Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 31 mars 2022 à 9h35
Projet de décret d'avance — Communication et adoption de l'avis de la commission

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

rapporteur général. – J’ai essayé de faire le travail le plus précis possible en analysant le décret d’avance, et en distinguant la forme et le fond. Les conditions juridiques sont remplies, ce qui n’empêche pas de porter une analyse critique des mesures proposées.

C’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur les insuffisances et les tours de passe-passe budgétaires. Il n’a échappé à personne, comme l’ont souligné MM. Requier et Laménie, que le périmètre du décret d’avance devrait se limiter à 1 % du budget général...

Débattre d’un projet de loi de finances rectificative à dix jours du premier tour des élections présidentielles aurait sans doute constitué un exercice assez acrobatique. Nous posons des emplâtres sur des jambes de bois tous les trois mois : chèque énergie, indemnité inflation... Souvenez-vous des railleries du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2021 de fin d’année, lorsque nous avions souhaité prioriser l’aide aux plus précaires de nos concitoyens, à l’occasion de l’instauration de l’indemnité inflation.

Aujourd’hui, le diesel a rejoint le prix du super. On ne prête pas toujours suffisamment attention aux petits détails, mais le produit des taxes sur le diesel entraîne davantage de rentrées fiscales que celui des taxes sur l’essence...

La trajectoire initiale de la taxe carbone telle que prévue dans la loi de finances initiale pour 2018 et avant le mouvement des « Gilets jaunes », monsieur de Montgolfier, correspondait à une recette supplémentaire de 15 milliards d’euros. Les recettes supplémentaires de TVA se sont élevées à un peu plus de 1,7 milliard d’euros l’année dernière et devraient atteindre 3,7 milliards d’euros cette année.

Les recettes supplémentaires de TVA sur les carburants des particuliers seront de 1,6 milliard au premier semestre et de 2,1 milliards au second semestre. Toutefois, le Gouvernement souligne qu’il ne s’agit pas d’un solde net de 3,7 milliards d’euros de recettes supplémentaires : quand le prix des carburants augmente fortement, la consommation diminue notamment, et les recettes de TVA et d’impôt sur les sociétés s’en ressentent mécaniquement.

Madame Taillé-Polian, je rappelle que nous avons demandé à la Cour des comptes de mener une enquête sur la question des élèves allophones. Dans mon département aussi, il est parfois très compliqué d’obtenir de l’éducation nationale qu’elle scolarise les enfants des réfugiés ukrainiens. Nous demandons à l’État de se montrer cohérent : si nous accueillons des réfugiés, ce n’est pas pour laisser leurs enfants de côté.

Le point 13 de mon avis concerne l’impact du coût de l’énergie sur les collectivités. Hier, les propos du ministre m’ont paru assez décalés : comment peut-on dire que les collectivités sont en bonne santé, c’est-à-dire qu’elles perçoivent des recettes supplémentaires, alors qu’elles se démènent tous azimuts pour maintenir le meilleur service public possible dans un contexte très tendu ? Pour le dire de la manière la plus aimable possible, il me semble que le Gouvernement devrait parfois se départir d’un certain « parisianisme ».

Madame Lavarde, tout est modifiable dans cette proposition d’avis. Nous pourrions rédiger ainsi le point 4 : « ... en particulier pour les ménages et les entreprises les plus exposés... », ce qui permet d’éviter de stigmatiser certains de nos concitoyens. Les gros rouleurs, par exemple, qui n’appartiennent pas nécessairement aux plus précaires, sont exposés à ces hausses de prix.

Mme Christine Lavarde. – Le Gouvernement met en place une aide tous azimuts dont il nous expliquait voilà seulement quelques mois qu’elle serait trop coûteuse pour les finances publiques. Aujourd’hui, à dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, tout devient possible ! Or ce n’est pas un bon signal économique, surtout au regard du rapport du FMI sur la situation de la France du 26 janvier dernier que personne n’évoque...

M. Roger Karoutchi. – Il est déjà difficile de définir juridiquement le terme « précaires », mais c’est encore pire avec « exposés » : tous les ménages et toutes les entreprises sont exposés à la hausse des prix de l’énergie. Cette modification ne change rien au texte initial.

rapporteur général. – Le décret d’avance cible de nombreuses professions. En cela, il vise non pas la précarité, mais plutôt une exposition aux coûts.

M. Stéphane Sautarel. – Je veux insister sur les acteurs de la ruralité qui n’ont souvent pas d’alternative en termes de carburants ou de chauffage. Le terme « contraints » pourrait ainsi aller au-delà de la seule précarité et rejoint l’idée d’exposition aux coûts.

rapporteur général. – Je vous propose donc cette rédaction : « en particulier pour les ménages et les entreprises les plus exposés,... ».

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