Intervention de Philippe Merle

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 23 février 2022 à 9h00
Audition de représentants des administrations centrales de l'état sur la présence de nitrates d'ammonium dans les ports

Philippe Merle, chef du service des risques technologiques au ministère de la transition écologique :

– Je commencerai par répondre au nom de la Direction générale de la prévention des risques (DGPR). Comme vous venez de l’indiquer, Monsieur le Président, la question du transport, et particulièrement celle du transport maritime et des opérations annexes, n’est qu’une partie de la question. Je vais donc commencer par quelques propos plus généraux.

Vous le savez, les produits à base de nitrate d’ammonium comprennent les explosifs – comme à Beyrouth – et les engrais, qui ont subi une opération de « prilling », autrement dit d’enrobage ou de grelonage, visant à limiter les surfaces d’échange. Quand on cherche une propriété explosive, il faut que l’ammonitrate soit comme une sorte d’éponge. Quand on cherche une propriété fertilisante, il faut au contraire limiter les surfaces d’échange entre le nitrate d’ammonium et des éléments extérieurs.

Lorsque cette opération se passe mal, elle produit des éléments « déclassés » et nous renvoie à l’accident d’AZF. Lorsque cette opération se passe bien, cela conduit d’abord à produire de l’ammonitrate haut dosage.

Si l’on souhaite obtenir un moyen dosage, qui présente des risques nettement inférieurs, il faut le mélanger. Cela entraîne une opération supplémentaire et il faut davantage d’ammonitrates pour obtenir la même quantité d’azote.

Autrement dit, il est tout à fait logique que l’intérêt des producteurs d’ammonitrates soit de vendre du haut dosage dans les pays qui le permettent, dont la France, sachant que les producteurs sont essentiellement constitués d’un duopole norvégien et autrichien.

Le principal risque des ammonitrates, concernant les engrais non déclassés, est l’incendie, car ces produits n’explosent pas à température ambiante. En revanche, en cas d’incendie et quand il y a un apport de combustible pour une raison x ou y on se retrouve dans une situation où une détonation peut se produire, détonation qui est d’ailleurs tout à fait spectaculaire. Citons par exemple l’accident d’Oppau en Allemagne en 1921 – 560 morts – ou celui survenu sur des navires à Texas City en 1947, qui a entraîné 580 morts, ainsi que l’accident qui a eu lieu à Brest la même année, ou encore celui de Saint-Romain-En-Jarez en 2003 pour 10 tonnes de matière, qui a occasionné 9 morts.

En France, l’ammonitrate à haut dosage est majoritaire et représente environ 60 % de la consommation contre environ 40 % pour le moyen dosage, ce qui est assez atypique.

On trouve ces produits dans les ports maritimes. Compte tenu de l’évolution des connaissances techniques récapitulées dans un rapport de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris), nous avons fait évoluer les règles sur le dépôt à terre, qui est une opération de déchargement exceptionnelle.

En principe, le déchargement s’effectue dans un cadre régi par le droit international et doit être direct, c’est-à-dire qu’il doit être effectué du navire vers un autre moyen de transport.

Il peut toutefois arriver, exceptionnellement et dans des conditions encadrées, que nous soyons contraints de faire un dépôt à terre. Dans les ports maritimes, le dépôt à terre en vrac est interdit. En cas d’incendie, il est plus difficile de déplacer le chargement que s’il se trouve dans des big bags.

Pour les dépôts à terre, la réglementation impose un dépôt en big bags, avec des îlots d’une quantité limitée et des espacements minimum. Les règles régissant ces îlots ont été fortement durcies par l’arrêté publié cette semaine au Journal officiel sur la base du rapport de l’Ineris que je mentionnais.

Voilà pour les ports maritimes.

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