Intervention de Muriel Bouldouyre

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 23 février 2022 à 9h00
Audition de représentants des administrations centrales de l'état sur la présence de nitrates d'ammonium dans les ports

Muriel Bouldouyre, cheffe du bureau des voies navigables au ministère de la transition écologique :

– Le transport fluvial de matières dangereuses obéit à une réglementation extrêmement précise et engageante, imposant la détention d’un certificat « ADN », en vertu d’un accord européen relatif au transport intérieur de matières dangereuses, qui doit être renouvelé tous les 5 ans.

Un contrôle étroit est opéré par l’administration en France, notamment par les services en charge de la sécurité de la navigation intérieure des directions départementales des territoires (DDT). La profession est très encadrée et soumise à des exigences de sécurité et de conformité technique des bateaux qui sont extrêmement précises et très contrôlées.

M. Jean-François Longeot. – Je cède la parole à nos trois rapporteurs.

M. Pascal Martin. – Merci pour les éléments dont vous venez de nous faire part, qui prolongent les échanges que nous avons eus ces dernières semaines. Je souhaiterais vous poser plusieurs questions, qui s’adressent plutôt à M. Merle.

La recommandation n° 7 du rapport CGEDD-CGE préconise que la DGPR et les DREAL privilégient les ICPE soumises à déclaration stockant des ammonitrates à haut dosage dans le cadre de l’action nationale 2021. Cela a-t-il bien été mis en œuvre en 2021 ? Combien de contrôles et de visites d’inspection ont eu lieu en 2021 ? Des sites relevant du régime de la déclaration ont-ils été contrôlés ? Quelles situations avez-vous observées ?

Concernant la prévention des risques dans les installations de stockage, vous avez fait allusion à la consultation publique sur un projet de décret proposant d’abaisser à 150 tonnes (au lieu de 250 tonnes pour le vrac et 500 tonnes pour les big bags) le seuil de déclaration des installations de stockage d’ammonitrates à haut dosage.

Cela suscite des réactions assez vives, notamment de la part des exploitants agricoles, qui avancent des critiques de deux ordres. Premièrement, ils indiquent que cet abaissement de seuil, en contraignant l’utilisation des ammonitrates à haut dosage, risque d’inciter les agriculteurs à privilégier le moyen dosage, ce qui poserait selon certains acteurs plusieurs difficultés. D’une part, une telle évolution fragiliserait la souveraineté alimentaire de la France, puisque les ammonitrates à moyen dosage sont en grande partie importés. D’autre part, cela induirait une hausse des quantités de produits mises sur les routes et donc, des émissions polluantes, puisque les agriculteurs devront utiliser davantage d’engrais pour conserver les mêmes rendements.

Deuxièmement, certains acteurs estiment que l’abaissement du seuil de déclaration pour le haut dosage conduirait à davantage concentrer les stockages d’ammonitrates dans certains sites, ce qui aurait pour effet d’augmenter les risques localement.

Selon vous, ces inquiétudes sont-elles fondées ? Une étude d’impact environnementale et économique a-t-elle été réalisée dans le cadre de la rédaction de ces projets de textes ? Enfin, pourquoi avoir choisi d’abaisser le seuil de déclaration à la fois pour le vrac et le big bag alors que ces derniers présentent moins de risques, comme vous l’avez rappelé vous-même ? Ne pensez-vous pas qu’il serait plus judicieux de renforcer uniquement la réglementation relative aux ammonitrates à haut dosage utilisés en vrac afin d’inciter les exploitants agricoles à privilégier les produits conditionnés ?

Enfin, vous avez évoqué votre volonté de rapprocher les régimes en vigueur dans les ports maritimes et dans les ports fluviaux et je salue cette initiative, car il semble en effet que la réglementation dans les ports fluviaux soit insuffisante.

M. Philippe Tabarot. – En complément des questions posées par mon collègue et sur la base des échanges que nous avons déjà eus sur le terrain, j’aimerais vous poser des questions sur le fluvial, sur le maritime et sur le ferroviaire.

En prenant connaissance du premier arrêté du 7 février 2022 qui s’applique aux ports maritimes, il me semble que paradoxalement vous n’ayez pas commencé par traiter les problèmes là où ils sont les plus importants !

De même, le projet de décret et le projet d’arrêté évoqués, dont la consultation s’est achevée il y a une semaine, concernent les stockages agricoles.

Ma première question est donc la suivante : quid des ports fluviaux ? Travaillez-vous à une réglementation pour les ports fluviaux ? C’est notre principale inquiétude, Pascal Martin vous l’a très justement rappelée.

Concernant les ports maritimes, le rapport inter-inspections formule deux recommandations intéressantes : charger la DGITM et à la DGPR d’assurer un pilotage des capitaineries au niveau national, au moyen de réunions régulières, d’appui et de conseils ou encore de formations et de partage d’expérience, afin d’augmenter leur efficacité et développer un système de gestion des matières dangereuses unique pour tous les ports maritimes, au-delà des grands ports maritimes (GPM) permettant une consolidation des données au niveau national.

Quel regard portez-vous sur ces propositions et allez-vous concrètement les mettre en œuvre ? Serait-il opportun d’étendre ce système de gestion unique à l’ensemble des ports fluviaux également ?

S’agissant du transport fluvial, le rapport inter-inspections souligne des écarts d’organisation entre les ports fluviaux et maritimes en ce qui concerne la gestion des matières dangereuses (absence de capitainerie et d’autorité chargée de la police portuaire ou des matières dangereuses notamment). Des évolutions réglementaires ou législatives vous sembleraient-elles pertinentes pour rendre plus robuste l’organisation des ports fluviaux sur ce point ?

J’en viens à ma question sur le ferroviaire, qui concerne une situation particulière. Lors d’une précédente audition sur ce sujet, notre collègue le sénateur Gilbert-Luc Devinaz, a porté à notre connaissance le cas d’une gare de triage dans le Rhône dans laquelle des matières dangereuses transitent et stationnent parfois de manière prolongée.

Ces gares deviennent de facto des espaces de stockage, sans que la législation nationale ne s’applique puisqu’elles sont soumises à la réglementation internationale sur le transport ferroviaire.

En revanche, les installations industrielles avoisinantes sont soumises à la directive « Seveso ». Cette situation est préoccupante à deux titres : d’une part, elle peut conduire à des contournements de la réglementation Seveso et, d’autre part, elle induit une différence de niveau de protection entre les riverains, selon le lieu où ils vivent. Avez-vous eu vent de cette situation ? Pouvez-vous nous confirmer cette situation ? Avez-vous connaissance d’autres cas de figure similaires sur le territoire ?

Est-ce que la réglementation internationale fait « écran » à l’obligation, prévue par l’article 6 de la loi de 2003 sur les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) de réaliser une étude de danger pour l’infrastructure concernée dans le Rhône ?

Mme Martine Filleul. – Je souhaiterais que vous précisiez vos réflexions sur deux sujets : le transport d’ammonitrates en vrac et le transport fluvial, en complément des interventions de mes collègues rapporteurs.

La recommandation n° 8 du rapport inter-inspections vise à mieux réglementer le transport d’ammonitrates en vrac, à haut dosage non conditionnés, comme le prévoit le règlement 2019-1009 qui s’appliquera à compter du 16 juillet 2022. Prévoyez-vous des évolutions réglementaires d’ici le mois de juillet pour nous mettre en conformité avec ces nouvelles règles ?

Cette recommandation préconise également l’interdiction du chargement et du déchargement d’ammonitrates à haut dosage en vrac dans les ports fluviaux : avez-vous prévu, et si oui comment, de mettre cette proposition en application ?

Concernant le transport fluvial, le code des transports prévoit une obligation d’annonce lors du passage d’un bateau transportant des matières dangereuses sur une voie fluviale, mais celle-ci n’est pas transposée dans l’ensemble des règlements de navigation qui s’appliquent dans nos différents bassins fluviaux. Que pensez-vous de l’idée d’imposer cette transposition dans tous les règlements de navigation intérieure ?

Ensuite, le rapport inter-inspections préconise l’élaboration d’un règlement de transport et de manutention des matières dangereuses transportées par voie fluviale, qui serait le pendant du règlement applicable dans les ports maritimes. Il propose aussi que ce règlement soit décliné localement dans les règlements de police de navigation intérieure (RPPNI) par VNF et d’identifier les lieux de déchargement de matières dangereuses. Que pensez-vous de cette proposition ? Pensez-vous enfin que VNF devrait avoir un rôle plus important dans le suivi du trafic des matières dangereuses par voie fluviale ?

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