Le plan pour les talents du numérique annoncé par ma collègue Amélie de Montchalin montre la volonté très claire du Gouvernement et de l'administration de travailler sur l'attractivité de la fonction publique, au-delà de la seule question informatique. Dans un monde traversé par les transitions environnementales et numériques, nous avons besoin d'attirer des talents qui comprennent ces transitions, sont capables d'outiller l'État et de piloter son action.
L'un des premiers avantages de la fonction publique est de se mettre au service de l'intérêt général. C'est une motivation qui en surpasse beaucoup d'autres. Il faut tout de même la nourrir par un cadre permettant de trouver de l'intérêt à son travail. Dans une très grande entreprise, ou dans une start-up, on accomplit une mission pendant deux ans, puis l'on en change pour aller voir d'autres choses. C'est moins facile lorsque l'on travaille pour l'État.
J'ai évoqué la question salariale, et celle de la flexibilité des horaires de travail. L'État rencontre ces problèmes, mais les grandes entreprises aussi ! Je le sais pour avoir moi-même travaillé dans le secteur privé, elles souffrent des mêmes problèmes de rigidité de leurs cadres d'emploi, qui font qu'elles ont du mal à attirer. D'ailleurs, une part significative des diplômés des très grandes écoles françaises ne va plus travailler dans les grandes entreprises, mais dans les start-up ou les grandes entreprises étrangères du numérique. Ils y trouvent un sens, des responsabilités, une organisation du travail qui correspondent à leurs désirs.
Nous devons évoluer sur l'ensemble de ces problématiques. C'est difficile pour l'État, qui est une grosse organisation. Mais l'attractivité de long terme et la pertinence même de la puissance et des politiques publiques en dépendent.
Nous devons prendre acte du fait que les actifs, aujourd'hui, changent facilement de travail - surtout les plus diplômés. Or cela multiplie les cas de potentiels conflits d'intérêts. Au risque de ne pas être très populaire, je souligne qu'un informaticien de grand talent, s'il comprend que travailler pour l'État lui interdira, ensuite, de revenir dans le secteur privé, n'ira tout simplement pas travailler pour l'État. Nous devons travailler sur ces sujets. On peut accepter de gagner moins d'argent pendant quelques années pour se consacrer à l'intérêt général. Mais, si cela doit vous empêcher de revenir dans le secteur privé, c'est autre chose... Cela dit, je sais que les réseaux sociaux ne manqueront pas de dénoncer cette opinion, en disant que je suis « vendu » au secteur privé !