Intervention de Florence Peybernes

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 31 mars 2022 à 9h35
Nominations article 13 — Audition de Mme Florence Peybernes candidate proposée par le président de la république aux fonctions de présidente du haut conseil du commissariat aux comptes

Florence Peybernes :

– Le taux de cotisation est fixé par un arrêté du garde des sceaux. La loi de finances prévoit un plafond de ressources de 19,4 millions d’euros pour le Haut Conseil, très loin des 15,3 millions d’euros versés actuellement par les commissaires aux comptes. L’arrêté du garde des sceaux fixe pour l’instant le taux de cotisation dans la partie la plus basse de la fourchette prévue par la loi, ce qui ne permet pas au Haut Conseil d’atteindre le plafond de ressources fixé par la loi.

La Cour des comptes a jugé pertinent de revoir à la hausse ce taux de cotisations, mais la décision ne peut être prise sans un dialogue avec la profession et la Compagnie nationale. Des discussions sont menées avec la direction du Trésor et le directeur des affaires civiles et du sceau, mais peut-être faut-il attendre la fin de cycle électoral en cours pour qu’une décision soit prise.

L’autorité publique indépendante que je préside a la particularité de ne s’adresser qu’à une seule profession, ce qui fait son originalité. Aucune décision importante ne peut donc être prise sans une profonde concertation avec la Compagnie nationale.

En effet, nous avons réalisé des économies. Nous avons renégocié avec la Compagnie nationale le coût de la convention de délégation, notamment en alignant le niveau des salaires entre la Compagnie et le Haut Conseil. Nous avons également repris la délégation portant sur les cotisations et les inscriptions, et cela nous coûte 300 000 euros, contre 700 000 euros auparavant.

Les commissaires aux comptes sont soumis aux normes d’exercice professionnel arrêtées par le garde des sceaux. Les normes internationales et françaises visent les mêmes objectifs, mais nous avons des normes spécifiques, notamment la NEP 100 en matière de co-commissariat aux comptes, une pratique que l’on ne retrouve pas au niveau international, sauf dans quelques pays – Bulgarie, Monaco, Afrique du Sud. Par ailleurs, à la différence des normes françaises, les normes internationales sont souvent très longues, car elles sont généralement assorties de nombreux exemples visant à guider le commissaire aux comptes dans sa démarche d’audit.

La convergence des normes reste en chantier. La question se pose aussi de l’élaboration de normes européennes d’audit. Si c’est le cas un jour, nous déciderons alors peut-être de nous ranger derrière cette nouvelle normalisation.

Notons aussi qu’il est plus difficile d’obtenir la modification des normes internationales. Or, parfois, un État souhaite modifier ses normes d’audit et de contrôle des comptes, par exemple pour lutter contre le financement du terrorisme. Il faut donc être prudent avec cette notion de normes internationales si l’on veut pouvoir garder la main sur certaines dispositions.

Le Haut Conseil a pour mission d’adresser des directives sur la formation professionnelle des commissaires aux comptes. Nous souhaitions par exemple rendre obligatoire leur formation à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ce qui a été fait. Toutefois, de manière générale, il me semble que la profession ne s’acquitte pas avec suffisamment de rigueur de son obligation de formation, seuls 40 % des commissaires aux comptes étant à jour de leur obligation légale de formation continue. J’ai demandé à la profession de se reprendre, car il y va de sa crédibilité et de sa compétence.

Nous avons beaucoup travaillé avec Tracfin : nous avons publié cet été des lignes directrices pour aider les commissaires aux comptes à effectuer une déclaration de soupçon. Tracfin juge d’ailleurs que les déclarations effectuées par les commissaires aux comptes sont toujours très qualitatives et pertinentes, mais insuffisamment nombreuses. Il faut préciser toutefois que les commissaires aux comptes ne manient pas de fonds : ils ne font que regarder les comptes.

S’agissant de l’Ukraine, nous avons publié sur notre site une information à destination des commissaires aux comptes et nous avons eu des entretiens bilatéraux avec les plus grands cabinets de la place de Paris, qui peuvent avoir dans leur portefeuille des clients ou des actionnaires majoritaires potentiellement visés.

Notre position de régulateur est la suivante : le commissaire aux comptes est avant tout chargé d’une mission légale de certification des comptes. Il n’effectue pas cette mission dans l’intérêt de ses clients, mais dans l’intérêt général. Cette mission ne doit donc pas être abandonnée, y compris lorsque l’entité contrôlée est sous le coup de sanctions prises après l’invasion de l’Ukraine. En revanche, le commissaire aux comptes devra adapter son audit aux nouvelles données juridiques qui s’appliquent à l’entité contrôlée. Nous n’avons donc pas demandé aux commissaires aux comptes de se retirer des entités concernées lorsqu’ils exercent leur mission légale de certification des comptes. Une logique différente s’applique aux activités autres que la certification légale des comptes.

À l’occasion de mes déplacements aux Antilles et à la Réunion, plusieurs commissaires aux comptes ont attiré mon attention sur les conséquences pour eux de la loi Pacte. Nous devons aussi retourner à Mayotte, à la demande des commissaires aux comptes concernés. Dans ces territoires, on trouve notamment certaines associations qui reçoivent des fonds publics à hauteur de plus de 150 000 euros, généralement pour financer des actions de nature humanitaire ou sanitaire, et qui doivent en conséquence certifier leurs comptes. C’est pourquoi il ne me semble pas pertinent de réduire l’activité des commissaires aux comptes outre-mer. Tracfin le demande aussi, car ces territoires sont par ailleurs des cibles pour le blanchiment et le financement du terrorisme. Le commissaire aux comptes est une cheville ouvrière très importante de la lutte contre ces trafics. Nous retournerons en outre-mer vraisemblablement cet automne, probablement avec des représentants de la Compagnie nationale.

Enfin, les dispositions législatives en vigueur ne me posent pas de difficultés en termes de recrutement : je passe les contrats que je veux, de droit privé ou de droit public.

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