Je vous remercie pour votre invitation. Il est toujours appréciable que la représentation nationale s'intéresse aux territoires, et je sais que le Sénat y attache une importance particulière.
L'Eure-et-Loir est un département très peu peuplé - vous connaissez peut-être la Beauce et ses grandes plaines... Mais le problème du vieillissement y est caractérisé : sur 430 000 habitants, 114 800 ont plus de 60 ans et 41 200 plus de 75 ans. Nos 43 Ehpad hébergent 4 186 personnes, dont environ les deux tiers à l'aide sociale.
Notre maillage territorial des Ehpad, calqué sur la carte des anciens cantons, est le fruit de la vision humaniste d'un de mes prédécesseurs, votre ancien collègue Martial Taugourdeau.
Sur ces établissements, 32 sont habilités à l'aide sociale, un est associatif et 10 sont privés à but lucratif, dont un seul du groupe Orpea. Ce groupe a vendu un autre établissement, qui n'était pas en milieu urbain. De fait, les groupes privés s'intéressent d'abord aux villes et, sans les collectivités territoriales, il n'y aurait plus rien à la campagne.
Si je voulais faire sourire M. Siffredi, je dirais que le budget social de son département est supérieur au budget total du mien... Sur un peu plus de 500 millions d'euros, nous consacrons 50 millions d'euros aux personnes âgées, dont 10 millions d'euros pour l'aide sociale à l'hébergement et 16,5 millions d'euros pour l'APA.
Le prix de journée moyen est de 58 euros. Dans les Hauts-de-Seine, pas sûr qu'un Ehpad privé fasse son beurre à ce tarif...
Dans une société où l'individualisme est grandissant, les valeurs familiales se délitent. La société évolue, la solidarité aussi. Depuis neuf mois que je suis président, je considère la solidarité envers les aînés comme une nécessité absolue, un devoir moral et une priorité. Nous le devons aussi aux familles - quand elles existent.
Dans cet esprit, j'ai lancé un plan pour le bien-vieillir, destiné principalement au milieu rural.
Il s'agit notamment de favoriser de nouvelles formes d'habitat, intermédiaires entre l'habitation historique et l'Ehpad, où l'on entre de plus en plus vieux et de plus en plus dépendant. Nous devons traiter la période de transition pendant laquelle les personnes, sans subir une perte majeure d'autonomie, ne peuvent plus rester à leur domicile.
L'Ehpad doit devenir une plateforme de services de proximité. Il faut aussi des plateformes pour l'aide à domicile.
Seulement voilà : comme il a déjà été souligné, nous manquons cruellement de personnel dans les établissements médico-sociaux, mais aussi dans les associations et les sociétés d'aide à domicile.
Si nous ne faisons pas un effort en matière de formation, d'attractivité, de rémunération et de conditions de travail, nous n'y arriverons pas. Car le pire est à venir en matière de vieillissement et de dépendance.
J'en viens à la question des contrôles. Un Ehpad d'Eure-et-Loir, qui a été repris par Orpea, est cité dans le livre Les Fossoyeurs. Depuis 2018, le conseil départemental a lancé un contrôle systématique de tous les Ehpad. Il n'en est pas ressorti de problème majeur dans la gestion de la dépendance. J'ai demandé à ce qu'on poursuive cet effort, y compris pour ce qui concerne les établissements accueillant des personnes handicapées et les établissements accueillant des enfants de l'aide sociale.
En effet, ce que vous avez pu lire dans « Les Fossoyeurs », vous pourriez également le lire pour ce qui concerne des établissements de l'aide sociale à l'enfance (ASE). En tant que présidents de département, nous pourrions avoir honte de placer des enfants dans certains établissements.