Intervention de Fabienne Bartoli

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 mars 2022 à 16h30
Audition de Mme Fabienne Bartoli candidate proposée pour la direction générale de la haute autorité de santé

Fabienne Bartoli, candidate aux fonctions de directrice générale de la Haute Autorité de santé :

Je suis très honorée de me présenter aujourd'hui devant vous dans le cadre de la procédure de nomination de directrice générale de la Haute Autorité de santé. Rejoindre une institution au coeur des enjeux de qualité, de pertinence et d'efficacité de notre système de santé représente pour moi une perspective enthousiasmante et un très beau défi. J'entends également participer à la poursuite de la progression de la notoriété et de la voie de l'excellence scientifique que cette institution a toujours suivie.

En préambule, je souhaiterais évoquer brièvement mon parcours professionnel et évoquer les perspectives que je compte tracer à ce poste de directrice générale. J'ai débuté ma carrière en tant qu'enseignant-chercheur à l'université Paris-Dauphine. Ma formation et cette première expérience m'ont permis non seulement d'appréhender les exigences d'une démarche scientifique reposant sur les données, mais aussi de travailler avec la communauté médicale. Travailler à l'interface avec des personnes venant de formation et d'horizons professionnels différents était déjà l'une des raisons ayant motivé mon choix de l'économie de la santé. Plus précisément, mes travaux de recherche m'ont plongée dans la régulation du médicament, tant pour les incitations industrielles à l'innovation que pour les conséquences en matière de santé publique, de régulation et de dépenses de santé.

Ce premier socle m'a permis de participer à l'écriture du premier rapport du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), consacré à la régulation du médicament et à la création d'une politique de développement de médicaments génériques, lors de mon passage à la direction générale du Trésor, puis à sa mise en oeuvre par l'accompagnement de la loi de réforme de l'assurance maladie en 2004 au sein des cabinets de plusieurs ministres de la santé. J'ai ainsi pu me familiariser à la négociation avec les professionnels de santé et les industriels du secteur du médicament et des dispositifs médicaux, mais aussi avec les acteurs hospitaliers, au travers de la réforme de la rétrocession hospitalière.

À l'inspection générale des affaires sociales, j'ai eu l'occasion de traiter de nombreux sujets de régulation dans le domaine de la santé, tels que les dépassements d'honoraires médicaux, la tarification à l'activité et ses conséquences sur les finances des établissements de santé privés à but non lucratif, la régulation du secteur des cliniques privées ou encore l'évaluation du plan national contre les perturbateurs endocriniens, conjointement avec nos homologues du ministère de l'agriculture et de l'environnement.

J'ai la chance d'avoir pu compléter cette expérience d'évaluation des politiques publiques et de gestion économique des produits de santé par la régulation sanitaire de ses produits, en tant que directrice générale adjointe, puis directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, aujourd'hui l'ANSM - l'Afssaps à cette époque. Cela m'a apporté une bonne connaissance des acteurs et de la réglementation française et européenne en matière de médicaments, d'accès au marché et d'alerte sanitaire. Les sujets communs avec la HAS étaient déjà nombreux. J'avais participé dans mes fonctions antérieures à la rédaction de programmes de travail qui permettaient d'optimiser la place de chaque agence dans la production - entre autres - de recommandations et de bonnes pratiques. Chaque année, une liste de recommandations était dévolue à chacune des deux agences. J'ai alors mesuré à quel point une autorité scientifique indépendante permettait au système français de bénéficier d'un panier de soins optimisé. Ses avis sont déterminants pour la prise en charge de la négociation des prix de remboursement par le Comité économique des produits de santé (CEPS).

Lors de mon mandat de directrice générale, j'ai été marquée par l'expérience du management d'une structure de près de 1 000 agents. J'ai favorisé la valorisation des compétences humaines et scientifiques d'excellence parmi ces agents. À cette occasion, j'ai constitué un groupe de travail sur le métier d'évaluateur dans les agences sanitaires. Je souhaitais favoriser le développement et la valorisation d'une capacité d'expertise publique d'excellence interne, complémentaire aux expertises externes, afin d'optimiser l'évaluation scientifique réalisée par l'ensemble des agences sanitaires.

La HAS dispose également d'une organisation rénovée, grâce à l'inclusion du secteur médico-social. Une bonne articulation entre les différentes directions métier dans la gestion des dossiers transversaux est primordiale à la HAS, car ce sont souvent les mêmes données qui sont utilisées pour évaluer les produits de santé en vue du remboursement, mais aussi pour diffuser les meilleures pratiques auprès des professionnels de santé, ou encore pour améliorer la qualité des soins à l'hôpital et en ville, ainsi que la prise en charge dans le secteur médico-social.

Enfin, exercer des responsabilités dans le secteur de la santé rime avec la préparation et la gestion de crises sanitaires. Qu'il s'agisse du premier plan de préparation aux pandémies grippales, prévu par la loi de santé publique du 9 août 2004, des retraits ou des ruptures d'approvisionnement des produits de santé à l'ANSM, ou encore de la crise Ebola ou de la lutte contre le choléra en Haïti lorsque j'étais conseillère pour les affaires sociales à la représentation permanente des Nations unies à New York, mes expériences antérieures me permettront de m'insérer dans la gestion post-crise à laquelle la HAS sera confrontée dans les prochains mois. L'ensemble de ces éléments ont joué un grand rôle pour présenter ma candidature à ce poste.

Durant cette période de crise, la HAS et ses équipes ont fait preuve d'une adaptabilité exemplaire au service des patients et des usagers du système de soins. Comme l'ensemble des acteurs de santé, la HAS a été confrontée à ce choc inouï de notoriété, de réactivité et de production. La feuille de route de la HAS se compose des axes stratégiques de travail définis par la présidente et par les précédents directrices et directeurs généraux.

L'innovation constitue le premier axe de travail. Elle se situe au coeur des missions de la HAS. Si le développement de la médecine personnalisée se poursuit au travers de combinaison de dispositifs médicaux et de médicaments, de biothérapies ou de thérapies géniques, d'autres innovations ont émergé à l'occasion de la crise sanitaire. La HAS devra relever plusieurs défis, qu'il s'agisse du développement de nouveaux vaccins, ou encore de l'émergence de la télémédecine et de l'accélération de la présence de l'intelligence artificielle dans les dispositifs médicaux. En 2020, malgré la crise sanitaire, la HAS a investi en faveur d'une stratégie pluriannuelle sur les données, qui a déjà donné des résultats, s'agissant notamment de la valorisation de données internes et de la fluidification des bases de données de gestion de conflits d'intérêts. Il nous faut poursuivre le développement de cet axe majeur.

Par ailleurs, l'adoption en décembre dernier du nouveau règlement européen sur l'évaluation des technologies de santé marque une nouvelle étape pour offrir un accès accéléré et de meilleure qualité aux produits de santé dans toute l'Europe.

Nous avons également mis en place l'accès précoce à des médicaments ou à des dispositifs médicaux, à l'interface du premier axe consacré à l'innovation et du deuxième axe portant sur les patients.

Le deuxième axe de travail porte sur le renforcement de l'intégration des usagers et des patients, acteurs à part entière des décisions et des recommandations de la HAS. Cela constitue l'ADN de notre institution. L'avis de l'usager et du patient participe de l'évolution de la qualité des soins. Ce positionnement explique le boom de notoriété de la HAS, qui s'est encore renforcé durant la crise sanitaire. Par exemple, notre site internet a reçu plus de 11 millions de visites en 2021, contre 6,6 millions en 2020 et 4,8 millions les années précédentes. Les sollicitations directes auprès de la HAS se multiplient. Les sondages montrent que les usagers - les médecins ou les patients - ont une bonne perception de la HAS : ce pourcentage s'élève à 66 % pour les médecins généralistes et 82 % pour les patients participant à nos commissions.

J'en viens au troisième axe de travail : la qualité et la pertinence des parcours de soins demeurent des enjeux essentiels. Le processus de recueil des données doit être amélioré au cours du processus de certification des établissements de santé. Si les professionnels plébiscitent ce processus et l'utilisation de ces indicateurs, la tension sur les personnels de santé représente un poids difficile à supporter pour les équipes. Créer des indicateurs de qualité plus faciles à renseigner pour les professionnels de santé constituera un défi important pour notre institution dans les années à venir. La publication, le 10 mars dernier, du référentiel d'évaluation de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ainsi que de son manuel d'évaluation, marque une nouvelle étape dans la création d'un cadre national unique, homogène et commun aux 40 000 établissements et services répartis sur le territoire. Le référentiel, que les équipes devront s'approprier, se concentre sur les souhaits et les besoins de la personne.

Le Parlement a confié de nouvelles missions à la HAS - nous nous réjouissons de cet honneur. Toutefois, nous avons assumé cette nouvelle charge de travail à effectif constant, voire légèrement décroissant. Il en va de même pour le budget de la HAS. De nombreux efforts de productivité ont été accomplis. Les moyens devront être en adéquation avec les missions qui nous sont confiées.

La HAS est donc une autorité indépendante de référence dans le domaine de la santé. Je serais honorée de m'atteler au défi de l'excellence promue par l'ensemble de ses experts et de ses collaborateurs. Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.

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