Intervention de Florence Peybernes

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 31 mars 2022 à 9h35
Nominations article 13 — Audition de Mme Florence Peybernes candidate proposée par le président de la république aux fonctions de présidente du haut conseil du commissariat aux comptes

Florence Peybernes :

– Il s’agit d’un enjeu national et européen.

Actuellement, le Haut Conseil n’est chargé que de réguler l’activité de certification des comptes financiers, mais une importante réforme européenne en cours de construction devra faire l’objet d’une transposition.

La France a déjà pris de l’avance en obligeant ses entreprises à publier des informations, à l’instar de l’Italie et de l’Espagne. La France a aussi décidé que la certification des informations non financières pouvait être réalisée par des organismes tiers indépendants (OTI) accrédités par le Comité français d’accréditation (Cofrac). Actuellement, une trentaine d’intervenants sur le marché ont reçu une accréditation RSE, les deux tiers environ étant des commissaires aux comptes.

Je constate par ailleurs que l’ensemble de la profession se sent concernée par le sujet, car les grandes entités ne seront pas les seules à devoir obtenir la certification de ces informations. Ce sera aussi le cas de leurs clients et de leurs fournisseurs. Nous sommes donc convaincus que l’exercice de cette responsabilité ne se limitera pas aux grands cabinets de la place.

La profession s’y prépare : la Compagnie nationale commence à construire des formations et des outils pour aider les commissaires aux comptes à s’approprier ces nouveaux sujets, à recruter et à monter en compétences dans ce domaine.

Des questions juridiques devront toutefois être traitées. La directive européenne prévoit que les certificateurs devront être régulés au même niveau d’intensité que les certificateurs d’informations financières. Le Cofrac n’ayant pas les compétences pour le faire, il est presque certain que cette nouvelle mission sera dévolue au Haut Conseil. Mais il faudra sans doute pour cela modifier sa composition et recruter de nouvelles personnes disposant de compétences spécifiques. La question du financement de cette nouvelle mission devra également être réglée : il n’est pas possible, budgétairement parlant, que les honoraires de certification des comptes alimentent les besoins en matière de certification d’informations non financières.

Il faudra enfin traiter la question de la régulation des OTI qui ne sont pas commissaires aux comptes : il y a parmi eux un cabinet d’avocats, mais aussi des entreprises comme Apave et Veritas. Ces institutions ne sont pas régulées actuellement par le Haut Conseil. Les travaux de transposition seront donc assez longs, mais l’enjeu est important, car la société dans son ensemble souhaite que ces questions soient traitées avec beaucoup de sérieux et de compétence. Et n’oublions pas que les informations non financières ont aussi une incidence sur les informations financières : un process industriel qui ne répond plus aux attentes de la société en matière de protection de l’environnement ou même de droits humains peut avoir une incidence majeure sur le devenir d’une entreprise et sur ses résultats.

Je suis avec attention les travaux de l’European Financial Reporting Advisory Group (Efrag), qui, sous l’égide de M. de Cambourg, est en train d’élaborer des normes sur ces informations non financières. C’est un chantier très important, technique, qui mobilise de nombreux spécialistes. Nous avons besoin de comprendre ce qui sera exigé des entreprises pour savoir si nous devrons bâtir de nouvelles normes d’audit en la matière.

M. Albéric de Montgolfier. – Le double commissariat aux comptes est souvent mis en avant comme un élément de sécurité, mais il n’a pas empêché le scandale William Saurin. Était-ce seulement une affaire isolée ? Quels enseignements en avez-vous tirés ?

Avez-vous par ailleurs relevé des éléments et formulé des recommandations en matière de lutte contre la fraude aux prêts garantis par l’État (PGE) ?

M. Marc Laménie. – L’activité des commissaires aux comptes est très importante : les grandes entreprises ne sont pas les seules à solliciter leurs services, les petites également. Se pose également la question des associations et des missions de conseil des commissaires.

M. Philippe Dominati. – On a évidemment besoin des hommes du chiffre, mais l’on se demande parfois quelle est l’utilité du commissaire aux comptes, surtout pour les PME et les associations. Souvent, l’expert comptable de l’entreprise fait le travail, puis il le transmet à l’un de ses collègues commissaire aux comptes, qui procède à quelques audits et prélèvements une fois par an.

Et en cas de problème, le commissaire aux comptes argue généralement qu’il a été empêché de faire correctement son travail par l’entreprise, qui n’a pas communiqué les bons documents.

Vous avez parlé du chiffre d’affaires de la profession : je me demande quelle part de ce chiffre d’affaires est simplement impulsée par la loi, sans être véritablement justifiée par la qualité du travail des commissaires aux comptes…

Que fait le Haut Conseil pour que la profession évolue dans le bon sens ? Quand il y a un problème, comme dans l’affaire William Saurin, quelles sanctions sont-elles prononcées par le Haut Conseil ? Quels changements sont-ils demandés ?

Vous aviez par ailleurs regretté, à juste titre selon moi, que la profession se défende collectivement, et non individuellement, devant le Haut Conseil. Les choses ont-elles évolué ?

– Comme je l’ai dit, le co-commissariat aux comptes est pour l’essentiel une spécificité française, à quelques exceptions près.

Toutefois, la norme d’exercice professionnel que la France a construite pour que le co-commissariat aux comptes soit efficace est précise, et le Haut Conseil s’attache à ce qu’elle soit respectée.

Si les choses ne se sont pas bien passées dans l’affaire William Saurin, c’est parce que les deux commissaires aux comptes n’ont pas joué le jeu. Ils ne se sont pas répartis égalitairement les travaux, comme la norme d’exercice l’exige, et n’ont pas procédé à une revue croisée de leurs documents et travaux. Ils ont été lourdement sanctionnés. Mais ce n’est pas parce qu’un professionnel n’exécute pas correctement la loi que celle-ci est mauvaise...

Quand les problèmes ne sont pas trop graves, nous demandons à travers des recommandations au commissaire aux comptes concerné de modifier sa pratique professionnelle. Sinon, la formation restreinte prononce des sanctions qui peuvent aller d’un simple avertissement à la radiation, ce qui est déjà arrivé.

Avec la rénovation des contrôles que nous avons instaurée depuis que j’ai pris mes fonctions, nous revenons plus rapidement nous assurer que le commissaire aux comptes à qui nous avons adressé des recommandations a effectivement modifié son exercice professionnel.

Vous posez ensuite la question de l’utilité du commissariat aux comptes dans les entreprises de petite taille. C’est une question qui doit être posée au législateur et non au régulateur, monsieur le sénateur.

En revanche, il est absolument interdit d’être à la fois commissaire aux comptes et expert comptable d’une même entité, y compris dans des fonctions successives. De telles situations nous sont signalées sur notre site de lanceurs d’alerte, parfois même par les propres collaborateurs des intéressés. Cela donne lieu à une enquête, et le cas échéant à des sanctions.

Il nous est arrivé de sanctionner des manquements aux règles déontologiques, au respect de la norme, à la confraternité, à la profondeur de l’audit, mais aussi des abus de biens sociaux ou des faux en écriture. Nos décisions figurent sur notre site ; elles sont parfois longues, mais toujours très précises sur les reproches formulés au commissaire aux comptes.

Il est par ailleurs interdit au commissaire aux comptes de se livrer à des activités de conseil auprès d’une entreprise dont il certifie les comptes.

Les associations appliquent des normes comptables différentes des entreprises. Le rôle du commissaire aux comptes n’est pas d’aller chercher les fraudes. Il ne s’immisce pas dans la gestion et ne s’intéresse pas à la stratégie de l’entreprise. Sa mission légale est de donner une assurance raisonnable qu’il n’y a pas d’anomalie significative ni d’informations inexactes dans les comptes. Si vous souhaitez qu’il fasse autre chose, il faut changer la loi.

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