Intervention de Philippe Merle

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 23 février 2022 à 9h00
Audition de représentants des administrations centrales de l'état sur la présence de nitrates d'ammonium dans les ports

Philippe Merle, chef du service des risques technologiques au ministère de la transition écologique :

– L’action nationale 2021 a conduit à contrôler 246 installations, principalement pour vérifier le respect des conditions de stockage. 170 de ces installations relevaient des règles de placement ICPE dont 125 étaient soumises au régime de la déclaration. Sur ces 125 contrôles, nous avons malheureusement recensé plus 550 non-conformités qui ont conduit à 38 arrêtés de mise en demeure. Nous avons donc plus de 20 % d’installations qui présentent de véritables problématiques de non-conformité, ce qui représente une proportion importante. 34 % des non-conformités portaient sur l’obligation de tenue d’un état des stocks et la localisation des engrais, qui sont des sujets essentiels en cas d’incendie car il est nécessaire de savoir où se situent les stocks pour pouvoir les protéger. S’agissant de l’éloignement des stockages des matériaux combustibles, nous avons constaté 40 % de non-conformités, de même que sur le respect de la distance d’éloignement entre les engrais. Enfin, la non-réalisation des contrôles périodiques est apparue dans des proportions légèrement supérieures à ce qui est habituellement constaté. Il existe donc une vraie problématique de respect de la réglementation sur ces sites soumis à déclaration.

En ce qui concerne le haut et le moyen dosage, la différence d’un point de vue environnemental et agronomique n’est pas majeure et l’urée pose davantage de problèmes environnementaux. Déplacer le curseur du haut dosage vers l’urée poserait des difficultés à ce titre, mais déplacer le curseur vers le moyen dosage ne nous paraît pas primordial, au regard des enjeux de sécurité, voire de sûreté posés par le haut dosage qui ont conduit de nombreux pays à réglementer plus strictement, voire interdire le haut dosage. Cela entraînerait effectivement probablement un accroissement du trafic routier, mais le débat à ce sujet fait ressortir des positions contrastées. La consultation publique sur le projet de décret a donné lieu à une cinquantaine de commentaires, se regroupant en quatre catégories. Outre l’opposition frontale, qui est habituelle dans ce type de consultation, la première série d’arguments concerne l’absence d’étude d’impact. Nous avons eu beaucoup de rencontres avec des professionnels et nous leur avons demandé, de façon régulière, de nous fournir des informations afin d’évaluer où positionner le curseur pour être les plus efficients possible, mais, à part une réponse récente affirmant que la réforme allait conduire à fermer 40 % des sites, nous n’avons jamais obtenu les informations demandées pour étayer nos travaux. Quelques informations d’ordre économique nous ont été données sous le sceau d’une totale confidentialité, je vous invite donc à vous tourner directement vers les producteurs en question. Sur l’étude d’impact, nous avons fait ce que l’on pouvait avec ce dont on disposait.

Un autre argument portait sur l’inclusion des engrais mélangés avec du sulfate, mais cette question peut s’analyser de façon précise, afin de définir un abaissement de seuil qui ne concerne que les ammonitrates.

Enfin, le dernier argument porte sur la non-différenciation entre vrac et non-vrac, sachant que le Gouvernement nous a demandé de travailler sur un seuil à 150 tonnes pour les deux. Je rappelle qu’en 2005, à la suite de l’accident de Saint-Romain-En-Jarez qui a fait 9 morts, le Conseil supérieur des installations classées avait préconisé un seuil à 100 tonnes pour ce qui concerne le vrac. Si, à la fin des discussions, nous arrivons à moins de 150 tonnes pour le vrac et un peu plus de 150 tonnes sur le big bag, l’objectif est également atteint : cela envoie le signal que le haut dosage est un problème et encore davantage que le stockage en vrac est un problème.

Philippe Tabarot considérait que nous n’avions pas commencé par le plus impactant. Effectivement, nous avons peut-être commencé par le plus facile. Nous avions en effet l’occasion de modifier le règlement port maritime et nous avons fait ce qu’il fallait sur une problématique technique concernant la taille des îlots et la distance entre eux. En revanche, nous n’avons pas de matrice réglementaire concernant les ports fluviaux, mais elle est en cours de constitution. Les groupes de travail vont s’engager avec les professionnels dans les prochaines semaines, pour élaborer des règlements fluviaux déclinés par des règlements locaux. Je rappelle à ce sujet que la réglementation internationale sur le transport ne permet pas d’interdire le chargement/déchargement dans les ports maritimes, mais que nous pouvons encadrer ces opérations en fixant des lieux pour leur conduite. Nous pouvons en revanche interdire ou encadrer plus fortement le dépôt à terre, qui doit rester une exception justifiée, à défaut de pouvoir faire autrement, et soumise à des conditions sécurisées, avec des îlots plus écartés et de taille inférieure. Je rappelle que dans les ports maritimes, le dépôt en vrac est interdit. La même idée sera reprise pour les ports fluviaux. Cependant les ports fluviaux ne sont pas ma principale source d’inquiétude, elle porte plutôt les sites de stockage, que ce soit sous le régime de la déclaration ou de l’autorisation.

S’agissant de l’espace de stockage dans le Rhône évoqué par Philippe Tabarot, le code de l’environnement requiert effectivement une étude de danger au-dessus de certains seuils pour des infrastructures de transport de matières dangereuses. Rappelons toutefois que les réglementations du transport et du stockage sont fondamentalement différentes, y compris au niveau européen, et que les aspects annexes aux opérations de transport ne rentrent pas dans le cadre de la directive Seveso. À notre connaissance, l’obligation française de faire une étude de danger porte sur des seuils qui sont au-delà de ce qui se passe dans le Rhône. La DREAL Rhône-Alpes est informée du sujet, c’est à ce stade sa conclusion et les discussions se poursuivent pour s’assurer que nous ne sommes effectivement en dehors du champ d’application de ces dispositions du code de l’environnement même si tout n’est pas forcément satisfaisant. À ce stade, ce sont les informations dont je dispose sur ce sujet, que nous avons identifié.

Enfin, s’agissant du règlement qui entrera en vigueur le 16 juillet prochain, à notre sens, il fonctionne déjà avec la réglementation française actuelle des transports et matières dangereuses.

Quant au cas particulier des ports fluviaux, vous l’aurez compris, nous cherchons à nous aligner sur les ports maritimes s’agissant des matières dangereuses.

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