Intervention de Daniel Gremillet

Commission des affaires économiques — Réunion du 24 février 2022 à 8h30
Paquet « ajustement à l'objectif 55 » — Examen d'un projet de proposition de résolution européenne

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet, rapporteur :

Afin de prévenir tout risque de « black-out », notre mission d'information propose 12 recommandations, réunies en 3 axes, pour réviser la stratégie énergétique et relancer la filière nucléaire, aux côtés naturellement des énergies renouvelables.

Le premier axe vise à réviser notre stratégie énergétique.

Si le Président de la République a fait des annonces en direction des énergies nucléaires comme renouvelables, elles interviennent à la toute fin du quinquennat, comme relevé par notre présidente. J'ajouterais que ces annonces ne sont, pour l'heure, pas suivies d'effets !

Or, la « renaissance » de la filière nucléaire doit s'appuyer sur un cap clair, des actes concrets et des investissements massifs.

Les dispositions réglementaires de la PPE, prévoyant des arrêts de réacteurs, doivent être abrogées sans tarder. À terme, il faut consacrer, dans le code de l'énergie, le « nouveau nucléaire » : la construction des EPR2, l'essor des Small Modular Reactors (SMR), le projet ITER et les efforts de recherche et de développement (R&D) en faveur de la « fermeture du cycle du combustible ».

L'objectif fixé de 25 GW pour le « nouveau nucléaire » appelle à être renforcé, puisqu'il est inférieur de 2 GW au scénario le plus « nucléarisé » de RTE. De plus, il est nécessaire de tenir compte de deux alertes, celle d'EDF qui anticipe une hausse de 2 % par an de la consommation d'électricité d'ici 2050, contre 1 % dans l'hypothèse moyenne de RTE, et celle de l'ASN qui plaide pour intégrer une « marge de sûreté » à notre système de production, de manière à permettre l'arrêt concomitant de plusieurs réacteurs pour motif de sûreté.

Enfin, les annonces sont muettes sur les prérequis indispensables à toute « renaissance » du nucléaire, à savoir la révision de l'Arenh, l'apurement de la dette d'EDF et la consolidation des compétences. Un « plan de financement » est indispensable !

Sur le plan stratégique, la sécurité d'approvisionnement doit être intégrée aux débats préalables aux grands chantiers nationaux : la « loi quinquennale » sur l'énergie de 2023, la PPE et la SNBC. De plus, l'énergie nucléaire doit bénéficier du cadre le plus favorable dans les textes européens en cours de négociation ou d'application : la « taxonomie verte », le paquet « Ajustement à l'objectif 55 » et la réforme du principe du « coût marginal » liant, dans les faits, le prix d'électricité à celui du gaz.

Enfin, parce que la transition énergétique induit une dépendance aux métaux rares, la sécurité d'approvisionnement doit viser l'autonomie stratégique en matière minière. Pour y parvenir, il faut compléter en ce sens le « bilan carbone », qui conditionne l'accès des projets d'énergies renouvelables aux dispositifs de soutien public.

Le deuxième axe a pour objet de consolider le système de sécurité d'approvisionnement.

Pour ce faire, une évaluation, précise et complète, de l'impact de la crise de la Covid-19 doit être conduite. Une évaluation technique doit mesurer son incidence sur le parc nucléaire, mais aussi sur la transition énergétique. Une évaluation financière est également requise, pour apprécier les effets du « bouclier tarifaire » sur les consommateurs comme les fournisseurs ou producteurs, à commencer par le groupe EDF.

Plus encore, notre cadre national devrait d'évoluer. Tout d'abord, les missions de RTE pourraient être complétées, avec un rôle davantage prescriptif que prospectif. Les moyens octroyés à l'ASN pourraient être relevés, à mesure de l'application des annonces précitées. En outre, le bilan électrique de RTE gagnerait à mieux rendre compte des émissions de CO2 et des importations d'électricité nécessaires pour passer la pointe de consommation hivernale. Quand au dispositif d'alerte « ÉcoWatt », il mériterait de voir sa notoriété renforcée, par une campagne nationale, et son champ d'application étendu, sur le principe, aux zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain.

S'agissant du cadre européen, une meilleure coordination entre les différents acteurs de la sécurité d'approvisionnement - les gestionnaires de réseaux et les autorités de régulation ou de sûreté - devrait être promue par la présidence française de l'Union européenne (PFUE).

Le dernier axe tend à mobiliser tous les leviers de pilotage de la production et de la consommation d'énergie.

Tout d'abord, des appels d'offres, encore attendus, doivent être appliqués, pour pallier l'intermittence des énergies renouvelables, en matière de stockage de l'électricité, et réduire la consommation d'énergie, en matière d'effacements de consommation.

Dans un même souci de réduction de la consommation d'énergie, les aides à l'efficacité énergétique, des particuliers comme des entreprises, doivent être soutenues, en consolidant le service public de la performance énergétique de l'habitat (SPPEH) ou les certificats d'économies d'énergie (C2E).

Enfin, une complémentarité entre les énergies doit être recherchée à la pointe de consommation hivernale, étant donné qu'un socle de gaz est utile pendant cette période. Une production nationale de biogaz doit d'urgence remplacer les importations de gaz fossile dont on mesure, avec la crise en Ukraine, le risque de dépendance. De surcroît, c'est sur les énergies renouvelables électriques les moins intermittentes, comme l'hydroélectricité ou l'éolien en mer, qu'il faut miser.

Notre commission l'a toujours dit, joignant l'acte à la parole dans les lois « Énergie-Climat », de 2019 et « Climat-Résilience », de 2021 !

Pour conclure, je souhaite remercier notre présidente et mes collègues, de ces travaux utiles réalisés dans un temps contraint.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion