Je veux apporter une clarification à ce que j'ai voulu dire par « droit constant » ou presque. Nous n'avons pas travaillé sur le fond de la politique de l'immigration. Nous n'avons pas travaillé, par exemple, sur les conditions d'une immigration régulière, sur les obligations qui incombent à l'étranger arrivant sur le territoire, etc.
Cela ne signifie pas qu'il n'y a pas besoin de modifications législatives : ne serait-ce que sur l'instruction « à 360° », nous avons besoin d'une base légale pour pouvoir opposer l'irrecevabilité aux demandes ultérieures - elle n'existe pas aujourd'hui.
Les dispositions de l'article 37-1 de la Constitution permettent l'expérimentation de dispositifs pour un objet et une durée limités, comme une éventuelle instruction à 360° qui conduirait à interdire aux étrangers de déposer une nouvelle demande en l'absence d'éléments nouveaux. Cependant, si cette expérimentation se révélait concluante, il faudrait naturellement légiférer à nouveau pour la généraliser.
Il faudra également un texte de loi pour engager la réforme du contentieux qui est proposée dans le rapport du Conseil d'État.
J'ajoute que l'ANEF ne supprime pas les passages en préfecture : elle les réduit. Il y a un vrai problème d'accessibilité du système numérique pour une partie des demandeurs. Il faut qu'ils puissent bénéficier d'une alternative pratique.
Monsieur Leconte, il est vrai que notre pays émet beaucoup d'obligations de quitter le territoire, probablement plus que les autres États membres. Toujours est-il que, en 2012, on exécutait un peu plus de 22 % des OQTF. Dix ans plus tard, ce taux est de 5,7 % ! Si cela peut s'expliquer, la chute reste néanmoins vertigineuse.
André Reichardt évoquait la question des raisons de ces nombreuses demandes d'asile. Ces raisons, nous les connaissons tous : c'est en grande partie le fait des réseaux, qui incitent les gens à venir sur le territoire et à déposer une demande d'asile pour être autorisés à rester sur le territoire national et percevoir l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). On leur explique que les procédures sont longues et que, s'ils sont déboutés, ils pourront faire une demande à un autre titre, puis à un autre... jusqu'au moment où ils seront installés depuis plus de cinq ans et pourront demander l'application de la circulaire de Manuel Valls pour bénéficier de l'admission exceptionnelle au séjour.
En réalité, le niveau de protection accordé est à peu près constant. Il est passé de 17 000 ou 19 000 dans les années 2010 - je vous parle de mémoire - à environ 25 000 au moment de la crise en Syrie. Il a ensuite augmenté un peu. Il a atteint quelque 33 000 en 2020, mais il y avait eu 130 000 demandes en 2019, et aux alentours de 96 000 en 2020.
Lors de précédents débats législatifs, nous avions proposé qu'une demande d'asile rejetée vaille obligation de quitter le territoire national. Je me souviens que cela avait créé quelque polémique. Néanmoins, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'intérieur, avait essayé de trouver une solution procédurale. Aujourd'hui, le Président de la République dit que c'est ce qu'il faut faire, et je pense que l'on ne peut qu'être d'accord. Il faut bien savoir, à un moment, envoyer des messages. Il me semble que la contrepartie de cette rigueur sur le fond est que l'on fiche la paix, si vous me permettez l'expression, à l'étranger qui est régulièrement sur le territoire et qui a respecté les conditions posées.
Cela dit, nous ne sommes pas entrés dans ce débat : ce n'était pas le but de la mission.