Intervention de Olivier Paccaud

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 29 mars 2022 à 15h35
Réalité de la mise en œuvre du plan de relance en faveur des patrimoines – présentation du rapport d'information

Photo de Olivier PaccaudOlivier Paccaud :

rapporteur. – Le plan de relance a obéi à des contraintes très particulières quant aux délais de réalisation des chantiers, qui ont lourdement pesé dans sa mise en œuvre. Toutes les opérations qu’il finance doivent être engagées avant la fin de l’année 2022 et achevées avant la fin de l’année 2023, soit dans un délai particulièrement serré.

Cette contrainte de rapidité s’est couplée avec celle de ne pas surcharger excessivement le travail des services déconcentrés afin de garantir l’exécution du plan de relance sans porter atteinte à l’exécution des crédits ordinaires. Les services déconcentrés n’ont en effet bénéficié d’aucun moyen humain pérenne supplémentaire, alors que nous savons tous qu’ils rencontrent déjà des problèmes d’effectifs. Au mieux, certaines régions ont-elles pu bénéficier du concours d’un vacataire, mais la complexité des dossiers nécessitait, de toute façon, des compétences techniques que seuls les personnels en place possédaient.

Ces deux contraintes ont conduit le ministère de la culture à opérer la sélection des opérations dans des délais très brefs – certaines DRAC nous ont même parlé d’un week-end ! – et à retenir essentiellement des chantiers de grande taille, suffisamment matures pour être lancés rapidement.

Dans ces conditions, aucune concertation préalable n’a évidemment été organisée au niveau local et les communes rurales se sont retrouvées, de facto, les grandes oubliées de ce plan. Pour satisfaire l’objectif de renforcer l’attractivité des territoires, c’est surtout le patrimoine des villes moyennes qui a profité des crédits du plan de relance.

Ces constats ne sont pas nouveaux, mais il semble que le plan de relance, par sa cadence et ses différentes contraintes, a clairement fait ressortir certains biais et certains dysfonctionnements de la politique de l’État en matière de patrimoine.

Une fois encore, l’État n’a pas cherché à co-construire avec les collectivités territoriales, alors qu’elles devraient pourtant être ses partenaires dans ce domaine.

Une fois encore, le déficit d’ingénierie des collectivités territoriales et des propriétaires privés, et les carences en matière d’assistance à la maîtrise d’ouvrage ont conduit l’État à privilégier les opérations portant sur les monuments qui lui appartiennent.

Nous avons pu mesurer les difficultés rencontrées par les services en charge du patrimoine dans les DRAC en raison de leurs problèmes d’effectifs. Certains sont proches de la rupture. Le manque d’ingénieurs et de techniciens fait peser de plus en plus de menaces sur leur capacité à continuer de remplir correctement leur mission de contrôle scientifique et technique.

Dans ce contexte, il faut saluer leur investissement pour garantir le bon déploiement du plan de relance. Leurs efforts n’ont cependant pas empêché la survenance de plusieurs difficultés inhérentes aux chantiers patrimoniaux – marchés infructueux ou retards de chantiers. Une dizaine d’opérations ont été retirées du plan de relance par rapport à la programmation initiale, soit pour des retards qui ne permettaient pas de tenir les délais, soit pour des dépassements de coûts trop importants.

Si la mise en œuvre du plan de relance a tenu un bon rythme jusqu’à présent, les tensions sur les prix des chantiers constatées depuis quelques mois pourraient rendre son exécution plus délicate dans les mois à venir.

Outre les retards de chantiers qui pourraient en découler, des inquiétudes se font jour autour du financement des quelques opérations qui n’ont pas encore été lancées.

De manière plus générale, les tensions sur les prix suscitent l’inquiétude des acteurs du patrimoine face aux effets négatifs qu’elles pourraient avoir sur la mise en œuvre des programmes de chantiers. Beaucoup de propriétaires publics et privés pourraient être tentés de décaler les opérations dans l’attente d’une baisse des prix.

À quelques mois de la fin du plan de relance, beaucoup d’acteurs du patrimoine se projettent déjà dans l’après et craignent de voir, en 2023, les crédits ordinaires baisser de manière brutale. Comme vous le savez, la protection du patrimoine est peu compatible avec un financement par à-coups. La formation des professionnels de la restauration prend une dizaine d’années. Les bénéfices du plan de relance sur la filière de la restauration du patrimoine seraient aussitôt annulés.

Nous pensons qu’il serait justifié de réévaluer, dès 2023, la dotation annuelle de l’État au patrimoine monumental et d’accroître son effort en matière d’entretien des monuments historiques, afin d’enrayer la dégradation de l’état général des monuments par une vraie politique préventive. Le plan de relance nous a apporté la preuve de la sous-dotation, d’ordinaire, de la protection du patrimoine. Les besoins en matière de restauration nécessiteraient des budgets annuels plus élevés et les entreprises ont démontré, depuis un an, qu’elles sont en mesure d’absorber plus de 450 millions d’euros de crédits.

Nous sommes convaincus que la protection du patrimoine n’est pas un enjeu accessoire. Elle n’est ni un obstacle ni un coût, mais un formidable atout pour le développement économique local, la cohésion sociale et la qualité du cadre de vie. Elle peut même être l’étincelle déclenchant un cercle vertueux.

L’entretien et la restauration du patrimoine ne sont qu’un des volets de sa bonne préservation. Les politiques menées dans le domaine du patrimoine doivent également s’attacher à mieux définir la fonction que les édifices patrimoniaux doivent occuper dans la cité. Leur entretien et leur restauration ne seront que facilités s’ils jouent un rôle au quotidien en matière culturelle et sociale – Anne Ventalon et Pierre Ouzoulias réfléchissent à cette question dans le cadre de leur mission sur l’état du patrimoine religieux.

J’en viens maintenant à nos propositions, dont la première concerne la mise en œuvre du plan de relance en tant que tel. J’ai évoqué tout à l’heure les inquiétudes sur le financement des opérations qui n’ont pas encore été lancées compte tenu des tensions actuelles sur les prix des chantiers. Il serait dommage que des opérations soient abandonnées ou qu’il soit fait appel aux crédits ordinaires pour compléter le financement si jamais le prix de ces opérations dépassait les prévisions initiales. En effet, il est arrivé que certaines opérations lancées dans les premiers mois du plan de relance coûtent moins cher que les estimations. Il reste donc des crédits non consommés.

L’objectif de cette proposition est de donner un peu de souplesse aux DRAC dans le redéploiement des crédits. Jusqu’ici, elles ne sont autorisées à redéployer les crédits que si la nouvelle opération relève de la même enveloppe. Pour des questions d’efficacité, nous recommandons que cet impératif soit levé, les règles budgétaires ne faisant de toute façon pas obstacle à la fongibilité des crédits relevant de ces différentes enveloppes.

J’en viens à notre deuxième proposition. Il s’agit de demander au Gouvernement de renforcer, dès l’année prochaine, les effectifs des services en charge du patrimoine au sein des DRAC. C’est là un enjeu majeur pour permettre aux acteurs de la Conservation régionale des monuments historiques (CRMH) et des Unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP) d’être plus présents sur le terrain, de mener à bien leurs missions régaliennes, et d’être davantage disponibles pour dialoguer avec les collectivités.

Enfin, notre troisième proposition, c’est de renforcer le niveau des crédits destinés à l’entretien des monuments historiques. Les crédits d’entretien sont notoirement insuffisants : 49 millions d’euros sont inscrits en 2022, soit 7 millions d’euros de moins qu’il y a dix ans ! La fin du plan de relance est une excellente occasion de se lancer dans cette culture de l’entretien qui nous fait défaut.

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