Intervention de Claude Raynal

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 mai 2022 à 9h30
Déplacement d'une délégation du bureau aux états-unis — Communication

Photo de Claude RaynalClaude Raynal :

président. – Une délégation du bureau, composée de moi-même et du rapporteur général Jean-François Husson, ainsi que des vice-présidents Emmanuel Capus, Vincent Éblé, Christine Lavarde, et Didier Rambaud, s’est rendue à Washington et à New York du 21 au 25 mars derniers.

Nous avons pu rencontrer à Washington des représentants du département du Trésor, un sénateur républicain et les services du Congrès, des interlocuteurs du Fonds monétaire international (FMI), les régulateurs des marchés financiers, ainsi que des économistes et des membres de think tanks. À New York, nous avons rendu visite au New York Stock Exchange (NYSE) et nous avons eu des entretiens avec des représentants des milieux financiers – banques, acteurs du capital-investissement, gestionnaire d’actifs. Nous avons bien évidemment rencontré notre ambassadeur aux États-Unis, mais aussi notre ambassadeur auprès des Nations unies et le consul général de France à New York.

Au cours de notre déplacement, nous avons d’abord évoqué la situation économique des États-Unis, et les principaux projets de l’administration fédérale en matière budgétaire et fiscale.

Comme vous le savez, à la suite de la pandémie de Covid-19, les États-Unis ont connu une succession de plans de soutien très largement dotés. L’American Rescue Plan a été adopté en mars 2021 juste après l’entrée en fonction du Président Joe Biden, en vue de soutenir directement le revenu des ménages et de financer la lutte contre la pandémie à hauteur de 1 900 milliards de dollars. C’est un fait inouï aux États-Unis, où il n’y a pas de stabilisateurs automatiques – il faut donc les créer de toutes pièces. On n’est pas loin de l’argent-hélicoptère. Ce plan prenait la suite de mesures déjà votées en mars et décembre 2020 sous la présidence de Donald Trump ; il renforçait les mécanismes d’assurance chômage, comprenait des aides en faveur des familles, augmentait les remboursements du système de santé et accélérait les plans de vaccination.

Un projet de loi relatif au développement des infrastructures a ensuite été adopté au Sénat en juillet 2021 et par la Chambre en novembre de la même année, portant sur des investissements de 1 200 milliards de dollars sur dix ans, dont 500 milliards de nouveaux projets. La loi budgétaire pour 2022, qui prend en compte ces investissements, a été votée tardivement, juste avant notre déplacement, donc en mars 2022.

La nécessité d’investir dans les infrastructures a fait consensus entre démocrates et républicains, notamment pour le développement du réseau internet, mais aussi la rénovation et le développement des routes, ponts, ports ou aéroports et quelques grands projets ferroviaires. Cependant, ce plan infrastructures a été pensé comme un budget de rattrapage et non comme un plan de relance sur le plus long terme, qui prendrait par exemple en compte des objectifs de transition climatique. Ces orientations sont comprises dans le plan plus ambitieux Build Back Better – reconstruire en mieux – dont l’adoption est bloquée au Congrès.

Ce plan de 1 750 milliards d’euros sur dix ans comprend un volet relatif à l’emploi et un autre relatif aux infrastructures, avec des objectifs en termes de limitation des émissions de gaz à effet de serre, et des mesures pour le développement de la recherche. Il comporte également des projets en matière de politique familiale, de santé et d’éducation. Ce plan est pour le moment bloqué faute de majorité pour l’adopter.

En effet, si tous nos interlocuteurs ont salué les mesures de soutien à l’économie pendant la période 2020-2021, les élus républicains considèrent – selon le sénateur que nous avons rencontré – que les démocrates ont fait de la pandémie « une occasion pour augmenter le budget fédéral et changer le rôle du Gouvernement fédéral » et s’opposent donc à de nouvelles dépenses, en particulier dans le domaine social – vous connaissez l’opposition entre les deux partis sur cette question. Or les démocrates disposent d’une majorité très ténue au Congrès : 222 sièges à la Chambre des représentants alors qu’il faut 218 sièges pour la majorité, et surtout 50 sièges au Sénat, soit une égalité parfaite avec les républicains, compte non tenu de la prépondérance de la voix de la présidente. Les sénateurs républicains peuvent de surcroît utiliser des techniques procédurales pour bloquer certaines réformes, comme le filibuster qui permet de faire obstruction au passage d’un texte de loi sous réserve d’un vote à une majorité qualifiée de 60 voix.

Tous les observateurs s’accordent cependant sur la nécessité, pour les démocrates, d’avancer sur les réformes d’ici aux prochaines élections de novembre, où ils pourraient perdre la majorité à la Chambre des représentants. Un tiers du Sénat sera reconstitué en novembre, avec également des risques importants pour la majorité démocrate actuelle, même si quatorze sièges démocrates seulement sont en jeu contre vingt pour les républicains. Le parti démocrate connaît par ailleurs des défections sur des votes majeurs : l’opposition du sénateur de Virginie-Occidentale Jo Manchin – très célèbre aux États-Unis ; un seul sénateur peut bloquer toute la machine : on en rêve ! Ce sénateur démocrate – mais républicain dans l’âme – a fait échouer l’adoption du plan Build Back Better au Sénat ; quant à la sénatrice démocrate de l’Arizona Kyrsten Sinema, elle a voté à plusieurs reprises contre des propositions de son parti.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion