Intervention de Françoise Gatel

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 10 mai 2022 à 15h30
Bilan annuel de l'application des lois — Communication

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel, rapporteure de la loi ratifiant les ordonnances des 20 et 27 janvier 2021 portant réforme de la formation des élus locaux :

La loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, dite « Engagement et proximité », comportait une habilitation du Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances visant à renforcer le droit à la formation des élus locaux, que je sais cher au coeur de Jean-Pierre Sueur et de Jacqueline Gourault. Pour mémoire, chers collègues, le système de formation des élus locaux s'articule autour de deux dispositifs : l'obligation faite à toutes les collectivités de faire figurer à leur budget une dépense de formation d'un montant de 2 à 20 % des indemnités des élus ; le droit individuel à la formation des élus (DIFE), droit ouvert aux 510 000 élus locaux, financé par une cotisation obligatoire prélevée sur les indemnités elles-mêmes - que la grande majorité d'entre eux ne perçoivent pas.

L'examen du projet de loi de ratification de ces ordonnances par le Sénat a permis d'enrichir considérablement le dispositif, que l'Assemblée nationale a voté conforme. S'il est en grande partie applicable, trois mesures d'application restent à prendre. En premier lieu, le décret en Conseil d'État fixant les modalités d'adoption des mesures prises par le ministre chargé des collectivités territoriales nécessaires au rétablissement de l'équilibre financier du fonds DIFE, prévu à l'article 8 de la loi, n'a toujours pas été pris. Ce point avait constitué un point d'attention particulier pour notre commission et notre assemblée, qui souhaitaient, par l'association du conseil national de la formation des élus locaux (CNFEL) à cette procédure, s'assurer qu'en cas de déséquilibre du fonds DIFE, le retour à l'équilibre financier ne s'opèrerait pas au détriment des droits des élus locaux. Le déficit a en effet atteint 12 millions d'euros en 2019, avant de s'élever à 25 millions d'euros en 2020, mais le Gouvernement a annoncé un retour à l'équilibre en 2025.

Autre mesure manquante, le décret relatif à l'information annuelle des élus locaux sur l'existence de leur compte DIFE, prévu à l'article 9 de la loi. Plus précisément, une disposition réglementaire a certes été prévue, mais elle ne consiste qu'à renvoyer les modalités concrètes de cette information à la convention triennale d'objectifs et de performance entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations, laquelle gère le DIFE. Or le marché de la formation peut s'avérer prédateur et il importe que les élus locaux bénéficient dans ce cadre de la meilleure information possible.

En dernier lieu, je note que le décret définissant le contenu et les modalités d'inscription à des modules de formations élémentaires, proposées aux élus en début de mandat et particulièrement nécessaires à l'exercice de celui-ci, n'a pas été publié. Je le déplore, ce point ayant également constitué l'un des sujets que j'avais particulièrement portés. Sur 510 000 élus locaux éligibles, seuls 8 000 en 2019 et 13 000 en 2020, soit moins de 3 % avaient suivi des formations mais les tarifs peuvent être très élevés, certaines formations ayant affiché par le passé un prix de journée dépassant le millier d'euros. Nous sommes en 2022 : les « nouveaux » élus ne le sont plus et ont dû se débrouiller sans ce kit de survie... Mais il ne faudrait pas pour autant attendre 2026 pour le publier.

Enfin, dans un monde de la formation manquant de transparence, nous avions voulu être particulièrement vigilants sur la question de la sous-traitance. Nous avions donc prêté une attention particulière aux dispositions en la matière, afin d'éviter un contournement par la sous-traitance des nouvelles obligations imposées aux organismes de formation, caractéristique du cadre législatif et réglementaire antérieur, qui permettait à de grosses structures dites « porte-avions » de sous-traiter parfois en deuxième ou troisième rang des prestations à des acteurs dont les qualifications n'avaient pas été vérifiées. Cela méritait un encadrement plus serré. Nous avions donc interdit la sous-traitance de second rang et plafonné le recours à la sous-traitance pour une prestation à un montant de 20 % des frais pédagogiques associés à cette formation.

Toutefois, un nouvel arrêté pris le 24 février 2022 rehausse ce plafond à 45 % des frais pédagogiques. C'est que les associations départementales de maires, habilitées en tant qu'organismes de formation, ont régulièrement besoin de recourir à d'autres organismes de formation. Si cette évolution est donc compréhensible, nous souhaitons attirer votre attention sur ce pourcentage important, qui doit être surveillé : un rehaussement excessif de ce plafond dévitaliserait le dispositif et pourrait s'avérer contraire à l'intention du législateur. Nous avons donc besoin d'une évaluation régulière - tant quantitative que qualitative - des effets de cette loi si importante pour les droits des élus, dans l'ensemble de ces aspects, par le Gouvernement.

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