouvrage récent, écrit par l’ancien conseiller en management de l’équipe du P-DG de France Télécom, qui détaille les procédures à suivre pour mettre en place un management consistant à briser des salariés afin de pouvoir mieux les faire partir sans être contraint les licencier. L’auteur, alors en contact régulier avec les formateurs qui animaient les stages de management nous y décrit des stages efficaces, vivants et concrets, illustrés d’exercices pratiques inspirés de la réalité.
Par exemple, lors d’un stage, la mise en situation était la suivante : on proposait aux stagiaires de réduire de moitié les effectifs de leur plate-forme, soit vingt-cinq personnes.
Sur ces vingt-cinq personnes, un homme avait une mère atteinte d’une maladie grave. Or, ce salarié va la visiter chaque jour et sa mutation doit l’envoyer à plus de cent kilomètres. L’exercice était alors de répondre à la question suivante : « Comment vous y prenez-vous pour le faire partir ? ». Après l’exercice, le formateur donnait la réponse. II faut, disait-il, faire comprendre avec humanité l’importance de ce choix : soit le collaborateur emmène sa mère avec lui, soit il démissionne pour rester auprès d’elle. Le formateur concluait ainsi : « culpabilisé, le collaborateur prendra lui-même la bonne décision : démissionner ».
Ce type de mises en situation a même été théorisé à la demande de France Télécom par un cabinet de conseil – Orga consultant – au sein d’un tableau intitulé « Les phases du deuil ». Cet outil devait permettre au manager de comprendre l’état psychique du salarié qui subit une mutation forcée dans une ville éloignée ou dans un autre service. Le deuil y est ainsi décrit comme un processus chronologique qui passe par six étapes : tout d’abord « l’annonce de la mutation », puis « le refus de comprendre », « la résistance », « la décompression », et, enfin, « la résignation » et « l’intégration du salarié ».
Toutefois, le document mettait en garde les managers contre les risques potentiels : par exemple, en phase 3, dite de « résistance », l’employé peut se livrer à des actes de sabotage. Puis, en phase 4, dite de « décompression », il peut chuter dans le désespoir et la dépression. La légende apparaissant sous la courbe conseille alors au manager de faire entendre à son employé dépressif que « l’évolution des besoins est à la source du changement ».
Nous connaissons tous le résultat de cette politique managériale : dépressions des salariés, suicides en séries, drames humains innombrables et des centaines de vies brisées.
Jadis, les entreprises licenciaient. Aujourd’hui, elles harcèlent moralement les indésirables pour les pousser à la démission. De nombreux médecins du travail, qui ont observé de près les effets dévastateurs de ces politiques managériales, les ont dénoncées avec vigueur.
En plaçant désormais ces médecins sous la tutelle de l’employeur, ce dernier sera désormais assuré de leur silence.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – MM. Jean-Pierre Godefroy et Jacky Le Menn applaudissent également.
L'amendement n° 1017, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après les mots :
Ils agissent
insérer les mots :
en toute indépendance et
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Dernièrement, le Conseil national de l’ordre des médecins a rappelé au ministère du travail que l’indépendance des médecins du travail ne devait pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail.
Il faut croire que le Gouvernement n’a pas entendu ces recommandations. Nous avions déjà expliqué, par nos différentes interventions sur l’article 25 quater, que ce dernier aliénait la médecine du travail en la transformant en outil d’évaluation de la pénibilité au service des employeurs et au détriment de la santé des travailleurs.
Encore une fois, la dimension humaine est chassée au profit d’une gestion comptable des corps et des esprits. En l’état actuel, la médecine du travail connaît un certain nombre de failles. Notamment, les médecins du travail déplorent depuis plusieurs années les difficultés à assurer leur indépendance médicale. Cette indépendance passe par la fixation personnelle de leur programme de travail, l’administration de leurs moyens de production, la liberté d’expression de leur avis et de la mise en œuvre de leur décision.
Or, force est de le constater, on est loin du compte en ce qui concerne la médecine du travail. Rappelons simplement, à titre d’exemple, que le coût de fonctionnement du service médical restant à la charge de l’employeur, les dépenses de santé ne sont pas forcément une priorité pour ce dernier.
De plus, aujourd’hui, contrairement aux préconisations du Conseil de l’ordre des médecins, qui a déclaré qu’il ne peut appartenir au directeur des services de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service, la définition des objectifs de santé échappe au médecin du travail.
Cette réalité risque de se renforcer encore avec la réforme introduite ici par le Gouvernement. En effet, le texte prévoit que désormais les missions du médecin du travail sont exercées sous l’autorité de l’employeur, lequel doit également désigner la ou les personnes compétentes dans l’entreprise pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
Ainsi donc, le salarié remettrait entièrement la santé entre les mains de son patron. Voilà qui n’est pas pour nous rassurer !
Comme le dénoncent d’ailleurs les syndicats de médecins, le Gouvernement n’a tiré aucune leçon de l’affaire de l’amiante, et s’apprête à supprimer l’un des contre-pouvoirs qui pouvait, dans l’entreprise, faire valoir des arguments médicaux et de santé publique pour éviter l’altération de la santé des salariés, du fait de mauvaises conditions de travail.
Pour toutes ces raisons, même si nous sommes conscients des difficultés actuelles pour les médecins du travail d’exercer leur activité en toute indépendance, même si nous sommes fermement opposés à la dénaturation de la médecine du travail à laquelle le Gouvernement procède, nous vous demandons, par cet amendement de repli, de préciser que les médecins agissent en toute indépendance.
Mme Odette Terrade applaudit.
L'amendement n° 413, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 8, seconde phrase
Après le mot :
employeurs
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, les membres du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ou les délégués du personnel et les intervenants en prévention des risques professionnels.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
La désignation de salariés par l’employeur pour s’occuper d’activités de prévention et de protection des risques professionnels est une disposition d’intégration d’une directive européenne de 2007.
Comme trop souvent en matière sociale, le droit européen est nettement inférieur au nôtre en matière de protection des salariés. De plus, l’alignement sur le moins-disant est fréquent, sous l’influence des organisations patronales européennes. Il aurait donc été parfaitement possible de maintenir dans notre droit des dispositions d’un niveau de protection plus élevé. Le droit européen ne s’y oppose pas.
En matière de protection des salariés contre les risques professionnels, la France dispose d’un instrument particulièrement important avec le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le CHSCT. Au lieu de proposer l’extension de cet instrument aux entreprises de moins de cinquante salariés, comme on aurait pu l’espérer, le Gouvernement opte pour la simple transposition de la directive. Cela revient à faire entrer un droit a minima dans notre arsenal juridique de protection des salariés.
Mais le risque va bien au-delà. En effet, si le CHSCT continuera à exercer ses prérogatives dans les entreprises de cinquante salariés et plus, nous verrons se développer dans les autres un système étrange où des salariés seront désignés par l’employeur pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels !
Comment une telle disposition s’articule-t-elle avec l’obligation qui incombe à l’employeur de protéger la santé mentale et physique des salariés ?
Par exemple, en cas d’accident ou d’exposition à des substances dangereuses provoquant une maladie professionnelle, ne risque-t-on pas de voir certains employeurs se défausser sur les salariés qu’ils auront eux-mêmes désignés, afin de ne pas voir leur faute inexcusable invoquée ?
Cela nous renvoie à la compétence. Quelle sera leur formation en matière de sécurité et de protection de la santé ? Rien n’est prévu.
D’ailleurs, on peut le concevoir. On imagine bien que les employeurs ne voudront pas se trouver en butte aux recommandations et aux critiques de ces salariés si ces derniers acquièrent une compétence réelle et certifiée par un organisme officiel.
Cela nous renvoie de nouveau à une autre question : quelle sera l’indépendance des salariés désignés ? Comment pourront-ils résister à des pressions pour ne pas intervenir, signaler tel ou tel manquement de l’employeur ? Quelle sera leur crédibilité auprès des autres salariés ? Comment seront-ils protégés en cas de menace de licenciement ?
Il n’est écrit nulle part dans ce texte que les salariés désignés seront protégés, alors même que le projet de loi prétend leur confier une responsabilité qui peut se révéler considérable dans les faits.
C’est pourquoi l’intervention des spécialistes de la prévention des risques professionnels est primordiale ; elle ne saurait être facultative. Encore convient-il de préciser que les intervenants en prévention des risques professionnels, les IPRP, eux-mêmes ne disposent pas d’un statut protecteur comme les médecins du travail. Ils sont donc à la merci d’une intervention du chef d’entreprise auprès de leur employeur.
En réalité, nous sommes devant un échafaudage en apparence incohérent, mais dont l’objectif est, dans toutes les entreprises de moins de cinquante salariés, de diluer la responsabilité de l’employeur sur la santé et la sécurité des salariés.
Et il s’agit non seulement de la diluer, mais également de la transférer subrepticement aux salariés, qui deviendront eux-mêmes responsables de leur santé et de leur sécurité. En l’état, c’est une disposition de protection des employeurs.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 999, qui vise à supprimer l’alinéa 8 de l’article 25 quater.
Les auteurs de l’amendement n° 1017 souhaitent que nous rappelions une nouvelle fois le principe d’indépendance des médecins ; c’est le sujet dont nous discutons actuellement. Nous savons que cette indépendance résulte du code de déontologie médicale et constitue l’une de leurs garanties spécifiques en matière de licenciement.
La commission émet un avis favorable sur cet amendement. En effet, nous pensons que la répétition est la meilleure des pédagogies, et cela s’inscrit dans l’esprit du projet de loi.
Idem pour l’amendement n° 413. La désignation de salariés par l’employeur dans le cadre de la prévention des risques professionnels est une pratique courante au sein des entreprises. Cette rédaction reprend une formulation qui figure dans une directive européenne. Là encore, ce n’est peut-être pas plus mal de répéter les choses.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 1017.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 413.
Je constate que cet amendement a également été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1000, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 10 de l’article 25 quater.
Nous avons maintes fois affirmé notre opposition à cet article, mais nous n’aurons de cesse de le faire tant que nous le pourrons, compte tenu de la gravité et de l’importance du sujet.
En effet, cet article figure dans un projet de loi de réforme des retraites ; or il concerne la médecine du travail. En clair, et plusieurs de mes collègues l’ont souligné avant moi, c’est un véritable cavalier législatif. La seule thématique qui peut créer un lien entre les deux sujets est celle du travail, mais elle est abordée sous un angle tellement différent qu’on ne pourrait en aucun cas justifier son examen ici, dans le cadre du projet de loi de réforme des retraites.
Sauf évidemment à dévoyer le sens et la fonction de la médecine du travail. Car, en plus d’être hors sujet, cet article est dangereux !
Quelle peut bien être la fonction de l’insertion de tels articles sous forme d’amendements à l’Assemblée nationale, si ce n’est la volonté d’orienter cette médecine dans le sens d’un projet idéologique qui, comme le reste du texte, ne sert pas les travailleurs ? Car – nous l’avons dit – ce projet de loi de réforme des retraites est destiné à préserver les intérêts du capital, en faisant supporter la charge financière, mais aussi humaine, de cette réforme par les travailleurs, et ce à 85 %.
Comme le Gouvernement oriente le financement des retraites en fonction non pas, comme il tente de le faire croire, de la démographie, mais d’un projet défini par les volontés du MEDEF, il introduit de la même manière la médecine du travail au cœur de ce texte. Il n’a d’autre volonté que d’inféoder la médecine aux intérêts du patronat.
Quand on sait l’absence de reconnaissance de la pénibilité du travail dans le calcul du montant des pensions de retraite, quand on sait que seul le constat d’une incapacité avérée saurait justifier un arrêt antérieur à l’âge défini par ce projet de loi, sans reconnaissance globale de la souffrance au travail, on ne peut qu’imaginer une régression du rôle de la médecine du travail à cause de ce texte.
Pourtant, le rôle de prévention qu’assume ce métier est de première importance et constitue depuis 1946 un des acquis sociaux les plus importants des travailleurs.
On ne peut limiter la médecine du travail à des fonctions précises, tant la santé, au travail comme ailleurs, ne saurait s’appréhender que de manière globale et générale. Définir des missions au lieu d’une compétence générale, c’est nécessairement les limiter, en diminuer le rôle, et cela, nous ne saurions l’accepter !
Comment nous assurer également que la médecine du travail ne serait pas soumise aux intérêts des entreprises ? La frontière est ténue, et notre suspicion est d’autant plus grande quand cela s’insère dans une loi qui ne fait que détruire la retraite par répartition.
Voilà pourquoi notre groupe présente cet amendement de suppression.
L'amendement n° 1214, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 10
Remplacer les mots :
deux articles,
par les mots :
trois articles, L. 4622-8,
II. - Alinéa 11
Remplacer la référence :
L. 4622-9
par la référence :
L. 4622-8
III. - Alinéa 12
Faire précéder cet alinéa de la référence suivante :
Art.- L. 4622-9
IV. - Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'article L. 4622-8 devient l'article L. 4622-15. » ;
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement n° 1001, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Nous refusons cette réforme « low cost » de la médecine du travail. D’une part, et je l’ai déjà souligné, elle n’a pas sa place dans le présent projet de loi. D’autre part, pour reprendre la formule de Jean Jaurès, nous ne pouvons pas séparer « la République des idées de justice sociale, sans laquelle elle ne serait qu’un mot ».
La médecine du travail est un acquis pour la santé des travailleurs ; elle est née d’un vote unanime de la représentation nationale.
Pourtant, avec cet article, vous attaquez l’un des fondamentaux de l’après-guerre, puisque vous supprimez l’obligation du recours à un médecin du travail pour surveiller la santé des salariés, une « équipe pluridisciplinaire » composée d’infirmiers, de techniciens ou de consultants, moins payés et moins protégés, faisant maintenant l’affaire.
La protection de la santé des salariés passera désormais par des professionnels moins autonomes, sans statut protecteur. En bref, vous transférez la médecine du travail aux employeurs.
À l’heure où les risques psychosociaux se sont accrus, où les conditions de travail sont de plus en plus éprouvantes, de telles mesures viennent encore renforcer les prérogatives des entreprises aux détriments des salariés.
Nous ne pensons pas, comme M. Darcos, que la santé des salariés soit « l’affaire des managers ». Nous pensons au contraire qu’il est impératif d’empêcher la « démédicalisation » de la prévention médicale des risques professionnels.
L’équipe pluridisciplinaire, c’est le service interentreprises de santé au travail. Son patron, c’est le directeur, autrement dit le délégué nommé par les employeurs.
Avec la disparition implicite de la commission de contrôle, où les représentants des salariés sont aujourd’hui majoritaires, disparaîtrait le statut de « salarié protégé » des médecins du travail, statut qui a pour objet de garantir leur indépendance.
Non seulement les représentants des salariés n’auront aucun pouvoir décisionnel, mais ils perdront leurs prérogatives actuelles : leur accord préalable pour toute décision concernant l’embauche, le licenciement, le changement de secteur ou d’entreprise des médecins du travail. Désormais, c’est le directeur qui est « garant de l’indépendance du médecin du travail ».
Je ne reviens pas sur les courriers que nous avons tous reçus. Au-delà de leur contenu, dont chacun peut s’emparer pour justifier son propos, tous ont pour dénominateur commun de montrer l’importance du sujet, qui mérite donc un traitement de haute tenue, et non une réforme en catimini.
C'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
M. Guy Fischer applaudit.
L'amendement n° 1018, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils donnent une cohérence d'ensemble au travail de cette équipe dans le respect des compétences de chacun.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
L'amendement n° 1002, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1000, qui vise à supprimer l’alinéa 10, sur l’amendement n° 1001, qui tend à supprimer l’alinéa 11, ainsi que sur l’amendement n° 1018.
L’amendement n° 1002 a pour objet de supprimer la mention selon laquelle les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou le coordonnent avec les services extérieurs.
En l’occurrence, la majorité des présents lors de la réunion de la commission a émis un avis favorable sur cet amendement. Toutefois, à titre personnel, je trouverais cette suppression particulièrement regrettable, parce qu’elle affaiblirait la protection des travailleurs.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
La médecine au travail a une vocation préventive, celle d’éviter que la santé du salarié ne s’altère en raison de son activité professionnelle. À ce titre, la médecine au travail participe pleinement à la définition des politiques de santé publique qu’un État riche comme le nôtre devrait être en mesure de mettre en place.
Les équipes pluridisciplinaires peuvent, malgré tout, parce qu’elles font appel à des compétences et à des approches différentes, être une véritable chance pour les salariés, à la double condition que les moyens financiers et humains permettent réellement la constitution de telles équipes et que le médecin du travail demeure l’élément central de ces dernières.
En effet, comme vous le savez, la médecine du travail est complexe et requiert une formation spécialisée de qualité, en particulier pour la prévention des risques professionnels. Le niveau d’expertise est une garantie d’indépendance face aux pressions contradictoires en milieu de travail et demeure le seul moyen de garantir la qualité du travail produit par les équipes pluridisciplinaires.
Si nous nous satisfaisons de la précision selon laquelle la charge d’animer l’équipe revient au médecin du travail, nous considérons qu’il faut aller encore plus loin en confiant à ce dernier des missions de coordination et de structuration des équipes.
Tel est le sens de l’amendement n° 1018, qui vise à faire en sorte que le médecin du travail donne une cohérence d’ensemble au travail de l’équipe pluridisciplinaire dans le respect des compétences de chacun.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 414, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels non médecins des services de santé au travail ne peuvent recevoir d'instructions de la part des employeurs dans l'exercice de leurs missions.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Cet amendement vise à assurer aux personnels non médecins des services de santé au travail les nécessaires garanties d’indépendance dans l’exercice de leurs missions.
En effet, le projet de loi réorganise totalement les services de santé en y intégrant pleinement la démarche pluridisciplinaire.
Ce point serait plutôt positif si le nombre de médecins du travail était préservé. Malheureusement, nous le savons, l’acte de décès de cette profession a été prononcé par non-renouvellement de ses membres.
La pluridisciplinarité prend donc une importance accrue puisque les intervenants en prévention des risques professionnels, les IPRP, et les infirmiers vont être appelés à exercer des responsabilités renforcées, notamment en visitant les entreprises, que ce soit pour y réaliser des interventions sous la responsabilité du médecin ou pour examiner les installations et les conditions de travail.
Leur liberté de mouvement et de parole doit par conséquent être garantie. Ils ne doivent pas risquer de se voir interdire sans motif valable l’accès à tel ou tel lieu. Ils ne doivent pas non plus subir de pression pour rencontrer tel salarié plutôt que tel autre.
Cette précision est d’autant plus importante que les salariés désignés pour la prévention par l’employeur risquent également d’être désignés par lui de préférence à d’autres pour rencontrer les IPRP.
Il est donc fondamental que les personnels non médecins soient protégés de toute pression, instruction ou indiscrétion de la part des employeurs.
Tel est l’objet de cet amendement.
La commission a jugé cette précision intéressante. Elle a donc émis un avis de sagesse.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, car il existe tout de même des limites.
Je peux comprendre que l’on veuille garantir l’indépendance des médecins. Mais si l’on vous suivait, à ce moment-là pourquoi ne pas penser à garantir aussi l’indépendance des ingénieurs ? Eux aussi ont un employeur. Derrière le mot « indépendance »…
On parle de l’indépendance médicale. L’employeur n’est pas un diable !
Heureusement, le monde n’est pas aussi binaire que vous l’affirmez ! Contrairement à ce que vous pensez, il y a des employeurs qui agissent aussi en fonction de l’intérêt de leur entreprise et de leurs salariés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Monsieur le ministre, vous allez un peu vite.
L’évolution de la médecine du travail et la volonté d’arriver à des équipes pluridisciplinaires amèneront les infirmières et les infirmiers, notamment, à avoir une responsabilité. Il faut leur garantir une indépendance, au même titre qu’aux médecins, faute de quoi nous risquons de nous trouver face à un problème.
Dans une équipe pluridisciplinaire, le médecin est protégé, naturellement. Nous aurons l’occasion de discuter ultérieurement de l’indépendance de ce dernier. Mais l’infirmière ou l’ergonome ne seront pas protégés. Cela créera véritablement une dichotomie. Je ne vois pas comment le système fonctionnera. Selon moi, il serait bon que les personnels paramédicaux soient également protégés dans l’entreprise.
Nous sommes très attachés à ce point et Annie David avait également envisagé de déposer un amendement.
L’amendement qui vient d’être présenté soulève la question essentielle du statut des infirmiers et des intervenants en prévention des risques professionnels.
En effet, à côté de la situation des médecins du travail, sur laquelle nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord, le vrai problème, de l’aveu même des médecins du travail en exercice que nous avons reçus, sera celui des infirmiers et des IPRP.
Les médecins du travail, quelles que soient leur situation et leur attitude individuelle, même s’ils sont tenus par un contrat de travail et rétribués comme tels par un chef d’entreprise, savent qu’ils ont un statut qui leur est propre.
Un médecin est soumis à un code de déontologie. Son travail au quotidien peut être complexe. La situation des infirmiers et des IPRP est toute différente, car ces professionnels ne bénéficient pas du même statut que les médecins. Alors qu’ils travaillent chaque jour avec les médecins du travail dans les services de santé au travail, ils subissent de manière beaucoup plus frontale la pression de leur hiérarchie.
Au fil des discussions que nous avons eues avec des médecins du travail en exercice, il est apparu nécessaire de faire en sorte que ces professionnels puissent, eux aussi, exercer leur activité et leurs compétences sans craindre de perdre leur travail.
L’idée qui est ressortie de nos entretiens est celle d’intégrer les infirmiers et les IPRP dans une espèce de département du travail, et de leur faire profiter également d’une protection contre les licenciements qui, parfois, viennent sanctionner une trop grande indépendance.
Nous voulions déposer un amendement sur ce sujet, mais la procédure accélérée et les conditions dans lesquelles nous travaillons ne nous en ont pas laissé le temps.
C’est pourquoi nous apportons notre soutien à l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Je ne veux pas relancer la polémique qui a été déclenchée il y a un moment. On nous avait alors répondu que nous n’y connaissions pas grand-chose.
J’ai eu l’occasion de travailler une dizaine d’années dans le service médico-social d’une entreprise importante et connue. Vous ne pouvez pas savoir, monsieur le ministre, à quel point on y subit des pressions pour révéler des informations sur les salariés.
Mon employeur n’était pas un monstre. C’était un homme normal et plutôt intelligent. Mais ses questions allaient parfois au-delà de la simple curiosité, et il fallait alors résister de toutes nos forces pour ne pas divulguer des éléments sur la vie personnelle ou la santé de tel ou tel salarié.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 415, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les intervenants en prévention des risques professionnels sont, dans le cadre de leurs missions, habilités à proposer à l'employeur des mesures individuelles dans les conditions prévues à l'article L. 4624-1.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
Cet amendement prévoit que les intervenants en prévention des risques professionnels, dans le cadre de leurs missions, puissent proposer aux employeurs toutes mesures individuelles qu’ils estimeraient utiles.
Cela, malheureusement, ne préjuge pas le résultat qu’ils obtiendront de la part de l’employeur, mais il est important que la loi leur donne explicitement cette possibilité afin que certains employeurs ne s’autorisent pas à exercer des mesures de rétorsion à leur encontre.
En fait, cet amendement pose en creux la question du fonctionnement de la pluridisciplinarité, sujet sur lequel nous sommes intervenus plusieurs fois ce soir.
De nombreux médecins du travail, nonobstant ce qu’affirme M. le rapporteur, craignent que le projet de loi que vous présentez, monsieur le ministre, n’aboutisse au morcellement de l’activité clinique et au remplacement des médecins du travail par des personnels non formés et ne bénéficiant pas des garanties statutaires des médecins.
Nous partageons cette crainte pour ce qui touche à l’activité clinique.
Cependant, la pluridisciplinarité doit aussi permettre de renforcer la prévention et la protection des salariés. L’intervention d’ergonomes, par exemple, doit conduire à une diminution des troubles musculo-squelettiques, et donc à la diminution des souffrances endurées et des coûts pour la protection sociale.
Pour que cela ne demeure pas à l’état de vœux pieux, il est nécessaire que les intervenants en prévention des risques professionnels puissent proposer des mesures concrètes, pratiques et individuelles, adaptées aux situations rencontrées.
Des modifications de matériel, des changements de postes de travail, doivent pouvoir être proposés sans créer de conflits avec certains employeurs irascibles et sans risque d’être « éjecté » de l’entreprise manu militari, comme cela s’est déjà produit. C’est, hélas ! loin d’être une hypothèse d’école.
Avec cet amendement, il s’agit donc d’avancer une proposition visant à la fois à protéger les intervenants en prévention des risques professionnels ainsi que les salariés et à permettre une meilleure maîtrise des coûts ayant trait à la protection sociale.
Tout cela ne doit pas laisser indifférents les employeurs, qui sont aussi des gestionnaires de la branche AT-MP, accidents du travail–maladies professionnelles. Les employeurs ont également tout intérêt à prendre conscience que les maladies professionnelles et les accidents du travail ont un coût beaucoup plus élevé pour les entreprises que la préservation de la santé et de la sécurité des salariés. Certains en sont conscients, ils sont même relativement nombreux, mais, hélas ! d’autres, encore plus nombreux, ne sont pas dans ce cas, ce qui justifie l’adoption de cet amendement.
Renforcer les compétences des intervenants en prévention des risques professionnels par la mise en œuvre d’une procédure écrite peut paraître une bonne solution.
La commission émet donc un avis de sagesse.
Il ne s’agit pas des mêmes pouvoirs. Du pouvoir médical dépend un certain nombre de prérogatives que n’ont pas les autres intervenants. Il existe une différence. Vous voulez systématiquement augmenter les choses. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 416, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les infirmiers et les intervenants en prévention des risques professionnels bénéficient des dispositions des articles L. 4623-4 à L. 4623-7 du code du travail.
La parole est à M. Yves Daudigny.
Selon la rédaction proposée pour l’article L. 4622-9 du code du travail, le médecin du travail est chargé d’animer l’équipe pluridisciplinaire. Ce n’est pas seulement une adaptation, c’est aussi un changement fondamental de sa fonction.
Même si nous ne partageons absolument pas cette option, nous l’avons dit, nous devons nous efforcer d’en tirer les conséquences en protégeant les personnels non médicaux qui se trouveront de plus en plus exposés dans les services de santé au travail et dans les entreprises.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à faire cette proposition. Je relève dans le rapport de MM. Dellacherie, Frimat – c’est toujours le même cousin – et Leclercq que « l’indépendance technique des infirmières santé travail, qui, pour deux tiers d’entre elles, travaillent dans les entreprises et ne dépendent pas d’un service de santé au travail, serait en outre garantie par l’attribution du statut de salariées protégées ».
Le rapport précise que cette garantie statutaire devrait d’abord profiter à « celles qui bénéficient d’une délégation expresse du médecin du travail pour réaliser des actes médicaux ».
Il n’est pas possible d’exprimer avec plus de clarté deux notions.
Premièrement, il faut entendre désormais par pluridisciplinarité la pratique d’actes médicaux par délégation. Par conséquent, si le médecin conserve une responsabilité, l’infirmier ou l’infirmière risque fort de voir aussi la sienne mise en cause pour des actes médicaux réalisés seuls en pratique, dans l’entreprise ou dans le service de santé au travail. Une formation qualifiante doit donc être mise en place d’urgence.
Deuxièmement, la nouvelle pratique de ce qui n’est plus la médecine du travail issue de la loi du 11 octobre 1946 appelle une protection spécifique des personnels non médicaux qui vont exercer sur délégation.
Deux types de problèmes se poseront à ces personnels : d’une part, la mise en cause de la responsabilité professionnelle pour les conséquences éventuellement dommageables des actes pratiqués, surtout s’ils le sont sans la formation nécessaire ; d’autre part, la mise en cause par la direction du service de santé au travail, que ce soit en interne ou sur réclamation d’un employeur.
En toute hypothèse, comment ne pas penser aux contentieux possibles ? Les personnels non médecins vont se trouver exposés, sans bénéficier de la même protection que les médecins, alors qu’il leur sera demandé d’accomplir une partie des tâches qui étaient exclusivement dévolues à ceux-ci auparavant.
C’est toute l’ambiguïté, pour ne pas dire plus, de cette nouvelle pluridisciplinarité, car le projet de loi est très flou sur ce point. Ne s’agit-il pas simplement d’organiser la gestion de la pénurie ? Ne s’agit-il pas de limiter, sinon de neutraliser, les interventions des médecins « indépendants » – j’ai bien lu l’alinéa 26, monsieur le ministre ! –, pour ne pas dire indociles, pour les remplacer par des personnels moins formés ou formés à des disciplines différentes et, surtout, non protégés par leur statut.
La majorité des présents lors de la réunion de la commission des affaires sociales a donné un avis favorable. On peut cependant s’interroger sur les conséquences pratiques de cet amendement. À titre personnel, j’émets donc un avis défavorable.
L’avis du Gouvernement est défavorable.
L’attribution du statut de salarié protégé est exceptionnelle et doit évidemment le rester. En ce qui concerne le médecin, ce statut protégé est lié aux prérogatives qu’il exerce à l’égard du salarié et aux conséquences que peuvent avoir ces prérogatives sur le contrat de travail, par exemple lorsqu’un avis d’inaptitude est rendu. Il convient donc de réserver ce statut protégé au médecin.
Tout d’abord, je note que la majorité de la commission des affaires sociales a rendu un avis favorable.
Ensuite, permettez-moi de vous faire part de mes interrogations car, dans son rapport sur l’avenir de la médecine du travail, le Conseil économique, social et environnemental précise, concernant les infirmiers du travail : « Notre assemblée considère que la voie de la délégation de compétences, déjà expérimentée dans certains services de santé au travail sur la base de protocoles précis établis par le médecin du travail et sous son entière responsabilité, constitue une des solutions mobilisables, sous réserve d’un cadre réglementaire clair et accepté par toutes les parties. »
Ne pourrait-on pas imaginer, monsieur le ministre, que les infirmiers du travail, lorsqu’ils agissent sur délégation de compétences du médecin, bénéficient, dans ce cadre, de la même couverture que le médecin ? Il me semble qu’une telle solution mériterait que l’on y réfléchisse, car elle me paraîtrait normale. Sinon, le médecin va accorder une délégation de compétences, faire réaliser des actes, mais le personnel infirmier n’aura pas la même garantie d’indépendance que le médecin. Il faudrait au moins préciser la portée de la délégation de compétences, pour protéger ces infirmiers qui seront appelés à intervenir toujours plus, puisqu’il n’y a pas suffisamment de médecins du travail.
M. Éric Woerth, ministre. La délégation de compétences protège déjà juridiquement l’infirmier. Il n’est donc pas nécessaire de le protéger par l’octroi d’un statut spécial. Je pense que la situation est parfaitement claire.
M. Jean-Pierre Godefroy est dubitatif.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1003, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
Avec cet amendement, nous souhaitons réaffirmer l’importance du sujet de la médecine du travail, qui aurait mérité un traitement de haute tenue. Nous sommes très attachés à cette indépendance, dans la mesure où elle était l’émanation d’un vote unanime de la représentation nationale. Évidemment, nous sommes loin de 1946 !
Le Gouvernement veut organiser la perte de l’indépendance d’action du médecin du travail et nous avons engagé à ce sujet un très long débat qui se poursuit à l’occasion de l’examen de cet article.
Un texte législatif propre à la santé au travail et améliorant les dispositifs actuels – car nous convenons que des améliorations peuvent y être apportées – aurait été souhaitable et nous aurait permis de constater que, bien souvent, la médecine du travail est le parent pauvre, qu’elle manque cruellement de moyens humains et financiers, bien que l’on nous dise le contraire !
L’amendement n° 417, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
et en fonction des réalités locales
La parole est à M. Claude Jeannerot.
Le nouvel article L. 4622-10 du code du travail créé par cet article 25 quater introduit dans les missions des services de santé au travail la notion de « réalités locales ». Cette rédaction nous inquiète, surtout parce qu’elle est accolée à l’introduction de contrats d’objectifs et de moyens.
Si nous sommes favorables à la définition d’objectifs, parce qu’elle peut porter un certain niveau d’ambition, nous sommes inquiets quant aux moyens : le simple fait d’en parler revient à constater qu’ils manquent et qu’ils vont manquer encore plus. Admettez avec moi que des objectifs sans moyens correspondants ne pourront être tenus. Ou alors, il faudra réviser les objectifs, et nous voyons bien où tout cela mènera.
C’est pourquoi, dans ce contexte, la notion de réalités locales est un élément de restriction supplémentaire. Comment peut-on définir juridiquement les réalités locales ? Les réalités s’imposent : en matière de médecine, de santé et de sécurité, elles peuvent, elles doivent même, justifier un surcroît d’activité et de moyens. Mais il est très inquiétant de définir a priori les missions de services de santé en fonction de réalités locales. En effet, les missions des services de santé au travail ne sauraient être précisées au gré des circonstances locales, par définition variables et évoluant dans le temps.
Les missions de la médecine du travail, telles que nous les concevons, ont un lien direct avec la santé publique. Tous les travailleurs, dans toutes les branches et dans toutes les régions, doivent être traités avec l’ensemble des moyens, non pas les moyens disponibles, mais les moyens nécessaires.
Il faut appliquer à la sécurité des travailleurs les mêmes principes que ceux qui sont déployés au service de la santé publique, sinon on risque de créer de graves inégalités territoriales. On risque aussi d’amener les travailleurs à s’interroger sur ces inégalités, sur la différence de traitement réservée, par exemple, à une épidémie de grippe et à leur souffrance quotidienne, avérée destructrice et assurément mortelle pour nombre d’entre eux.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 1004, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous tournons toujours autour des mêmes questions
Marques d’ironie sur les travées de l ’ UMP.
Évidemment, à la faveur de la réforme des retraites, texte très global, vous essayez de faire passer une autre réforme, en espérant qu’elle restera inaperçue. Mais cela ne marche pas si bien, finalement ! En effet, vous avez bien confirmé ce que j’avais annoncé au début de la discussion : pour vous, l’indépendance des médecins est purement technique.
Il va de soi que quelqu’un qui n’est pas médecin ne va pas contester un avis médical. Mais ce n’est pas cela, l’indépendance ! Tout à l’heure, j’avais établi une comparaison avec les magistrats du parquet : ces derniers disposent d’une compétence technique, mais ils ne sont pas indépendants.
À l’alinéa 14, le procédé est flagrant : comme l’a dit notre collègue, vous élargissez la mission des services de santé au travail, qui exerceront les compétences des médecins du travail, mais ne seront pas indépendants car, comme chacun sait, tout le monde ne peut pas bénéficier d’un statut protecteur !
Par ailleurs, vous prévoyez la signature de contrats d’objectifs et de moyens : rien qu’avec ce vocabulaire, on sait à quoi se tenir !
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’alinéa 14.
M. Fischer applaudit.
La majorité des présents lors de la réunion de la commission des affaires sociales a émis un avis favorable. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 1005, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
Demander la suppression de l’alinéa 15 de cet article pourrait apparaître, de prime abord, comme une contradiction de la part de notre groupe.
En effet, nous ne sommes pas opposés, bien au contraire, à ce que la médecine du travail repose enfin sur une équipe pluridisciplinaire. Rompre l’isolement du médecin du travail, notamment afin de favoriser son indépendance et son expertise, représente évidemment une chance, tant pour les équipes que pour les salariés.
Naturellement, cet amendement ne vise pas à renoncer à la constitution d’équipes pluridisciplinaires, mais plutôt à dénoncer le manque de moyens criants consacrés à la santé au travail des salariés.
Il ne peut en effet pas y avoir de politique ambitieuse en matière de santé au travail si l’on continue ainsi à se contenter des maigres moyens qui lui sont destinés. Tel est d’ailleurs le constat contenu dans le rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, et plus précisément dans sa partie consacrée aux accidents du travail et maladies professionnelles : « L’efficacité des mesures de prévention dépend également des moyens dont dispose la médecine du travail. »
Or cet alinéa, comme l’ensemble de cet article, ne crée aucune ressource supplémentaire. La médecine du travail continuera à subir la situation d’indigence qui la caractérise et qui se traduit notamment par le vieillissement des équipes professionnelles. Les effets de la baisse de la démographie médicale se font particulièrement sentir dans les difficultés de recrutement, spécialement pour le secteur public, qui n’est pas en mesure de proposer des salaires attractifs. Pourtant, au regard des mutations importantes du monde du travail et de la multiplication des contraintes physiques et psychiques qui en découlent, les salariés ont besoin, aujourd’hui plus qu’hier, d’une médecine du travail de qualité, correctement formée, indépendante et en nombre suffisant.
C’est en raison de ce manque de moyens criant que nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement.
La majorité des présents lors de la réunion de la commission des affaires sociales a donné un avis favorable sur cet amendement. À titre personnel, j’émets un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1006, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Selon vos propos, monsieur le ministre, cet article a pour objectif de refonder l’organisation et la définition de la médecine du travail.
Avec cet amendement, que nous proposons à nos collègues de voter, nous entendons dénoncer, dans un premier temps, la méthode que le Gouvernement a adoptée pour faire passer la remise en cause de la médecine du travail.
Vous profitez en effet d’un projet de loi pour y glisser, de manière insidieuse, une véritable remise en cause de la possibilité effective, pour chaque travailleur, d’avoir accès au droit constitutionnel individuel à la protection de la santé.
Ce cavalier législatif, que vous voulez nous imposer, vous permet de faire l’impasse sur la nécessité d’avoir un véritable débat et un texte de loi spécifique et autonome sur le sujet.
Voilà pour la forme et la méthode !
Vous voulez également, à l’occasion de l’examen de ce projet de loi portant réforme des retraites, modifier le fonctionnement de la médecine du travail. Pour ce faire, vous utilisez le titre portant sur la pénibilité du travail et du parcours professionnel.
Légiférer sur les façons de compenser la pénibilité entérine, en effet, la faillite de ce droit qui avait pour objectif précis de prévenir toute atteinte à la santé du fait du travail.
En effet, comment ne pas voir que les missions de l’organisme que vous appelez de vos vœux et dont les médecins dépendent, comme professionnels et salariés, – le fameux service de santé au travail – deviennent des missions d’appui aux actions préventives des employeurs ?
Ceux-ci seront beaucoup plus soucieux d’adopter une vision économique et comptable, prenant le prétexte bien connu de ne pas mettre en péril la viabilité de leur entreprise, plutôt que de se soucier de la santé de leurs salariés.
C’est l’esprit de la gouvernance chère au MEDEF !
Comment ne pas voir que les médecins du travail seront placés dans une situation bien difficile ? Ils conserveront un rôle spécifique, pour lequel ils n’auront aucun moyen, et subiront les injonctions ou contraintes de leurs employeurs.
De nombreuses autres questions de fond nous sont posées. Elles mériteraient – et exigent – un débat spécifique et une concertation avec les organisations syndicales et les professionnels de santé concernés.
C’est la voie de la concertation, du dialogue et du respect de tous les acteurs touchés par cette question fondamentale de la santé au travail.
Bien sûr, nous ne sommes pas opposés à une réforme de la médecine du travail, mais nous refusons le procédé expéditif que le MEDEF a suggéré au Gouvernement.
En vous invitant à voter en faveur de cet amendement, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter une méthode plus sérieuse, plus raisonnable et plus conforme aux intérêts des salariés qui exposent quotidiennement leur santé sur leurs différents lieux de travail.
De nouveau, la commission a émis un avis favorable. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1007, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Le système de santé au travail doit devenir un élément majeur de la mise en œuvre d’une politique active de connaissance, de reconnaissance des situations de travail et de leur transformation dans une dynamique vertueuse du bien-être et de l’efficacité.
La médecine du travail est une médecine exclusivement préventive : elle a pour objet d’éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail, notamment en surveillant leur état de santé, les conditions d’hygiène du travail et les risques de contagion.
Elle permet à chaque salarié, dans une logique universaliste, d’avoir l’assurance d’un suivi médical.
Pour une personne qui, par exemple, exerce un métier pénible, il est essentiel que la médecine du travail intervienne afin de lui assurer un suivi de son état de santé, qui est, en tout état de cause, quotidiennement mis en danger par l’exercice de sa profession.
Le médecin du travail a un rôle exclusivement préventif. Mais le MEDEF conçoit ce rôle uniquement comme une entrave, puisqu’il vient perturber la bonne marche de l’exploitation savamment orchestrée des salariés.
Le médecin du travail est censé conseiller des salariés, mais aussi l’employeur. Or celui-ci n’a besoin des conseils de personne pour faire du profit.
Dans l’esprit du MEDEF, la médecine du travail exerce la même mission que l’inspection du travail, à savoir gêner les patrons dans leur spoliation des salariés. Il paraissait donc opportun de confier cette mission à des services qui dépendent de l’employeur.
Pour notre part, nous souhaitons que la médecine du travail soit pérennisée dans le rôle social de prévention qui a toujours été le sien.
C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons cet amendement de suppression de l’alinéa 17 de l’article 25 quater.
Une fois encore, la majorité des présents lors de la réunion de la commission a émis un avis favorable. À titre personnel, je suis défavorable à cet amendement.
On n’a jamais vu cela ! Je croyais que le rapporteur rapportait l’avis collectif !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1008, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Nous voici, avec cet amendement, en face d’un sujet particulièrement intéressant.
En effet, alors même que nous venons de redéfinir le champ de compétences des CHSCT, voici que l’on nous propose de mettre en place quelque chose qui s’y substituerait quelque peu, une sorte de « référent sécurité » de l’entreprise, choisi par l’employeur au sein des salariés pour l’aider dans l’accomplissement de ses obligations en la matière.
On pourrait évidemment se féliciter de la possibilité ainsi offerte, dans certaines entreprises, de proposer aux salariés les plus âgés et les plus expérimentés des fonctions de veille vigilante, en attendant qu’ils quittent l’entreprise pour liquider leur retraite et couler des jours heureux de repos bien mérité, après une vie professionnelle bien remplie.
On sent donc confusément que la fonction de conseiller de l’employeur en matière de sécurité pourrait devenir l’un des débouchés pour les seniors, que l’on cherche à maintenir coûte que coûte dans l’emploi.
Interrogeons-nous : d’une part, une telle démarche doit-elle nécessairement être validée par une disposition législative expresse et, d’autre part, ne risque-t-elle pas de poser quelques problèmes de divergences d’analyse avec l’éventuel CHSCT ou, à défaut, avec l’interprétation que le ou les délégués du personnel pourraient produire sur la question ? La même remarque peut être faite à l’égard du jugement que pourrait porter l’inspecteur du travail ou le médecin des services du travail sur une même situation.
En effet, l’indépendance du salarié désigné comme référent est parfaitement nulle, avec tout ce que cela implique comme risque de conflictualité sur l’analyse portée aux questions de sécurité.
Au demeurant, comme cela fait quelques années que, dans bien des secteurs, le patronat cherche à passer de l’application du principe de précaution ou de la prévention à la maîtrise et à la gestion du risque, on mesure assez vite comment de tels référents pourraient être instrumentalisés.
C’est donc au bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement. §
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
À la suite de l’échec des négociations interprofessionnelles sur la réforme de la médecine du travail, le Gouvernement et la majorité ont défendu, dans le cadre de l’examen de la réforme des retraites de 2010, plusieurs amendements visant à modifier les règles de fonctionnement des services de santé au travail dans l’entreprise.
Ainsi, les articles 25 quater et suivants du projet de loi ont pour objet de modifier l’organisation et le fonctionnement des services de santé au travail, sans qu’il y ait eu, en fait, la moindre concertation. Cela donne, une fois encore, la mesure du degré d’estime dont fait preuve le Gouvernement à l’égard des mouvements revendicatifs et des acquis sociaux fondant l’identité, sinon le cœur, de notre pays.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez beau vous en dédire, il s’agit de la transcription pure et simple des exigences du MEDEF, refusées par les huit syndicats de salariés au terme d’une « négociation » qui s’est résumée à peu de chose : huit réunions tout au long de l’année.
Pour le Gouvernement et pour le MEDEF, il est indispensable d’abroger deux articles fondamentaux du code du travail, et c’est l’objet de l’article 25 quater.
Il s’agit, d’une part, d’abroger l’actuel article L. 4622-2, stipulant que « les services de santé au travail sont assurés par un ou plusieurs médecins qui prennent le nom de ″ médecins du travail ″ ». Il s’agit, d’autre part, d’abroger l’actuel article L. 4622-4, qui dispose : les services de santé au travail font appel « soit aux compétences des caisses régionales d’assurance maladie [...] soit à des personnes ou à des organismes [...]. Cet appel aux compétences est réalisé dans des conditions garantissant les règles d’indépendance des professions médicales et l’indépendance des personnes ou organismes associés. »
Tout est dit, l’objet exclusif de cet article est le transfert aux services de santé au travail, donc à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, des responsabilités légales actuellement dévolues aux médecins du travail.
Cet article organise la soumission des médecins du travail…
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
… à l’autorité de l’employeur, remettant ainsi en question l’indépendance des professionnels de santé.
Si nous pensons que le débat sur les retraites ne peut et ne doit pas également viser la mise à mal de la médecine du travail, il est de notre devoir d’élus représentants de la souveraineté populaire de relayer les inquiétudes, l’indignation, l’opposition des médecins du travail et des salariés.
Mme Odette Terrade applaudit.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1009, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.
Monsieur le secrétaire d’État, les dispositions sur la médecine du travail que le Gouvernement a fait voter par votre majorité à l’Assemblée nationale sont inacceptables.
Vous avez, ici encore, pris la responsabilité de dédaigner les professionnels et leurs organisations.
Vous avez rayé d’un trait de plume plus de soixante ans de spécificités d’une institution, qui a pourtant fait la preuve de sa pertinence.
C’est devenu une constante de votre manière de gouverner le pays : mépris du dialogue social et remise en cause de toutes les avancées sociales et démocratiques décidées au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Vous tentez – en vain – de faire croire qu’il s’agit là d’avantages, voire de privilèges, et en tout état de cause d’archaïsmes.
Les médecins du travail et leurs organisations ont pourtant beaucoup à dire sur leurs missions, sur leurs difficultés devant les pressions patronales ou le manque de moyens. Ils font des propositions pour améliorer leur institution.
Vous dites que des dispositions sur la médecine du travail sont nécessaires dans ce texte, puisqu’il y est question de la pénibilité. Mais, monsieur le secrétaire d’État, votre conception de la pénibilité entache votre crédibilité, dans la mesure où elle témoigne précisément de votre renoncement en la matière. Le MEDEF peut se frotter les mains.
Ce n’est pas mettre en cause les fondements de la médecine du travail qui est urgent. Ce qui est urgent, c’est de lui donner les moyens de fonctionner, en formant et en embauchant des médecins du travail. Ceux-ci doivent, bien entendu, bénéficier d’une garantie d’indépendance vis-à-vis des employeurs.
Les articles tendant à réformer la médecine du travail n’ont rien à faire dans un quelconque projet de réforme des retraites.
Par notre amendement, nous voulons relayer les inquiétudes et oppositions grandissantes des acteurs actuels de la médecine du travail face aux missions que vous leur imposez.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1010, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 20 de l’article 25 quater, c’est-à-dire l’intitulé du chapitre IV : « Aide à l’employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail ».
Force est de constater que la santé au travail est devenue un enjeu pour les entreprises et constitue désormais un marché concurrentiel, où acteurs institutionnels et acteurs privés proposent des services parfois très éloignés d’une véritable prévention des risques. Voilà une dérive dangereuse à laquelle le texte que nous examinons participe.
Permettez-moi de citer à ce sujet Jack Bernon, responsable du département « santé et travail » de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, qui s’exprimait dans le numéro 72 de la revue Santé et Travail d’octobre 2010 : « Dans les années 1990, les acteurs institutionnels se sont multipliés dans le domaine, créant un appel d’air, et, à présent, ce sont les acteurs privés qui s’invitent : la santé au travail est devenue une préoccupation pour les entreprises et un enjeu commercial pour de multiples prestataires de services. »
Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1019, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
Les auteurs de cet amendement estiment que la désignation par l’employeur d’un ou plusieurs salariés pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels serait source de confusion entre leurs nouvelles missions et les prérogatives des CHSCT, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou des délégués du personnel au sein des entreprises.
Constitué dans tous les établissements comprenant au moins 50 salariés, le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail.
Composé, notamment, d’une délégation du personnel, le CHSCT dispose d’un certain nombre de moyens, par exemple, l’information, le recours à un expert, pour mener à bien sa mission. Ces moyens sont même renforcés dans les entreprises à haut risque industriel.
Dans les entreprises ou établissements occupant moins de 50 salariés, mais au moins 11 salariés, et qui n’ont pas de CHSCT, cette mission est assurée, comme ils le peuvent, par les délégués du personnel.
Ce sont donc ces institutions représentatives du personnel qui assurent cette mission au sein des entreprises, et ce à côté de celle des médecins du travail.
Avec le dispositif que vous nous proposez, monsieur le ministre, il existe un vrai risque de « contrariété » de compétences.
Vous prévoyez, en effet, que l’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
Certes, juridiquement, l’employeur a l’obligation générale d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses salariés. On peut donc envisager qu’il se fasse aider, pour ce faire, par des salariés.
Cependant, sur le terrain, la création de cette nouvelle attribution en faveur de certains salariés va entrer en concurrence avec les missions dévolues aux CHSCT et aux délégués du personnel, ce qui engendrera des problèmes d’organisation et de répartition des compétences.
Nous pensons que cette solution, en créant un cloisonnement supplémentaire, aura pour conséquence de rendre la situation encore plus complexe, entraînant des déperditions d’informations.
En tout état de cause, quel point commun existe-t-il entre une grande entreprise dotée de salariés spécialisés dans les questions de sécurité et de santé au travail et une TPE ne disposant d’aucun moyen en la matière ? Aucun !
L'amendement n° 418, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 21 et 22
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 4644 -1. - I. - Dans le cadre de ses obligations pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l'autorité administrative.
La parole est à M. Thierry Repentin.
Les termes de l’article L. 4644-1 que le projet de loi prévoit d’insérer dans le code du travail est la transposition de l’article 7 de la directive du 12 juin 1989 de la Commission européenne. Or cette transposition ne constitue pas une avancée de notre droit.
Encore une fois, nous assistons à une transposition a minima permettant non seulement de figer notre droit social, mais aussi de le faire reculer. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que le droit européen sert de paravent à des opérations de ce genre.
La plus récente des manipulations est consécutive aux arrêts Laval, Viking et Rüffert légitimant le dumping salarial européen. Vous vous souvenez certainement de l’affaire concernant des salariés originaires des pays baltes, détachés en Suède, qui travaillaient pour des entreprises suédoises dans le cadre d’une prestation de services. À la suite d’un recours des syndicats suédois, cette situation a été déclarée parfaitement conforme au droit européen.
Si je cite cette affaire, ce n’est pas par hasard. C’est que la question des rapports entre, d’une part, la liberté du commerce et la libre concurrence et, d’autre part, les droits sociaux des travailleurs en Europe a été mise en avant à cette occasion. Et il est apparu clairement, une fois de plus, que les droits sociaux ne doivent pas entraver la libre concurrence.
Des membres du Parlement européen, y compris à droite, ont protesté. Il a été rappelé que les acquis sociaux doivent être préservés et que les dispositions du traité de Lisbonne et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être appliquées.
Il a aussi été rappelé que le principe de subsidiarité donne compétence aux États membres pour le droit du travail.
Si j’ai cité cette affaire, qui a connu quelque retentissement, c’est pour en arriver là, vous le comprenez aisément.
Pourquoi cette timidité dans l’application du principe de subsidiarité ?
Pourquoi le Gouvernement, si décidé par ailleurs dans d’autres domaines, comme on a pu le voir cet été en matière d’expulsions, choisit-il ici d’intégrer dans notre droit une disposition si étrange ?
Les très grandes entreprises, surtout celles dont l’activité entraîne des risques chimiques et technologiques, ont depuis toujours leurs propres services de sécurité, dont les missions et les compétences sont clairement définies.
Mais, en dehors de ces cas, notre législation prévoit, pour les entreprises de plus de 50 salariés, l’existence de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Or 17 % seulement des entreprises concernées en disposent.
Un gouvernement soucieux de la sécurité et de la santé des travailleurs ne devrait-il pas, tout simplement et naturellement, proposer au Parlement d’abaisser le seuil de constitution des CHSCT à 20 salariés, comme nous l’avons déjà proposé à l’occasion d’autres débats ?
Alors que le Gouvernement a le droit, en application du droit européen, d’adopter en France une législation plus favorable aux travailleurs, il choisit de transposer cette disposition étrange.
Quels salariés accepteront d’être désignés ? À quel titre le seront-ils ? Sur la base de quelle compétence ? Leur responsabilité ne risque-t-elle pas d’être engagée en cas d’accident ou de sinistre sanitaire ?
Les représentants du patronat ont trouvé là un énième moyen de se défausser de leur responsabilité sur les questions de santé et de sécurité des salariés et du seul risque existant pour eux, celui d’être condamnés pour faute inexcusable.
Vous montrez aux Français un aspect unilatéralement déformé de l’Europe, dans le seul intérêt des employeurs les moins respectueux de leurs salariés.
L'amendement n° 419, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les salariés ainsi désignés bénéficient des dispositions de l'article L. 2411-4.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.
Les auteurs de cet amendement proposent que les salariés qui auront été désignés par l’employeur de façon discrétionnaire bénéficient des dispositions de l’article L. 2411-4 du code du travail, qui les protégera, puisqu’il dispose que le licenciement d’un salarié mandaté ne peut intervenir qu’après autorisation de l’inspecteur du travail.
Nous aurions pu tout aussi bien faire référence à l’article L. 2411-5 du code du travail, lequel prévoit une règle identique pour les délégués du personnel. Nous pensons en effet qu’il existe une analogie entre le mandatement par une organisation syndicale et la désignation par l’employeur. Toutefois, il convient de souligner une différence d’importance entre ces deux situations : le salarié mandaté est consentant, et ne subit aucune pression pour accepter ce mandat, tandis qu’il n’en sera pas forcément de même pour les salariés désignés par l’employeur.
Par ailleurs, l’expression : « s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise » paraît curieuse, car elle se révèle particulièrement floue.
D’abord, on ne sait pas de quels moyens disposeront ces salariés désignés par l’employeur. Il n’est pas dit que l’employeur pourra recourir à des équipes de sécurité internes, spécialement recrutées à cet effet et dont les compétences seront avérées.
Certes, l’employeur désignera des salariés compétents. Dès lors, une première question surgit : les salariés pressentis pourront-ils refuser en arguant de leur incompétence ? Si tel est le cas, leur refus aura-t-il pour eux des conséquences néfastes ?
C’est notamment pour cette raison que l’article L. 2411-4, qui vise à protéger les salariés mandatés, devrait s’appliquer dans le cas des salariés désignés.
Ensuite, pourriez-vous nous expliquer ce que signifie le mot « s’occuper » ? Est-ce à dire que ces salariés pourront, par exemple, commander des équipements de protection pour leurs collègues? Disposeront-ils d’un budget pour financer leurs actions ? Devront-ils se contenter de formuler des recommandations ? Percevront-ils une rémunération attachée à leur nouvelle tâche ? Comment seront déterminées leurs compétences ? Par le seul employeur ? Ce dernier devra-t-il tenir compte de leurs observations ? Qu’adviendra-t-il s’il ne le fait pas ? À quel niveau la responsabilité de ces salariés pourra-t-elle être engagée ?
Vous le voyez, le texte soulève, sans y répondre évidemment, toute une série d’interrogations auxquelles les salariés désignés seront confrontés.
C’est la raison pour laquelle nous demandons que ces salariés, comme les délégués du personnel, puissent être protégés.
Vous nous aviez dit, monsieur le ministre, que cette disposition n’était rien d’autre que la transposition d’une directive européenne. Nous vous répondons que rien ne vous interdit de transposer en protégeant.
L'amendement n° 1011, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Selon moi, cet article est surtout la traduction de ce que le patronat cherche à imposer depuis l’année dernière.
L’alinéa 22 que nous proposons de supprimer par cet amendement vise à mettre en œuvre la volonté du MEDEF d’externaliser une partie des missions de la médecine du travail.
Vous entendez prévoir, monsieur le ministre, que l’employeur « désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise.
« À défaut, […] l’employeur fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels… » – ils sont extérieurs à l’entreprise – « … appartenant au service de santé au travail interentreprises ».
Ces salariés ou intervenants extérieurs seront non pas élus ou désignés par les organisations syndicales ou directement par les salariés, mais choisis par l’employeur. Ce dernier aura ainsi le loisir, selon ses besoins, de piocher dans un vivier mis à sa disposition par le service interprofessionnel de santé au travail, le SIST, pour désigner les personnels et les compétences qu’il souhaite utiliser. Cela revient en fait à légaliser le prêt systématique, par les SIST, de main-d’œuvre, sur simple demande des employeurs ! Aucun contrôle n’est envisagé en la matière ! Quid, dès lors, de l’indépendance ?
L’employeur devient le seul maître à bord. Il aura autorité sur les médecins du travail et choisira les salariés chargés des missions de prévention et de protection des risques professionnels de l’entreprise.
D’ailleurs, l’intitulé prévu pour le chapitre IV du titre IV du livre VI de la quatrième partie, Aide à l’employeur – et non pas aux salariés ! – pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail, résume bien la situation Il s’agit de créer un service de plus dans l’entreprise, aux côtés de celui des ressources humaines.
Pourtant, des rapports ont montré que, lorsque l’ensemble du service de santé est intégré dans l’entreprise, choisi et salarié par celle-ci, l’employeur peut faire pression pour éviter la prise en compte des préconisations de la médecine du travail. C’est d’ailleurs – j’ai le regret de vous le dire – ce qui est arrivé à France Télécom.
L'amendement n° 1020, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L'employeur fait appel aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l'autorité administrative.
La parole est à M. Bernard Vera.
Par cet amendement, nous vous proposons d’adopter une nouvelle rédaction de l’alinéa 22 de cet article.
Nous estimons en effet nécessaire de préciser dans la loi que l’employeur doit avoir recours aux intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail interentreprises auquel il adhère ou dûment enregistrés auprès de l’autorité administrative.
Selon nous, la loi ne doit pas prévoir que ce recours ne se fait qu’à défaut, c'est-à-dire si cette compétence n’est pas présente dans l’entreprise.
En effet, comme nous l’avons expliqué précédemment, nous pensons qu’il n’est pas bon de laisser l’employeur estimer seul si les compétences existent ou non dans l’entreprise pour organiser ces activités.
Comment un employeur, qui n’est pas spécialiste en la matière, saurait-il apprécier les compétences de ses salariés dans les domaines de la protection et de la prévention des risques professionnels ?
La rédaction proposée par le projet de loi permet à tout employeur de nommer le salarié de son choix dans un domaine où les compétences et l’expertise ne s’inventent pas.
À notre avis, ce n’est pas ainsi que les risques professionnels diminueront dans les entreprises françaises, notamment dans les TPE.
Même dans une grande entreprise où il peut exister un salarié uniquement destiné à accomplir cette mission, il est souhaitable qu'il travaille en coordination avec des services extérieurs à l'entreprise. C’est encore plus vrai dans les TPE.
Dès lors, pourquoi ne pas prévoir que les entreprises devront obligatoirement faire appel à des compétences extérieures à l’entreprise ?
Par ailleurs, la réforme du Gouvernement comporte un autre risque, puisque ce dernier entend se servir des services de santé au travail interentreprises et de leurs équipes pluridisciplinaires pour accomplir un rôle de prévention dans les petites entreprises. Les services de santé au travail se mettraient ainsi au service des petites entreprises pour répondre à leurs obligations réglementaires.
Un tel dispositif viendrait encore une fois apporter de la confusion entre deux missions à la base distinctes : d’une part, une mission médicale visant à préserver la santé des travailleurs ; d’autre part, une mission générale de prévention des risques professionnels, qui doit être assurée par d'autres organismes.
Si le Gouvernement veut confier ces missions aux services de santé au travail interentreprises, il serait préférable que les patrons de TPE n’aient pas le choix de recourir à leurs services.
C'est le sens de l’amendement que nous vous invitons à adopter.
L'amendement n° 420, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Après le mot :
appel
insérer les mots :
, après avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou en son absence, des délégués du personnel,
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Par cet amendement, nous proposons que l'appel à des intervenants en prévention des risques professionnels dans l'entreprise se fasse après consultation du CHSCT ou des délégués du personnel.
Notre préoccupation est de voir cette intervention entourée de gages de sérieux suffisants.
Par ailleurs, compte tenu de l'extrême variété des professions représentées dans les instances paritaires représentatives du personnel, il convient que les salariés de l'entreprise, par la voix de leurs représentants, s'expriment sur les aspects qu'il leur paraît le plus important de traiter afin de maîtriser leur sécurité.
De par leur expérience quotidienne, ils sont en effet les plus qualifiés pour déterminer, au moins, les dangers visibles et les nuisances perceptibles auxquels ils sont exposés. Nous proposons donc que leur avis soit recueilli préalablement sur ce point.
L'amendement n° 555, présenté par M. Dériot, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 22
Compléter cet alinéa par les mots :
, disposant de compétences dans le domaine de la prévention des risques professionnels et de l'amélioration des conditions de travail et intervenant exclusivement dans ce domaine
II. - Après l'alinéa 22
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur peut aussi faire appel aux services de prévention des caisses de sécurité sociale avec l'appui de l'Institut national de recherche et de sécurité dans le cadre des programmes de prévention mentionnés à l'article L. 422-5 du code de la sécurité sociale, à l'organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, et à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et son réseau. »
III. - Alinéa 26
Remplacer les mots :
aux 1°, 2° et 3°
par les mots :
ci-dessus
Cet amendement n’est pas soutenu.
J’en reprends le texte au nom de la commission des affaires sociales, monsieur le président.
Cet amendement apporte une évolution intéressante par rapport au texte de la commission. Il prévoit, en effet, de permettre le recours aux organismes de prévention des caisses de sécurité sociale, et ce dans le cadre des programmes de prévention définis par la branche accidents du travail et maladies professionnelles de la sécurité sociale.
L'amendement n° 1012, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Nous souhaitons, avec cet amendement, rappeler que nous défendons une réforme qui redéfinit le sens des missions des médecins du travail, garantit leur autonomie et leur indépendance au regard des employeurs, tout en prenant naturellement en compte les nouveaux besoins.
Cependant, nous ne voulons pas qu’une telle réforme se fasse au détour de la discussion des articles du présent projet de loi, relatifs à la pénibilité. M. le ministre a d’ailleurs annoncé en son temps le dépôt d'un texte autonome sur le sujet.
La réforme proposée aujourd’hui par le Gouvernement correspond purement et simplement à un détournement de l’organisation même et des missions de la médecine du travail.
Monsieur le ministre, quand on vous parle du MEDEF, peut-être faut-il revenir sur l’histoire pour comprendre. Revenons donc, notamment, sur le rejet unanime par les organisations syndicales, en septembre 2009, du protocole du MEDEF détournant les services de santé au travail de la vraie médecine du travail.
Ce détournement proposé par le MEDEF se faisant à l’avantage des employeurs et, bien sûr, au détriment des salariés, « violant le cadre de la responsabilité du médecin du travail pour qu’il serve de bouclier et protection aux employeurs » – ce sont les termes mêmes de l'appel de médecins, inspecteurs, contrôleurs du travail et acteurs de santé au travail, rejoints par de nombreuses personnalités –, la moindre des choses aurait été de remettre à plat les termes du débat.
Pourtant, vous avez choisi de reprendre à votre compte les grands axes de la réforme tels que posés par le MEDEF.
D’une part, vous nous proposez que les services de santé au travail d’entreprise soient désormais placés sous l’autorité de l'employeur, foulant aux pieds le principe de l’indépendance de la médecine du travail, condition de son efficacité et de son efficience.
D'autre part, vous proposez que l’employeur désigne lui-même les salariés chargés de s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. Cela nous semble particulièrement contestable. Nous refusons de confier aux entreprises et, bien sûr, aux patrons le pouvoir de choisir des salariés pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels. Nous pensons que la médecine du travail doit rester autonome et indépendante.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 26 de l’article 25 quater du projet de loi.
L'amendement n° 1215, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 26
Supprimer les mots :
mentionnés aux 1°, 2° et 3°
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 1215 et donner l’avis de la commission sur les amendements en discussion commune.
L’amendement n° 1215 de la commission est un simple amendement de coordination.
J’en viens à l’avis de la commission sur les neuf amendements en discussion commune.
S’agissant de l’amendement n° 1019, qui vise à supprimer l’alinéa 21 de l’article, la commission émet un avis défavorable.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 418, car la désignation de salariés par l’employeur ne change rien à l’obligation de résultat de ce dernier, qui demeure responsable de la santé et de la sécurité des salariés.
L’amendement n° 419 a pour objet d’étendre aux salariés désignés par l’employeur la protection accordée aux salariés mandatés en cas de licenciement. L’avis de la commission est défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 1011, qui vise à supprimer l’alinéa 22 de l’article, ainsi qu’à l’amendement n° 1020.
Concernant l’amendement n° 420, après s’être prononcée défavorablement, la commission a finalement décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Enfin, l’avis de la commission est défavorable sur l’amendement n° 1012, qui tend à la suppression de l’alinéa 26.
Sur l’amendement n° 420, pour lequel la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat, le Gouvernement émet un avis favorable, puisqu’il entend permettre le recours aux intervenants après avis du CHSCT.
Pour le reste des amendements, même avis que la commission.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 1238.
L'amendement est adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1021, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« Il fait également appel aux services de prévention existant dans les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail. »
La parole est à Mme Odette Terrade.
Par cet amendement, nous proposons de réintroduire à l’article 25 quater l’alinéa 23 qui a été supprimé lors des travaux en commission au Sénat.
Dans la version du texte tel qu'adopté à l'Assemblée nationale, il était prévu une liste énumérant les différents intervenants auxquels l’employeur pourrait faire appel s’il estimait ne pas disposer des compétences nécessaires au sein de son entreprise.
Nous avons déjà dit notre opposition au caractère facultatif d’un tel appel à compétences, car l'employeur n’est pas, selon nous, à même de toujours juger s’il dispose ou non de ces compétences en interne.
Dans la liste des professionnels auxquels l’employeur pourrait faire appel, le texte voté par l'Assemblée nationale énumérait les services de prévention des caisses de sécurité sociale, l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics, l’Institut national de recherche et de sécurité, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et son réseau, ainsi que les personnes, dûment enregistrées auprès de l'autorité administrative, appelées « intervenants en prévention des risques professionnels ».
Cette liste pouvait sembler longue et inutile, mais ce n’est pas notre avis, bien au contraire. Ces professionnels ont chacun leur spécialité et peuvent tous apporter leurs compétences aux employeurs. La commission des affaires sociales a préféré la limiter aux seuls intervenants en prévention des risques professionnels appartenant au service de santé au travail, et elle a décidé de conserver le caractère facultatif de la consultation.
Pour ne pas réintroduire la même liste, nous proposons de prévoir que les employeurs devront avoir recours aux professionnels en prévention des risques professionnels qui existent au sein des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, les CARSAT, lesquelles se sont substituées aux caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM.
Ces organismes ont une longue expérience dans le domaine de la prévention des risques professionnels. Ils assurent une mission d'information neutre, qui leur permet de jouer pleinement leurs rôles d’information, de vigie et, s’il le faut, d’alerte.
Ainsi sollicités par les employeurs, ces professionnels pourraient estimer nécessaire de faire appel à d'autres spécialistes en cas de besoins spécifiques. Cela permettrait donc de ne se priver d’aucune compétence ni d’aucune spécialité.
C’est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement.
Il s’agit de la même idée que celle qui sous-tend l’amendement de Gérard Dériot. La rédaction de ce dernier étant toutefois préférable, la commission sollicite le retrait de l’amendement n° 1021, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1013, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
Nous réaffirmons les principes quant à l’organisation et à la nature même de la médecine du travail. Une réforme à cet égard n’a pas sa place dans ce texte.
Nous soulignons également qu’il s’agit là d’un domaine extrêmement sensible, qui ne peut être réglementé en dehors du dialogue social et de la consultation des organisations syndicales.
Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa qui renvoie les modalités d’application du nouvel article à un décret.
En effet, l’alinéa précédent précise que les conditions d’appel aux compétences d’intervenants extérieurs en prévention des risques professionnels sont déterminées par décret en Conseil d’État. Il s’agit là du seul domaine envisagé par l’article nécessitant des précisions appartenant au domaine réglementaire.
C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’alinéa 27.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1014, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 28
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Vera.
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 28 de l’article.
Dans l’expectative depuis plus de deux ans, le Gouvernement souhaite aujourd’hui réformer la médecine du travail au travers de son projet de réforme des retraites.
Mais les nouvelles règles de fonctionnement des services de santé au travail dans l’entreprise inquiètent tous les travailleurs, mais aussi les médecins eux-mêmes, et tous les professionnels exerçant les métiers composant les services de santé au travail.
La direction générale du travail a beau essayer de rassurer l'ensemble des professionnels de santé en affirmant que cette réforme « est nécessaire pour adapter le secteur aux enjeux actuels », le communiqué de l’Ordre des médecins est sans appel.
Le texte proposé ne répond pas aux attentes des salariés qui doivent bénéficier d’une prise en charge globale de leur santé. Il ne répond pas non plus aux nécessités de l’exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique.
Le médecin du travail doit être le coordonnateur de l’équipe de santé pluridisciplinaire et il faut préserver son indépendance dans les actions qu’il estime nécessaire de mener dans les entreprises et auprès des salariés.
En adoptant ces dispositions telles qu’elles nous sont soumises, les salariés ne seront plus suivis dans le cadre d’une médecine du travail exerçant les missions qui lui ont été confiées, à savoir le suivi d’une politique de prévention médicale.
C’est bien toute la problématique du secteur médical dans l’entreprise qui est ainsi posée.
Ces dispositions n’ont pas leur place dans le présent projet de loi. Cet article concernant la réforme de la médecine du travail doit être retiré du texte. C’est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1015, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’alinéa 29 de cet article prévoit que l’habilitation de l’intervenant en prévention des risques délivrée avant la date d’entrée en vigueur de la présente loi vaut enregistrement au sens de l’article L. 4644–1 du code du travail.
Autrement dit, les personnes physiques ou morales qui l’ont déjà reçue de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail, de l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics et des associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail, conserveront cette habilitation et n’auront pas d’autres démarches à accomplir.
A contrario, et dans le silence des textes, on comprend que la mesure d’habilitation actuellement prévue est supprimée pour être remplacée par une simple procédure d’enregistrement auprès de l’autorité administrative visée à l’alinéa 22. On peut toutefois regretter que cette autorité ne soit pas expressément mentionnée.
Or, chacun en conviendra, une procédure d’enregistrement est une démarche bien moins sécurisante qu’une procédure d’habilitation, qui suppose qu’une commission étudie la demande, vérifie la constitution du dossier et la véracité des éléments qui y figurent.
L’enregistrement apparaît être, à l’inverse, une démarche purement administrative, se limitant à une demande d’inscription sur un registre, sans vérification aucune.
D’ailleurs, l’habilitation, qui sera donc supprimée à l’avenir, avait un rôle important. Elle permettait de vérifier que le candidat à l’obtention de l’habilitation avait le diplôme requis et qu’il pouvait justifier d’une expérience professionnelle qui ne pouvait être inférieure à trois ans.
Tout cela donne l’impression que les membres des institutions représentatives du personnel de demain seront moins formés que ceux d’aujourd’hui. Une telle perspective est inquiétante quand on connaît l’état de dégradation de la qualité de la santé au travail, particulièrement avec l’explosion des risques psychosociaux.
Enfin, monsieur le ministre, je veux vous interroger sur un point qui me paraît important.
Vous savez qu’en matière de santé au travail, l’indépendance des professionnels est un impératif. Or l’habilitation que vous remplacez par l’enregistrement prévoyait précisément que le collège interprofessionnel qui examine le dossier d’habilitation vérifie l’indépendance et, plus spécifiquement, l’absence de conflit d’intérêts. Avec la suppression de cette habilitation, qui procédera demain à cette vérification ? A priori personne, ce qui serait fort regrettable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 421 est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 1016 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 30
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l’amendement n° 421.
Cet amendement d’appel a été déposé afin d’obtenir de la commission ou du Gouvernement des précisions sur la prise en compte des pathologies spécifiques à certaines branches.
Par exemple, nous savons maintenant que le monde agricole a été durement touché par des séries de décès prématurés dus à l’usage sans masque protecteur de pesticides puissants.
De nombreux agriculteurs salariés agricoles ont vu leur retraite prématurément interrompue par la survenue de tumeurs cancéreuses au cerveau.
Comme dans d’autres milieux de travail, des pathologies spécifiques résultent de la manipulation de produits toxiques, des postures fatigantes, des travaux saisonniers intenses.
Nous souhaitons être éclairés sur le point suivant : si des accords comportent des obligations en matière d’examens médicaux inférieures au droit commun, il faut bien entendu prévoir leur caducité. Toutefois, nous voulons être assurés que cela n’entraînera pas une limitation de la prise en compte des spécificités de ces métiers, qui doivent pleinement bénéficier de la prise de conscience dans ce domaine et du progrès des connaissances techniques et épidémiologiques.
La parole est à M. Jean-François Voguet, pour présenter l'amendement n° 1016.
Au lieu de remettre en cause l’indépendance des médecins du travail, le Gouvernement ferait bien de s’attarder sur le devenir des cotisations des entreprises servant théoriquement à financer la médecine du travail.
Cette cotisation obligatoire, qui représente, selon le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise, une manne d’un milliard d’euros, est censée servir à rémunérer les 6 500 médecins du travail qui sont employés dans leur très grande majorité par des associations. Or celles-ci sont toutes contrôlées par des représentants du MEDEF ou de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises, la CGPME.
Si, depuis 2004, la loi impose la parité dans leur conseil d’administration avec deux tiers de patrons et un tiers de salariés, dans les faits, seuls les employeurs ont les moyens de contrôler ces activités... et d’en abuser.
En effet, bien des médecins et des syndicalistes ont pu constater de nombreuses fraudes, sans que les mécanismes de contrôle soient en mesure de les prévenir ou de les empêcher. Le cas le plus classique est le financement en sous-main des biens immobiliers du MEDEF, selon un montage croisé : une société civile immobilière aux mains des entrepreneurs possède le siège du comité local, tandis qu’une société de moyens, abondée par la médecine du travail, finance l’acquisition de l’immeuble ou de l’appartement.
Dans d’autres cas, la médecine du travail permet tout simplement de subvenir aux frais de fonctionnement du MEDEF local. Par exemple, la convention passée à Issy-les-Moulineaux, en 2001, entre le service médical interentreprises de la banlieue Sud-Ouest et le MEDEF Hauts-de-Seine Sud stipule que le service de médecine du travail prendra en charge « à hauteur de 75 % » les frais de secrétariat, ainsi que la moitié du salaire du « secrétaire général » du MEDEF, la moitié des frais « du véhicule de tourisme » du MEDEF, sans oublier les « frais de photocopies, d’affranchissement et de diverses fournitures ».
Les exemples sont encore très nombreux, mais ne suscitent apparemment pas de réaction du ministère de la santé ou du ministère du travail. Au contraire, les médecins du travail, qui dénoncent cette situation de monopole de fait du MEDEF sur une institution censée protéger la santé des salariés et les dérives qui en découlent, sont perçus comme gênants.
Gageons qu’avec cette réforme, le problème sera réglé puisque nous ne les entendrons plus !
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’alinéa 30.
L'amendement n° 611 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, M. Lecerf, Mme Hermange et M. Darniche, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. - Les signataires d'accords collectifs comportant des obligations en matière d'examens médicaux réalisés par le médecin du travail différentes de celles prévues par le code du travail ou le code rural et de la pêche maritime disposent de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi pour mettre leur texte en conformité avec la réglementation. À défaut, ces accords sont réputés caducs.
La parole est à M. Philippe Dominati.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
En évitant de déclarer d'emblée caducs des accords déjà négociés, cet amendement vise à manifester le respect du législateur pour les partenaires sociaux en leur accordant un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi pour mettre leur texte en conformité avec la réglementation.
La commission émet un avis défavorable émet sur les amendements identiques n° 421 et 1016, ainsi que sur l’amendement n° 611 rectifié.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 421 et 1016.
Monsieur Dominati, votre amendement n° 611 rectifié n’est pas tout à fait d’ordre rédactionnel. C’est pourquoi le Gouvernement émet, là encore, un avis défavorable.
Monsieur Godefroy, pour répondre à votre question, sachez que, lorsque les conventions tombent, on en revient au droit commun.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 611 rectifié est retiré.
La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote sur l'article 25 .
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de l’article 25 quater est très éclairante et montre combien cet article a un lointain rapport avec le projet de loi.
Depuis des heures, nous parlons de médecine du travail, de travail, et de ce qu’il peut comporter comme facteur d’épanouissement pour l’être humain, mais aussi de ce en quoi il peut devenir facteur de maladie, de malaise, d’accident, de crise, de suicide même, tout cela du précaire, cher à Mme Parisot, jusqu’au cadre.
Le travail est une matière magnifique, mais aussi dangereuse. C’est une source d’affections dont il faut réparer les dérives et les effets. C’est aussi une fonction humaine que le grand patronat financiarisé rend paradoxalement malade. §
La nouvelle donne, c’est la maladie du travail, et les trois récents articles du journal Le Monde sur trois pages montrent à quel point cela est profond et gagne en quantité.
Que doit-on attendre de la médecine du travail ? Qu’elle donne aux employeurs le moyen de justifier, médicalement, la mise au rebut de tel travailleur, au motif qu’il deviendrait trop coûteux ou trop improductif ? Ou qu’elle sache s’ouvrir à ce qui parle au profond des êtres confrontés au travail, qui peut être malade. La maladie du travail est une maladie évolutive.
Ainsi, si certains travaux ne sont plus aussi durs qu’auparavant, d’autres formes d’asservissement apparaissent.
La mission d’information sur le mal-être au travail souligne que les procédures managériales, dans bien des entreprises où l’on ne porte pas de charges lourdes, où l’on ne travaille ni dans le bruit ni avec des matières dangereuses, sont pourtant des facteurs de souffrance.
Quand on se suicide dans le centre de recherches de Renault, à Guyancourt, ce n’est pas parce qu’on est dans un atelier de peinture, mais c’est parce qu’on est soumis à une pression insupportable du point de vue humain !
Quand on impose aux jeunes salariés des centres d’appels de Teleperformance la réalisation dans un temps donné d’un nombre donné d’appels téléphoniques, on développe la culpabilisation de ces salariés !
Quand on demande aux techniciens de France Télécom d’être des bateleurs pour vendre tel type de téléphone portable ou tel contrat d’abonnement, on néglige leurs compétences, on blesse leur identité même !
Ce qu’on attend de la médecine du travail, ce n’est pas d’être l’instrument de la gestion des emplois version patronale, mettant au rebut ceux qui ne « rapportent » plus assez et continuant de justifier l’exploitation de ceux qui peuvent encore « rendre du jus ».
Les travailleurs qui veulent avoir un pouvoir d’agir, mais les médecins du travail aussi, pensent à cela jusqu’à en souffrir. Mais Mme Parisot dit que la liberté de penser s’arrête là où commence le droit au travail. Changeons d’air, dit le MEDEF !
Il faut donc rentrer à l’écurie votre cavalier, il abîme aussi le travail parlementaire.
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Il faut élargir la notion de médecine du travail, conforter les droits des salariés et leur en donner de nouveaux. Quand je dis conforter, je pense à l’indépendance de la médecine du travail.
En vérité, votre pratique cavalière vous est dictée par votre politique « Fouquet’s ». La gestion industrielle ou financière des hommes est devenue principe de gouvernement.
Il y avait des manques à corriger, des manques à compléter ; il y avait aussi à conserver un régime de droit avec, en son cœur, la dignité humaine inhérente à tous les membres de la famille humaine.
Aujourd’hui, c’est la restauration de l’ordre spontané du travail, l’obligation à défaire méthodiquement l’héritage social de la Résistance. C’est un grand retournement.
Ces nouveaux fondamentaux ignorent la coopération et promeuvent la confrontation, la République des affaires, la démocratie limitée, qui ne considère les résultats d’un scrutin que s’ils répondent aux vœux des dirigeants qui l’organisent.
On assiste à une privatisation de l’État-providence, à une pulvérisation du droit en droit subjectif. Cette déconstruction fait perdre au droit social sa capacité de rendre les citoyens solidaires.
Les services de responsabilité publique, comme la médecine du travail, sont doublement menacés de désagrégation et de calcification.
Il se crée comme un marché de produits législatifs ouvert aux choix individuels. Il y a course au moins-disant social. Les libertés collectives des salariés sont subordonnées aux libertés économiques des entreprises.
Quand j’étais ministre de la santé, j’ai fait de très nombreuses visites dans les entreprises et j’ai toujours trouvé le patronat gêné, et souvent commandeur de la médecine du travail.
Tout cela explique que je ne peux, personnellement et en qualité d’ancien ministre de la santé, que voter contre cet article.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur plusieurs travées du groupe socialiste.
Les menaces qui pèsent sur la médecine du travail sont connues. La pénurie se profile à court terme compte tenu du vieillissement des médecins et de leur sous-renouvellement. Plus de la moitié d’entre eux ont plus de 55 ans, très exactement 3 957 praticiens sur 7 204, alors que moins de 80 étudiants en médecine optent chaque année pour la médecine du travail.
Les médecins du travail assurent déjà chacun en moyenne le suivi de 3 000 salariés, voire 3 200 par endroits, et les besoins vont grandissant avec l’augmentation des pathologies liées aux conditions de travail, sans même évoquer la sous-déclaration chronique des accidents du travail et maladies professionnelles.
Les enjeux sont, à la fois, de respect de l’individualité et de la dignité humaine, de santé publique, mais aussi entrepreneuriaux.
Le présent projet de loi, qui porte réforme des retraites, il faut le rappeler, car le débat de ce soir nous en a largement éloignés, comporte justement, après son passage à l’Assemblée nationale, un titre IV nouveau traitant de la médecine du travail.
Monsieur le rapporteur, lettres pour lettres, j’ai reçu, comme tous mes collègues, nombre de courriers de médecins du travail, attachés à l’exercice de leur métier, m’alertant contre ces dispositions. J’ai pris connaissance, comme vous tous ici, de l’avis averti du Conseil national de l’Ordre des médecins, déjà évoqué.
Dès lors, même s’il s’agit à l’évidence d’un cavalier, pourquoi une telle levée de boucliers contre ce titre IV ?
Monsieur le ministre, vous avez vigoureusement contesté le fait que ce projet porte gravement atteinte à l’indépendance de la médecine du travail et vous nous avez mis au défi de désigner une seule disposition de cette nature.
Peut-être, finalement, – je veux bien vous accorder ce bénéfice – n’avez-vous pas conscience d’une manipulation et – j’utiliserai des termes assez forts – d’avoir mis toutes vos compétences au service d’un projet rétrograde, digne de l’époque des maîtres des forges.
La clé de la réponse à votre défi est dans ces quelques lignes : « La réforme de la médecine du travail apparaît comme la résultante d’une série de mesures en apparence disparates mais non dénuées de cohérence. Ces mesures s’agencent comme des morceaux de puzzle pour dessiner un ensemble qui amorce un mouvement significatif de transformation du modèle français de protection de la santé au travail. Une logique d’ensemble apparaît... » Ces quelques lignes sont extraites d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale de l’éducation nationale, l’IGAS-IGEN, d’octobre 2007.
L’analyse, en termes choisis, est parfaitement lucide. Le cadre de la médecine n’est presque pas modifié. Les lignes bougent à peine. Mais tout change, point par point, et il faut un peu de recul pour découvrir la mutation qui s’opère.
Votre défi est donc faussement habile, puisque c’est non pas une seule disposition qui est en cause, mais plusieurs qui le sont ensemble, de l’article 25 quater à l’article 25 duodecies, et au huitième alinéa de l’article 27 ter C.
Le tout premier point de cette métamorphose est la réécriture de l’article L. 4622-2 du code du travail. Cet article dispose actuellement que celui qui assure le service de santé au travail prend le nom de médecin du travail. Désormais, celui qui prend le nom de médecin du travail n’assurera donc plus le service de santé au travail. Peut-on être plus clair ? Bien sûr, vous ne supprimez pas, pas tout à fait, pas encore, la médecine du travail, mais vous l’évidez.
Le procédé de l’évidement relève de la même méthode que celle qui a été récemment appliquée au service public hospitalier avec la loi dite « HPST » et qui le sera bientôt aux départements avec le projet de réforme des collectivités territoriales.
À cette première touche s’ajoutent toutes les autres : la redéfinition des missions des services de santé au travail, les SST, la dilution du médecin du travail au sein d’une équipe pluridisciplinaire, la quantification d’objectifs et de moyens, l’ouverture à la sous-traitance pour certaines catégories professionnelles, le conventionnement sans contrôle avec une entreprise « pour les opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles » et, enfin, la reconnaissance des AT-MP par une nouvelle procédure confiée à une commission pluridisciplinaire. Cela permettra de mettre rapidement un terme à la présomption d’imputabilité à l’employeur.
Au final, le tableau qui se dessine est celui d’un service de santé au travail transformé en service de santé publique au rabais dirigé par les employeurs, et qui a pour but de participer à l’exonération de la responsabilité de ces derniers !
J’ajoute que la manière dont vous introduisez cette réforme de la médecine du travail, en catimini, par voie d’amendement tardif, constitue une véritable provocation. Nul n’ignore que ce projet est mûri de longue date. Le procédé ne fait pas illusion. L’affaire de l’amiante n’a-t-elle pas suffisamment servi de leçon ?
Vous le comprendrez, nous voterons contre l’article 25 quater.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je résumerai brièvement la position de notre groupe sur l’article 25 quater.
La série d’articles qui nous sont soumis portant sur la médecine du travail, dont cet article 25 quater, nous paraît inacceptable tant sur le fond que sur la forme.
Sur la forme d’abord : alors que, depuis trois ans, le sujet d’une réforme des services de la santé au travail est en réflexion, que de nombreux rapports et consultations ont été effectués, ces articles balayent ce travail antérieur.
Ils reviennent en quelques lignes sur tous les principaux fondements de la médecine du travail, à savoir une priorisation des risques professionnels et l’indépendance des médecins du travail, écartant de fait toute discussion d’un projet de loi spécifique sur la médecine du travail que tout le monde attendait.
En débattre aujourd’hui, au sein de la réforme des retraites, révèle clairement la volonté d’amoindrir les missions du service public de santé au travail et d’en réduire l’autonomie.
De nombreux médecins nous ont fait connaître leur incompréhension et leur déception de voir bâcler une réforme qu’ils estiment pourtant nécessaire, et que certains souhaitaient même avec force. Les syndicats, quant à eux, se sentent tout simplement méprisés.
Sur le fond ensuite : prévoir l’intervention de médecins non spécialisés, déconnectés de la connaissance du milieu de travail et des postes de travail, risque de conduire à une perte de qualité, notamment dans les actions préventives, qui exigent une connaissance du terrain professionnel.
Évoquer la prévention collective des risques professionnels en termes uniquement techniques ou de santé publique néglige l’approche des méthodes, des démarches et de l’éthique requises en matière d’action de prévention de ces risques.
Par ailleurs, cet article 25 quater, qui définit les missions des services de santé au travail, risque de porter atteinte aux compétences des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
Il ne définit pas assez précisément la notion d’« équipe pluridisciplinaire », laissant dans le flou la question de la prépondérance du médecin, qui a notamment une mission d’animateur, et celle du rôle des autres personnes constituant l’équipe.
Pour finir, il ne définit pas les critères selon lesquels seront désignés des salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention. Il ne précise pas non plus comment cette disposition s’articulera avec les CHSCT.
Par conséquent, regrettant particulièrement que vous ayez émis un avis défavorable sur notre amendement de suppression, nous voterons évidemment contre cet article 25 quater.
Monsieur le président, vous pouvez constater ma bonne volonté. Il me reste deux minutes, mais – ce n’est pas mon habitude – je m’arrête là !
Je mets aux voix l'article 25 quater, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
(Supprimé)
Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
La section 2 du chapitre II du titre II du livre VI de la quatrième partie du même code est complétée par un article L. 4622-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622 -11. – Le service de santé au travail interentreprises est administré paritairement par un conseil composé :
« 1° De représentants des entreprises adhérentes, issus des organisations professionnelles d’employeurs, représentatives sur le plan national interprofessionnel ou professionnel ;
« 2° De représentants des organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« 3° §(nouveau) Le président et le trésorier sont élus pour un mandat de trois ans, l’un parmi les représentants des organisations professionnelles d’employeurs et l’autre parmi ceux des organisations syndicales de salariés, en alternance. En cas de partage des voix lors de la première élection, le président est élu au bénéfice de l’âge.
« En cas de partage des voix, le président dispose d’une voix prépondérante.
« Il doit être en activité.
« Les modalités d’application de cet article sont déterminées par voie réglementaire. »
L’indépendance des médecins du travail ne doit pas être altérée par de nouvelles règles de gouvernance des services de santé au travail.
II ne peut appartenir au directeur du service de santé au travail de définir de son propre chef les orientations et objectifs médicaux du service. Le directeur doit se centrer sur un rôle de coordination et d’organisation du travail, indispensable au bon fonctionnement du service, et être le facilitateur des missions que la loi confie aux médecins du travail.
Les objectifs locaux et orientations doivent être mis en cohérence avec des objectifs nationaux. Ils doivent être élaborés et validés en commission médico-technique, CMT, et ne peuvent porter atteinte à l’indépendance médicale.
La pénurie médicale n’affecte pas seulement la médecine du travail. Des solutions innovantes doivent être mises en œuvre sans porter atteinte à la qualité du service que les salariés et les employeurs sont en droit d’attendre.
Il faut offrir des perspectives de carrière à tous les médecins. Cet article prévoit la gestion paritaire des services de santé au travail pour les services interentreprises, en donnant une voix prépondérante au président, qui sera un employeur.
Si, dans les services de santé au travail des grandes entreprises, c’est l’employeur qui désigne les représentants des salariés, en revanche, pour les PME rattachées à un service interentreprises, vous revenez à une gestion paritaire. Le vrai paritarisme aurait été, par exemple, d’instaurer une présidence tournante.
Cela montre votre préoccupation réelle, qui est de satisfaire les grands groupes dans lesquels vous donnez tout le pouvoir médical aux employeurs, alors que, dans les PME, vous respectez le paritarisme.
L'amendement n° 264, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
L’article 25 sexies prévoit que le service de santé au travail interentreprises sera administré par un conseil composé des représentants des entreprises adhérentes. Le président, élu parmi eux, disposera d’une voix prépondérante.
Pour les professionnels de la santé au travail, le médecin du travail est là pour « dire » la santé au travail et non pour participer aux négociations ou aux compromis.
Cette « voix prépondérante » renforce le pouvoir des entreprises sur les services de santé au travail, et, nous l’avons dit tout à l’heure, menace l’indépendance des médecins du travail.
Comme je l’ai indiqué auparavant, les professionnels de la santé au travail sont inquiets pour leur indépendance, déjà mise à mal ces dernières années.
Bien que vous vous en défendiez, ces articles, portant bel et bien réforme de notre système de santé au travail, s’orientent vers une tendance qui existe depuis plusieurs années : la démédicalisation de la prévention des risques professionnels.
En effet, le patronat demande depuis plusieurs années qu’il y ait moins de médecins, mais plus d’infirmiers et d’ergonomes dans les services de santé au travail. Évidemment, cette préconisation n’est pas innocente, car, lorsqu’il y a moins de médecins, il y a moins de « paperasse embarrassante », comme des déclarations de maladies professionnelles…
Je cherche ici non pas à diaboliser les employeurs – ils se débrouillent très bien tout seuls –, mais à décrire une situation malheureusement bien réelle. La substitution aux médecins du travail de professionnels moins autonomes, sans statut protecteur, favorise la position des employeurs.
Depuis des années, on assiste à la casse d’un service de santé au travail efficace, dont la mission exclusive est « d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ».
La « voix prépondérante » que vous accordez dans l’article 25 renforce cette casse. C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, de l’en empêcher.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 395 rectifié, présenté par MM. Gilles et Lardeux, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 8
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
« . - Le service de santé au travail interentreprises est administré par un conseil composé :
« 1° D'un tiers de représentants des entreprises adhérentes ;
« 2° D'un tiers de représentants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives au plan national et interprofessionnel ;
« 3° D'un tiers de représentants désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le Président du conseil est élu parmi les représentants mentionnés aux 1° et 2°. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 612, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 4622 -11. - Le service de santé au travail interentreprises est administré par un conseil composé :
« 1° d'un tiers de représentants des entreprises adhérentes ;
« 2° d'un tiers de représentants désignés par les organisations professionnelles d'employeurs représentatives sur le plan national interprofessionnel ;
« 3° d'un tiers de représentants désignés par les organisations syndicales de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.
« Le Président du conseil est élu parmi les représentants mentionnés au 1° et au 2°. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
Cet amendement vise à rendre strictement paritaires les conseils d'administration des services de santé au travail interentreprises. Or, à l'heure actuelle, ces conseils sont composés de deux tiers de représentants d'entreprises adhérentes et d’un tiers de représentants syndicaux.
Cette dissymétrie se justifie du fait de la responsabilité pleine et entière qu'assument les employeurs en matière de santé au travail.
Afin de clarifier le fonctionnement des services de santé au travail interentreprises et de renforcer le rôle des partenaires sociaux, le projet d'accord interprofessionnel de 2009 sur la réforme de la médecine du travail avait prévu une composition du conseil d'administration en trois collèges : un tiers de représentants des organisations professionnelles d'employeurs, représentatives au plan national et interprofessionnel, un tiers de représentants des entreprises adhérentes au service de santé au travail, et un tiers issu des organisations syndicales de salariés, représentatives au plan national et interprofessionnel.
L’objet de cet amendement est d’appliquer ce dispositif des trois tiers.
L'amendement n° 574, présenté par M. About et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer le mot :
est
par les mots :
peut être
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
De représentants des entreprises adhérentes, issus des
par les mots :
De représentants des entreprises adhérentes élus par l'assemblée générale et qui peuvent appartenir à des
La parole est à M. Daniel Dubois.
L’objet de cet amendement est double : rendre optionnelle l’organisation paritaire du service de santé au travail interentreprises ; permettre aux entreprises adhérentes de pouvoir désigner librement leur représentation patronale au sein du service interentreprises de santé au travail, le SIST.
En effet, rendre facultative la composition paritaire du conseil chargé d’administrer le SIST assouplira le dispositif.
Un tel assouplissement est nécessaire pour faciliter le fonctionnement de certains SIST.
Il permettra également d’éviter une interférence entre les missions du SIST et l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur envers ses salariés.
Un cadre de gouvernance trop rigide des services pourrait obérer la capacité concrète de l’employeur à assumer son obligation en matière de santé s’il se trouve dessaisi de l’approbation des priorités et moyens en présence.
Par ailleurs, nous entendons permettre aux entreprises adhérentes de désigner librement leur représentation patronale au sein des SIST. Étant des associations loi de 1901, les SIST doivent respecter les principes d’élection et de liberté statutaire. Ces principes ne sont pas respectés en l’état actuel du texte, puisqu’il est prévu que les représentants des entreprises adhérentes au sein des conseils chargés d’administrer les SIST seront désignés par les organisations patronales.
Notre amendement vise à prévoir que les représentants des entreprises adhérentes seront élus par l’assemblée générale et pourront éventuellement appartenir à des organisations professionnelles d’employeurs.
L'amendement n° 634 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf et Darniche, est ainsi libellé :
I-Alinéa 2
Remplacer le mot :
est
par les mots :
peut être
II- En conséquence, après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Après adoption par le conseil d'administration, une résolution de modification des statuts de l'association est soumise à la ratification de l'assemblée générale des adhérents.
La parole est à M. Philippe Dominati.
L’amendement n° 634 rectifié est retiré.
L'amendement n° 1022, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
, à parts égales :
La parole est à M. Guy Fischer.
L’article 25 sexies, qui entend réformer la gouvernance des services de santé au travail interentreprises, est issu d’un amendement parlementaire introduit à l’Assemblée nationale, puis de modifications intervenues en commission des affaires sociales du Sénat.
Cet article entend rompre avec le système actuel de gouvernance, qui accorde une majorité des deux tiers aux employeurs au sein des conseils d’administration.
Le système actuel et la majorité accordée aux employeurs découlent des modalités de financement de ces services de santé, assuré par les cotisations des entreprises adhérentes, et de la responsabilité des employeurs en matière de santé et de sécurité des salariés.
En d’autres termes, ceux qui paient gouvernent.
L’article 25 sexies, qui constituait déjà une petite avancée en matière de participation des travailleurs à la gestion de la santé au travail, a été amendé en commission dans le sens d’une gouvernance paritaire.
Il est maintenant prévu que le service de santé au travail interentreprises soit administré paritairement par un conseil composé de représentants des entreprises adhérentes, issus des organisations professionnelles, et de représentants des organisations syndicales de salariés.
Il est également prévu que le président sera élu tous les trois ans, alternativement parmi les employeurs et les syndicats, et que le trésorier, désigné pour la même durée, sera élu, pour sa part, parmi ceux dont le président n’est pas issu, afin qu’il y ait toujours un double regard sur les actions et les financements des services. Voila une avancée qui paraît presque trop belle pour être vraie !
Par cet amendement, nous souhaitons aller au bout de cette logique paritaire et prévoir une véritable égalité dans la composition du conseil d’administration.
Nous vous proposons donc que le service de santé au travail interentreprises soit administré paritairement par un conseil composé « à parts égales » de représentants d’employeurs et de salariés.
Cet ajout aurait le mérite de pousser jusqu’à son terme la logique paritaire qui a animé, tant nos collègues de l’Assemblée nationale, que ceux du Sénat emmené par la soif égalitaire de notre rapporteur, M. Dominique Leclerc, ce dont, pour une fois, nous nous réjouissons !
Sourires sur les travées de l ’ UMP. – M. Dominique Leclerc s’exclame.
La rupture avec l’ancienne logique de « qui paie gouverne » serait un véritable changement au sein de ces conseils d’administration.
Mes chers collègues, l’habitude de travailler avec ce gouvernement nous oblige cependant à modérer notre enthousiasme. Il est fort probable que l’article 26 sexies et la gestion paritaire qu’il contient ne voit jamais le jour. Le Gouvernement se dit que cette disposition ne passera pas la commission mixte paritaire…
Je prends ici date avec vous, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, et avec mes collègues placés de l’autre côté de l’hémicycle : saurez-vous me faire mentir et maintenir dans ce texte une des seules avancées sociales qu’il contient ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Marc Pastor applaudit également.
L'amendement n° 591, présenté par M. About, Mme Dini, M. A. Giraud, Mme Payet, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° De représentants des employeurs, désignés par les entreprises adhérentes ;
La parole est à M. Yves Détraigne.
Cet amendement reprend l’un des deux objets de l’amendement n° 574, qui consiste à permettre aux entreprises adhérentes d’un service interentreprises de santé au travail de désigner librement leur représentation patronale.
Cette version est cependant plus souple que la précédente, dans la mesure où nous proposons que les représentants patronaux soient bien désignés par les entreprises adhérentes, sans préciser toutefois leur mode de désignation, c’est-à-dire sans qu’ils soient nécessairement désignés par l’assemblée générale.
L'amendement n° 631 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après le mot :
interprofessionnel
supprimer les mots :
ou professionnel
La parole est à M. Philippe Dominati.
L’amendement n° 631 rectifié est retiré.
L'amendement n° 633 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps et MM. Lecerf, Beaumont et Darniche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
représentants
insérer les mots :
des salariés d'entreprises adhérentes désignées par
La parole est à M. Philippe Dominati.
Il s’agit, par cet amendement, de respecter la symétrie de désignation entre les représentants des entreprises adhérentes et les représentants des salariés. Il est logique que ceux-ci appartiennent effectivement aux entreprises adhérentes pour pouvoir siéger au conseil d’administration.
L'amendement n° 636 rectifié, présenté par MM. P. Dominati, Beaumont et Darniche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Dominati.
L’amendement n° 636 rectifié est retiré.
Quel est l’avis de la commission ?
L'amendement n° 574 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
La commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur l’amendement n° 1022, ainsi que sur l’amendement n° 591, car il est légitime que les entreprises adhérentes aient leur mot à dire sur le choix des représentants patronaux.
La commission s’en remet également à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l’amendement n° 633 rectifié.
Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 612.
Il est, en revanche, favorable à l’amendement n° 1022.
Quant à l’amendement n° 591, le Gouvernement donne un avis défavorable, en dépit de l’avis de sagesse émis par la commission.
Enfin, le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 633 rectifié.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’article 25 sexies.
Si j’ai bien compris, monsieur le président, dans cet article, sur lequel nous sommes tout à fait d’accord – j’y reviendrai tout à l’heure –, on remplace les représentants des organisations représentatives sur le plan interprofessionnel et professionnel par les représentants des employeurs et des salariés des entreprises adhérentes.
Cette rédaction est, à mon avis, un peu moins performante que la première version, que je préférais.
Cela étant, elle ne me choque pas particulièrement et, comme l’a dit tout à l’heure Guy Fischer, cet article marque un progrès très sensible.
Il traduit une recommandation de la mission d’information sur le mal-être au travail, que j’avais l’honneur de présider.
Lorsque nous vous avions auditionné dans le cadre de cette mission, monsieur le ministre, nous avions un débat sur le paritarisme. Je me souviens très bien que vous n’y étiez pas opposé, pour autant qu’il soit bien organisé.
Devant la commission des affaires sociales, je m’étais permis de dire que le texte issu de l'Assemblée nationale n’allait pas assez loin.
Depuis, et avec votre accord, monsieur le ministre, la commission, sous l’impulsion de Dominique Leclerc, a amendé ce texte.
Je considère à présent – je parle sous le contrôle de mes collègues du groupe socialiste – que nous pouvons voter cet article, qui vise à modifier en profondeur l’organisation de la médecine du travail.
J’espère que cette disposition passera le cap de la commission mixte paritaire. Ce serait sans aucun doute une avancée significative et l’un des points forts de ce texte, qui comporte par ailleurs de nombreuses imperfections.
L'article 25 sexies est adopté.
La même section 2 est complétée par un article L. 4622-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622 -12. – Le service de santé au travail interentreprises élabore, au sein d’une commission de projet, un projet de service pluriannuel qui définit les priorités d’action du service. Le projet est soumis à l’approbation du conseil d’administration. Le projet s’inscrit dans le cadre du contrat d’objectifs et de moyens prévu à l’article L. 4622-10. »
L'amendement n° 423, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Nous sommes opposés à cet article pour au moins deux raisons. Nous ne voyons pas d’inconvénient a priori à ce qu’un service de santé au travail interentreprises élabore, au sein d’une commission nommée à cette fin, un projet de service pluriannuel.
Il se peut en effet que l’organisation du service requiert l’élaboration d’un plan de travail en fonction des entreprises à visiter, de la dangerosité potentielle des sites ou d’autres paramètres.
Encore faut-il déterminer quels seront les membres de cette commission de projet, et ce que l’on entend exactement par le terme « projet ».
L’exposé des motifs de cet article à l’Assemblée nationale indiquait que « la commission aurait, parmi ses missions, la possibilité de pouvoir procéder à des appels d’offre pour trouver des réponses à des projets que les services ne peuvent assumer seuls ».
Est-ce à dire que la règle du moins-disant va s’appliquer ? Bien entendu, nous ne sommes pas ici régis par le droit public. Néanmoins, on peut clairement prévoir que les considérations financières seront importantes dans des services de santé au travail interentreprises financés par les employeurs.
Autre question : de quels projets pourra-t-il s’agir ? La suite de l’article est éclairante : ce projet définira des « priorités d’action » et s’inscrira dans un « contrat d’objectifs et de moyens ».
Pourtant, il s’agit en l’occurrence non pas de déterminer un processus de production en fonction d’objectifs commerciaux, mais de mener des actions de prévention et de protection des travailleurs.
Nous avons déjà pu voir, dans l’administration du travail, ce à quoi aboutit le système des priorités d’action définies dans le cadre d’un projet pluriannuel : faire au mieux avec un minimum de moyens.
Ainsi, au lieu d’effectuer des missions de contrôle dans les entreprises pour faire respecter le droit et assurer la sécurité des salariés, l’inspection du travail se trouve souvent transformée en un organe de conseil aux employeurs, amené à faire aussi de la prévention pour éviter des contentieux aux employeurs.
Les contrôles ne sont plus programmés qu’en fonction de priorités diverses. La recherche d’ateliers clandestins, en soi louable, a ainsi pu être érigée en priorité, étant bien entendu que les ateliers clandestins sont remplis de travailleurs étrangers…
La médecine du travail ne doit pas se voir réduite à de telles manipulations. Le danger est analogue, et il est tout aussi grave.
De fait, les médecins ont aujourd’hui une telle indépendance dans le cadre de leurs visites qu’il leur arrive de déclarer l’origine professionnelle d’une pathologie. Ils signalent parfois le dépassement de seuils en matière de bruit ou d’exposition aux produits CMR, cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction, autant de remarques déplaisantes, voire déplacées, pour des chefs d’entreprise qui se battent durement, comme chacun sait, dans un contexte de concurrence mondiale.
S’il doit y avoir des priorités, ce sont aux médecins de les définir en fonction d’impératifs sanitaires et en se fondant sur leurs compétences.
On veut les transformer en animateurs, dont la mission sera axée sur la prévention, et qui participeront, avec des sous-traitants privés, à l’élaboration de projets, à la détermination de priorités, en fonction de contrats d’objectifs limités par des moyens réduits. On ne sait si, dans ce cas, la santé et la sécurité au travail y gagneront.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 25 septies est adopté.
Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Après l’article L. 4625-1 du même code, dans sa rédaction issue de la présente loi, il est inséré un article L. 4625-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 4625-2. – Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l’organisation et au choix du service de santé au travail ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de santé des travailleurs dès lors que ces dérogations n’ont pas pour effet de modifier la périodicité des examens médicaux définie par le présent code.
« Ces dérogations concernent les catégories de travailleurs suivantes :
« 1° Artistes et techniciens intermittents du spectacle ;
« 2° Mannequins ;
« 3° Salariés du particulier employeur ;
« 4° Voyageurs, représentants et placiers.
« L’accord collectif de branche étendu après avis du Conseil national de l’ordre des médecins peut prévoir que le suivi médical des salariés du particulier employeur et des mannequins mineurs soit effectué par des médecins non spécialisés en médecine du travail qui signent une convention avec un service de santé au travail interentreprises. Ces conventions prévoient les garanties en termes de formation des médecins non spécialistes, les modalités de leur exercice au sein du service de santé au travail ainsi que l’incompatibilité entre la fonction de médecin de soin du travailleur ou de l’employeur et le suivi médical du travailleur prévu par la convention. Ces dispositions ne font pas obstacle à l’application de l’article L. 1133-3 relatif aux différences de traitement autorisées en raison de l’état de santé.
« En cas de difficulté ou de désaccord avec les avis délivrés par les médecins mentionnés au septième alinéa du présent article, l’employeur ou le travailleur peut solliciter un examen médical auprès d’un médecin du travail appartenant au service de santé au travail interentreprises ayant signé la convention.
« En l’absence d’accord étendu, un décret en Conseil d’État pris après avis du Conseil national de l’ordre des médecins détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs. »
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
Non ! Non ! sur les travées de l ’ UMP.
Encore un article qui illustre bien ce qui nous sépare, monsieur le ministre !
De quoi s’agit-il ? Cet article prévoit qu’un accord collectif de branche pourra déroger aux règles normales de suivi médical au travail pour quatre professions, à savoir les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés des particuliers employeurs et les voyageurs, représentants, placiers, les VRP, au motif qu’aujourd’hui, ces salariés n’ont pas accès à la médecine du travail lorsqu’ils travaillent de manière fractionnée.
Dans les faits, c’est vrai. Cela justifie-t-il pour autant de prévoir des dérogations ? Pour notre part, nous considérons que ces salariés doivent avoir accès à la médecine du travail de droit commun.
Si j’ai bien compris, des négociations de branche sont actuellement en cours pour les quatre professions visées par cet article, portant notamment sur le thème de la santé au travail. Il convient évidemment de s’en féliciter. L’adoption de cet article viserait donc à donner une base légale aux éventuelles dérogations au code du travail auxquelles les négociateurs pourraient parvenir.
Plutôt que d’anticiper les résultats de cette négociation et de les encourager dans ce sens, je crois au contraire que nous devrions les encourager à s’insérer dans le dispositif de droit commun. Notre inquiétude s’explique par le fait que, de manière générale, ces dérogations se font toujours dans le sens d’un nivellement par le bas de la protection offerte à ces catégories de travailleurs, souvent précaires.
On peut comprendre que l’application du droit commun pose un problème pour les salariés de particuliers employeurs.
Je me permets toutefois d’attirer votre attention, mes chers collègues, sur les mannequins, par exemple, qui peuvent souffrir de maladies professionnelles
Sourires et exclamations sur certaines travées de l ’ UMP.
, comme l’anorexie. Ce n’est pas drôle, mes chers collègues, l’anorexie peut être considérée comme une maladie professionnelle !
Mme la présidente de la commission des affaires sociales acquiesce.
Puisque ce sujet a l’air de vous passionner, j’aimerais bien que l’on puisse débattre dans cet hémicycle de la proposition de loi visant à lutter contre les incitations à la recherche d’une maigreur extrême ou à l’anorexie, sur laquelle notre collègue Patricia Schillinger a rapporté.
J’aimerais bien qu’en la matière la France suive l’exemple de l’Italie, et fixe des normes applicables aux mannequins.
Sourires.
L'amendement n° 1023, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Cet article, issu d’un amendement déposé en séance lors du débat à l’Assemblée nationale, prévoit la possibilité de dérogations par accord collectif de branche étendue en matière d’organisation et de suivi de la santé au travail pour quatre professions, au motif que celles-ci seraient peu couvertes par le système actuel de santé au travail en raison de leurs spécificités.
Plutôt que de faire un effort pour leur permettre d’être effectivement couvertes par ce système, on préfère prévoir une dérogation aux obligations de droit commun.
Les professions visées sont les artistes et techniciens intermittents du spectacle, les mannequins, les salariés du particulier employeur et les voyageurs, représentants et placiers.
Cette insertion de dispositions dérogatoires a été justifiée par la forte mobilité géographique et la fréquence des missions dans un laps de temps très court des intermittents du spectacle, des mannequins et des VRP, ce qui rendrait complexes les modalités d’organisation de leur suivi médical professionnel.
La situation des salariés du particulier employeur, au nombre d’environ 1, 1 million de personnes, est différente : les raisons invoquées pour justifier les présentes dérogations reposent sur la pluralité des missions et des employeurs, représentant aux yeux des auteurs de cet amendement le principal obstacle au suivi par la médecine du travail de droit commun.
Pour l’ensemble de ces professions, des négociations de branche sont actuellement en cours, notamment sur le thème de la santé au travail. Cet article vise donc à donner une base légale aux dérogations au code du travail auxquelles elles pourraient parvenir.
En ce qui concerne les mannequins et les salariés du particulier employeur, la dérogation issue des négociations peut porter également sur le recours à des médecins non spécialistes en médecine du travail.
Pour notre part, nous nous prononçons contre ces régimes dérogatoires, qui se font toujours dans le sens d’un nivellement par le bas de la médecine du travail.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
L'amendement n'est pas adopté.
Nous allons maintenant interrompre nos travaux. Je tiens à vous remercier, mes chers collègues, de votre présence aussi tard dans la nuit et à remercier particulièrement Mme la présidente et M. le rapporteur de la commission des affaires sociales, ainsi que M. le ministre et M. le secrétaire d’État, et je vous souhaite à tous un excellent dimanche !
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 18 octobre 2010, à dix heures, à quinze heures, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le dimanche 17 octobre 2010, à trois heures vingt-cinq.