Intervention de Claude Kern

Commission des affaires européennes — Réunion du 24 mai 2022 : 1ère réunion
Déplacement d'une délégation de la commission des affaires européennes à la frontière ukrainienne du 10 au 13 mai 2022 — Communication

Photo de Claude KernClaude Kern :

Vous avez entendu au début du film le hurlement des sirènes ; c'était un entraînement. Or on voit les Ukrainiens, croyant à une alerte, courir pour se mettre à l'abri. La Pologne et la Slovaquie ont depuis décidé de ne plus faire d'essais de sirènes pour ne plus effrayer les Ukrainiens....

Le Président le disait : nous avons été frappés par la détresse des réfugiés mais aussi par la solidarité qui se manifeste autour d'eux. Nous avons pu visiter plusieurs lieux d'accueil des réfugiés : d'abord, tout près de la gare de Kosice, par laquelle sont arrivés de nombreux Ukrainiens, surtout durant les premières semaines du conflit. C'est d'ailleurs une jeune étudiante ukrainienne, qui fait ses études de médecine en Slovaquie, qui a bien voulu nous présenter ce point d'accueil, activé dès le cinquième jour de la guerre pour proposer les premiers soins aux réfugiés ainsi qu'un hébergement d'urgence, dans l'attente d'un transfert vers d'autres villes ou pays. Actuellement, le lieu n'est pas pris d'assaut comme au plus fort de la crise, mais 200 repas y sont toutefois servis chaque jour gratuitement pour les Ukrainiens alentour, puisque 3 à 4 000 d'entre eux seraient restés vivre dans la ville de Kosice. A proximité, plusieurs blocs containers sont alignés, contenant jusqu'à cinq lits chacun, afin d'augmenter la capacité du point d'accueil en dur, où des sanitaires sont accessibles puisqu'il s'agit d'une piscine municipale. Nous avons pu dialoguer avec un couple d'Ukrainiens venant de Kharkiv, installé dans un de ces blocs avec ses trois enfants en bas âge. Leur situation était évidemment précaire, dans ce logement si exigu, mais ils étaient heureux car le jeune père venait de décrocher un travail correspondant à sa qualification de fabricant de meubles.

Nous avons ensuite visité le centre d'accueil de réfugiés de Sobrance près de la frontière ukrainienne. Il était vide en grande partie, hébergeant au jour de notre visite 300 personnes contre 3 000 au moment le plus critique, mais nous avons pu constater sa bonne organisation, avec des tentes consacrées à l'enregistrement pour l'obtention de la protection temporaire, à l'hébergement, aux jeux des enfants, à l'alimentation, au culte religieux, aux soins médicaux et psychologiques, mais aussi aux soins vétérinaires pour les animaux de compagnie que leurs maîtres ont tenu à emporter dans leur exil. Nous avons retrouvé la même organisation, mais à une échelle bien plus grande, dans le centre d'accueil de Przemysl que nous avons visité le lendemain en Pologne avec le maire de la ville. Il s'agit d'un ancien centre commercial Tesco désaffecté : cet immense local, lui, n'était pas vide mais au contraire très animé par la présence poignante de nombreux réfugiés et volontaires en soutien. Des personnes âgées s'y reposaient dans la pénombre sur des lits de camp alignés à perte de vue, tandis que les nombreux enfants s'affairaient autour de la poupée géante Amal, emblème pour tous les enfants réfugiés de par le monde, qui se déplaçait entourée de musiciens et animait joyeusement les lieux au moment de notre passage.

Nous avons ressenti l'élan de solidarité qui entourait toutes ces personnes contraintes de fuir la guerre : d'une part, au plan humain, la présence de nombreux volontaires locaux mais aussi venus de tous les pays - nous avons d'ailleurs rencontré des pompiers solidaires venus de France -, d'ONG, d'organisations caritatives ou onusiennes ; d'autre part, au plan matériel, les amoncellements de palettes d'aide humanitaire, contenant aliments, produits d'hygiène, vêtements, literie, matériel de puériculture, que des volontaires réceptionnent, déballent, trient, organisent... sans compter l'aide des entreprises et des habitants locaux. Les maires que nous avons rencontrés à Kosice en Slovaquie, mais aussi en Pologne, à Rzeszow ou Przemysl, comme la voïvode des Basses Carpates - l'équivalent du préfet - nous ont tous fait valoir la mobilisation précieuse des populations dans ces deux pays : selon le maire de Przemysl, 95 % des réfugiés sont logés chez l'habitant... Ce chiffre nous a impressionnés, même si, depuis un mois et demi, les particuliers reçoivent une aide mensuelle de l'État de 1 200 euros pour l'accueil d'un réfugié. Cela témoigne de l'immense élan d'accueil qui s'est spontanément levé chez nos concitoyens d'Europe de l'Est, chez qui la mémoire de l'expansionnisme russe reste vive. Seuls de rares cas d'abus par rapport à l'aide humanitaire reçue nous ont été rapportés.

Parmi les soutiens précieux sur lesquels peuvent compter les autorités publiques polonaises, il faut citer l'organisation Caritas : notre entretien avec le prêtre qui dirige le centre situé à Rzeszow nous a permis de mesurer la force de ce réseau caritatif qui organise des convois depuis ses centres en Pologne vers ses centres en Ukraine, ce qui permet d'avoir la certitude qu'ils arrivent à bon port.

Parmi les organisations présentes, j'évoquerai aussi rapidement l'Organisation mondiale de la santé (OMS) dont le représentant français nous a fait mesurer l'état sanitaire très dégradé dans lequel se trouvait l'Ukraine, avant même le début du conflit : nombreux cas de VIH, de tuberculose, de rougeole, épidémie de choléra à Marioupol en 2012, taux de vaccination très bas inférieur à 30 %, ce qui explique l'épidémie de poliomyélite de septembre dernier, abus de l'usage des antibiotiques... La guerre a interrompu les efforts engagés par l'OMS pour améliorer cette situation et les réfugiés ukrainiens nécessitent donc souvent des soins nombreux. À cet égard, la continuité du traitement des pathologies graves est un enjeu redoutable, par exemple pour les enfants cancéreux. L'OMS nous a aussi alertés sur les besoins en cytokines, ces protéines susceptibles de prévenir l'apparition de cancers en cas d'irradiation radioactive, qui pourrait survenir à la suite d'une attaque nucléaire russe à laquelle tous préfèrent se préparer au cas où. Les surstocks stratégiques dont disposent les États européens pourraient utilement être envoyés en Ukraine. En plus de financement et de matériel médical, l'OMS fait aussi valoir des besoins d'équipements de protection individuels en cas d'attaque chimique, et enfin de véhicules blindés - notamment des ambulances.

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