Je ne puis qu'appuyer le témoignage de notre collègue sur l'émotion ressentie devant ces cohortes de malheureux, très dignes, portant dans des sacs en plastique toute leur vie passée, derrière lesquels on distinguait la fumée des bombardements.
Les Roumains font montre d'une efficacité et d'une humanité exceptionnelles. Les réfugiés sont orientés vers des installations sanitaires, avant d'être répartis en fonction de leur destination. Même les animaux domestiques sont accueillis, ce qui est fort touchant.
Notre collègue Marie-Arlette Carlotti ne parvenant pas à nous rejoindre par visioconférence, je vais vous donner lecture de son intervention.
Devant tant de dénuement et de malheur, on ne peut qu'être frappé par l'humanité et la bienveillance qui s'expriment dans la manière dont sont accueillies les personnes qui fuient la guerre.
Je pense, bien sûr, aux corps traditionnels de l'État : pompiers, douaniers, police. Tous oeuvrent à un accueil professionnel, ordonné et concerté avec les nombreuses ONG présentes.
Il y a d'abord les premiers gestes : de l'eau et quelques fruits offerts, puis un premier recensement des personnes débarquées du bac pour comprendre si elles ont un point de chute possible ou des attaches, en Roumanie ou ailleurs. La première préoccupation de la police est de protéger les mineurs isolés et toutes les personnes en détresse d'éventuels réseaux criminels.
Passé cette première étape administrative, les personnes accèdent à un premier espace de repos où elles peuvent se restaurer et commencer leurs démarches avec l'aide des autorités et des ONG.
La participation directe de la population est frappante. Si le flux s'était ralenti au moment de notre mission, nous avons été informés de la façon dont, au plus fort des arrivées, la population s'est portée à l'appui des services de l'État pour proposer de la nourriture, des objets de première nécessité et parfois un hébergement.
Cet élan de solidarité, nous l'avons parfois ressenti jusque chez nous, tant le drame ukrainien horrifie la conscience européenne.
J'ajoute, à titre personnel, qu'il faut saluer tous nos concitoyens qui se sont mobilisés pour accueillir des réfugiés ukrainiens dans la dignité.
Il me semble, poursuit Mme Carlotti, qu'il y a aussi dans cette solidarité extraordinaire des pays de l'est de l'Europe une dimension politique que, à l'ouest, nous avons sans doute sous-estimée : pour avoir subi, il y a peu encore, la domination russe, l'arbitraire et les violences, ces pays ont un sentiment d'épreuve partagée.
Plus généralement, nos amis de l'est de l'Europe ressentent encore plus vivement que nous qu'il s'agit d'une guerre entre deux mondes de valeur : d'un côté, un monde occidental qui, dans sa diversité et avec ses nombreuses imperfections, repose sur l'État de droit, le respect des droits fondamentaux et une forme de renonciation à la violence comme mode de règlement des conflits ; de l'autre, un monde qui rejette la démocratie, perçue comme faible par nature, et l'État de droit au profit du clientélisme et de la corruption, dans lequel l'individu ne vaut rien et peut être sacrifié sans hésitation.
Dans la solidarité et la bienveillance des voisins directs de l'Ukraine, il y a sans doute la conviction que ce pays se bat au nom de tous ceux qui, en Europe, veulent vivre libres et être maîtres de leur destin. Et aussi la conviction que, si l'Ukraine devait tomber, ils seraient les prochains sur la liste russe...
J'ajoute au propos de notre collègue que la Roumanie demande l'aide des pays européens, singulièrement de la France, pour entrer dans l'espace Schengen. Or notre pays ne se montre pas particulièrement bienveillant, alors que la Roumanie a amplement montré qu'elle est en mesure de prétendre à ce que cette demande soit instruite en accueillant 600 000 réfugiés avec rigueur et humanité. Je vous propose que notre commission appuie l'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen.
De même, la manière dont le ministre délégué aux affaires européennes, Clément Beaune, a répondu à la question de l'entrée de l'Ukraine dans l'Union européenne, en évoquant un délai de 15 à 20 ans, est franchement inacceptable. Il ne s'agit pas de précipiter les échéances, simplement d'enregistrer la candidature de ce pays, dont les autorités ne demandent pas autre chose. Le langage qui a été tenu est totalement déplacé. Nous aurons à en reparler avec la nouvelle ministre de l'Europe et des affaires étrangères.