Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Jean-Christophe Combe, directeur général de la Croix-Rouge française, et François de Jouvenel, délégué général de l'association Futuribles, sur le rapport intitulé « Anticiper 2030 - Crises, transformations et résilience », qu'ils ont présenté en décembre dernier.
Ce que vous nous dites, en substance, c'est que nous sommes entrés dans l'ère des crises écosystémiques : on ne peut plus regarder chaque crise isolément - une épidémie ici, une famine là-bas, un séisme aujourd'hui, une crise migratoire demain - et on ne peut pas non plus séparer ces crises des grandes tendances de fond, qu'il s'agisse du changement climatique, du vieillissement de la population ou des évolutions technologiques. Ces crises écosystémiques vont se multiplier et auront pour conséquence une hausse de la précarité, de la vulnérabilité, des inégalités, de l'isolement social, du fossé entre générations. Nous devons nous y préparer. À cet égard, la Croix-Rouge est en première ligne.
Votre rapport a été présenté voilà quatre mois, alors que la situation sanitaire s'améliorait. À ce moment-là, qui aurait parié que la prochaine crise majeure, parmi toutes celles qui étaient possibles, prendrait la forme d'un retour de la guerre « traditionnelle », d'un conflit de haute intensité aux portes de l'Europe ? Pourtant, c'est bien sur un champ de bataille, celui de Solférino en 1859, qu'est née l'idée de la Croix-Rouge. La crise russo-ukrainienne n'est pas seulement un rappel du passé : elle est aussi un appel à préparer le futur, tous les futurs, car on ne sait jamais de quoi la prochaine crise sera faite.
Celle-ci, en tout cas, a déjà de multiples répercussions, y compris en France. Vous nous direz ce qu'elle change à vos anticipations - je pense par exemple aux enjeux de dépendance et de précarité énergétiques, à l'accueil des migrants et des réfugiés, ou encore à la lutte contre la désinformation. Mais ce matin, vous nous direz aussi - et peut-être surtout - ce que cette nouvelle crise ne change pas. Au-delà de la succession des événements qui font l'actualité, alors que chaque crise chasse la précédente et monopolise toute notre attention, de profondes transformations économiques et sociales sont à l'oeuvre dans nos sociétés.
C'est ici que la démarche prospective est d'un grand secours : en distinguant l'urgent de l'essentiel, en cherchant dans les signaux faibles d'aujourd'hui les tendances de demain et d'après-demain, elle met - pour citer votre rapport - « l'anticipation au service de l'action ». Voilà qui résume bien le sens de votre travail, qui associe un cercle de réflexion comme Futuribles et un acteur de terrain comme la Croix-Rouge.
Au fond, l'anticipation au service de l'action, n'est-ce pas aussi ce que fait la délégation à la prospective, au service de l'action législative et de l'action publique ?
Je vous laisse la parole pour un propos liminaire, puis nos collègues présents ce matin et connectés à distance vous interrogeront et nous pourrons ouvrir le débat.