Intervention de Cédric Perrin

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 4 mai 2022 à 9h30
Audition de M. Joël Barre délégué général pour l'armement

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin, rapporteur pour avis pour le programme 146 « Équipement des forces » :

Les entreprises de la BITD estiment que les formules de révision de prix ne sont pas adaptées à la situation actuelle de forte hausse des prix des matières premières. Au-delà, ce sont d'ailleurs tous les prix des produits, services, notamment des transports, qui augmentent, entraînant des pertes de marge. L'impact de ces augmentations se fait sentir sur les marchés en cours, mais aussi sur ceux qui sont en négociation, pour lesquels la remise d'offres devient un exercice périlleux. Comment cette hausse des coûts est-elle prise en compte dans les formules d'actualisation des prix des contrats en cours ? Ces formules permettent-elles de répercuter l'intégralité ou seulement une partie de cette hausse ? Envisagez-vous d'adapter les formules d'actualisation ?

Enfin, du point de vue des finances publiques, quel sera l'impact des évolutions des prix sur le programme 146 ? Disposez-vous de premières évaluations financières ? Quels grands programmes risqueraient d'être les plus affectés par cette situation ?

La guerre en Ukraine met en évidence les lacunes de nos armées, après trente ans au cours desquels nous avons cru pouvoir profiter des dividendes de la paix. L'agression russe nous confronte brutalement à une réalité oubliée. Certains journalistes estiment que la France est « totalement déconnectée » des besoins d'une telle guerre et évoquent le spectre de 1939.

Sans aller jusque-là, on peut néanmoins s'interroger sur l'opportunité, mais aussi sur la possibilité d'une remontée en puissance plus rapide que celle qui est envisagée dans l'actuelle LPM. Il s'agit de se concentrer sur la constitution de stocks de « consommables », existants ou à acquérir. La commission n'a de cesse de rappeler depuis 2017 l'importance de constituer des stocks de munitions. Je pense ici notamment aux drones, sur l'importance desquels la commission a rédigé plusieurs rapports, sans être entendue malheureusement. Je pense également aux défenses sol-air, aux défenses de proximité du combattant de type Man-Portable Air-Defense Systems (Manpads), ou encore aux véhicules blindés légers (VBL) et même simplement aux camions, dont l'importance dans la logistique n'est plus à démontrer.

Quand les budgets sont limités, la question de l'arbitrage entre masse et technologie se pose nécessairement. Le MMP coûte par exemple environ 200 000 euros - hors poste de tir -, quand son prédécesseur, le Milan, ne coûte qu'une dizaine de milliers d'euros. Certes, ce n'est pas le même produit mais le curseur entre technologie et masse est-il vraiment bien placé ? C'est une question que nous posons depuis longtemps mais qui devient flagrante, notamment au vu de l'actualité en Ukraine.

Par ailleurs, relancer une chaîne de production arrêtée est long et coûteux. Ne faudrait-il pas travailler au long cours sur des cadences permettant de maintenir la pérennité des chaînes de production pour certains équipements particulièrement cruciaux ?

Je pose à présent les questions d'Hélène Conway-Mouret, co-rapportrice du programme 146, qui n'a pu être présente ce jour.

Alors que nous devons accélérer la remontée en puissance face au risque de guerre de haute intensité, des moyens sont prélevés sur nos armées pour satisfaire les contrats export. Pour mémoire, douze Rafale d'occasion sont actuellement prélevés au profit de la Grèce, puis douze autres le seront au cours des prochaines années, au bénéfice de la Croatie. Ces prélèvements correspondent pratiquement à un escadron opérationnel complet. Ces opérations doivent être compensées par l'achat d'appareils neufs. Or, s'agissant du prélèvement croate, la commande annoncée l'an dernier est reportée à 2023. Pour quelles raisons ? Quand seront livrés ces appareils, dont la chaîne de production est très sollicitée par les succès de Dassault Aviation à l'export ?

Certes les appareils neufs seront d'un standard supérieur et les produits de cession doivent permettre une modernisation de la flotte existante. Ces éléments ont déjà été portés à notre connaissance. Toutefois, en attendant, cela ne permet pas de combler le trou capacitaire.

On en revient au dilemme entre la quantité et la qualité. Faut-il, dès lors, prolonger des appareils anciens tels que les Mirage 2000C qui doivent être bientôt retirés du service ? Quelles sont les pistes que vous privilégiez ?

Le contexte actuel ne doit-il pas conduire, sur le plan européen, à une réflexion approfondie sur nos dépendances stratégiques ? La crise du covid-19 avait déjà soulevé ce problème qui n'est donc pas nouveau - mais je ne suis pas certain que nous en ayons tiré des leçons. Où en est-on ? Qu'attendez-vous, dans ce domaine, de la boussole stratégique récemment adoptée au niveau européen ?

Enfin, l'Allemagne a ouvert une enveloppe de 100 milliards d'euros d'achat d'équipements militaires. Nous avons vu dans la presse qu'elle serait largement consacrée à l'acquisition de produits américains. De quelles informations disposez-vous sur l'utilisation de cette enveloppe ? Bénéficiera-t-elle aussi aux programmes européens ?

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