Intervention de Claude Raynal

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 mai 2022 à 9h30
Compte rendu de la conférence interparlementaire des 15 et 16 mars 2022 à bruxelles

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

président. – Les 15 et 16 mars derniers, une délégation de la commission des finances du Sénat s’est rendue à Bruxelles pour assister à la Conférence interparlementaire semestrielle dite « article 13 », dans le cadre de la semaine parlementaire européenne du Parlement européen. Pour mémoire, l’article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) prévoit le principe d’une conférence réunissant le « Parlement européen et les commissions concernées des parlements nationaux afin de débattre des politiques budgétaires ».

Ce rendez-vous semestriel nous donne l’occasion d’échanger avec nos collègues des parlements nationaux de l’ensemble des États membres de l’Union européenne sur les enjeux budgétaires, économiques et financiers de l’Union. La commission des finances y représente donc le Sénat. Notre délégation était composée de moi-même, du rapporteur général, Jean-François Husson, de Jean-François Rapin, par ailleurs président de la commission des Affaires européennes, et de Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial en charge des sujets européens. Nous avons assisté avec plaisir à ces échanges, pour la première fois en présentiel depuis le début de la crise sanitaire.

En raison de la présidence du Conseil de l’Union européenne qu’assure actuellement la France, le Sénat et l’Assemblée nationale ont été plus particulièrement impliqués dans l’organisation de cette édition. Trois sessions de débats se sont succédé, autour des thèmes suivants : les ressources propres de l’Union européenne, la réforme du pacte de stabilité et de croissance et, enfin, la mise en œuvre de la « facilité pour la reprise et la résilience », c’est-à-dire le principal dispositif du plan de relance européen.

Les conséquences de la crise sanitaire, mais aussi les effets de la crise ukrainienne sur le budget de l’Union européenne ont été au centre de nos échanges. Ces événements très différents interrogent de la même façon les capacités de mobilisation de l’Union européenne, aux côtés des États membres. À cet égard, les discours d’ouverture ont témoigné des liens entre les enjeux de coopération économique et la crise ukrainienne. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a ainsi rappelé que les initiatives de la Commission en faveur de la transition énergétique, en particulier le pacte vert européen, visaient à rendre l’Union plus autonome, notamment vis-à-vis de la Russie. Après la crise sanitaire, qui a débouché sur un accord entre les États membres autour d’un plan de relance commun, la crise ukrainienne pourrait constituer un accélérateur pour faire évoluer l’Union, tant en matière énergétique que sur la question du financement d’investissements en matière de défense.

Le débat budgétaire ancien sur les ressources propres de l’Union européenne s’est posé avec une acuité renouvelée, compte tenu de l’échéance du remboursement, à compter de 2028, du plan de relance européen. Les États membres se sont entendus, en juillet 2020, sur la nécessité d’introduire de nouvelles ressources propres dont les recettes seraient consacrées à ce remboursement tandis que la Commission européenne a présenté, à la fin du mois de décembre 2021, plusieurs propositions en ce sens. À défaut de nouvelles ressources, les contributions nationales seront augmentées au prorata de la part de chaque État membre dans le revenu de l’Union européenne.

Dans ce contexte, trois visions ont été exposées lors de nos échanges.

La première est celle du volontarisme. M. Koopman, directeur général du budget de la Commission européenne, a ainsi rappelé que le remboursement de la dette contractée en commun ne pouvait être évité. Cette position ne vise pas seulement à éviter d’augmenter les contributions nationales : il s’agit également de doter l’Union de recettes supplémentaires lui permettant de faire face aux crises à venir. Par conséquent, plusieurs interventions ont appelé à une accélération des négociations, notamment sur l’application par les États membres de l’accord obtenu à l’OCDE il y a quelques mois sur la taxation des multinationales.

La deuxième position, complémentaire à la première, vise à rappeler que l’introduction de nouvelles ressources propres était déjà nécessaire avant les crises sanitaire et ukrainienne. Dans son intervention, Alain Lamassoure, ancien ministre et ancien président de la commission des budgets du Parlement européen, a insisté sur le caractère peu lisible et injuste du système de ressources propres de l’Union. Appelant à sa refonte globale, il a également insisté sur le besoin de doter l’Union européenne de recettes à la hauteur des ambitions qui lui sont conférées et qui soient de nature à répondre aux attentes élevées de nos concitoyens. Dans cette perspective, le remboursement du plan de relance est davantage un aiguillon pour accélérer l’évolution des ressources propres qu’un motif en soi.

Enfin, la dernière position exprimée est empreinte d’une certaine prudence. Plusieurs parlementaires nationaux, notamment allemands et français, ont tempéré l’enthousiasme de la Commission. Ainsi, une députée du Bundestag a souligné que les finances publiques des États membres étaient déjà très contraintes et que, dans ce contexte, il apparaissait difficile de créer de nouvelles ressources, qu’il s’agisse d’un accroissement des contributions nationales ou d’un transfert de fiscalité. Une députée européenne a estimé pour sa part qu’une mobilisation budgétaire accrue de l’Union n’était pas un gage d’efficacité de la dépense publique.

De façon plus modérée, les parlementaires français ont exprimé des réserves, notamment sur le calendrier d’entrée en vigueur de nouvelles ressources propres d’ici 2023, compte tenu des nombreux points sur lesquels les États membres doivent encore s’entendre. Notre collègue Jean-François Rapin a insisté sur le fait que les nouvelles ressources propres devaient en priorité être affectées au remboursement du plan de relance, alors que certaines voix au Parlement européen se sont exprimées en faveur d’une utilisation de ces recettes à d’autres fins. Notre collègue Jean-Marie Mizzon avait également fait part de ses inquiétudes sur l’utilisation future de ces nouvelles ressources lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022.

La deuxième session a porté sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance. Nous nous situons en ce moment dans une sorte de « moratoire », dans la mesure où l’application des obligations prévues par le pacte en matière de déficit et d’endettement publics demeure suspendue depuis le mois de mars 2020. À ce jour, il est envisagé de réactiver les règles et instruments prévus par le pacte d’ici à 2023, en tenant compte de la crise liée à la covid-19 bien sûr, mais aussi désormais des effets attendus sur nos économies du conflit en cours en Ukraine et des sanctions imposées à la Russie.

Pour ma part, j’ai rappelé en introduction des débats que nos règles budgétaires me paraissaient devoir être pensées pour s’appliquer dans le temps long, en entendant notamment les appels lancés par plusieurs économistes en faveur d’un traitement préférentiel des dépenses favorables à la transition énergétique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion