Mes chers collègues, comme chaque année, il me revient de tirer le bilan de l'application des lois entrant dans le champ de compétence de notre commission pour la session 2020-2021.
Au cours de celle-ci, notre commission s'est prononcée sur quinze lois ratifiant des accords internationaux, mais celles-ci n'appellent pas de mesures d'application.
Une importante loi relevant des secteurs de compétence de notre commission a été promulguée : la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (n° 2021-1031 du 4 août 2021 parue au JO n° 180 du 5 août 2021).
Concernant d'abord les mesures législatives d'application, la loi de finances pour 2022 a effectivement créé à cette fin un programme budgétaire « Restitution des biens mal acquis », ce dont nous pouvons nous féliciter.
En revanche, le Gouvernement a supprimé par ordonnance l'affectation de la taxe sur les transactions financières (TTF) au fonds de solidarité pour le développement (FSD), alors même que nous avions fixé un plancher de 528 millions d'euros pour cette affectation ! Il s'avère qu'il s'agit en fait d'une erreur de rédaction dans l'ordonnance et qu'elle doit être prochainement corrigée.
Plusieurs décrets prévus par la loi ont été adoptés : le décret précisant la composition, l'organisation et les modalités de fonctionnement du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (article 7 de la loi) ; les décrets relatifs à la société Expertise France, à l'exception notable du décret nommant le représentant élu des collectivités territoriales et le représentant des organisations de la société civile de solidarité internationale, alors même que cet alinéa (15) a été ajouté à l'initiative du Sénat.
Les décrets suivants n'ont en revanche pas été adoptés au 31 mars 2022 : le décret définissant les catégories d'organisations de la société civile au profit desquelles l'État met en oeuvre un dispositif dédié à des projets de développement en vue de l'octroi, le cas échéant, d'une subvention, prévu à l'article 2 de la loi ; les décrets relatifs à la composition et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement, prévus à l'article 12 de la loi. C'est un sujet que nous suivons évidemment attentivement. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a fait savoir que la mise en place effective de la commission devrait avoir lieu à l'automne 2022.
La loi prévoyait par ailleurs un nombre important de rapports au Parlement.
Il s'agit d'abord de six rapports qui doivent établir un état des lieux dans un délai fixé par la loi. Cinq ont été déposés dans les délais prévus par la loi. Le sixième devra l'être avant le 6 août prochain.
Le rapport prévu à l'article 2 relatif aux différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l'aide publique au développement de la France a été déposé le 9 mars 2022.
Le rapport prévu à l'article 10 sur les coopérations opérationnelles entre l'Agence française de développement et la Caisse des dépôts et consignations, a été déposé le 18 mars 2022.
Le rapport prévu à l'article 15-II présentant une évaluation du dispositif relatif à l'offre d'opérations de banque à des personnes physiques résidant en France par des établissements de crédit ayant leur siège dans un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l'aide publique au développement, a été déposé le 1er mars 2022.
Le rapport prévu à l'article 15-III examinant les modalités de réduction des coûts de transaction des envois de fonds effectués par des personnes résidant en France vers leurs familles dans les pays en développement, a été déposé le 27 octobre 2021.
Le rapport prévu à l'article 17 évaluant les possibilités de dispense de criblage des bénéficiaires finaux de l'aide a été déposé le 14 décembre 2021. Il donne des lignes directrices pour concilier le principe de non-discrimination dans l'attribution de l'aide dans des zones caractérisées par une situation de crise persistante et l'existence de groupes armés, d'une part, et le respect des obligations découlant de l'interdiction de mettre à disposition des ressources économiques à des personnes impliquées dans des activités terroristes, d'autre part. Ces lignes directrices ont été élaborées au terme d'échanges avec notamment les organisations de la société civile ; il faut maintenant en observer la mise en oeuvre.
Le rapport prévu à l'article 16 présentant la stratégie de la France en matière de mobilité internationale en entreprise et en administration n'a pas encore été déposé, mais le délai prévu par la loi, le 6 août 2022, n'est pas expiré.
La loi prévoit également trois rapports au Parlement qui doivent être présentés à échéance régulière et qui ne l'ont pas encore été, sans que les délais soient expirés : un rapport sur la stratégie de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, qui doit être présenté chaque année avant le 1er juin (article 3) ; un rapport sur les experts techniques internationaux français, qui doit être présenté tous les deux ans (article 11) ; un rapport annuel de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement.
Enfin, l'article 13 de la loi habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance concernant toute mesure relevant du domaine de la loi permettant, dans le but de renforcer l'attractivité du territoire français, de définir la nature et les conditions, notamment de délai, et les modalités d'octroi par le Gouvernement des privilèges et immunités nécessaires pour garantir l'indépendance dans l'exercice de leurs fonctions sur le territoire national, dans un délai de douze mois à compter de la publication de la loi. Au 31 mars 2022, le Gouvernement n'a pas usé de cette faculté.
Deux derniers sujets. La mise en oeuvre de la base de données sur le développement prévue par l'article 2 aurait bien avancé ; le délai prévu pour sa mise en oeuvre devrait être tenu. Les données seront consultables sur un site internet dédié, accessible à tous. S'agissant des conseils locaux de développement auprès des ambassadeurs, prévus par le rapport annexé à la loi, plusieurs postes ont déjà tenu leur premier conseil : Cameroun, Liban, Guinée, Sénégal - conseil présidé par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères le 6 décembre 2021 et auquel Rachid Temal était présent -, Maroc, Bénin, Tchad et Maurice.
Concernant la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018 pour les années 2019 à 2025, les mesures d'application ont été intégralement prises.
Quatorze décrets en Conseil d'État, un décret simple, ainsi que deux arrêtés ont été pris pour l'application de la loi de programmation actuelle. Les deux derniers arrêtés attendus, ayant pour objet de définir les moyens techniques d'immobilisation des moyens de transport, selon qu'ils sont à l'usage des militaires déployés sur le territoire ou des militaires chargés de la protection des installations militaires, peuvent être considérés comme adoptés dès lors que l'article 54 de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés modifie l'article L.2338 du code de la défense.
Toutes les ordonnances attendues ont été prises, mais une seule a été ratifiée.
Toujours en ce qui concerne la loi de programmation militaire 2019-2025, la commission a reçu trois rapports : les deux bilans semestriels de l'exécution de la programmation militaire en application de l'article 10, ainsi que, le 14 avril 2022, le bilan annuel opérationnel et financier relatif aux opérations extérieures et missions intérieures en cours en application de l'article 4 daté du 30 juin 2021.
En revanche, le rapport annuel d'activité de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes prévu à l'article 34 de la loi de programmation militaire n'a jamais été déposé au Sénat. Ce rapport devrait rendre compte des conditions d'exercice et des résultats du contrôle exercé par l'Autorité nationale de sécurité des systèmes d'information.
En conclusion, mes chers collègues, pour notre commission, on peut considérer que l'application des lois que nous suivons est globalement satisfaisante sur le plan purement réglementaire.
Reste que le plus important, c'est le respect de la trajectoire financière et la remontée capacitaire, pour laquelle nous nourrissons de vraies inquiétudes. Or les réponses dilatoires du Gouvernement ne sont pas de nature à nous rassurer et doivent nous conduire à la plus grande vigilance.