Intervention de Catherine Deroche

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 juin 2022 à 15h35
Audition du dr françois braun chargé d'une mission sur les soins urgents et non programmés

Photo de Catherine DerocheCatherine Deroche :

présidente. – Nous entendons à présent le Dr François Braun, président de SAMU-Urgences de France, chef du service des urgences au centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville et chargé d’une mission d’appui sur l’accès aux soins urgents et non programmés.

Cette audition fait l’objet d’une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat. Je salue nos collègues qui assistent à cette réunion par visioconférence.

Cette mission a été annoncée par le Président de la République le 31 mai 2022 lors d’un déplacement au Centre hospitalier public du Cotentin. Selon le communiqué du ministère, « portée par des professionnels de terrain, elle vise à identifier d’ici le 28 juin de premières solutions opérationnelles pour faciliter l’accès aux soins urgents et non programmés ».

Je crois pouvoir dire que l’annonce de cette mission a surpris, à la fois par son sujet qui semble désormais bien documenté avec des rapports nombreux, dont celui de la commission d’enquête du Sénat, mais aussi par son délai de moins d’un mois qui laisse présager qu’à tout le moins le diagnostic est déjà bien posé.

Notre pays connaît dans le même temps une journée de mobilisation à l’hôpital. Des inquiétudes pèsent très fortement sur la période estivale dans un contexte très difficile pour toute la communauté soignante. Les craintes existent tant à l’hôpital qu’en médecine de ville.

J’ai souhaité vous entendre très rapidement pour que vous nous précisiez les objectifs de cette mission, vos premières orientations et les leviers concrets que vous allez préconiser pour le système de santé, en réponse à la problématique des soins non programmés.

Pourrez-vous nous donner également votre calendrier et votre méthode de travail ?

Dr François Braun, chargé d’une mission sur les soins urgents et non programmés. – Merci, madame la présidente, de me donner l’occasion d’expliquer les objectifs de cette mission auprès de Mme la ministre de la santé.

Le système de santé est en grande difficulté. La crise des urgences n’a pas grand-chose à voir avec les seules urgences, mais bien avec l’ensemble du système de santé. Les urgences sont la partie émergée de l’iceberg, concentrant les difficultés de l’amont, c’est-à-dire de la médecine de ville et de la couverture des soins non programmés, et de l’aval, c’est-à-dire de l’intérieur de l’hôpital : manque de lits, particulièrement en ce moment ; problèmes liés à la permanence des soins à l’hôpital ; problèmes de complémentarité entre ville et hôpital d’une part, et hôpital et clinique d’autre part.

Dans ce contexte, les services d’urgence, en première ligne, sont les premiers à craquer, ou à lancer l’alerte. Sur tout le territoire national, des services en très grande difficulté sont contraints de diminuer leur nombre de lignes de garde, soit par manque de personnel médical ou paramédical, voire de fermer ou de modifier les modalités de service.

Oui, bien sûr, le diagnostic est fait, notamment par le rapport de votre commission. Le rapport du député Thomas Mesnier et du professeur Pierre Carli a mené en 2019, déjà après une grève importante des services d’urgences, la ministre Agnès Buzyn à rédiger le pacte de refondation des urgences. Si le diagnostic mérite d’être affiné après la crise du Covid, puisque des problématiques se sont ajoutées, il est globalement fait. Le traitement est, dans sa grande globalité, également connu puisque toutes les solutions ont été évoquées. Certaines semblent réalistes, d’autres moins.

L’objectif de cette mission est maintenant de rédiger l’ordonnance et de s’assurer que les médicaments soient bien donnés, c’est-à-dire que le ministère s’assure que les textes réglementaires nécessaires soient publiés, mais aussi que le malade puisse prendre ce traitement.

L’objectif est, très rapidement, de dresser la liste de toutes les solutions envisagées. Il faudra les trier, car nous en avons déjà recensé plus de 150, reprenant toutes les demandes des professionnels de santé et des représentants de la Nation. Il faudra ensuite établir des priorités et étudier dans quelle mesure elles sont applicables.

Un exemple : on parle beaucoup de l’accès limité ou régulé aux services d’urgence. C’est une nouveauté qui s’est imposée pour un certain nombre de services. Or cet accès régulé par le service d’aide médicale urgente (SAMU) suppose d’augmenter rapidement le nombre d’assistants de régulation médicale, ce qui est empêché par un texte qui impose leur certification avant décembre 2023. Si l’on ne repousse pas cette date, on ne pourra pas recruter.

Quand l’idée est bonne, nous allons regarder dans le détail ce qu’il faut changer pour qu’elle puisse être mise en application immédiatement.

M. Philippe Mouiller. – Merci, docteur, pour votre présentation. À l’annonce de cette mission, nous avons accueilli très favorablement votre nomination, car vous connaissez le sujet, mais sur le terrain, le ressenti a été catastrophique. Chacun a eu le sentiment que cette mission était avant tout un outil de communication. J’espère que ses conclusions feront mentir ce sentiment.

Il y a urgence pour les urgences. On peut imaginer que cette mission d’un mois a vocation à être très réactive, afin de trouver des solutions pour cet été. Mais de nouveau, on a l’impression que le sujet est traité par le petit bout de la lorgnette. Ne faut-il pas plutôt une loi de refondation de l’organisation de l’hôpital et des urgences en particulier ?

Un problème égale un groupe de travail égale une communication. Si cela se traduit par des outils opérationnels, c’est à saluer, mais si cela se traduit par une liste de détails, cela ne sert pas à grand-chose.

Mme Corinne Imbert. – Je rejoins les propos de Philippe Mouiller quant à votre nomination. Mais avions-nous besoin d’un nouveau rapport ? Vous l’avez dit : le diagnostic est fait, l’ordonnance, presque écrite. Il faudra la bonne infirmière pour donner le bon médicament à la bonne personne, c’est-à-dire l’hôpital.

Il y a eu une grève des urgences, il y a trois ans, au moment des discussions sur le projet de loi sur la santé. Trois ans après, avec, certes, une pandémie, il y a toujours des mouvements de grève dans les services des urgences. Vous l’avez dit, cela va au-delà. Pour que l’hôpital aille bien, il faut que la ville aille bien et inversement.

Que pouvons-nous attendre de votre mission ? Un délai si court doit-il laisser comprendre que les décisions et orientations sont déjà prises ? Votre mission a-t-elle vocation à servir de caution à des mesures difficiles qu’il faudrait présenter comme vos recommandations ?

Doit-on attendre une enveloppe supplémentaire bientôt annoncée par le Gouvernement ? Êtes-vous là pour anticiper la distribution d’une cagnotte exceptionnelle, qui serait certes utile ? Mais d’où viendrait-elle ? Pensez-vous que sortir le chéquier suffira à pallier les besoins immédiats en personnel, alors que les problèmes de recrutement ne sont pas liés qu’aux rémunérations ? Si enveloppe exceptionnelle il y a, comment éviter des effets pervers durables comme dans le cas de l’intérim médical ?

Je suis vraiment désolée de la situation de la médecine en général dans notre pays. Bon courage à vous !

Mme Laurence Cohen. – Je suis assez étonnée, docteur, qu’il y ait une énième mission flash. Je serai moins diplomate que mes collègues. J’étais tout à l’heure devant le ministère de la santé avec le personnel hospitalier très en colère. Cette mission flash est parfaitement inutile. On a le diagnostic, et pas depuis quelques jours ! J’ai participé à la rédaction du rapport d’information du 26 juillet 2017, avec René-Paul Savary et Catherine Génisson, Les urgences hospitalières, miroir des dysfonctionnements de notre système de santé. Il ne s’est rien passé depuis ! Nos préconisations n’ont pas été retenues, même si nous avions été au ministère de la santé, à l’époque.

Quand on a le diagnostic, il faut administrer le remède ! Et très vite. Clemenceau disait : « Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission. » En voilà une nouvelle !

À vos 150 pistes, je vais en ajouter d’autres. Il est vraiment nécessaire de prendre au sérieux les sollicitations du personnel hospitalier qui quitte l’hôpital, car les conditions de travail sont épouvantables. Il faut augmenter les capacités de formation et de recrutement. Que pensez-vous du prérecrutement des internes ? Les internes sont particulièrement mal payés, or s’ils n’étaient pas là, l’hôpital s’effondrerait. Les prendrez-vous mieux en compte ? Réfléchissez-vous à un réel statut pour les praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue) ? Nous avons beaucoup été alertés sur cette question. Envisagez-vous de réintégrer les soignants suspendus ? Les salaires doivent être revalorisés. Nous sommes interpellés sur les tarifs extrêmement bas des gardes de nuit et de week-end. Avez-vous une solution ? Les urgences sont beaucoup mises à contribution. Il faut un moratoire sur les fermetures de lits.

Concernant la médecine de ville, il est nécessaire de revaloriser certains actes, comme ceux des généralistes, ou les visites à domicile. Le décret Mattei a supprimé l’obligation de gardes de nuit et de week-end pour les médecins de ville. Pensez-vous revenir là-dessus pour plus d’égalité avec les médecins hospitaliers ?

M. Alain Milon. – Dr Braun, vous avez dit que le diagnostic était fait et des propositions émises, dont certaines réalistes et d’autres moins réalistes. Vous-même, président de SAMU-Urgences de France, avez émis des propositions dans le cadre de la campagne présidentielle : en aviez-vous des réalistes et des moins réalistes ?

Je veux dire l’incompréhension engendrée par votre nomination et par la date de remise de votre rapport, au 1er juillet. Les services d’urgence devront réagir cet été pour éviter des problèmes majeurs, notamment dans les régions touristiques. Par ailleurs, le problème évoqué par Philippe Mouiller de l’organisation du système de santé ne sera pas résolu cet été. La date du 1er juillet est bien trop tardive. Il aurait été souhaitable que vous remettiez votre rapport le 30 mai.

En tant que président de la fédération hospitalière de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), j’ai réuni la semaine dernière les urgentistes de la région. Nous avons discuté de la situation des services d’urgences des hôpitaux. Nous avons rédigé un communiqué de presse, publié aujourd’hui. Je vous le remettrai : il contient des propositions.

Dr François Braun. – Le problème n’est pas nouveau. Vous ne pouvez pas accuser SAMU-Urgences de France de ne pas le soulever. Depuis 2013, nous alertons sur les problématiques de l’aval des services d’urgences, avec le No Bed Challenge, et des publications scientifiques qui montrent que l’hospitalisation via un service d’urgences tue plus de monde, en France, que les accidents de la route.

Nous essayons d’apporter des solutions et le pacte de refondation des urgences a été l’occasion d’en mettre en place un certain nombre. Ainsi, le service d’accès aux soins est positif.

Le problème est connu et dépasse les urgences, vous l’avez dit. Notre système de santé est à bout de souffle parce qu’il est construit sur l’offre de soins, ce qui fonctionne quand l’offre dépasse les besoins. C’est un système foncièrement basé sur la concurrence. Le langage de l’hôpital-entreprise, c’est de gagner des parts de marché. Le challenge est de basculer vers un système basé sur la réponse aux besoins de santé de la population. Dans ce cas, chacun est complémentaire et non plus concurrent. Les urgences, qui ont pour objet de répondre à un besoin de santé, ne peuvent plus être la roue de secours de tout un système défaillant. Elles doivent se concentrer sur la prise en charge des patients qui l’exigent. Cette prise en charge est ressentie comme étant en danger par les professionnels des urgences. C’est pourquoi, au titre de SAMU-Urgences de France, j’avais interpellé la ministre par courrier, en soulevant ces problèmes et en proposant des solutions.

En effet, monsieur Milon, il y a une temporalité. Nous sommes dans une mission de damage control. Quand un bateau est touché, on le répare au minimum pour qu’il puisse retourner au port et être entièrement réparé. C’est ce que nous prévoyons pour cet été. Ensuite, il faudra une réforme du système de santé. Nous ne formulerons pas de propositions sur ce point, même si, au sein du groupe de travail, composé de deux urgentistes et deux généralistes, nous sommes persuadés qu’il faut aller plus loin.

Les solutions doivent être adaptées aux territoires. La problématique est différente à Cherbourg ou à Metz, où 40 % des postes de praticiens hospitaliers ne sont pas pourvus, et à Toulouse, où les soignants se sont mis en grève, mais où les médecins sont présents.

On ne peut pas apporter une solution unique. Notre ambition est de fournir aux territoires une boîte à outils, très vite, pour que chacun parvienne à passer l’été.

Faut-il sortir de l’argent ? Ce n’est pas moi qui en décide. Il est évident que la reconnaissance de la pénibilité du travail de nuit est largement insuffisante. Le temps de travail additionnel tel qu’appliqué pendant la crise du Covid était intéressant.

La qualité de vie des soignants à l’hôpital est devenue essentielle pour les maintenir à l’hôpital, presque davantage que la revalorisation financière.

C’est SAMU-Urgences de France qui a récemment alerté le ministère sur les attributions de postes de Padhue qui ne correspondaient pas aux demandes. Par dérogation, le nombre de postes de Padhue a pu être augmenté. Ce sujet est complexe. Quand on veut augmenter le nombre de postes de Padhue, il faut que les commissions professionnelles s’organisent pour les valider. Les dossiers soumis par les agences régionales de santé (ARS) ont du retard. Il y a là une lourdeur bureaucratique – et malheureusement, en juillet-août, plus rien n’avance.

Cela me fait penser à un problème qui nous a été signalé : les aides-soignantes et les infirmières ont leur diplôme en juillet, mais il n’est souvent signé qu’en septembre, ce qui empêche leur recrutement en août. C’est sur ce type de problèmes que nous voulons agir.

Je ne maîtrise pas bien le sujet du prérecrutement des internes.

Les lits sont essentiellement fermés par manque de soignants. Chez moi à Metz, plus de 100 lits sont fermés pour cette raison, ce qui est catastrophique pour l’aval des urgences.

Mme Cohen a évoqué la revalorisation des actes de médecine générale. À titre personnel, je dois dire que l’avenant 9 est tellement compliqué qu’on n’y arrive pas. Oui, il faut revaloriser les actes réalisés à la demande du service d’accès aux soins.

Cette mission n’aborde pas le sujet de la suspension des soignants. Je n’aurai pas d’avis particulier à donner.

Pourquoi les soignants quittent-ils l’hôpital ? Par manque de qualité de vie, de sens. Pour arrêter l’hémorragie, dans un but de damage control, il faut éviter qu’ils continuent de quitter l’hôpital. Redonner du sens, c’est essentiel. Pas moins de 50 % du temps des soignants à l’hôpital est consacré aux tâches administratives. Cet été, il faudrait peut-être arrêter toutes celles qui sont totalement inutiles – il y en a beaucoup – pour se recentrer sur le soin.

Oui, le 1er juillet, ce sera trop tard. Mais nous travaillons en parallèle avec le ministère de la santé. Dès qu’une idée fait consensus, elle est tout de suite transmise au ministère de la santé pour voir ce qui est possible réglementairement, et comment faire pour une mise en application au 1er juillet.

présidente. – Quelle est la composition du groupe de travail ? Dr Braun, vous dites que beaucoup de propositions sont arrivées : d’où viennent-elles ? Sur quoi vous appuyez-vous ?

Le Président de la République a annoncé attendre un état des lieux territoire par territoire, établissement par établissement, afin d’identifier les besoins et les tensions pour chaque catégorie de personnel. Lorsque nous avons travaillé au sein de la commission d’enquête, nous nous sommes interrogés sur le tableau de bord de la situation. Le ministre Olivier Véran nous a répondu qu’il était absolument impossible d’avoir de telles informations. Quand le Pr Delfraissy a donné un nombre de lits fermés, le ministre a annoncé qu’il demandait une enquête à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). En un mois, la mission donnerait-elle ces chiffres ? Ce qui n’était pas possible en février l’est-il donc en juin ? Ou alors, les chiffres ne sont-ils pas disponibles quand le Parlement les demande, mais les deviennent quand c’est le Président de la République qui les veut ?

Dr François Braun. – Au sein du groupe de travail, nous sommes quatre médecins : le Pr Karim Tazarourte, président de la Société française de médecine d’urgence, chef de service du SAMU de Lyon, le Dr Antoine Leveurs, président de la Conférence nationale des unions régionales des professionnels de santé (CN-URPS), médecin généraliste, et le Dr Delphine Tortiget, médecin généraliste du Val-d’Oise, qui met en place une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). C’est M. Thomas Deroche, directeur général de l’agence régionale de santé de Normandie qui fait la jonction avec l’administration.

Le diagnostic territoire par territoire est important, car chacun est différent. Madame la présidente, vous avez entièrement raison : il est extrêmement compliqué d’établir un tableau de bord précis. SAMU-Urgences de France a diffusé un listing de 120 services en allant chercher les informations auprès des professionnels directement. Ce réseau reste actif et nous offre une vision au plus près des territoires. Elle ne suffit pas. Nous avons croisé les informations remontées du terrain avec les informations des ARS et celles d’autres professionnels comme les présidents de commissions médicales d’établissement (CME) pour établir un tableau de bord. L’une des propositions de notre rapport sera très certainement la construction de ce tableau de bord de façon pérenne, parce que l’on voit que le pilotage est compliqué, même au niveau des ARS.

M. Bernard Jomier. – Dr Braun, je serais étonné que vous obteniez des diagnostics territoriaux que nous n’avons pas pu obtenir dans le cadre de la commission d’enquête. Cela mettrait en difficulté les personnes qui nous ont affirmé qu’il n’était pas possible de les établir.

Merci d’avoir accepté de venir nous fournir quelques explications. J’étais, comme mes collègues, extrêmement dubitatif à l’annonce de cette mission flash et je le suis encore davantage en vous écoutant. Le temps n’est plus aux inventaires ! J’ai écouté avec attention Emmanuel Macron à Cherbourg. Il a longuement expliqué la situation et rappelé des éléments connus depuis longtemps. Le temps n’est plus à déclarer qu’il y a une crise de sens, de l’amont ou de l’aval. Stop ! En 2018, Agnès Buzyn a annoncé un plan pour les urgences. On connaît la suite.

Vous ne pouvez pas apporter de réponse satisfaisante qui ne soit en cohérence avec des mesures de moyen terme. C’est d’un plan de mesures, et non plus de constats et de diagnostics, qu’il faut. Et je ne vois pas en quoi cette mission flash apportera quoi que ce soit. Les soignants ont ressenti du désarroi face à l’annonce de sa création. Ils ont le sentiment qu’il fallait gagner du temps et enjamber une échéance électorale.

Certains collègues supposent que cette mission cache une ou deux mesures fortes qui montreraient que le Gouvernement se préoccupe des urgences. Vous avez parlé d’une seule mesure : la régulation. Vous m’avez fait gagner plusieurs paris d’un coup ! Ce n’est pas une mesure seule qui résoudra la situation, mais un ensemble de mesures cohérentes à moyen terme.

En voulant frapper l’opinion publique, on obtient toujours des effets pervers. Je crains que l’on supprime l’accès aux soins dans certains territoires, où il n’y a plus que les structures hospitalières. La régulation ne peut qu’être très ponctuelle et fragmentaire.

Le rapport de notre commission d’enquête rappelle qu’il faut reconnecter le financement de notre système de santé aux besoins de la population. Nous sommes en démocratie, les principales élections se tiennent en ce moment et je n’ai pas vu, dans le programme du chef de l’État, de mesures concrètes sur ce sujet. Quant à la campagne des législatives, le débat est tout simplement inexistant. Cela pose problème. Vous étiez le conseiller santé du Président : on n’a pas entendu de proposition.

Enfin, vous dites que dès qu’une idée fait consensus, on la regarde de près. Certes, il ne s’agit pas de fracturer la société, mais ce n’est pas nécessairement le consensus qui améliorera le système de santé. Il faudra une direction claire, or elle ne sera pas forcément consensuelle. Avec tout le respect que j’ai pour vous et pour votre mission, je ne vois pas en quoi une mission flash est constitutive de cet exercice démocratique.

Mme Raymonde Poncet Monge. – Cette mission est au mieux perçue sur le terrain comme une manœuvre dilatoire, au pire comme une provocation.

Les services d’urgences sont en mouvement depuis des années. Ils ne savent plus quoi dire pour être entendus. Ils doivent annoncer contre leur gré qu’il y aura des morts cet été : voilà où l’on en est arrivé !

La lettre de mission de la ministre compte des termes tels que « mobilisation extraordinaire » des soignants : connaît-on le sens des mots ? « Extraordinaire », c’est hors de l’ordinaire ! Or cela fait deux ans. Les soignants quittent l’hôpital pour sauver leur santé. Nous sommes au temps de l’action ! Une action cohérente avec le moyen terme et le long terme. On dit qu’il faut une année pour former un aide-soignant : cela fait deux ans qu’on en parle !

Aux professionnels qui quittent l’hôpital, il faut annoncer ce qui sera fait à moyen et long termes. On sait ce que serait une vraie loi de la santé et pas des petits rafistolages. Il faut des perspectives d’attractivité pour le personnel.

Il y a deux ou trois ans, quand on fermait des lits activement, on disait qu’ils seraient bientôt fermés par manque de personnel : nous y sommes ! Ce que les soignants annonçaient se réalise et l’on s’étonne.

Cette mission flash est dilatoire.

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