Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 16 février 2010 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Article 1er

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Si j’ai souhaité intervenir de nouveau sur le problème soulevé dans l’article 1er, c'est-à-dire la taxe sur les bonus introduite par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances rectificative, c’est parce que Mme Lagarde était retenue hier par ses obligations à Bruxelles. En conséquence, je n’ai pas obtenu de réponses de la part de M. Woerth, qui sans doute vous réservait le soin de me les apporter, madame la ministre. Cependant, je ne suis pas sûre que mes demandes vous aient été transmises.

Le texte issu de l’Assemblée nationale a profondément modifié la taxe introduite par le Gouvernement en l’améliorant. Ainsi, nos collègues députés ont obtenu que son produit soit affecté au budget général de l’État et n’abonde pas, comme il devait l’être grâce à la manœuvre habile préparée par vos collaborateurs et que vous aviez assumée, le fonds de garantie des dépôts, dont le plafond était relevé à 100 000 euros par une directive européenne de mars 2009.

Madame la ministre, l’une de mes questions portait sur le délai et la manière selon lesquels le gouvernement français entendait transposer la directive pour qu’elle soit applicable. Même si cela ne relève pas de la loi mais du règlement j’aimerais vous entendre à ce sujet.

Le dispositif fragile que vous aviez inscrit dans le projet de loi a été démonté par nos collègues députés et c’est un point très positif.

Néanmoins, il subsiste un certain nombre d’interrogations qui justifient les amendements que nous allons présenter.

Le périmètre que vous avez choisi est la reprise exacte de l’arrêté de novembre 2009 ; il se limite donc aux opérateurs de marché. Le rapporteur général l’a légèrement élargi en impliquant toute la chaîne de commandement, appelée la « chaîne hiérarchique ». Je vous pose donc également une question à ce sujet. Il est dommage que le périmètre n’inclue pas les fonds alternatifs, les hedge funds, qui sont des spéculateurs actifs, notamment dans la crise de l’endettement public dont vous vous occupez, en particulier la crise de la Grèce.

Pour nous, le périmètre doit être beaucoup plus large. Lors des premières discussions qui ont eu lieu au niveau international au cours du G20 de Washington en novembre 2008, une prise de conscience globale a eu lieu sur le fait que les rémunérations, notamment les rémunérations variables et parmi elles les bonus – mais il n’y a pas qu’eux –, avaient finalement accéléré la crise financière, dans la mesure où le gain à court terme et excessif avait été produit par une prise de risque irresponsable.

Lors des sommets internationaux, il a été unanimement reconnu qu’il fallait stopper ces mécanismes de rémunération fondés sur le court terme et le risque irresponsable. Cependant, les déclarations ont été suivies de peu d’effet, notamment d’effet législatif ; je n’y reviens pas, toutes les initiatives prises depuis ces déclarations étant passées en revue dans le rapport de la commission.

Il reste néanmoins dommage que la taxe ne concerne pas la totalité des salariés. Certes, le seuil retenu, fixé à 27 500 euros, est tout à fait raisonnable – c’est celui qu’ont choisi les Britanniques –, mais il faudrait qu’il vise l’ensemble des salariés touchant ce type de rémunérations.

Nous avons certainement un différend avec le Gouvernement, comme nous en avons eu un avec la commission, sur un autre sujet que vous connaissez bien, madame la ministre : la déductibilité de cette taxe bonus au titre de l’impôt sur les sociétés. Une telle compensation, d’une part, prive le budget d’une recette et, d’autre part, est difficilement compréhensible. Elle fait du reste l’objet d’un de nos amendements.

Nous aurons demain les résultats des banques pour l’année 2009. Peut-être nous confirmerez-vous, madame la ministre, que celui de la BNP, pour ne pas la citer – c’est le seul résultat connu pour l’instant –, s’élève à 5, 3 milliards d’euros. Rendre la taxe déductible de l’impôt sur les sociétés pour des banques auxquelles l’État, donc le contribuable, a été obligé d’accorder des aides, même si celles-ci ont été remboursées, c’est tout de même un peu fort de café !

Pour terminer, monsieur le président, je voudrais revenir sur un point que Mme la ministre connaît déjà, puisqu’elle l’a abordé dans les déclarations qu’elle a faites au Canada, il y a une dizaine de jours, à l’issue du G7 des ministres des finances.

Du fait de son caractère de réparation, la taxe bonus, nous dit-on, concerne le passé. Pour l’avenir, la taxe assurantielle, qui reviendrait à ce que les banques s’assurent elles-mêmes par le biais d’une prime d’assurance, en est encore à l’état purement déclaratif. Elle permettrait pourtant d’éviter que les États ne soient les assureurs de dernier ressort et, in fine, ne se voient éventuellement contraints de s’endetter eux-mêmes en cas de nouvelle crise financière – alors même qu’aujourd’hui la spéculation s’opère sur la dette publique. Vous avez affirmé, madame la ministre, que vous n’étiez pas opposée au principe d’une telle taxe assurantielle à partir du moment où tout le monde l’appliquait : or l’expérience montre que, lorsque tout le monde attend que tout le monde agisse, rien ne bouge, et, depuis 2008, rien n’a bougé.

Je ne pense pas que la taxe sur les bonus soit une réparation pour le passé, pas plus qu’elle n’est une prévention pour l’avenir : on le voit bien, les mauvais comportements que nous avons connus hier continuent, et même de plus belle.

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