La filière piscicole française vit aujourd’hui un véritable paradoxe. Malgré la situation pionnière qu’occupe notre pays dans le développement de nombreuses espèces aquacoles, malgré une consommation de poissons croissante, malgré une volonté politique affichée de renforcer la filière pour réduire notre dépendance alimentaire vis-à-vis des pays tiers, malgré des structures solides, des professionnels reconnus et des jeunes bien formés, elle régresse. J’irai même plus loin, elle plonge littéralement, étranglée moins par la crise mondiale que par les importations et l’empilement de contraintes franco-françaises.
Pourtant, au cours de ces dernières années, des signes encourageants avaient été donnés avec la mise en place du plan d’avenir pour la pêche et l’aquaculture, suivi de la mission Tanguy. C’est en fait une accumulation de contraintes de toute nature et d’orientations prises sans concertation suffisante avec les professionnels qui risque de conduire à l’asphyxie d’une filière pourtant saine.
Je veux parler des surcoûts liés à la libéralisation du service public de l’équarrissage, de l’insuffisance du repeuplement lié notamment à la priorité donnée par les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, les SDAGE, à la préservation de l’environnement par rapport à la gestion de la ressource, du caractère anecdotique des solutions mises en œuvre par le ministère de l’écologie pour parer aux déprédations des cormorans – la population est passée de 4 000 en 1970 à 130 000 en 2007 ! –, de la prohibition de la production et de la commercialisation des carpes amours, espèce pourtant la plus produite à travers le monde – pourquoi sommes-nous le seul pays d’Europe dans ce cas ? –, des distorsions de concurrence résultant des nouvelles législations en santé animale et en sécurité alimentaire qui pénalisent la production française, laquelle se trouve confrontée sur les étals à des poissons d’origine étrangère décongelés, etc.
Un plan d’aide à l’agriculture a été mis en place, allez-vous me répondre, madame la secrétaire d'État, et vous venez d’en parler. Il est vrai que nombre de pisciculteurs seront amenés à y faire appel.
Il n’en reste pas moins qu’il est essentiel de traiter les causes du mal. L’ensemble des handicaps que je viens d’évoquer sont d’origines si diverses – leur solution relevant soit du ministère de l’écologie, soit du ministère de la santé, soit du ministère de l’agriculture – que seule une volonté politique affichée au sommet du Gouvernement permettra de prendre et de coordonner les décisions indispensables à la survie de cette filière tout en diminuant notre dépendance alimentaire.
C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité poser cette question à M. le Premier Ministre, certain qu’il partagera mon point de vue selon lequel nous n’avons pas les moyens, dans le contexte actuel, de nous priver des performances économiques d’une filière saine et dynamique. Je comprends qu’il ne puisse me répondre aujourd’hui, mais je compte sur vous, madame la secrétaire d'État, pour vous faire auprès de lui l’interprète de l’inquiétude et des attentes de toute la profession.