Intervention de Volodymyr Zelensky

Réunion du 23 mars 2022 à 15h00
Message de m. volodymyr zelensky président de l'ukraine

Volodymyr Zelensky :

Après des semaines d’invasion, Marioupol et d’autres villes ukrainiennes frappées par l’occupant russe rappellent les ruines de Verdun, comme on les voit sur les photos de la Première Guerre mondiale que chacune et chacun connaît. L’armée russe ne distingue pas les lieux qu’elle cible : elle détruit tout, les quartiers résidentiels, les hôpitaux, les écoles, les universités – tout. Elle brûle tout : les entrepôts de nourriture et de médicaments – tout. Elle ne tient pas compte du concept de crime de guerre ou des obligations conventionnelles. Elle a répandu la terreur sur le sol ukrainien.

Chacun de vous est conscient de ce qui se passe : vous avez toutes les informations, elles sont disponibles, qu’il s’agisse des femmes violées par les militaires russes dans les zones temporairement occupées, des réfugiés que les soldats russes tuent sur les routes, des journalistes qu’ils tuent sachant exactement qu’ils sont des journalistes, des survivants de l’Holocauste qui sont maintenant obligés de se réfugier dans les abris antiaériens pour se protéger des frappes russes.

Cela faisait quatre-vingts ans que l’Europe n’avait pas vu ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine : des gens désespérés implorent la mort !

En 2019, quand je suis devenu président, des négociations avaient lieu avec la Fédération de Russie dans le format Normandie, qui devaient mettre fin à la guerre dans le Donbass, cette guerre à l’est de l’Ukraine qui dure malheureusement depuis huit ans. Quatre États ont participé au format Normandie – l’Ukraine, la Russie, l’Allemagne et la France –, mais ils représentaient les positions du monde entier.

Quelqu’un a essayé de retarder le processus et voulait le perturber, mais il semblait important que le format Normandie se poursuive. Quand les négociations ont donné des résultats, quand nous avons réussi à libérer des gens en captivité, en 2019, c’était une bouffée d’air frais et comme une lueur d’espoir, l’espoir que les pourparlers avec la Russie peuvent aboutir, que les dirigeants de la Russie peuvent être convaincus, que Moscou peut choisir la paix.

Cependant, le 24 février est le jour qui a ruiné tous ces efforts et même le mot « dialogue » a disparu des relations entre l’Union européenne et la Russie et les destinées de l’histoire en Europe ont changé. Tout cela a été bombardé par les troupes russes, écrasé par l’artillerie russe et brûlé par les tirs de missiles russes.

La vérité n’a pas été trouvée dans les bureaux : on est obligé de la chercher sur le champ de bataille. Que nous reste-t-il alors ? Nos valeurs, l’unité et la détermination à défendre notre liberté, cette liberté qui nous est commune, à Paris et à Kiev, à Berlin et à Varsovie, à Madrid et à Rome, à Bruxelles et à Bratislava. Les bouffées d’air frais ne suffiront plus. Nous devons agir ensemble, faire pression ensemble pour contraindre la Russie à chercher la paix.

Mesdames, messieurs les parlementaires, peuple français, le 24 février, le peuple ukrainien s’est uni : nous n’avons plus aujourd’hui de droite ou de gauche, l’opposition et la majorité n’existent plus, nous ne pensons qu’à la paix pour protéger notre pays. Nous sommes reconnaissants à la France de son aide. Nous sommes très reconnaissants des efforts du Président de la République, Emmanuel Macron, qui a fait preuve d’un véritable leadership. Nous communiquons constamment avec lui, nous coordonnons nos actions et les Ukrainiens voient que la France apprécie et protège la vérité. Vous savez ce que sont la liberté, l’égalité et la fraternité. Ces mots sont importants pour vous : je le sens et les Ukrainiens le ressentent.

Nous attendons de la France, de votre leadership, que vous fassiez en sorte que la Russie cherche la paix pour mettre fin à cette guerre contre la liberté, contre l’égalité, contre la fraternité, contre tout ce qui a permis à l’Europe d’être unie, libre et diverse.

Nous attendons de la France, de votre leadership, la restauration de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. On peut le faire ensemble. Si certains d’entre vous ont des doutes, je peux vous dire que votre peuple en a la certitude, comme tous les autres peuples de l’Europe. Pendant la présidence française de l’Union européenne, une décision mûrie sera prise sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne : ce sera une décision historique à un moment historique, comme cela a toujours été le cas dans l’histoire du peuple français.

Mesdames, messieurs les parlementaires, peuple français, demain, cela fera un mois que les Ukrainiens se battent pour leur vie et leur liberté et que notre armée s’oppose de manière héroïque aux forces supérieures de la Russie. Nous avons besoin d’aide, d’encore plus d’aide, de plus de soutien.

Pour que la liberté ne perde pas, elle doit être bien armée : chars, armes antichars, avions de combat, défense antiaérienne. Vous pouvez nous aider, nous en avons besoin.

Pour que la liberté ne perde pas, le monde doit la soutenir avec des sanctions contre l’agresseur : chaque semaine, il faut un nouveau paquet de sanctions. Les entreprises françaises doivent quitter le marché russe : Renault, Auchan, Leroy Merlin et d’autres doivent cesser d’être les sponsors de la machine de guerre de la Russie, ils doivent arrêter de financer le meurtre d’enfants et de femmes, les viols… Tout le monde doit avoir à l’esprit que les valeurs passent avant les bénéfices.

Nous devons déjà penser à l’avenir et à la façon dont nous allons vivre après la guerre. Il faut des garanties sûres, la garantie que la sécurité sera inébranlable et que la guerre ne sera plus possible dans ce monde. Nous devons créer ce nouveau système de sécurité où la France aura un rôle de premier plan, pour que personne n’ait jamais à implorer la mort, pour que les gens vivent pleinement et pour qu’on se dise adieu non pas sous les bombes et en état de guerre, mais quand l’heure vient, avec dignité. Chacun doit pouvoir vivre dans le respect et on doit pouvoir lui dire adieu comme la France a dit adieu au grand Belmondo.

Merci à la France et gloire à l’Ukraine !

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