Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 31 mars 2022 à 9h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – Notre commission a été destinataire vendredi dernier d’un projet de décret d’avance portant ouverture de 5,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement afin de financer des dépenses urgentes.

En application de l’article 13 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), ce décret doit être pris sur avis du Conseil d’État et après avis des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui disposent pour cela d’un délai de sept jours à compter de la notification qui leur a été faite du projet de décret.

Aussi, le rapporteur général va nous présenter une communication à ce sujet et nous exposer un projet d’avis sur lequel notre commission devra statuer. Seuls les membres de la commission présents physiquement pourront voter, les délégations de vote étant autorisées. L’avis de notre commission sera ensuite transmis à M. le Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

rapporteur général. – L’audition qui s’est tenue hier de M. Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, est la première sur ce projet.

Sous ce quinquennat, les gouvernements ont présenté peu de décrets d’avance : un premier en juillet 2017, un second en mai 2021 et – il faut croire que ce sera le dernier – le projet que nous examinons ce matin. Auparavant, il était habituel que nous examinions chaque année un ou plusieurs décrets d’avance.

Certes, cela peut paraître plus respectueux de la LOLF qui fait en principe du décret d’avance une procédure d’exception. Pour autant, il convient de noter que les montants des annulations et ouvertures de crédits qui sont proposés sont, eux, assez exceptionnels et résultent des circonstances : avec un montant de 5,9 milliards d’euros, le décret que nous examinons est en effet le second plus important jamais présenté depuis l’entrée en vigueur de la LOLF, après celui de mai 2021 qui accompagnait la crise sanitaire.

Au total, les gouvernements successifs de ce quinquennat auront pris les trois plus gros décrets d’avance depuis 2006, pour 16,7 milliards d’euros au total.

En l’occurrence, les ouvertures de crédits portent pour moitié sur un dispositif général de réduction du prix des carburants, accessible à tous les consommateurs, et pour moitié sur des dispositifs sectoriels. Une action rapide est, sans nul doute, nécessaire : la hausse des prix de l’énergie, et tout particulièrement du prix des carburants à la pompe, a commencé depuis plusieurs mois, mais elle s’est nettement accentuée depuis le début de la guerre en Ukraine.

Pour autant, je constate qu’il s’agit encore une fois, comme lors de la création de l’indemnité inflation à l’automne dernier, d’une mesure non ciblée, qui ne prend pas en compte la situation différenciée des personnes concernées, mais qui présente le mérite pour le Gouvernement, à la veille de l’élection présidentielle, de toucher tout le monde. Il s’agit également d’une énième mesure prise pour contrer la hausse des prix de l’énergie depuis octobre, sans qu’aucune cohérence puisse être trouvée entre le bouclier tarifaire et fiscal, l’indemnité inflation et maintenant cette remise. Au-delà de ce constat, il convient également de noter que la mesure est prévue pour s’appliquer pendant quatre mois seulement et que des solutions plus pérennes concernant les énergies devront être trouvées.

En outre, autre caractéristique particulière du décret d’avance, contrairement à ceux qui ont été plus classiquement présentés au cours des précédents exercices budgétaires, celui-ci ouvre plusieurs milliards d’euros sur des mesures nouvelles et non sur des dispositifs existants qu’il conviendrait de « recharger ». Et ces mesures nouvelles interviennent alors que la crise actuelle n’est pas si éloignée, dans ses fondements, de la hausse des coûts de l’énergie déjà constatée à l’automne dernier.

Au-delà de la remise de 15 centimes du coût des carburants, les secteurs d’activité bénéficiant d’une mesure ciblée sont nombreux – nous l’avons bien entendu lors de l’audition du ministre – : éleveurs atteints par l’augmentation du coût des aliments, pêcheurs pour ce qui concerne le carburant, transporteurs routiers de marchandises, secteur des travaux publics, entreprises fortement consommatrices en énergie. Il faut y ajouter l’accueil des populations réfugiées d’Ukraine consécutif à la guerre dans ce pays.

Toutefois, on peine à connaître les modalités concrètes de plusieurs de ces mesures au moment où nous devons nous prononcer. Le ministre lui-même a confirmé hier ne pas être en mesure de nous en dire beaucoup plus, sur l’aide aux éleveurs, par exemple.

En outre, je m’interroge sur certains angles morts du plan de résilience. Qu’en est-il de l’impact de l’augmentation des prix de l’énergie et des approvisionnements sur les budgets des collectivités locales – question également abordée par notre collègue Isabelle Briquet lors de l’audition du ministre ? Nous avons de nombreux retours des élus locaux, des études d’impact sont en cours par certaines structures ou associations, et il faudra certainement aborder la question dans une prochaine loi de finances rectificative (LFR) en fonction du constat qui sera établi. Les propos du ministre sur les finances des collectivités, censées être confortables, ne m’ont guère rassuré à ce sujet. Or si l’on appliquait certains programmes électoraux, une économie de 10 milliards d’euros devrait être réalisée sur les collectivités territoriales.

Toutefois, ces ouvertures de crédits proposées par le projet de décret sont compensées, comme il se doit dans le cadre d’un décret d’avance, par des annulations de même niveau. Celles-ci seront réalisées à la fois sur des crédits reportés de 2021, qui relèvent de la mission « Plan d’urgence face à la crise sanitaire » et du programme 823 « Avances à des organismes distincts de l’État et gérant des services publics » de la mission « Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics », et sur des crédits d’autres ministères, qui avaient fait l’objet d’une réserve de précaution.

Je ferai un point sur la régularité du décret d’avance.

Tout d’abord, le décret d’avance doit revêtir un caractère d’urgence. Cette première condition me paraît remplie, compte tenu de la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie, mais aussi d’autres matières premières ou encore des intrants, notamment agricoles, et de leurs conséquences sur les coûts supportés par les ménages et les entreprises. L’ouverture de nouveaux crédits à brève échéance peut à mon sens être considérée comme nécessaire et urgente.

Ensuite, un décret d’avance doit annuler un montant de crédits au moins égal à celui des crédits ouverts. Comme indiqué précédemment, c’est effectivement le cas, puisque les ouvertures et annulations prévues s’élèvent à 5,9 milliards d’euros, même si cette annulation résulte d’artifices budgétaires, comme je l’expliquerai dans un instant.

Enfin, les ouvertures de crédit doivent être inférieures à 1 % des crédits ouverts dans la loi de finances de l’année, et les annulations ne doivent pas dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours. Sur ce point, cela ne pose pas de difficulté non plus, puisque les crédits ouverts ou annulés représentent 0,63 % des autorisations d’engagement et 0,80 % des crédits de paiement ouverts en loi de finances initiale (LFI).

Les conditions de régularité du décret me paraissent donc réunies. Cette régularité est toutefois purement formelle pour ce qui concerne l’équilibre budgétaire du décret d’avance.

Tout d’abord, les deux tiers des annulations de crédits, soit 4 milliards d’euros, portent sur des reports de crédit réalisés sur quatre programmes de la mission « Plan d’urgence », ainsi que sur le programme 823 qui assure des avances à des organismes publics.

Si l’on examine les quatre programmes concernés de la mission « Plan d’urgence », leur point commun est qu’ils n’avaient aucun crédit en loi de finances initiale pour 2022. Le fonds de solidarité a été alimenté par des reports de crédits dès le mois de janvier, mais ils ont été largement consommés. Ainsi, à la date où le projet de décret nous a été transmis, vendredi dernier, les crédits disponibles sur la mission « Plan d’urgence » étaient de 155 millions d’euros seulement, alors que le décret en annulait 3,5 milliards d’euros, soit vingt fois plus !

Depuis la fin de la semaine dernière, le Gouvernement a donc publié à un rythme accéléré des arrêtés de report de crédits d’un montant très élevé – plus de 5 milliards d’euros au seul Journal officiel du 30 mars –, juste avant l’expiration du délai limite fixé au 31 mars par la LOLF. Tout cela n’a été en réalité effectué qu’afin d’annuler ces mêmes crédits pour équilibrer le décret d’avance, sans doute dès la semaine prochaine…

Autrement dit : le décret stricto sensu est équilibré, mais sa mise en application implique des reports de crédits de près de 4 milliards d’euros qui, eux, ont un effet direct sur l’équilibre budgétaire.

Par ailleurs, deux milliards d’euros sont annulés sur les crédits des ministères. On aurait pu penser que ces annulations correspondaient, elles, à de véritables économies, puisqu’elles portent sur de « vrais » crédits ouverts en loi de finances pour 2022. De telles économies sont souhaitables, mais beaucoup se sont étonnés, à juste titre, que les efforts les plus importants soient finalement demandés à la mission « Défense » pour 300 millions d’euros, alors que la situation actuelle et les engagements du Président de la République lui-même mettent l’accent sur la nécessité de préserver et même de développer les moyens de notre défense nationale.

Le Gouvernement essaie de nous rassurer en expliquant que ces annulations ne sont pas de véritables économies. Le ministre nous l’a confirmé hier après-midi : ces annulations correspondent à un simple « artifice » budgétaire. Comme il est encore tôt dans l’année, ces crédits peuvent être annulés « temporairement » sans trop menacer – du moins on l’espère – la trésorerie des ministères : comme l’a dit le ministre, ils espèrent qu’une loi de finances rectificative vienne rouvrir ces crédits au mois de juillet. Cela s’apparente quelque peu à du bricolage pour échapper à un projet de loi de finances rectificative, lors de l’examen duquel un débat différent aurait eu lieu.

J’en tire deux conclusions. D’une part, que même pour les annulations de crédits portant sur les ministères, l’équilibre du décret d’avance est illusoire. D’autre part, que le Gouvernement dessine les grands traits d’un collectif budgétaire qu’il ne présentera pourtant pas lui-même en raison des élections.

Je constate donc que ce décret est, sur beaucoup de points, éloigné des règles de bonne gestion. Il faut toutefois rappeler qu’il s’agit d’un décret et non d’une loi de finances sur laquelle nous pourrions proposer des amendements. En outre, les ouvertures de crédit visent à répondre à une réalité pressante que j’ai rappelée au début de mon propos, à savoir les difficultés de beaucoup de ménages et de professionnels face à la hausse des prix, en particulier de l’énergie. Par ailleurs, formellement, ce décret est conforme à la LOLF.

En conséquence, je vous propose de conclure sur un avis favorable, tout en reprenant dans celui-ci les principales critiques et observations que nous pouvons émettre concernant les méthodes employées par le Gouvernement.

M. Albéric de Montgolfier. – Merci de ce rapport dont je partage les conclusions. Ma question est liée non pas directement au décret d’avance, mais à l’ouverture de crédits à hauteur de 3 milliards d’euros pour la mesure de réduction du prix des carburants. Quel est le montant des hausses de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) intervenues depuis le début du quinquennat ? Quelle est la hausse du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui résulte de l’augmentation du prix du baril de pétrole ?

M. Jean-Claude Requier. – Je souhaiterais avoir une précision sur le périmètre de l’article 13 de la LOLF. Si le montant maximum du décret d’avance est de 1 % du budget général de l’État, il s’élèverait plutôt à 3 milliards d’euros, au lieu de 5,9 milliards cette année, et de 7 milliards l’année dernière. Cette proportion concerne-t-elle le budget total ou les dépenses de fonctionnement ?

M. Marc Laménie. – Merci, monsieur le rapporteur général, pour cette synthèse, également exposée hier lors de l’audition de M. le ministre délégué chargé des comptes publics. Pourquoi retenir la procédure du décret d’avance plutôt qu’une loi de finances rectificative, sachant que la guerre en Ukraine aura des conséquences dramatiques, notamment sur les prix des carburants ?

De plus, je suis sceptique sur les annulations de crédits opérées depuis la LFI. Plusieurs ministères, comme celui des armées, en seront largement affectés. Et toutes les missions sont visées, dont certaines de façon importante – je pense à la mission « plan d’urgence face à la crise sanitaire » –, de même que les entreprises, les particuliers et le monde agricole.

M. Vincent Delahaye. – Pourquoi un décret d’avance ? Pour éviter un débat dans l’hémicycle sur une loi de finances rectificative. Or celle-ci aurait été la bienvenue, compte tenu des mesures contenues dans ce décret. Je partage cette critique avec le rapporteur général, et c’est pourquoi je ne m’attendais pas forcément à un avis favorable. J’avais d’ailleurs déjà émis des réserves sur le chèque inflation à l’automne. D’une part, une telle distribution d’argent en faveur de 38 millions de Français à quelques mois des échéances électorales n’avait jamais été proposée auparavant. D’autre part, cette promesse devrait-elle se renouveler en cas d’inflation comme aujourd’hui ? Ce n’est pas une bonne politique.

Par ailleurs, à l’instar de mon collègue Albéric de Montgolfier, je m’interroge sur les recettes supplémentaires consécutives à la hausse du prix des carburants. En dépend l’ampleur du geste à faire. Mais qu’en sera-t-il dans les prochains mois si la situation perdure ? Fera-t-on un deuxième geste, et ainsi de suite ? Ce n’est, là encore, pas une bonne façon de gérer les finances publiques et l’aide apportée à nos concitoyens. De surcroît, les annulations de crédit, qui portent sur des crédits de 2021 non consommés et reportés, auront une incidence sur le solde. Ce projet de décret d’avance me gêne profondément.

Mme Christine Lavarde. – Je proposerai d’amender l’alinéa 4 du projet d’avis présenté par le rapporteur général en indiquant que c’est pour les ménages les plus précaires et les entreprises les plus exposées, et non forcément pour l’ensemble des ménages et des entreprises, qu’il est nécessaire d’ouvrir des crédits afin de rendre supportable l’augmentation des prix de l’énergie. Comme vient de le dire Vincent Delahaye, cette large distribution d’argent n’est pas un bon signal pour la soutenabilité de nos finances publiques. Elle se traduira ultérieurement par des hausses d’impôts. Pourquoi l’épargne des ménages qui se sont enrichis pendant les confinements ne servirait-elle pas aux plus précaires ? Cette proposition n’engage que moi, mais elle présenterait l’intérêt de cibler les aides. Soyons responsables dans nos actions !

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – Si j’ai bien compris, vous proposez donc, à l’alinéa 4, de remplacer les termes : « pour les ménages et les entreprises », par les termes : « pour les ménages les plus précaires ».

Mme Christine Lavarde. – On pourrait aussi ajouter : « et les entreprises les plus exposées ou électro-intensives ».

président. – Nous en tiendrons compte lors du vote.

M. Rémi Féraud. – Malgré des divergences de vues, nous pouvons nous retrouver dans l’avis du rapporteur général. En effet, il faut prendre des mesures d’urgence face à la situation actuelle. La notion de « décret d’avance » me semble un peu ironique compte tenu du retard important qu’a pris le Gouvernement lors du PLF. Nous l’avions déjà interpellé au moment des discussions budgétaires sur la nécessité de baisser la fiscalité sur l’énergie. Cette mesure n’est certes pas parfaite en ce qu’elle ne s’applique pas au cas par cas. Nous pourrions alors envisager, madame Lavarde, de financer des chèques énergie pour les plus précaires par une augmentation de fiscalité, même temporaire, sur les plus fortunés.

Comme le disait Isabelle Briquet hier lors de l’audition du ministre, les collectivités locales sont oubliées et renvoyées au projet de loi de finances rectificative (PLFR). Je partage vraiment l’avis du rapporteur général sur les crédits de la défense. C’est du bricolage. Tout est conçu comme si les élections n’allaient pas avoir lieu et que le PLFR était automatique. Or les programmes des candidats sont très différents à cet égard, et aucune garantie n’existe, sauf à considérer que le Parlement est une chambre d’enregistrement. La guerre en Ukraine n’explique pas tout ; la crise des prix de l’énergie était préexistante, et le mois de mars enregistre la plus forte inflation en France depuis les années 1980.

Nous approuverons l’avis de la commission des finances, mais cela n’enlève rien aux critiques que j’ai émises sur le décret d’avance.

président. – Il ne s’agit à ce stade que d’une proposition d’avis de la part du rapporteur général. Ne déflorons pas le vote dès maintenant.

Mme Sophie Taillé-Polian. – On nous vend de la résilience, mais on ne cesse de nous présenter des mesures sans ciblage, toujours avec un temps de retard. Et ce sera ensuite à l’État et aux collectivités de subir le choc traumatique. La lecture des différents programmes laisse davantage présager une diminution des services publics qu’une augmentation des impôts. Les entreprises et les ménages auront été arrosés sans que cela soit nécessaire et les services publics et les dotations aux collectivités seront réduits. Ces mesures ne vont pas dans le sens que nous souhaitons ni dans celui de la nécessaire mobilisation des crédits pour la transition écologique.

Par ailleurs, la méthode choisie revient à balayer le débat démocratique. Le groupe écologiste ne peut évidemment être en phase avec ce décret d’avance.

Je voudrais attirer l’attention de la commission sur la question de l’accueil des réfugiés ukrainiens par l’éducation nationale : dans mon département, les montants alloués ne sont pas suffisants, notamment pour l’accueil des enfants allophones. Il ne s’agit pas que d’une question de logement ; il faut mettre les moyens suffisants dans tous les services publics.

Mme Sylvie Vermeillet. – Je ne suis pas favorable à la modification rédactionnelle proposée par Mme Lavarde. Comment déterminer le seuil en deçà duquel on appartient aux « plus précaires » ? En outre, la mesure est bornée en ce qu’elle se limite à 3 milliards d’euros. Enfin, la « désépargne » est aujourd’hui le moteur de notre croissance : il serait dangereux d’y toucher.

Je pense que le groupe Union Centriste se ralliera à la rédaction proposée par le rapporteur général, à l’exception peut-être de M. Delahaye.

M. Vincent Capo-Canellas. – Mme Vermeillet a très bien expliqué quelle sera la position très majoritaire du groupe Union Centriste.

Je rejoins l’avis favorable proposé par le rapporteur général. Chacun peut convenir du besoin et de l’urgence de ces mesures. En ce qui concerne les modalités retenues, il eût été difficile de débattre d’un projet de loi de finances rectificative à dix jours seulement du premier tour des élections présidentielles.

On peut comprendre le souhait de Mme Lavarde de mentionner les ménages « précaires », mais il s’agit ici d’une mesure générale. Cet ajout ne me semble pas opportun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

rapporteur général. – J’ai essayé de faire le travail le plus précis possible en analysant le décret d’avance, et en distinguant la forme et le fond. Les conditions juridiques sont remplies, ce qui n’empêche pas de porter une analyse critique des mesures proposées.

C’est la raison pour laquelle j’ai insisté sur les insuffisances et les tours de passe-passe budgétaires. Il n’a échappé à personne, comme l’ont souligné MM. Requier et Laménie, que le périmètre du décret d’avance devrait se limiter à 1 % du budget général...

Débattre d’un projet de loi de finances rectificative à dix jours du premier tour des élections présidentielles aurait sans doute constitué un exercice assez acrobatique. Nous posons des emplâtres sur des jambes de bois tous les trois mois : chèque énergie, indemnité inflation... Souvenez-vous des railleries du Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2021 de fin d’année, lorsque nous avions souhaité prioriser l’aide aux plus précaires de nos concitoyens, à l’occasion de l’instauration de l’indemnité inflation.

Aujourd’hui, le diesel a rejoint le prix du super. On ne prête pas toujours suffisamment attention aux petits détails, mais le produit des taxes sur le diesel entraîne davantage de rentrées fiscales que celui des taxes sur l’essence...

La trajectoire initiale de la taxe carbone telle que prévue dans la loi de finances initiale pour 2018 et avant le mouvement des « Gilets jaunes », monsieur de Montgolfier, correspondait à une recette supplémentaire de 15 milliards d’euros. Les recettes supplémentaires de TVA se sont élevées à un peu plus de 1,7 milliard d’euros l’année dernière et devraient atteindre 3,7 milliards d’euros cette année.

Les recettes supplémentaires de TVA sur les carburants des particuliers seront de 1,6 milliard au premier semestre et de 2,1 milliards au second semestre. Toutefois, le Gouvernement souligne qu’il ne s’agit pas d’un solde net de 3,7 milliards d’euros de recettes supplémentaires : quand le prix des carburants augmente fortement, la consommation diminue notamment, et les recettes de TVA et d’impôt sur les sociétés s’en ressentent mécaniquement.

Madame Taillé-Polian, je rappelle que nous avons demandé à la Cour des comptes de mener une enquête sur la question des élèves allophones. Dans mon département aussi, il est parfois très compliqué d’obtenir de l’éducation nationale qu’elle scolarise les enfants des réfugiés ukrainiens. Nous demandons à l’État de se montrer cohérent : si nous accueillons des réfugiés, ce n’est pas pour laisser leurs enfants de côté.

Le point 13 de mon avis concerne l’impact du coût de l’énergie sur les collectivités. Hier, les propos du ministre m’ont paru assez décalés : comment peut-on dire que les collectivités sont en bonne santé, c’est-à-dire qu’elles perçoivent des recettes supplémentaires, alors qu’elles se démènent tous azimuts pour maintenir le meilleur service public possible dans un contexte très tendu ? Pour le dire de la manière la plus aimable possible, il me semble que le Gouvernement devrait parfois se départir d’un certain « parisianisme ».

Madame Lavarde, tout est modifiable dans cette proposition d’avis. Nous pourrions rédiger ainsi le point 4 : « ... en particulier pour les ménages et les entreprises les plus exposés... », ce qui permet d’éviter de stigmatiser certains de nos concitoyens. Les gros rouleurs, par exemple, qui n’appartiennent pas nécessairement aux plus précaires, sont exposés à ces hausses de prix.

Mme Christine Lavarde. – Le Gouvernement met en place une aide tous azimuts dont il nous expliquait voilà seulement quelques mois qu’elle serait trop coûteuse pour les finances publiques. Aujourd’hui, à dix jours du premier tour de l’élection présidentielle, tout devient possible ! Or ce n’est pas un bon signal économique, surtout au regard du rapport du FMI sur la situation de la France du 26 janvier dernier que personne n’évoque...

M. Roger Karoutchi. – Il est déjà difficile de définir juridiquement le terme « précaires », mais c’est encore pire avec « exposés » : tous les ménages et toutes les entreprises sont exposés à la hausse des prix de l’énergie. Cette modification ne change rien au texte initial.

rapporteur général. – Le décret d’avance cible de nombreuses professions. En cela, il vise non pas la précarité, mais plutôt une exposition aux coûts.

M. Stéphane Sautarel. – Je veux insister sur les acteurs de la ruralité qui n’ont souvent pas d’alternative en termes de carburants ou de chauffage. Le terme « contraints » pourrait ainsi aller au-delà de la seule précarité et rejoint l’idée d’exposition aux coûts.

rapporteur général. – Je vous propose donc cette rédaction : « en particulier pour les ménages et les entreprises les plus exposés,... ».

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – Je vous propose donc de mettre aux voix cette proposition d’avis ainsi modifiée.

La commission autorise la publication de la communication du rapporteur général sous la forme d’un rapport d’information ; elle adopte l’avis sur le projet de décret d’avance.

L’avis est ainsi rédigé :

La commission des finances,

Vu les articles 13, 14 et 56 de la loi organique n° 2001 692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;

Vu la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 ;

Vu le projet de décret d’avance notifié le 25 mars 2022, portant ouverture et annulation de 5,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, le rapport de motivation qui l’accompagne et les réponses du ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des comptes publics, au questionnaire du rapporteur général ;

Sur la régularité du projet de décret d’avance :

1. Constate que les ouvertures de crédits, d’un montant de 5,9 milliards d’euros, ont pour objet de financer, d’une part, une mesure de réduction du coût du carburant pour l’ensemble des consommateurs et, d’autre part, un ensemble de mesures ciblant plus spécifiquement certains secteurs économiques ou permettant l’accueil de populations réfugiées compte tenu de la guerre en Ukraine ;

2. Observe que les ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret sont gagées par des annulations de même montant portant pour l’essentiel, d’une part, sur des reports de crédits non consommés en 2021 et, d’autre part, sur des crédits de l’ensemble des ministères mis en réserve ;

3. Note que les ouvertures et les annulations de crédits prévues par le présent projet de décret sont égales à 0,8 % des crédits de paiement ouverts par la loi de finances de l’année ; qu’elles n’excèdent donc pas le plafond de 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l’année et que les annulations prévues n’excèdent pas non plus le plafond de 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours ;

4. Estime que l’urgence à ouvrir les crédits est avérée afin de rendre supportable, en particulier pour les ménages et les entreprises les plus exposés, l’augmentation des prix de l’énergie accentuée par la guerre en Ukraine et de financer l’accueil de plusieurs dizaines de milliers de réfugiés, lié à la même situation de guerre ;

5. Constate donc que les conditions de régularité du recours au décret d’avance prévues par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 précitée sont réunies ;

Sur les ouvertures prévues par le projet de décret d’avance :

6. Relève l’ampleur exceptionnelle des ouvertures de crédits prévues par le présent projet de décret d’avance, qui est le second le plus élevé depuis la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances ;

7. Note que, contrairement à la pratique habituelle, le projet de décret d’avance vise pour l’essentiel à couvrir les besoins de financement de mesures nouvelles, et non de dispositifs déjà en vigueur ;

8. Relève que le Gouvernement présente une nouvelle série de mesures en réaction à la hausse des prix de l’énergie qui permettra de soutenir certaines activités, notamment le secteur agricole ;

9. Déplore toutefois l’absence de cohérence entre ces nouvelles mesures et celles déjà instaurées depuis l’automne, à savoir le bouclier fiscal et tarifaire puis l’indemnité inflation ;

10. Regrette que plusieurs de ces mesures ne soient définies que de manière très sommaire, ouvrant des crédits avant que les modalités et les besoins précis aient été déterminés ;

11. Constate, comme ce fut le cas lors de la création de l’indemnité inflation, le manque de ciblage de la mesure tendant à réduire le coût du carburant, alors que tous les consommateurs ne sont pas placés dans la même situation face à la hausse des prix à la pompe ;

12. Souligne en outre que le projet de décret d’avance ne finance certaines mesures, telles que l’aide aux entreprises fortement consommatrices d’énergie, que pour la période allant jusqu’à la fin du mois de juillet, alors que le Gouvernement a annoncé que ces mesures seraient appliquées jusqu’à la fin de l’année et que le financement d’autres mesures du plan de résilience économique et social reste non connu ;

13. Affirme enfin la nécessité, à l’occasion de l’examen de prochaines lois de finances, de tirer les conséquences de l’impact de la hausse des coûts de l’énergie et des approvisionnements sur les finances des collectivités territoriales ;

Sur les annulations prévues par le projet de décret d’avance :

14. Constate que les crédits annulés portent, pour près de 4 milliards d’euros, sur des crédits non consommés en 2021 qui n’ont été reportés qu’à la seule fin de gager les ouvertures de crédits souhaitées ;

15. Souligne que les reports de crédits ont d’ailleurs été réalisés par des arrêtés publiés après la notification du projet de décret d’avance à la commission des finances, entre le 26 et le 30 mars 2022, soit dans les tous derniers jours où ces opérations sont permises par la loi organique relative aux lois de finances ;

16. Constate que les autres annulations passent par une réduction des crédits de la plupart des programmes et missions relevant des ministères, en se concentrant sur la réserve de précaution tout en prévoyant d’éventuels surgels ;

17. S’étonne notamment que les crédits de trois programmes de la mission « Défense » soient réduits au moment où les tensions internationales mettent en évidence la nécessité pour la France de mieux assurer sa défense ;

18. Constate que, s’agissant des annulations portant sur des crédits non reportés, le Gouvernement lui même a annoncé qu’un prochain projet de loi de finances rectificative présenté après les élections législatives rétablirait ces crédits en tout ou partie, ce qui ôte toute portée à ces annulations et ignore les échéances électorales à venir en s’engageant pour le prochain Gouvernement ;

19. Considère au total que l’équilibre budgétaire du décret d’avance est purement formel, puisque aussi bien les reports de crédits, sans lesquels les annulations prévues par le décret ne pourraient pas être appliquées, que la réouverture des crédits annulés, annoncée par le Gouvernement, creuseront le déficit budgétaire ;

20. Émet, sous les réserves formulées précédemment et compte tenu de la régularité formelle du projet de décret au regard des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances, un avis favorable au présent projet de décret d’avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – Cet avis révèle notre volonté commune de faire face à la triple crise - sanitaire, climatique et militaire - que nous traversons et de trouver des solutions d’urgence.

Nous sommes parvenus à un consensus sur la protection de nos crédits militaires et sur celle des financements des collectivités territoriales. Passer par un autre mécanisme que le décret d’avance aurait sans doute été extrêmement complexe à dix jours du premier tour de l’élection présidentielle.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – Nous recevons aujourd’hui, en application de la loi organique du 23 juillet 2010, relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, Mme Florence Peybernes, présidente du Haut Conseil du commissariat aux comptes, le H3C, dont le Président de la République propose la nomination pour un nouveau mandat à la tête de cette institution.

Nous vous avions reçue voilà un peu plus d’un an pour votre nomination en remplacement de Mme Christine Guéguen et pour la durée restant à courir de sa présidence, à savoir jusqu’à juin prochain. L’audition d’aujourd’hui vise ainsi à émettre un avis sur votre renouvellement à la tête du H3C pour un mandat de six ans.

Je rappellerai brièvement qu’en tant que régulateur de la profession, le H3C est garant de la bonne application des normes d’audit et de la déontologie des commissaires aux comptes. Ce rôle est indispensable pour assurer la confiance dans la fiabilité de l’information financière des entreprises.

Le H3C est également l’un des principaux acteurs de l’évolution et de l’adaptation des normes nationales d’audit. Il représente la France dans les principaux forums tant au niveau européen qu’international. Le collège constitue l’organe décisionnel du Haut Conseil et sa composition est définie à l’article L. 821-2 du code de commerce. La présidence doit être occupée par un membre de la Cour de cassation, condition que vous remplissez depuis 2017.

Nous avions évoqué, l’an dernier, les défis qu’a dû relever le H3C : d’une part, il a été chargé d’accompagner la profession dans le contexte de réforme européenne de l’audit, qui renforce en particulier les exigences d’indépendance des commissaires aux comptes ; d’autre part, il a dû accompagner la mise en œuvre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE, qui fait évoluer le rôle des commissaires aux comptes en restreignant le champ de l’obligation de certification des comptes. Cette logique doit conduire les commissaires aux comptes à proposer de nouveaux services aux entreprises.

Après une année à la tête du H3C, vous nous ferez donc un premier bilan de votre action et des enjeux auxquels vous être confrontée en tant que présidente du Haut Conseil.

Je vous rappelle que, conformément à la loi précitée du 23 juillet 2010, cette audition est publique et retransmise en direct sur le site internet du Sénat.

Les membres de la commission qui ne sont pas physiquement présents peuvent participer à la réunion par téléconférence. Toutefois, les délégations de vote ne sont pas autorisées et seuls les sénateurs présents physiquement pourront prendre part au vote, à bulletin secret, qui aura lieu à l’issue de cette audition. Enfin, en vertu du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l’addition des votes négatifs exprimés dans les commissions des finances des deux assemblées représentait, au total, au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Mme Peybernes ayant été entendue, plus tôt dans la matinée, par la commission des finances de l’Assemblée nationale, le dépouillement simultané aura lieu à l’issue du scrutin, en fin de matinée.

Nos collègues Rémi Féraud et Marc Laménie, secrétaires du bureau, m’assisteront pour ce dépouillement comme scrutateurs.

Debut de section - Permalien
Florence Peybernes

– Je suis très honorée de me présenter devant vous pour solliciter un nouveau mandat à la présidence du Haut Conseil du commissariat aux comptes.

Au cours de cette première année à la tête du Haut Conseil, j’ai pu me familiariser avec une profession que je ne connaissais pas, après une carrière de plus de trente-cinq années dans la magistrature. J’ai fait connaissance avec les syndicats, les associations et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes. Je me suis beaucoup déplacée en région et outre-mer, où des questions très spécifiques se posent.

Un de mes objectifs consistait à rétablir des relations sereines avec la profession, dont vous savez qu’elle a été très fragilisée par le vote de la loi Pacte. Elle s’est d’ailleurs interrogée sur la vision qu’avait d’elle la représentation nationale.

Les commissaires aux comptes sont chargés d’une mission d’intérêt général. Ils ne sont pas au service des entités dont ils certifient les comptes. Il sont très conscients de l’importance de leur mission, dont dépend la confiance que chacun doit avoir dans l’économie de notre pays.

Par ailleurs, les relations avec le régulateur n’étaient pas toujours sereines. Je me suis attachée à ce qu’elles le redeviennent à travers le dialogue. Je suis à ma place, sans complaisance, et je n’ai pas baissé mon exigence vis-à-vis de la qualité de l’audit. Toutefois, de nombreux chantiers ne peuvent être conduits avec pertinence si la profession ne comprend pas ce que fait son régulateur. J’ai pu entretenir, tout au long de cette année, des relations suivies et fructueuses avec M. Ollivier, le président de la Compagnie nationale. Nous avons de nombreux sujets en commun et il est heureux que nous puissions dialoguer de façon pertinente, toujours dans le but d’assurer la qualité de l’audit dans notre pays.

Au cours de cette année, j’ai continué de moderniser les outils du Haut Conseil : les commissaires aux comptes peuvent désormais réaliser l’intégralité des démarches administratives auprès du régulateur via un portail internet. Cette profession est la plus régulée des professions du droit : chaque commissaire doit déclarer le nom de ses clients et leur chiffre d’affaires ; il doit aussi déclarer sa date d’entrée dans la profession, sous quelle forme juridique il exerce et chaque changement dans ses modalités d’exercice professionnel. Les commissaires aux comptes ont un numéro personnel qui permet de retracer leur carrière, comparable à un numéro de sécurité sociale.

Notre principale mission est de procéder au contrôle qualité de l’audit en France. À cette fin, nous sommes en train de construire un outil de planification des contrôles qui nous permettra de moduler notre action en fonction des risques. Comme vous le savez, la loi prévoit qu’un commissaire aux comptes soit contrôlé tous les trois ans pour les mandats entités d’intérêt public (EIP) qu’il détient et tous les six ans pour les mandats non EIP.

Nous ne nous contentons pas de ces délais : lorsque nous avons fait des recommandations à un commissaire aux comptes, nous n’attendons plus trois ou six ans pour voir s’il les a respectées. De même, nous avons décidé de mener des contrôles à intensité variable, des contrôles « spot ». Il nous a semblé nécessaire de faire preuve de plus d’agilité, notamment en cas d’information d’un lanceur d’alerte, par exemple, ou si l’actualité l’exige, comme en ce moment avec les gestionnaires d’Ehpad. Nous pouvons également être sollicités par les autorités sœurs que sont l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR) ou l’Autorité des marchés financiers (AMF). Nous sommes désormais en mesure de répondre rapidement à tous ces cas de figure et de déposer un rapport en quelques mois sur la qualité du travail d’un commissaire aux comptes.

Nous devons aussi travailler à la gestion de nos données. Nous effectuons des contrôles qualité depuis de nombreuses années. Nous avons donc accumulé un nombre important de données sur les commissaires aux comptes, sur les mandats qu’ils gèrent et leurs structures d’exercice professionnel. Il nous faut désormais utiliser cette base de données pour fonder notre appréciation des risques.

Les risques peuvent tenir soit aux mandats détenus soit aux structures d’exercice professionnel particulières des commissaires aux comptes. Un mandat de parti politique, par exemple, est un mandat à risque. De même, les structures les plus importantes de la profession figurent en tête de notre échelle des risques.

L’année dernière, j’avais attiré votre attention sur la situation quelque peu inquiétante des finances du Haut Conseil. Comme vous le savez, notre structure est financée par les cotisations des commissaires aux comptes, calculées à partir du chiffre d’affaires sur la totalité des mandats de certification détenus, et par une surcotisation à raison des mandats EIP. Au total, le Haut Conseil perçoit environ 15,4 millions d’euros par an.

Comme je l’avais souligné, après trois exercices difficiles, nos finances étaient en déficit. Lorsque j’ai pris mes fonctions, le budget voté par le collège pour 2021 présentait un déficit de 1,4 million d’euros. À l’issue de l’exercice 2021, les finances du Haut Conseil sont bénéficiaires de 980 000 euros.

Ce résultat tient surtout à des événements non récurrents - issue positive d’un litige avec l’Urssaf, remboursements de la Compagnie nationale, cotisations versées à raison d’exercices antérieurs... Nous avons également réalisé des économies, notamment en réduisant les déplacements de la division internationale et en multipliant les contrôles en téléconférence. Enfin, la masse salariale a été mécaniquement réduite grâce à un turn-over de nos collaborateurs. Hors éléments non récurrents, nos comptes auraient été en déficit de 215 000 euros.

En 2019, la Cour des comptes avait procédé à un contrôle du Haut Conseil. Elle avait conclu que la situation financière en déséquilibre ne lui permettait pas d’accomplir avec suffisamment de profondeur sa mission principale. La Cour des comptes avait également conclu que nous n’avions pas une vision exacte de la qualité de l’audit en France.

Je trouve ce constat un peu sévère. Je le dis d’autant plus facilement que je n’étais pas présidente de cette institution lorsque le rapport a été rédigé. La Cour des comptes ne tient pas compte du fait que nous procédons à ces contrôles depuis 2009 : nous connaissons bien les commissaires aux comptes et leurs mandats. Nous nous rendons chaque année dans les grands cabinets et dans les cabinets les plus significatifs. Nous savons quels sont leurs atouts et leurs compétences.

Cela étant dit, nos ressources ne nous permettent pas d’avoir une vision complète de l’intégralité des mandats. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de multiplier les contrôles, quitte à en diminuer l’intensité. Nos agents ont ainsi effectué deux fois plus de contrôles en 2021 qu’en 2020, notamment sur les plus grands comptes et les plus grands mandats, dont les entreprises du CAC 40.

La Cour des comptes a effectué cette année un contrôle « flash » pour comparer notre situation à celle de 2019. Elle nous demande de recruter davantage d’agents publics pour agir sur notre masse salariale, de modifier le cadre juridique de notre action, ce qui suppose de modifier la loi, et de procéder à un abondement de nos ressources, ce qui relève du pouvoir réglementaire - un arrêté du garde des sceaux fixe la fourchette et le taux de cotisation des commissaires aux comptes.

Comme je l’ai souligné, la loi Pacte avait beaucoup inquiété la profession. Deux ans après l’entrée en vigueur de ce texte, les commissaires aux comptes ont perdu moins de mandats - environ 40 % - qu’ils ne le redoutaient. Malgré le relèvement des seuils, les entreprises ont souhaité conserver leurs commissaires aux comptes auxquels elles font confiance, ce qui est essentiel pour les actionnaires minoritaires et pour les investisseurs.

Par ailleurs, le chiffre d’affaires global est resté stable. Il est même en légère progression, malgré des résultats contrastés. Les structures d’exercice professionnel les plus importantes ont bénéficié de cette augmentation de leurs ressources ; en revanche, certaines structures plus petites ont disparu. Je pense, par exemple, aux experts comptables exerçant le métier de commissaire aux comptes à titre accessoire et qui ont préféré se séparer de cette casquette, devenue moins rentable.

Les missions d’audit légal des petites entreprises (ALPE) n’ont pas rencontré le succès attendu par le législateur. Au regard des tâches à accomplir, la réduction des honoraires d’un commissaire acceptant une mission ALPE n’est pas aussi importante qu’escompté et les entités ont rarement recours à ce mandat.

L’entrée en vigueur des dispositions de la loi Pacte outre-mer a été décalée dans le temps. Ce faisant, lorsque la loi aura produit l’intégralité de ses effets, il n’y aura plus les mêmes exigences de certification des comptes outre-mer. Il s’agit d’un vrai sujet pour le régulateur : ces territoires peuvent être le lieu d’opérations économiques peu souhaitables. Or les commissaires aux comptes sont en première ligne pour les constater, lorsqu’elles sont visibles. En tant que membre de la Cour de cassation, je me demande si la disparition du métier de commissaire aux comptes dans les outre-mer est un choix législatif pertinent.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – Je cède la parole au rapporteur général, désigné rapporteur par notre commission pour préparer cette audition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

rapporteur général. – J’évoquerai tout d’abord la situation financière du Haut Conseil. Vous l’avez dit avec des mots choisis, diplomatiques, mais j’ai quand même compris que les recettes de cotisations étaient bien supérieures depuis le changement de percepteur.

Lors de votre audition, l’an dernier, vous aviez évoqué la possibilité d’augmenter le taux de cotisation des commissaires aux comptes par voie réglementaire. Cette hausse n’est pas intervenue à ce jour. Des négociations ont-elles été engagées avec la chancellerie ? Ce taux pourrait-il être adapté à brève échéance pour disposer d’une trajectoire de comptes à l’équilibre ? Vous aviez aussi exploré certaines pistes d’économies : ont-elles été mises en oeuvre ?

Depuis novembre 2020, les inscriptions des commissaires aux comptes s’effectuent directement auprès du Haut Conseil. Quel bilan tirez-vous de cette réforme ? A-t-elle permis de réaliser les économies escomptées ?

Le plan d’action 2021-2023 fait état d’un objectif de convergence des référentiels normatifs français et international. Existe-t-il des points de blocage ou d’incompatibilité entre le droit français et les normes internationales d’audit ? Le législateur devra-t-il intervenir selon vous ?

Vous aviez noté l’an dernier que les formations sur le blanchiment et la fraude figuraient parmi les moins suivies par les commissaires aux comptes. Alors que ces derniers doivent jouer un rôle dans le gel des avoirs et les restrictions sectorielles mises en oeuvre par le Conseil européen en réponse à l’agression russe de l’Ukraine, considérez-vous que la profession ait suffisament pris sa part ?

Vous avez évoqué les difficultés rencontrées par les commissaires aux comptes outre-mer en raison de la loi Pacte. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

Enfin, vous avez évoqué la nécessité de procéder à des recrutements. Auriez-vous besoin là encore d’une révision du cadre législatif ?

Debut de section - Permalien
Florence Peybernes

– Le taux de cotisation est fixé par un arrêté du garde des sceaux. La loi de finances prévoit un plafond de ressources de 19,4 millions d’euros pour le Haut Conseil, très loin des 15,3 millions d’euros versés actuellement par les commissaires aux comptes. L’arrêté du garde des sceaux fixe pour l’instant le taux de cotisation dans la partie la plus basse de la fourchette prévue par la loi, ce qui ne permet pas au Haut Conseil d’atteindre le plafond de ressources fixé par la loi.

La Cour des comptes a jugé pertinent de revoir à la hausse ce taux de cotisations, mais la décision ne peut être prise sans un dialogue avec la profession et la Compagnie nationale. Des discussions sont menées avec la direction du Trésor et le directeur des affaires civiles et du sceau, mais peut-être faut-il attendre la fin de cycle électoral en cours pour qu’une décision soit prise.

L’autorité publique indépendante que je préside a la particularité de ne s’adresser qu’à une seule profession, ce qui fait son originalité. Aucune décision importante ne peut donc être prise sans une profonde concertation avec la Compagnie nationale.

En effet, nous avons réalisé des économies. Nous avons renégocié avec la Compagnie nationale le coût de la convention de délégation, notamment en alignant le niveau des salaires entre la Compagnie et le Haut Conseil. Nous avons également repris la délégation portant sur les cotisations et les inscriptions, et cela nous coûte 300 000 euros, contre 700 000 euros auparavant.

Les commissaires aux comptes sont soumis aux normes d’exercice professionnel arrêtées par le garde des sceaux. Les normes internationales et françaises visent les mêmes objectifs, mais nous avons des normes spécifiques, notamment la NEP 100 en matière de co-commissariat aux comptes, une pratique que l’on ne retrouve pas au niveau international, sauf dans quelques pays – Bulgarie, Monaco, Afrique du Sud. Par ailleurs, à la différence des normes françaises, les normes internationales sont souvent très longues, car elles sont généralement assorties de nombreux exemples visant à guider le commissaire aux comptes dans sa démarche d’audit.

La convergence des normes reste en chantier. La question se pose aussi de l’élaboration de normes européennes d’audit. Si c’est le cas un jour, nous déciderons alors peut-être de nous ranger derrière cette nouvelle normalisation.

Notons aussi qu’il est plus difficile d’obtenir la modification des normes internationales. Or, parfois, un État souhaite modifier ses normes d’audit et de contrôle des comptes, par exemple pour lutter contre le financement du terrorisme. Il faut donc être prudent avec cette notion de normes internationales si l’on veut pouvoir garder la main sur certaines dispositions.

Le Haut Conseil a pour mission d’adresser des directives sur la formation professionnelle des commissaires aux comptes. Nous souhaitions par exemple rendre obligatoire leur formation à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ce qui a été fait. Toutefois, de manière générale, il me semble que la profession ne s’acquitte pas avec suffisamment de rigueur de son obligation de formation, seuls 40 % des commissaires aux comptes étant à jour de leur obligation légale de formation continue. J’ai demandé à la profession de se reprendre, car il y va de sa crédibilité et de sa compétence.

Nous avons beaucoup travaillé avec Tracfin : nous avons publié cet été des lignes directrices pour aider les commissaires aux comptes à effectuer une déclaration de soupçon. Tracfin juge d’ailleurs que les déclarations effectuées par les commissaires aux comptes sont toujours très qualitatives et pertinentes, mais insuffisamment nombreuses. Il faut préciser toutefois que les commissaires aux comptes ne manient pas de fonds : ils ne font que regarder les comptes.

S’agissant de l’Ukraine, nous avons publié sur notre site une information à destination des commissaires aux comptes et nous avons eu des entretiens bilatéraux avec les plus grands cabinets de la place de Paris, qui peuvent avoir dans leur portefeuille des clients ou des actionnaires majoritaires potentiellement visés.

Notre position de régulateur est la suivante : le commissaire aux comptes est avant tout chargé d’une mission légale de certification des comptes. Il n’effectue pas cette mission dans l’intérêt de ses clients, mais dans l’intérêt général. Cette mission ne doit donc pas être abandonnée, y compris lorsque l’entité contrôlée est sous le coup de sanctions prises après l’invasion de l’Ukraine. En revanche, le commissaire aux comptes devra adapter son audit aux nouvelles données juridiques qui s’appliquent à l’entité contrôlée. Nous n’avons donc pas demandé aux commissaires aux comptes de se retirer des entités concernées lorsqu’ils exercent leur mission légale de certification des comptes. Une logique différente s’applique aux activités autres que la certification légale des comptes.

À l’occasion de mes déplacements aux Antilles et à la Réunion, plusieurs commissaires aux comptes ont attiré mon attention sur les conséquences pour eux de la loi Pacte. Nous devons aussi retourner à Mayotte, à la demande des commissaires aux comptes concernés. Dans ces territoires, on trouve notamment certaines associations qui reçoivent des fonds publics à hauteur de plus de 150 000 euros, généralement pour financer des actions de nature humanitaire ou sanitaire, et qui doivent en conséquence certifier leurs comptes. C’est pourquoi il ne me semble pas pertinent de réduire l’activité des commissaires aux comptes outre-mer. Tracfin le demande aussi, car ces territoires sont par ailleurs des cibles pour le blanchiment et le financement du terrorisme. Le commissaire aux comptes est une cheville ouvrière très importante de la lutte contre ces trafics. Nous retournerons en outre-mer vraisemblablement cet automne, probablement avec des représentants de la Compagnie nationale.

Enfin, les dispositions législatives en vigueur ne me posent pas de difficultés en termes de recrutement : je passe les contrats que je veux, de droit privé ou de droit public.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est un enjeu important de transformation de la profession, dès lors qu’elle conduit à contrôler des informations non financières. C’est une contrainte importante pour les commissaires aux comptes, tout comme un enjeu important pour les investisseurs, de plus en plus soucieux de ces thématiques.

J’ai noté que ces sujets étaient hors du champ de votre contrôle pour l’instant. Cela peut-il changer ? La profession a-t-elle les compétences et les moyens humains d’affronter cette transformation de ses missions de contrôle ?

Debut de section - Permalien
Florence Peybernes

– Il s’agit d’un enjeu national et européen.

Actuellement, le Haut Conseil n’est chargé que de réguler l’activité de certification des comptes financiers, mais une importante réforme européenne en cours de construction devra faire l’objet d’une transposition.

La France a déjà pris de l’avance en obligeant ses entreprises à publier des informations, à l’instar de l’Italie et de l’Espagne. La France a aussi décidé que la certification des informations non financières pouvait être réalisée par des organismes tiers indépendants (OTI) accrédités par le Comité français d’accréditation (Cofrac). Actuellement, une trentaine d’intervenants sur le marché ont reçu une accréditation RSE, les deux tiers environ étant des commissaires aux comptes.

Je constate par ailleurs que l’ensemble de la profession se sent concernée par le sujet, car les grandes entités ne seront pas les seules à devoir obtenir la certification de ces informations. Ce sera aussi le cas de leurs clients et de leurs fournisseurs. Nous sommes donc convaincus que l’exercice de cette responsabilité ne se limitera pas aux grands cabinets de la place.

La profession s’y prépare : la Compagnie nationale commence à construire des formations et des outils pour aider les commissaires aux comptes à s’approprier ces nouveaux sujets, à recruter et à monter en compétences dans ce domaine.

Des questions juridiques devront toutefois être traitées. La directive européenne prévoit que les certificateurs devront être régulés au même niveau d’intensité que les certificateurs d’informations financières. Le Cofrac n’ayant pas les compétences pour le faire, il est presque certain que cette nouvelle mission sera dévolue au Haut Conseil. Mais il faudra sans doute pour cela modifier sa composition et recruter de nouvelles personnes disposant de compétences spécifiques. La question du financement de cette nouvelle mission devra également être réglée : il n’est pas possible, budgétairement parlant, que les honoraires de certification des comptes alimentent les besoins en matière de certification d’informations non financières.

Il faudra enfin traiter la question de la régulation des OTI qui ne sont pas commissaires aux comptes : il y a parmi eux un cabinet d’avocats, mais aussi des entreprises comme Apave et Veritas. Ces institutions ne sont pas régulées actuellement par le Haut Conseil. Les travaux de transposition seront donc assez longs, mais l’enjeu est important, car la société dans son ensemble souhaite que ces questions soient traitées avec beaucoup de sérieux et de compétence. Et n’oublions pas que les informations non financières ont aussi une incidence sur les informations financières : un process industriel qui ne répond plus aux attentes de la société en matière de protection de l’environnement ou même de droits humains peut avoir une incidence majeure sur le devenir d’une entreprise et sur ses résultats.

Je suis avec attention les travaux de l’European Financial Reporting Advisory Group (Efrag), qui, sous l’égide de M. de Cambourg, est en train d’élaborer des normes sur ces informations non financières. C’est un chantier très important, technique, qui mobilise de nombreux spécialistes. Nous avons besoin de comprendre ce qui sera exigé des entreprises pour savoir si nous devrons bâtir de nouvelles normes d’audit en la matière.

M. Albéric de Montgolfier. – Le double commissariat aux comptes est souvent mis en avant comme un élément de sécurité, mais il n’a pas empêché le scandale William Saurin. Était-ce seulement une affaire isolée ? Quels enseignements en avez-vous tirés ?

Avez-vous par ailleurs relevé des éléments et formulé des recommandations en matière de lutte contre la fraude aux prêts garantis par l’État (PGE) ?

M. Marc Laménie. – L’activité des commissaires aux comptes est très importante : les grandes entreprises ne sont pas les seules à solliciter leurs services, les petites également. Se pose également la question des associations et des missions de conseil des commissaires.

M. Philippe Dominati. – On a évidemment besoin des hommes du chiffre, mais l’on se demande parfois quelle est l’utilité du commissaire aux comptes, surtout pour les PME et les associations. Souvent, l’expert comptable de l’entreprise fait le travail, puis il le transmet à l’un de ses collègues commissaire aux comptes, qui procède à quelques audits et prélèvements une fois par an.

Et en cas de problème, le commissaire aux comptes argue généralement qu’il a été empêché de faire correctement son travail par l’entreprise, qui n’a pas communiqué les bons documents.

Vous avez parlé du chiffre d’affaires de la profession : je me demande quelle part de ce chiffre d’affaires est simplement impulsée par la loi, sans être véritablement justifiée par la qualité du travail des commissaires aux comptes…

Que fait le Haut Conseil pour que la profession évolue dans le bon sens ? Quand il y a un problème, comme dans l’affaire William Saurin, quelles sanctions sont-elles prononcées par le Haut Conseil ? Quels changements sont-ils demandés ?

Vous aviez par ailleurs regretté, à juste titre selon moi, que la profession se défende collectivement, et non individuellement, devant le Haut Conseil. Les choses ont-elles évolué ?

– Comme je l’ai dit, le co-commissariat aux comptes est pour l’essentiel une spécificité française, à quelques exceptions près.

Toutefois, la norme d’exercice professionnel que la France a construite pour que le co-commissariat aux comptes soit efficace est précise, et le Haut Conseil s’attache à ce qu’elle soit respectée.

Si les choses ne se sont pas bien passées dans l’affaire William Saurin, c’est parce que les deux commissaires aux comptes n’ont pas joué le jeu. Ils ne se sont pas répartis égalitairement les travaux, comme la norme d’exercice l’exige, et n’ont pas procédé à une revue croisée de leurs documents et travaux. Ils ont été lourdement sanctionnés. Mais ce n’est pas parce qu’un professionnel n’exécute pas correctement la loi que celle-ci est mauvaise...

Quand les problèmes ne sont pas trop graves, nous demandons à travers des recommandations au commissaire aux comptes concerné de modifier sa pratique professionnelle. Sinon, la formation restreinte prononce des sanctions qui peuvent aller d’un simple avertissement à la radiation, ce qui est déjà arrivé.

Avec la rénovation des contrôles que nous avons instaurée depuis que j’ai pris mes fonctions, nous revenons plus rapidement nous assurer que le commissaire aux comptes à qui nous avons adressé des recommandations a effectivement modifié son exercice professionnel.

Vous posez ensuite la question de l’utilité du commissariat aux comptes dans les entreprises de petite taille. C’est une question qui doit être posée au législateur et non au régulateur, monsieur le sénateur.

En revanche, il est absolument interdit d’être à la fois commissaire aux comptes et expert comptable d’une même entité, y compris dans des fonctions successives. De telles situations nous sont signalées sur notre site de lanceurs d’alerte, parfois même par les propres collaborateurs des intéressés. Cela donne lieu à une enquête, et le cas échéant à des sanctions.

Il nous est arrivé de sanctionner des manquements aux règles déontologiques, au respect de la norme, à la confraternité, à la profondeur de l’audit, mais aussi des abus de biens sociaux ou des faux en écriture. Nos décisions figurent sur notre site ; elles sont parfois longues, mais toujours très précises sur les reproches formulés au commissaire aux comptes.

Il est par ailleurs interdit au commissaire aux comptes de se livrer à des activités de conseil auprès d’une entreprise dont il certifie les comptes.

Les associations appliquent des normes comptables différentes des entreprises. Le rôle du commissaire aux comptes n’est pas d’aller chercher les fraudes. Il ne s’immisce pas dans la gestion et ne s’intéresse pas à la stratégie de l’entreprise. Sa mission légale est de donner une assurance raisonnable qu’il n’y a pas d’anomalie significative ni d’informations inexactes dans les comptes. Si vous souhaitez qu’il fasse autre chose, il faut changer la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

président. – Nous vous remercions et nous vous libérons afin de procéder au vote.

La réunion est close à 11 h 45.

La commission procède au vote, puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Florence Peybernes aux fonctions de présidente du Haut Conseil du commissariat aux comptes, simultanément à celui de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Le dépouillement a lieu en présence de MM. Rémi Féraud et Marc Laménie, en qualité de scrutateurs.

Nombre de votants : 10 ; Pour : 8 ; Contre : 0 ; Blancs ou nuls : 2.

La réunion est close à 11 h 45.