Intervention de Laurent Duplomb

Commission des affaires économiques — Réunion du 30 mars 2022 à 9:5
Intention du législateur sur l'application de l'article 7 de la loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs relatif aux pénalités logistiques infligées par les distributeurs — Présentation du rapport d'information

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb :

Je commencerai par faire un mea culpa : j'ai certes commis une erreur de personne en m'adressant à Michel-Edouard Leclerc lors de son audition, laquelle a déclenché une polémique sur internet, mais l'essentiel des questions que je lui ai posées portait bien sur le respect de la loi Égalim 2 par les distributeurs, en particulier sur les pénalités logistiques.

À cet égard, il me paraît important, comme l'a fait Anne-Catherine Loisier, de préciser certains éléments.

L'article L. 441-17 introduit une clarification essentielle sur la nature juridique des pénalités : celles-ci sont uniquement applicables en cas de rupture de stock ou en cas de démonstration d'un préjudice - il y a une inversion de la charge de la preuve - et absolument plus en cas d'inexécution contractuelle n'ayant causé aucun préjudice. Il prévoit par ailleurs le respect d'une marge d'erreur suffisante. Cela signifie que l'application de taux proches de 100 %, comme le font aujourd'hui certains distributeurs, n'est pas conforme à la loi. L'article prévoit ensuite une proportionnalité des pénalités par rapport au préjudice subi : il n'est pas possible d'appliquer une pénalité de 150 000 euros quand le préjudice subi est de l'ordre de quelques milliers d'euros ! L'article contraint le distributeur à justifier tout manquement par écrit au fournisseur. Le distributeur ne peut s'arroger le droit d'appliquer des pénalités sur la facture sans en avoir au préalable informé le fournisseur afin de permettre à ce dernier de se défendre. L'article prévoit un délai suffisant pour le fournisseur afin qu'il puisse contrôler la réalité du grief et apporter ses observations écrites. Enfin, l'article prévoit la prise en compte des cas de force majeure. Je rappelle que certaines enseignes, qui s'étaient montrées un peu plus vertueuses pendant le confinement, se sont ensuite arrangées, dans les mois qui ont suivi, pour récupérer les pénalités logistiques qu'elles avaient perdues pendant la crise.

L'article L. 441-18 du code de commerce prévoit l'instauration en droit français du principe de réciprocité des pénalités, qui permet aux industriels d'appliquer des pénalités aux grandes surfaces. Ce principe est peu appliqué, le fournisseur étant considéré souvent comme le seul coupable.

Nous estimons aujourd'hui que la manne financière résultant des pénalités logistiques s'élève à plus de 250 millions d'euros par an. Ces pénalités ont une incidence sur la capacité économique des entreprises et nuisent à leur capacité d'investissement. En outre, elles constituent pour la grande distribution une source de revenus déguisée.

Le Sénat n'a pas tous les pouvoirs, mais il a celui de rappeler la volonté très ferme du législateur.

Le guide des bonnes pratiques prévu à l'article L. 441-19 précise que les pénalités logistiques, quelle que soit leur appellation, constituent des dommages et intérêts qui doivent réparer un préjudice, toute autre interprétation étant erronée ; que la charge de la preuve repose sur celui qui invoque le préjudice, celui-ci devant démontrer sa matérialité et ses conséquences en termes financiers ; que, à titre principal, ce préjudice doit entraîner une rupture de stock, la rupture en entrepôt ne générant pas forcément un préjudice ; que les montants des pénalités doivent être proportionnés au préjudice ; que le taux de service est négociable.

La DGCCRF doit jouer son rôle. Il appartient au Sénat de rappeler que ces éléments s'appliquent à la grande distribution, mais aussi à l'administration française.

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