Commission des affaires sociales

Réunion du 7 juin 2022 à 15h35

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • greffe
  • l’hôpital
  • soignants
  • urgence

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Notre commission suit avec intérêt la question des greffes. Nous en avons récemment aménagé le cadre législatif avec la loi de bioéthique – je salue l’implication de Bernard Jomier –, mais nous sommes toujours attentifs aux résultats en matière de prise en charge concrète des patients. Je sais aussi que le président Milon est très mobilisé sur le sujet des dialyses.

Ces résultats étaient inférieurs aux objectifs fixés par le précédent plan greffe, et ce avant même le déclenchement de la pandémie de Covid.

La crise sanitaire a, bien sûr, aggravé la situation, les patients en attente de greffe étant plus exposés au virus alors même que les opérations faisaient l’objet de déprogrammations. En 2020, une baisse de 25 % du nombre de transplantations a ainsi pu être observée.

Il nous a donc semblé nécessaire de tirer le bilan des plans greffe passés, dont le premier a porté sur la période 2000-2003, mais aussi d’examiner les perspectives du plan greffe 2022-2026 dont la nouveauté est d’être accompagné d’une enveloppe financière de 210 millions d’euros sur cinq ans.

Je remercie particulièrement notre collègue Laurence Cohen d’avoir suggéré une audition des associations, que nous compléterons demain par l’audition des acteurs institutionnels et des sociétés savantes.

Nous accueillons cet après-midi Mme Yvanie Caillé, fondatrice de l’association Renaloo, M. Jan Marc Charrel, président de l’association France Rein, MM. Éric Buleux, président de Transhépate et Jean-Pierre Scotti, président de Greffe de Vie, représentants du Collectif greffes +.

J’indique que cette audition fait l’objet d’une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

Je salue nos collègues qui assistent à cette réunion par visioconférence.

Debut de section - Permalien
Yvanie Caillé, fondatrice de l’association Renaloo

– Je représente l’association Renaloo, qui réunit des patients insuffisants rénaux dialysés et transplantés, et suis également membre du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

Ce nouveau plan greffe annoncé en mars dernier répond à une demande très forte des associations face au déclin des greffes. Depuis le maximum atteint en 2017, le nombre de greffes en général et de greffes rénales en particulier a diminué fortement. Cela montre la très grande fragilité de cette activité. En amont de ce plan greffe, Renaloo a étudié la situation dans d’autres pays, notamment en Espagne, championne du monde du prélèvement d’organes sur donneurs décédés. Ce pays mène depuis trente ans une politique forte en faveur de la greffe, en particulier la greffe rénale, pour des raisons à la fois de santé publique, mais aussi économiques, la greffe étant beaucoup moins onéreuse que la dialyse.

En France, on compte un peu moins de 30 donneurs par million d’habitants, contre 50 en Espagne, voire 110 en Catalogne. Ce modèle repose essentiellement sur le don après la mort et peu sur le don du vivant.

À notre sens, toutes les voies sont complémentaires. Ainsi, l’Angleterre a fait le choix de développer le don à partir de donneurs vivants, portant ainsi le taux de greffe rénale à partir de ces donneurs à 30 %, contre 16 % en France, maximum atteint en 2017.

La greffe à partir de donneurs vivants présente un certain nombre d’avantages. D’abord, elle est programmée et sûre pour le donneur, souvent un proche. Ensuite, c’est une technique éprouvée grâce à laquelle le receveur s’épargne des années de dialyse.

À partir de l’étude des modèles anglais et espagnol, nous avons défendu un certain nombre de propositions autour du plan greffe auprès de parlementaires et des pouvoirs publics. Beaucoup d’entre elles ont été retenues, notamment l’augmentation des moyens.

Nous avons également travaillé en lien avec l’assurance maladie et avec le docteur Roland Cash, économiste de la santé, et nous avons montré que, si nous dupliquions le modèle catalan, nous pourrions économiser en cinq ans 200 millions d’euros.

Nous sommes satisfaits du contenu du plan greffe, mais nous sommes très inquiets, car rien n’a bougé depuis mars. Nous sommes convaincus que la situation dans les hôpitaux a d’ores et déjà des conséquences importantes sur les prélèvements sur donneur décédé. Les équipes de greffes nous disent qu’elles sont en train de déprogrammer des greffes à partir de donneur vivant, obligeant ainsi ces patients à poursuivre leurs dialyses. Il est urgent de mettre en œuvre ce plan, de débloquer les fonds. Il existe un risque que la situation ne se dégrade encore davantage.

Debut de section - Permalien
Jan Marc Charrel, président de l’association France Rein

– Je préside une association de malades rénaux et d’insuffisants rénaux, créée voilà cinquante ans.

Le don à partir de donneur vivant est encore trop peu développé en France, les patients étant trop peu informés. En effet, trop peu de centres hospitaliers universitaires (CHU), les seuls établissements à pratiquer la greffe, promeuvent celle-ci. Or, les donneurs vivants représentent une source importante de greffons, les donneurs décédés étant peu nombreux. Sur 5 000 donneurs potentiels décédés annuels, on compte à peu près 33 % de refus, pour des raisons religieuses, sociales, également par indifférence peut-être. Pour encourager le don de son vivant, il faut former les équipes soignantes, tant les néphrologues que les urologues, et faire connaître celui-ci auprès des familles.

Je peux vous en parler, parce que ma femme m’a fait don de son vivant de l’un de ses reins voilà treize ans.

Debut de section - Permalien
Éric Buleux, président de Transhépate

– Je représente la fédération Transhépate. Environ 1 350 transplantations hépatiques sont réalisées chaque année. Le don de son vivant est quasi inexistant et répond, en France, à des situations très particulières, à savoir de mère à enfant. Dans d’autres pays, ces transplantations sont bien plus développées.

Le plan greffe répond à plusieurs de nos demandes, mais il ne va pas assez loin. Nous demandons un pilotage non pas au niveau des agences régionales de santé, même si c’est déjà un progrès appréciable, mais au niveau national. Entre les directeurs d’hôpital, les agences régionales de santé (ARS) et l’Agence de la biomédecine (ABM), la communication passe mal, ce qui est dommageable. Il faut donc un pilotage au plus haut niveau, au niveau gouvernemental.

Entre les régions, il existe de grandes disparités en matière de transplantations, par exemple s’agissant des personnes obèses, ce qui est inconcevable.

Dans le manifeste que nous avons rédigé avec l’ensemble des associations, nous réclamons un contrôle ministériel sur les greffes et les dons d’organe, et nous demandons à être parties prenantes en tant qu’associations de patients.

Le don d’organe se heurte à un problème de communication. Selon la loi Leonetti, chacun est donneur potentiel. En pratique, tel n’est pas le cas. Comme vous le voyez, nous portons tous un ruban vert, qui signifie que nous sommes tous donneurs et tous receveurs. Chaque année, le 22 juin est la journée nationale du don d’organe et le 17 octobre est la journée mondiale du don et de la transplantation. Il faut donc améliorer la communication, en collaboration particulièrement avec les associations, qui pourraient ainsi décharger de cette responsabilité, dans les lycées, les infirmières de coordination. À charge pour nous de définir un message commun.

De même, il est important qu’on nous donne accès à cette communication. Auparavant, une information sur le don d’organe était dispensée dans les collèges. Aujourd’hui, en l’absence de toute directive de la part du ministère, nous intervenons dans les établissements selon le bon vouloir de chaque principal ou proviseur. Certains sont très coopératifs : je connais ainsi un lycée qui mène une action particulière le 22 juin ; or ce devrait être partout le cas. Car les jeunes sont nos meilleurs ambassadeurs : quand ce sujet a été évoqué au sein d’une famille, la décision est beaucoup plus facile à prendre le cas échéant. D’autant que le décès d’un donneur potentiel est souvent brutal, sauf dans le cas d’un prélèvement de type Maastricht III. La loi, c’est une chose, mais face à la douleur d’une famille, il est très difficile pour les infirmières de coordination de faire passer le message, d’autant qu’elles ne possèdent pas de certification. C’est pour cette raison que nous demandons, dans le cadre de ce plan, qu’elles soient formées et certifiées, de manière qu’elles délivrent aux familles un message clair et standard.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Scotti, président de Greffe de Vie

– Le Collectif greffes + regroupe neuf associations militant pour le don d’organe, parmi lesquelles Vaincre la mucoviscidose. Après un travail mené pendant dix-huit mois, nous avons formulé devant l’Académie de médecine 23 propositions autour de cinq thématiques : le prélèvement, la transplantation, l’administration, la culture du don et le don de son vivant.

L’objectif du troisième plan greffe de 7 800 greffes d’organe est loin d’avoir été atteint : en 2017, on en comptait 6 105, puis entre 5 800 et 5 900 les deux années suivantes.

L’ABM et le ministère, en relation avec nous, ont fixé comme objectif à la fin du quatrième plan un nombre de greffes compris entre 6 800 et 8 500. Cette année, on devrait atteindre le chiffre de 5 300 greffes. Nous sommes inquiets, car la courbe n’est pas ascendante.

Nous réclamons essentiellement deux choses.

D’une part, la nomination d’un « patron » national du don d’organe en France, l’ABM n’étant pas comptable des résultats en la matière, et la présence au sein de chaque ARS et de chaque hôpital d’un référent, car c’est à ce niveau que les choses se jouent.

D’autre part, la création d’un comité de suivi se réunissant deux ou trois fois par an et regroupant les associations, bien intégrées aujourd’hui dans la démocratie sanitaire, les professionnels de santé, les ARS, les directeurs d’hôpital, un représentant des commissions des affaires sociales du Sénat et de l’Assemblée nationale.

En Espagne, le taux de refus est passé, entre 1992 et aujourd’hui, de 28 % à 15 %, contre environ 32 % chez nous - nous étions descendus à 27 % au moment du décès de Grégory Lemarchal en 2007. Si le taux de refus baissait à 25 %, nous aurions chaque année 500 greffons supplémentaires. Il en est de même avec les dons de son vivant. Surtout, il existe un potentiel de progression très fort dans le cas des prélèvements de type Maastricht III, où les Espagnols sont très en avance. L’ABM a prévu d’ouvrir des centres de prélèvement Maastricht III, mais il faut accélérer ce processus.

En agissant sur l’ensemble de ces leviers, il serait possible de disposer de 2 000 greffons supplémentaires.

Une personne greffée du rein permet d’économiser 1,5 million d’euros, le suivi d’un greffé étant bien moins onéreux que le suivi d’une personne dialysée.

Le don d’organe, c’est magnifique : non seulement il permet de sauver des vies, mais encore il améliore la qualité de vie des patients et permet de réaliser des économies.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – J’indique à nos collègues qu’ils peuvent consulter tous les documents sur Demeter.

Le président Milon avait organisé un déplacement en Espagne pour étudier le système de santé de ce pays. De fait, l’espérance de vie en bonne santé y est plus forte qu’en France. Raison parmi d’autres : un plus grand nombre de greffes y sont réalisées.

Mme Corinne Imbert. – Madame Caillé, vous avez cité les cas espagnols et anglais. Comment expliquez-vous ces différences avec la France, au-delà des choix politiques et économiques, un patient greffé coûtant moins cher qu’un patient sous dialyse ? Est-ce culturel, même si j’en doute un peu ?

Ont été évoquées les disparités régionales. Quelles sont-elles ? Sur quelle base sont exclus certains patients ? Selon des critères médicaux ? Je partage l’avis qu’il faudrait en effet un pilotage national du plan.

Pensez-vous que la forte diminution du nombre de greffes constatée en 2020 et en 2021 est uniquement liée à la situation sanitaire ou y a-t-il d’autres explications ?

M. Philippe Mouiller. – Quelles évolutions observe-t-on depuis la loi de janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ? A-t-elle favorisé la prise de conscience ?

J’entends bien cette demande d’un pilotage national du plan, mais comment organiser alors la coordination avec l’ABM ? Qui fait quoi ? Le cinquième plan insiste beaucoup sur les actions de coordination régionale menées par les ARS : sont-elles suffisantes ? Les aspects de communication me semblent un peu oubliés...

Enfin, ce plan repose en partie sur le recrutement de personnel ; or on sait quelle est la situation, notamment en matière d’infirmiers de pratiques avancées. On peut donc être inquiet.

Mme Annie Delmont-Koropoulis. – Face au manque de greffons, pourquoi ne fait-on pas appel à la bioingénierie ? Dans mon département, le professeur Emmanuel Martinod a réussi la première greffe de trachée. La médecine régénérative gagne en importance, et des instituts de médecine régénérative voient le jour partout dans le monde. Malheureusement, elle reste le parent pauvre de la médecine française.

Debut de section - Permalien
Yvanie Caillé

– Les succès espagnol et anglais s’expliquent en premier par un engagement politique et financier qu’on n’a pas observé en France. En Espagne, un ministre de la santé, néphrologue de métier, a créé l’équivalent espagnol de l’Agence de la biomédecine avant de la diriger et de lancer les premiers plans greffe. L’Angleterre, quant à elle, réalisant que le vivier des donneurs vivants était sous-exploité et que les dialyses coûtaient très cher, a engagé voilà une dizaine d’années un plan extrêmement structuré, doté de moyens importants.

En France, on le constate, la présence dans un CHU d’une infirmière coordinatrice dédiée aux donneurs vivants change tout. En Angleterre, certaines équipes comptent dix coordinatrices de greffe de donneur vivant, tandis que des infirmières rémunérées par l’État délivrent de l’information dans les centres de dialyse sur les possibilités de don de rein par un donneur vivant, ce qui fait défaut en France.

Ces choix de santé publique donnent donc des résultats. La pénurie d’organes n’est pas une fatalité, contrairement à ce qu’on entend. En Espagne, les listes d’attente ont quasiment disparu ; en France, il faut attendre en moyenne trois ans pour recevoir un rein, voire cinq ans dans certaines régions.

Debut de section - Permalien
Éric Buleux, président de Transhépate

– Nous sommes favorables, comme je l’ai dit, à un pilotage national du plan. Par qui ? C’est à voir. Possiblement par l’ABM, à condition qu’elle dispose d’un pouvoir d’agir, ce qui n’est pas le cas à ce jour.

La communication n’est pas un sujet qui a été pris à bras-le-corps, et l’on ne peut pas « miser » sur le décès de personnes connues, comme l’était Grégory Lemarchal. Les associations sont très actives, mais le ministère de la santé doit donner l’impulsion. Certes, la loi dispose que nous sommes tous donneurs sauf à s’être inscrit sur un registre de refus, mais, en pratique, ce n’est pas si simple. Certaines infirmières chargées de solliciter les familles sont très bien formées, d’autres le sont moins : d’où la nécessité d’une certification. Par exemple, l’équipe de Lille a développé un logiciel de mise en situation. Faute d’avoir été sensibilisées, les familles auront tendance à opposer un refus. Portant en permanence mon ruban vert, je puis vous dire qu’il suscite des questionnements ; je m’aperçois alors que les gens sont très ignorants, confondant, par exemple, don d’organe et don du corps à la médecine. Moi-même, étant transplanté, quand j’explique à des jeunes dans des collèges que, si je ne l’avais pas été, je serais mort depuis longtemps, ils me posent plein de questions. Les infirmières de coordination n’ont pas le temps de répondre à toutes ces interrogations.

Debut de section - Permalien
Jan Marc Charrel, président de l’association France Rein

– Ces différences régionales en matière de greffes s’expliquent notamment par des disparités dans l’implication des ARS. C’est pourquoi il est heureux que le nouveau plan greffe prévoie une gestion à la fois des greffes et des prélèvements.

Par ailleurs, il faut développer l’information du patient, ce que fait notre association. C’est aussi le rôle des professionnels, en particulier celui des infirmières coordinatrices, lesquelles, comme cela a été dit, n’ont pas que cela à faire. C’est pourquoi nous faisons un travail d’information auprès des patients dans les centres de dialyse et même en amont. Recevoir un organe d’une personne décédée ou d’un proche vivant nécessite un travail psychologique.

Nous demandons aux professionnels de nous insérer dans le circuit.

Autre constat : la greffe, tant s’en faut, n’est pas la priorité dans tous les établissements, 80 % des opérations étant effectuées dans 20 % d’entre eux.

Autre problème : dans tel établissement, une personne obèse ne pourra pas être greffée, l’équipe d’urologie ne disposant pas de la compétence requise, alors que ce ne sera pas le cas dans un établissement voisin. C’est pourquoi nous proposons un centre de référence par région doté d’une équipe de professionnels de haut niveau de manière à traiter les personnes atteintes de pathologies particulières.

Enfin, les crédits consacrés aux greffes doivent être fléchés. Souvent, dans les établissements, ces crédits servent à boucher les trous.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Scotti, président de Greffe de Vie

– L’Espagne obtient de très bons résultats parce que le responsable du programme est nommé directement par le ministre : il dispose de pouvoirs et exerce ses fonctions pour une durée indéterminée. En France, l’actuelle directrice de l’ABM a été nommée pour trois ans, éventuellement renouvelables, ce qui empêche tout suivi de plan sur la durée. En Espagne, le précédent responsable est resté quinze ans en place, à plein temps. En matière de communication, ils dépensent moins d’argent que nous, mais ils disposent d’une équipe répondant sept jours sur sept aux questions. Surtout, ils investissent énormément dans la formation des équipes de terrain.

Sur les 3 500 donneurs potentiels que compte la France, seule une moitié d’entre eux sont prélevés, 20 % ne pouvant pas l’être pour des raisons techniques et 30 % opposant un refus. La formation des équipes est donc très importante, formation qui doit être validée par l’ABM, par respect pour les familles. Or quand un directeur d’établissement refuse de prendre en charge les frais de déplacement des équipes de coordination pour suivre une formation dispensée par l’ABM, celle-ci ne peut rien y faire.

Autre différence : en Espagne, des audits sont menés en permanence et chaque infirmière coordinatrice doit remplir une fiche de fin de mission explicitant, le cas échéant, le refus d’un prélèvement d’organe par la famille.

La loi dispose que nous sommes tous donneurs, sauf opposition – ce n’est pas tout à fait un consentement présumé. La loi de 2016 n’a rien changé, l’expression verbale continuant d’être privilégiée en lieu et place d’un registre du refus. Un proche peut faire valoir le refus éventuellement opposé par le défunt de son vivant s’il en fait un récit écrit et détaillé. C’est pourquoi il faut vraiment communiquer avec ses proches à ce sujet pour les protéger et ne pas ajouter de la douleur à la douleur.

Malheureusement, la loi n’a donc rien changé : auparavant 40 % des refus avaient été formulés par le défunt de son vivant et 60 % l’étaient par ses proches à sa mort ; aujourd’hui, nous sommes à 50/50.

D’après une étude réalisée par l’hôpital Roger-Salengro de Lille, les refus opposés par les familles l’étaient à hauteur de 16 % pour des raisons religieuses, et à hauteur de 45 % parce qu’elles refusaient toute altération du corps du défunt. Citons aussi une méconnaissance du processus de la mort encéphalique.

M. Bernard Jomier. – J’ai siégé au conseil d’orientation de l’ABM, au côté d’autres collègues parlementaires. J’ai le sentiment que ces plans doivent être salués. C’est ce qu’attestent vos propos sur la nécessité de varier les sources de prélèvement, en particulier vers les donneurs vivants, objectif qu’on retrouve dans le dernier plan.

En vous écoutant, j’ai le sentiment que vous doutez en revanche de son applicabilité. Certes, mais ce plan a été conçu en lien avec les différentes parties, le monde associatif et les professionnels. Je salue cet effort.

Vous insistez beaucoup sur le pilotage du plan. Or c’est l’ABM qui est responsable de son pilotage stratégique, même si, en effet, elle n’a pas un pouvoir de sanction. On peut quand même espérer que ce ne sont pas les sanctions qui permettront de progresser ! Cette volonté de pilotage se retrouve au niveau régional avec l’idée que chaque ARS dispose d’un référent greffe. D’où ma question : qu’est-ce qui vous préoccupe particulièrement ? Le pilotage lui-même ou bien la crainte que les objectifs ne soient pas atteints ?

Est-ce une question de moyens – ce plan est doté de 200 millions d’euros –, de culture – c’est ce qui transparaît de vos propos ? Car ce n’est pas la loi qui pourra régler la question de la conflictualité : celle-ci doit être désamorcée par un long travail sociétal en amont ou bien par un travail mené à l’hôpital qui nécessite du personnel et du temps. Et l’on sait ce qu’il en est compte tenu de la situation à l’hôpital : ce travail n’est pas effectué, et là, il y a lieu en effet d’être inquiet.

S’agissant de la communication, je veux citer l’exemple du don de gamètes. Lors de l’examen de la loi de bioéthique, il a beaucoup été question de la pénurie de gamètes ; après une campagne de communication sur ce thème, les dons ont augmenté de 40 %. Quelles sont vos préconisations en la matière ? La communication vers le grand public, c’est une chose, mais la pénurie de prélèvements de type Maastricht III, elle se gère dans les hôpitaux.

M. Alain Milon. – Ma première question s’adresse à Renaloo : où en est la situation à La Réunion ?

Ma seconde question porte sur le comité de suivi. Souhaitez-vous que les patients experts y participent, ce qui me semble une bonne idée ? Et jusqu’à quel niveau ? Jusque dans les services ?

Mme Laurence Cohen. – Après ma rencontre avec Renaloo, j’ai adressé à la fin de décembre 2021 une question écrite au ministre de l’époque, qui n’a pas daigné me répondre... Je lui demandais pour quelles raisons la part de personnes bénéficiant d’une greffe restait aussi peu importante par rapport au nombre de personnes dialysées.

Le plan semble, en effet, aller dans le bon sens, mais je crains qu’il ne reste en apesanteur faute de moyens suffisants, et pas seulement financiers. Ce manque de volonté politique, qu’illustrent a contrario les exemples espagnol et anglais, ne s’explique-t-il pas par le fait que les dialyses restent plus rentables ?

Je m’interroge sur la charge que cela représente pour les hôpitaux, surtout quand on voit leur état. Leurs personnels sont désespérés. Je partage votre volonté d’un plus grand investissement de ces personnels via des formations ou une certification, mais sachant que ces professionnels ne sont pas assez nombreux, je m’inquiète.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Demain, nous aurons l’occasion de revenir sur la question des organes artificiels.

Debut de section - Permalien
Yvanie Caillé

– Monsieur Jomier, nous sommes globalement tous très satisfaits de ce plan, financé pour la première fois, même s’il pourrait être amélioré sur certains points. Il convient de renforcer les équipes de prélèvement en infirmières, en médecins, etc. C’est un élément-clé de la réussite espagnole et anglaise.

En ce qui concerne la démocratie sanitaire, il a été un peu compliqué pour les associations de travailler avec l’ABM sur cette question. Nous avons fait part de nos contributions, mais, par la suite, nous avons eu du mal à interagir avec l’agence. Lorsque nous lui avons présenté nos propositions en novembre dernier, elle nous a renvoyés vers le ministère de la santé, au motif que le plan était finalisé. Ce n’est donc qu’après que nous avons pu influer sur son contenu. Toujours est-il que l’agence a à cœur de développer cette démocratie sanitaire.

Si elle est chargée du pilotage stratégique de ce plan, elle nous dit qu’elle ne dispose pas de moyens d’action, qu’elle n’a pas de moyens de contrainte sur les hôpitaux. En 2018, une forte épidémie de grippe a fait chuter l’activité de prélèvement et de greffe. Tel n’est pas le cas en Espagne. La raison, c’est que, en de pareilles circonstances, les infirmières chargées de la coordination hospitalière sont réaffectées dans d’autres services, aux urgences ou en réanimation. Et à cela, l’Agence de la biomédecine ne peut rien faire, alors qu’elle finance ces postes d’infirmière. Parfois même, elle finance les postes sans que les recrutements suivent. C’est pourquoi nous souhaitons un pilotage plus fort de l’ABM.

La crise que vivent actuellement les hôpitaux est au cœur de nos préoccupations. Le succès ou non du plan repose sur les moyens humains. L’exemple de l’Espagne montre que l’opposition des familles diminue fortement lorsqu’un médecin participe à l’entretien et quand les professionnels de santé sont formés. Au final, le taux d’opposition au prélèvement d’organe y est de 15 % contre plus de 30 % en France.

De même, l’inscription des patients insuffisants rénaux dialysés ou insuffisants hépatiques est un gros travail. Il faut les process de greffe par des donneurs vivants, et les infirmières de coordination ont en la matière un rôle crucial : sans elles, les équipes ne pourraient pas développer le don du vivant. Cette situation est fréquente : cela a été dit, 20 % des équipes réalisent 80 % de l’activité de greffe rénale par donneur vivant en France.

La marge de progression est considérable, mais il faut des moyens et du personnel valorisé – le turnover est très élevé.

Sur la question de la communication, nous avons une vision particulière. Plusieurs études ont montré qu’aucune grande campagne de communication sur le don d’organe ne s’est révélée efficace, car cela touche un sujet intime, celui de la mort, et un sujet par lequel personne ne se sent concerné à moins d’être soi-même en attente de greffe ou greffé.

Si les grandes campagnes ont peu d’effet, nous sommes en revanche convaincus de l’utilité des campagnes menées dans les établissements scolaires auprès des jeunes, qui ont un rôle prescripteur auprès de leur famille.

L’Angleterre, de son côté, a mené avec succès des campagnes destinées à certaines communautés, notamment religieuses.

Les prélèvements de type Maastricht III reposent sur des autorisations données à chaque établissement préleveur, au nombre de vingt-six actuellement en France – une dizaine de plus à terme. En Espagne, tous les établissements sont autorisés à faire du Maastricht III. Certes, cela nécessite des moyens humains et matériels, mais c’est un levier essentiel pour développer le don d’organe.

Monsieur Milon, vous évoquez la situation à La Réunion. Des plaintes pour escroquerie ont été déposées par l’assurance maladie. Le président de l’association de dialysés mise en cause a démissionné avec fracas en dénonçant sa directrice, laquelle est restée en place. Au final, la situation reste assez dramatique.

Nous sommes favorables à la participation des patients au comité de suivi. Ces patients experts pourront ainsi nous représenter et nous impliquer dans la mise en œuvre de ce plan. Au niveau des établissements, lorsque les équipes sont d’accord, ces patients peuvent jouer un rôle majeur d’information entre pairs, pour faire remonter l’information auprès des équipes. Nos associations ont montré leur efficacité, en cas de difficultés, pour agir auprès des ARS ou du ministère. De plus en plus de professionnels sont convaincus de l’intérêt de travailler en lien avec les associations et de l’importance des patients experts.

Madame Cohen, c’est vrai, seulement 45 % des patients sont greffés, 55 % étant dialysés. Dans d’autres pays, la proportion est inverse, ce qui est bénéfique pour la qualité de vie de ces personnes et permet de réaliser de considérables économies. Même si la dialyse et la greffe sont des traitements complémentaires, on voit bien qu’il existe une forme de concurrence entre ces deux traitements, des freins dans l’accès à la greffe, à l’inscription sur les listes d’attente. Certains patients, récusés dans une région, passent dans la région voisine où ils ne le sont plus. Cela pose question, en effet. Il faut réfléchir à un meilleur équilibrage entre les deux traitements.

Debut de section - Permalien
Jan Marc Charrel, président de l’association France Rein

– À La Réunion, le service d’urologie du CHU a fermé, ce qui signifie qu’il n’y a plus de greffes. Une mission de l’Inspection générale des affaires sociales est en cours.

Debut de section - Permalien
Éric Buleux, président de Transhépate

– Même si ce plan est très proactif, nous sommes inquiets. Depuis mars, il ne s’est pas passé grand-chose. On sait la nécessité de recruter des infirmières en pratique avancée, mais comment faire alors qu’on manque déjà d’infirmières ? Il faut donc qu’elles soient mieux reconnues.

Il a été question d’un pilotage stratégique par les ARS. Idéalement, il faudrait que les infirmières dépendent non pas de l’hôpital où elles travaillent, mais d’une instance nationale, pourquoi pas l’ABM, et que leur recrutement soit soumis à celle-ci, tout en leur laissant la possibilité de réintégrer à tout moment l’hôpital au moyen de passerelles.

Nous observons ce qui se passe en matière de bioingénierie, tout comme nous sommes attentifs à l’évolution des techniques antirejet.

Debut de section - Permalien
Jean-Pierre Scotti, président de Greffe de Vie

– Ce plan est doté de 210 millions d’euros, ce qui est très bien. Le problème, c’est son pilotage. Que se passe-t-il si les objectifs ne sont pas atteints ? Se pose la question de la gouvernance au niveau national, de même qu’il est nécessaire de disposer d’un référent au sein des ARS et des hôpitaux, où presque tout se passe, même si cela n’empêche pas de développer la culture du don, par exemple avec le ruban vert.

Ainsi, en Espagne, c’est un médecin qui pilote l’activité de greffe. Les équipes de soins intensifs et de réanimation sont intégrées dans le même espace que l’équipe de coordination. Les gens travaillent à 75 % en coordination et à 25 % en soins intensifs. Il y a donc une osmose entre ces deux équipes. On doit aller régulièrement chercher les donneurs potentiels. Au lieu de faire de la communication à l’extérieur, tout doit se faire à l’intérieur de l’hôpital. On doit développer Maastricht III. Il y a un fort potentiel. Les Espagnols ont réalisé 1 300 greffes de ce type contre 427 pour les Français en 2019.

Le comité de suivi est capital. Il en faut trois ou quatre par an. Des représentants de l’Assemblée nationale et du Sénat doivent y participer, aux côtés, bien entendu, de tous les professionnels de santé.

Quand la créatinine est à un certain niveau chez une personne prédialysée ou dialysée, il faut que, systématiquement, un dossier complet lui soit donné, pour qu’elle intervienne le plus en amont possible auprès de sa famille.

Malheureusement, il arrive très souvent que les personnes soient d’accord pour donner un organe, mais qu’après le décès la famille dise que le prélèvement serait trop douloureux pour elle. D’où l’importance de la formation. Les Espagnols ne font pas de communication, mais ont un médiateur, un religieux, à l’intérieur de l’hôpital, qui peut intervenir.

Il faut former, motiver, valoriser, fidéliser et auditer les coordinatrices régulièrement et non tous les deux ans.

Debut de section - Permalien
Jan Marc Charrel, président de l’association France Rein

– Je voudrais revenir sur le déséquilibre entre dialyse et greffe. C’est une responsabilité politique que de mettre en avant la greffe par rapport à la dialyse, pour inverser le ratio. La greffe est moins coûteuse que la dialyse et apporte une meilleure qualité de vie.

Si certains établissements essaient de faire du business, puisque la dialyse rapporte, ce n’est pas une généralité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Merci beaucoup de ces échanges.

Il est compliqué pour l’équipe soignante de faire passer le message aux proches d’une personne décédée. Il n’y a pas de message moral à délivrer sur le don. C’est un choix très intime et personnel. En revanche, il exprimer son souhait. Il faut aussi habituer les familles à respecter la décision du défunt.

Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Nous entendons à présent le Dr François Braun, président de SAMU-Urgences de France, chef du service des urgences au centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville et chargé d’une mission d’appui sur l’accès aux soins urgents et non programmés.

Cette audition fait l’objet d’une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat. Je salue nos collègues qui assistent à cette réunion par visioconférence.

Cette mission a été annoncée par le Président de la République le 31 mai 2022 lors d’un déplacement au Centre hospitalier public du Cotentin. Selon le communiqué du ministère, « portée par des professionnels de terrain, elle vise à identifier d’ici le 28 juin de premières solutions opérationnelles pour faciliter l’accès aux soins urgents et non programmés ».

Je crois pouvoir dire que l’annonce de cette mission a surpris, à la fois par son sujet qui semble désormais bien documenté avec des rapports nombreux, dont celui de la commission d’enquête du Sénat, mais aussi par son délai de moins d’un mois qui laisse présager qu’à tout le moins le diagnostic est déjà bien posé.

Notre pays connaît dans le même temps une journée de mobilisation à l’hôpital. Des inquiétudes pèsent très fortement sur la période estivale dans un contexte très difficile pour toute la communauté soignante. Les craintes existent tant à l’hôpital qu’en médecine de ville.

J’ai souhaité vous entendre très rapidement pour que vous nous précisiez les objectifs de cette mission, vos premières orientations et les leviers concrets que vous allez préconiser pour le système de santé, en réponse à la problématique des soins non programmés.

Pourrez-vous nous donner également votre calendrier et votre méthode de travail ?

Dr François Braun, chargé d’une mission sur les soins urgents et non programmés. – Merci, madame la présidente, de me donner l’occasion d’expliquer les objectifs de cette mission auprès de Mme la ministre de la santé.

Le système de santé est en grande difficulté. La crise des urgences n’a pas grand-chose à voir avec les seules urgences, mais bien avec l’ensemble du système de santé. Les urgences sont la partie émergée de l’iceberg, concentrant les difficultés de l’amont, c’est-à-dire de la médecine de ville et de la couverture des soins non programmés, et de l’aval, c’est-à-dire de l’intérieur de l’hôpital : manque de lits, particulièrement en ce moment ; problèmes liés à la permanence des soins à l’hôpital ; problèmes de complémentarité entre ville et hôpital d’une part, et hôpital et clinique d’autre part.

Dans ce contexte, les services d’urgence, en première ligne, sont les premiers à craquer, ou à lancer l’alerte. Sur tout le territoire national, des services en très grande difficulté sont contraints de diminuer leur nombre de lignes de garde, soit par manque de personnel médical ou paramédical, voire de fermer ou de modifier les modalités de service.

Oui, bien sûr, le diagnostic est fait, notamment par le rapport de votre commission. Le rapport du député Thomas Mesnier et du professeur Pierre Carli a mené en 2019, déjà après une grève importante des services d’urgences, la ministre Agnès Buzyn à rédiger le pacte de refondation des urgences. Si le diagnostic mérite d’être affiné après la crise du Covid, puisque des problématiques se sont ajoutées, il est globalement fait. Le traitement est, dans sa grande globalité, également connu puisque toutes les solutions ont été évoquées. Certaines semblent réalistes, d’autres moins.

L’objectif de cette mission est maintenant de rédiger l’ordonnance et de s’assurer que les médicaments soient bien donnés, c’est-à-dire que le ministère s’assure que les textes réglementaires nécessaires soient publiés, mais aussi que le malade puisse prendre ce traitement.

L’objectif est, très rapidement, de dresser la liste de toutes les solutions envisagées. Il faudra les trier, car nous en avons déjà recensé plus de 150, reprenant toutes les demandes des professionnels de santé et des représentants de la Nation. Il faudra ensuite établir des priorités et étudier dans quelle mesure elles sont applicables.

Un exemple : on parle beaucoup de l’accès limité ou régulé aux services d’urgence. C’est une nouveauté qui s’est imposée pour un certain nombre de services. Or cet accès régulé par le service d’aide médicale urgente (SAMU) suppose d’augmenter rapidement le nombre d’assistants de régulation médicale, ce qui est empêché par un texte qui impose leur certification avant décembre 2023. Si l’on ne repousse pas cette date, on ne pourra pas recruter.

Quand l’idée est bonne, nous allons regarder dans le détail ce qu’il faut changer pour qu’elle puisse être mise en application immédiatement.

M. Philippe Mouiller. – Merci, docteur, pour votre présentation. À l’annonce de cette mission, nous avons accueilli très favorablement votre nomination, car vous connaissez le sujet, mais sur le terrain, le ressenti a été catastrophique. Chacun a eu le sentiment que cette mission était avant tout un outil de communication. J’espère que ses conclusions feront mentir ce sentiment.

Il y a urgence pour les urgences. On peut imaginer que cette mission d’un mois a vocation à être très réactive, afin de trouver des solutions pour cet été. Mais de nouveau, on a l’impression que le sujet est traité par le petit bout de la lorgnette. Ne faut-il pas plutôt une loi de refondation de l’organisation de l’hôpital et des urgences en particulier ?

Un problème égale un groupe de travail égale une communication. Si cela se traduit par des outils opérationnels, c’est à saluer, mais si cela se traduit par une liste de détails, cela ne sert pas à grand-chose.

Mme Corinne Imbert. – Je rejoins les propos de Philippe Mouiller quant à votre nomination. Mais avions-nous besoin d’un nouveau rapport ? Vous l’avez dit : le diagnostic est fait, l’ordonnance, presque écrite. Il faudra la bonne infirmière pour donner le bon médicament à la bonne personne, c’est-à-dire l’hôpital.

Il y a eu une grève des urgences, il y a trois ans, au moment des discussions sur le projet de loi sur la santé. Trois ans après, avec, certes, une pandémie, il y a toujours des mouvements de grève dans les services des urgences. Vous l’avez dit, cela va au-delà. Pour que l’hôpital aille bien, il faut que la ville aille bien et inversement.

Que pouvons-nous attendre de votre mission ? Un délai si court doit-il laisser comprendre que les décisions et orientations sont déjà prises ? Votre mission a-t-elle vocation à servir de caution à des mesures difficiles qu’il faudrait présenter comme vos recommandations ?

Doit-on attendre une enveloppe supplémentaire bientôt annoncée par le Gouvernement ? Êtes-vous là pour anticiper la distribution d’une cagnotte exceptionnelle, qui serait certes utile ? Mais d’où viendrait-elle ? Pensez-vous que sortir le chéquier suffira à pallier les besoins immédiats en personnel, alors que les problèmes de recrutement ne sont pas liés qu’aux rémunérations ? Si enveloppe exceptionnelle il y a, comment éviter des effets pervers durables comme dans le cas de l’intérim médical ?

Je suis vraiment désolée de la situation de la médecine en général dans notre pays. Bon courage à vous !

Mme Laurence Cohen. – Je suis assez étonnée, docteur, qu’il y ait une énième mission flash. Je serai moins diplomate que mes collègues. J’étais tout à l’heure devant le ministère de la santé avec le personnel hospitalier très en colère. Cette mission flash est parfaitement inutile. On a le diagnostic, et pas depuis quelques jours ! J’ai participé à la rédaction du rapport d’information du 26 juillet 2017, avec René-Paul Savary et Catherine Génisson, Les urgences hospitalières, miroir des dysfonctionnements de notre système de santé. Il ne s’est rien passé depuis ! Nos préconisations n’ont pas été retenues, même si nous avions été au ministère de la santé, à l’époque.

Quand on a le diagnostic, il faut administrer le remède ! Et très vite. Clemenceau disait : « Si vous voulez enterrer un problème, nommez une commission. » En voilà une nouvelle !

À vos 150 pistes, je vais en ajouter d’autres. Il est vraiment nécessaire de prendre au sérieux les sollicitations du personnel hospitalier qui quitte l’hôpital, car les conditions de travail sont épouvantables. Il faut augmenter les capacités de formation et de recrutement. Que pensez-vous du prérecrutement des internes ? Les internes sont particulièrement mal payés, or s’ils n’étaient pas là, l’hôpital s’effondrerait. Les prendrez-vous mieux en compte ? Réfléchissez-vous à un réel statut pour les praticiens diplômés hors Union européenne (Padhue) ? Nous avons beaucoup été alertés sur cette question. Envisagez-vous de réintégrer les soignants suspendus ? Les salaires doivent être revalorisés. Nous sommes interpellés sur les tarifs extrêmement bas des gardes de nuit et de week-end. Avez-vous une solution ? Les urgences sont beaucoup mises à contribution. Il faut un moratoire sur les fermetures de lits.

Concernant la médecine de ville, il est nécessaire de revaloriser certains actes, comme ceux des généralistes, ou les visites à domicile. Le décret Mattei a supprimé l’obligation de gardes de nuit et de week-end pour les médecins de ville. Pensez-vous revenir là-dessus pour plus d’égalité avec les médecins hospitaliers ?

M. Alain Milon. – Dr Braun, vous avez dit que le diagnostic était fait et des propositions émises, dont certaines réalistes et d’autres moins réalistes. Vous-même, président de SAMU-Urgences de France, avez émis des propositions dans le cadre de la campagne présidentielle : en aviez-vous des réalistes et des moins réalistes ?

Je veux dire l’incompréhension engendrée par votre nomination et par la date de remise de votre rapport, au 1er juillet. Les services d’urgence devront réagir cet été pour éviter des problèmes majeurs, notamment dans les régions touristiques. Par ailleurs, le problème évoqué par Philippe Mouiller de l’organisation du système de santé ne sera pas résolu cet été. La date du 1er juillet est bien trop tardive. Il aurait été souhaitable que vous remettiez votre rapport le 30 mai.

En tant que président de la fédération hospitalière de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), j’ai réuni la semaine dernière les urgentistes de la région. Nous avons discuté de la situation des services d’urgences des hôpitaux. Nous avons rédigé un communiqué de presse, publié aujourd’hui. Je vous le remettrai : il contient des propositions.

Dr François Braun. – Le problème n’est pas nouveau. Vous ne pouvez pas accuser SAMU-Urgences de France de ne pas le soulever. Depuis 2013, nous alertons sur les problématiques de l’aval des services d’urgences, avec le No Bed Challenge, et des publications scientifiques qui montrent que l’hospitalisation via un service d’urgences tue plus de monde, en France, que les accidents de la route.

Nous essayons d’apporter des solutions et le pacte de refondation des urgences a été l’occasion d’en mettre en place un certain nombre. Ainsi, le service d’accès aux soins est positif.

Le problème est connu et dépasse les urgences, vous l’avez dit. Notre système de santé est à bout de souffle parce qu’il est construit sur l’offre de soins, ce qui fonctionne quand l’offre dépasse les besoins. C’est un système foncièrement basé sur la concurrence. Le langage de l’hôpital-entreprise, c’est de gagner des parts de marché. Le challenge est de basculer vers un système basé sur la réponse aux besoins de santé de la population. Dans ce cas, chacun est complémentaire et non plus concurrent. Les urgences, qui ont pour objet de répondre à un besoin de santé, ne peuvent plus être la roue de secours de tout un système défaillant. Elles doivent se concentrer sur la prise en charge des patients qui l’exigent. Cette prise en charge est ressentie comme étant en danger par les professionnels des urgences. C’est pourquoi, au titre de SAMU-Urgences de France, j’avais interpellé la ministre par courrier, en soulevant ces problèmes et en proposant des solutions.

En effet, monsieur Milon, il y a une temporalité. Nous sommes dans une mission de damage control. Quand un bateau est touché, on le répare au minimum pour qu’il puisse retourner au port et être entièrement réparé. C’est ce que nous prévoyons pour cet été. Ensuite, il faudra une réforme du système de santé. Nous ne formulerons pas de propositions sur ce point, même si, au sein du groupe de travail, composé de deux urgentistes et deux généralistes, nous sommes persuadés qu’il faut aller plus loin.

Les solutions doivent être adaptées aux territoires. La problématique est différente à Cherbourg ou à Metz, où 40 % des postes de praticiens hospitaliers ne sont pas pourvus, et à Toulouse, où les soignants se sont mis en grève, mais où les médecins sont présents.

On ne peut pas apporter une solution unique. Notre ambition est de fournir aux territoires une boîte à outils, très vite, pour que chacun parvienne à passer l’été.

Faut-il sortir de l’argent ? Ce n’est pas moi qui en décide. Il est évident que la reconnaissance de la pénibilité du travail de nuit est largement insuffisante. Le temps de travail additionnel tel qu’appliqué pendant la crise du Covid était intéressant.

La qualité de vie des soignants à l’hôpital est devenue essentielle pour les maintenir à l’hôpital, presque davantage que la revalorisation financière.

C’est SAMU-Urgences de France qui a récemment alerté le ministère sur les attributions de postes de Padhue qui ne correspondaient pas aux demandes. Par dérogation, le nombre de postes de Padhue a pu être augmenté. Ce sujet est complexe. Quand on veut augmenter le nombre de postes de Padhue, il faut que les commissions professionnelles s’organisent pour les valider. Les dossiers soumis par les agences régionales de santé (ARS) ont du retard. Il y a là une lourdeur bureaucratique – et malheureusement, en juillet-août, plus rien n’avance.

Cela me fait penser à un problème qui nous a été signalé : les aides-soignantes et les infirmières ont leur diplôme en juillet, mais il n’est souvent signé qu’en septembre, ce qui empêche leur recrutement en août. C’est sur ce type de problèmes que nous voulons agir.

Je ne maîtrise pas bien le sujet du prérecrutement des internes.

Les lits sont essentiellement fermés par manque de soignants. Chez moi à Metz, plus de 100 lits sont fermés pour cette raison, ce qui est catastrophique pour l’aval des urgences.

Mme Cohen a évoqué la revalorisation des actes de médecine générale. À titre personnel, je dois dire que l’avenant 9 est tellement compliqué qu’on n’y arrive pas. Oui, il faut revaloriser les actes réalisés à la demande du service d’accès aux soins.

Cette mission n’aborde pas le sujet de la suspension des soignants. Je n’aurai pas d’avis particulier à donner.

Pourquoi les soignants quittent-ils l’hôpital ? Par manque de qualité de vie, de sens. Pour arrêter l’hémorragie, dans un but de damage control, il faut éviter qu’ils continuent de quitter l’hôpital. Redonner du sens, c’est essentiel. Pas moins de 50 % du temps des soignants à l’hôpital est consacré aux tâches administratives. Cet été, il faudrait peut-être arrêter toutes celles qui sont totalement inutiles – il y en a beaucoup – pour se recentrer sur le soin.

Oui, le 1er juillet, ce sera trop tard. Mais nous travaillons en parallèle avec le ministère de la santé. Dès qu’une idée fait consensus, elle est tout de suite transmise au ministère de la santé pour voir ce qui est possible réglementairement, et comment faire pour une mise en application au 1er juillet.

présidente. – Quelle est la composition du groupe de travail ? Dr Braun, vous dites que beaucoup de propositions sont arrivées : d’où viennent-elles ? Sur quoi vous appuyez-vous ?

Le Président de la République a annoncé attendre un état des lieux territoire par territoire, établissement par établissement, afin d’identifier les besoins et les tensions pour chaque catégorie de personnel. Lorsque nous avons travaillé au sein de la commission d’enquête, nous nous sommes interrogés sur le tableau de bord de la situation. Le ministre Olivier Véran nous a répondu qu’il était absolument impossible d’avoir de telles informations. Quand le Pr Delfraissy a donné un nombre de lits fermés, le ministre a annoncé qu’il demandait une enquête à la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). En un mois, la mission donnerait-elle ces chiffres ? Ce qui n’était pas possible en février l’est-il donc en juin ? Ou alors, les chiffres ne sont-ils pas disponibles quand le Parlement les demande, mais les deviennent quand c’est le Président de la République qui les veut ?

Dr François Braun. – Au sein du groupe de travail, nous sommes quatre médecins : le Pr Karim Tazarourte, président de la Société française de médecine d’urgence, chef de service du SAMU de Lyon, le Dr Antoine Leveurs, président de la Conférence nationale des unions régionales des professionnels de santé (CN-URPS), médecin généraliste, et le Dr Delphine Tortiget, médecin généraliste du Val-d’Oise, qui met en place une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS). C’est M. Thomas Deroche, directeur général de l’agence régionale de santé de Normandie qui fait la jonction avec l’administration.

Le diagnostic territoire par territoire est important, car chacun est différent. Madame la présidente, vous avez entièrement raison : il est extrêmement compliqué d’établir un tableau de bord précis. SAMU-Urgences de France a diffusé un listing de 120 services en allant chercher les informations auprès des professionnels directement. Ce réseau reste actif et nous offre une vision au plus près des territoires. Elle ne suffit pas. Nous avons croisé les informations remontées du terrain avec les informations des ARS et celles d’autres professionnels comme les présidents de commissions médicales d’établissement (CME) pour établir un tableau de bord. L’une des propositions de notre rapport sera très certainement la construction de ce tableau de bord de façon pérenne, parce que l’on voit que le pilotage est compliqué, même au niveau des ARS.

M. Bernard Jomier. – Dr Braun, je serais étonné que vous obteniez des diagnostics territoriaux que nous n’avons pas pu obtenir dans le cadre de la commission d’enquête. Cela mettrait en difficulté les personnes qui nous ont affirmé qu’il n’était pas possible de les établir.

Merci d’avoir accepté de venir nous fournir quelques explications. J’étais, comme mes collègues, extrêmement dubitatif à l’annonce de cette mission flash et je le suis encore davantage en vous écoutant. Le temps n’est plus aux inventaires ! J’ai écouté avec attention Emmanuel Macron à Cherbourg. Il a longuement expliqué la situation et rappelé des éléments connus depuis longtemps. Le temps n’est plus à déclarer qu’il y a une crise de sens, de l’amont ou de l’aval. Stop ! En 2018, Agnès Buzyn a annoncé un plan pour les urgences. On connaît la suite.

Vous ne pouvez pas apporter de réponse satisfaisante qui ne soit en cohérence avec des mesures de moyen terme. C’est d’un plan de mesures, et non plus de constats et de diagnostics, qu’il faut. Et je ne vois pas en quoi cette mission flash apportera quoi que ce soit. Les soignants ont ressenti du désarroi face à l’annonce de sa création. Ils ont le sentiment qu’il fallait gagner du temps et enjamber une échéance électorale.

Certains collègues supposent que cette mission cache une ou deux mesures fortes qui montreraient que le Gouvernement se préoccupe des urgences. Vous avez parlé d’une seule mesure : la régulation. Vous m’avez fait gagner plusieurs paris d’un coup ! Ce n’est pas une mesure seule qui résoudra la situation, mais un ensemble de mesures cohérentes à moyen terme.

En voulant frapper l’opinion publique, on obtient toujours des effets pervers. Je crains que l’on supprime l’accès aux soins dans certains territoires, où il n’y a plus que les structures hospitalières. La régulation ne peut qu’être très ponctuelle et fragmentaire.

Le rapport de notre commission d’enquête rappelle qu’il faut reconnecter le financement de notre système de santé aux besoins de la population. Nous sommes en démocratie, les principales élections se tiennent en ce moment et je n’ai pas vu, dans le programme du chef de l’État, de mesures concrètes sur ce sujet. Quant à la campagne des législatives, le débat est tout simplement inexistant. Cela pose problème. Vous étiez le conseiller santé du Président : on n’a pas entendu de proposition.

Enfin, vous dites que dès qu’une idée fait consensus, on la regarde de près. Certes, il ne s’agit pas de fracturer la société, mais ce n’est pas nécessairement le consensus qui améliorera le système de santé. Il faudra une direction claire, or elle ne sera pas forcément consensuelle. Avec tout le respect que j’ai pour vous et pour votre mission, je ne vois pas en quoi une mission flash est constitutive de cet exercice démocratique.

Mme Raymonde Poncet Monge. – Cette mission est au mieux perçue sur le terrain comme une manœuvre dilatoire, au pire comme une provocation.

Les services d’urgences sont en mouvement depuis des années. Ils ne savent plus quoi dire pour être entendus. Ils doivent annoncer contre leur gré qu’il y aura des morts cet été : voilà où l’on en est arrivé !

La lettre de mission de la ministre compte des termes tels que « mobilisation extraordinaire » des soignants : connaît-on le sens des mots ? « Extraordinaire », c’est hors de l’ordinaire ! Or cela fait deux ans. Les soignants quittent l’hôpital pour sauver leur santé. Nous sommes au temps de l’action ! Une action cohérente avec le moyen terme et le long terme. On dit qu’il faut une année pour former un aide-soignant : cela fait deux ans qu’on en parle !

Aux professionnels qui quittent l’hôpital, il faut annoncer ce qui sera fait à moyen et long termes. On sait ce que serait une vraie loi de la santé et pas des petits rafistolages. Il faut des perspectives d’attractivité pour le personnel.

Il y a deux ou trois ans, quand on fermait des lits activement, on disait qu’ils seraient bientôt fermés par manque de personnel : nous y sommes ! Ce que les soignants annonçaient se réalise et l’on s’étonne.

Cette mission flash est dilatoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Elisabeth Doineau

rapporteure générale. – Merci au Dr François Braun de nous avoir expliqué en quoi consistait cette mission flash. Le terme même interpelle. Si c’est flash, c’est pour l’été, or le rapport sera rendu début juillet. Si c’est du damage control, pourquoi pas, même si je n’aime pas les anglicismes.

Pour 75 % des Français, la santé est le sujet majeur. Cela les amène à voter d’une certaine manière. Depuis des années, dans beaucoup de territoires, la population n’a plus de réponse à ses besoins. Nous avons tous des services d’urgence par intermittence : il faut calculer le jour où tomber malade !

Rédiger une ordonnance, d’accord, mais nous sommes en soins palliatifs.

Il y a une perte de chances pour certains de nos concitoyens, et on ne fait pas d’économies. En tant que rapporteure du budget de la sécurité sociale, je m’interroge. On n’intervient qu’en situation aiguë alors qu’en agissant plus tôt, on pourrait moins dépenser.

Un certain nombre de propositions ont déjà été débattues dans cette enceinte : points d’accueil pour soins immédiats (PASI), maisons de santé pluridisciplinaires qui proposent des cabinets pour soins non programmés… Mais il faut assez de soignants, en amont comme en aval.

J’ai interrogé le Gouvernement sur les lits de réanimation, dont on manque.

Tout cela nous pose beaucoup de questions.

Oui, une réforme de la santé est essentielle, mais en apportant de vraies réponses et en prenant de vraies décisions. Les professionnels de santé devront peut-être aussi se montrer un peu moins corporatistes. Il n’est pas facile de faire de la délégation de tâches, mais il y a moins de soignants et il va falloir prendre des mesures dans ce domaine. Il importe également de s’interroger sur la permanence des soins. Loin de moi l’idée d’obliger tous les médecins à assurer ce type de prise en charge, car certains d’entre eux travaillent déjà soixante heures par semaine. Mais il faudra se poser la question de savoir pourquoi ce dispositif fonctionne dans certains départements, où il y a des volontaires, et pas dans d’autres.

En tout état de cause, nos attentes sont fortes et nous serons extrêmement attentifs aux propositions qui seront faites.

Mme Victoire Jasmin. – Le périmètre géographique devra aussi concerner les différents territoires d’outre-mer, soumis à des situations très difficiles et compliquées, notamment en raison du nombre de soignants suspendus. Nous manquons donc d’effectifs. Se pose également le problème du dépistage du cancer du sein pour les femmes. Des mesures doivent être prises, nous ne pouvons accepter d’avoir moins de moyens. De nombreuses personnes sont obligées de partir vers l’Hexagone. Nous avons aussi des problématiques liées aux accidents vasculaires cérébraux (AVC), qui sont devenus beaucoup plus fréquents. Or des cardiologues sont suspendus. Nous rencontrons un véritable problème de prise en charge tant au niveau de l’hôpital qu’au niveau ambulatoire. À cela s’ajoutent les pathologies mentales. J’ai rédigé, avec mon collègue Jean Sol, un rapport pour la commission des affaires sociales du Sénat sur la santé mentale pendant la période de pandémie. Il ressort de nos travaux que la prise en charge des personnes pose de sérieux problèmes. Sans compter que les professionnels de santé sont à flux tendu et tombent eux-mêmes également malades. Nombre d’entre eux sont arrêtés pour dépression. Les articles qui paraissent dans la presse sont inquiétants ; nous avons déjà eu beaucoup de morts. Une mission flash est lancée : il importe aujourd’hui de prendre toutes les mesures nécessaires. Pourquoi ne pas prendre en compte les différents travaux de notre commission ? Les rapports et les missions s’accumulent. Mais nous avons déjà avancé un certain nombre de propositions et de recommandations qui sont concrètes. Il serait bon de les prendre en compte pour agir au mieux dans les meilleurs délais. La situation est catastrophique, il importe d’éviter le pire !

Mme Florence Lassarade. – Vous voulez vous axer sur les territoires, je vais donc vous parler du mien. À mi-chemin entre le Lot-et-Garonne et le CHU de Bordeaux, l’hôpital de Langon, où j’ai travaillé pendant plus de trente ans, s’apprête à récupérer la maternité de Marmande pour les deux mois d’été, alors qu’un tiers des sages-femmes ont démissionné massivement il y a quelques temps. Il s’apprête également à ouvrir ses urgences à tous les Lot-et-Garonnais, excepté ceux qui habitent près d’Agen, alors que Bordeaux ferme ses urgences à partir de vingt-deux heures. Le système de filtrage des appels commencé il y a quelques jours est-il efficace ? Le 15 a-t-il assez de personnel pour répondre aux appels ?

L’hôpital de Langon a été visité par Mme Dubos et les représentants de l’ARS en grande pompe il y a huit mois. On nous avait promis qu’un bloc opératoire serait refait, car il pleut dans l’hôpital : deux blocs sur quatre sont fermés, faute de travaux. Là, ce n’est pas un problème de personnel, mais de salubrité des locaux ! Quand j’ai rappelé le directeur de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine pour savoir où nous en étions, il m’a répondu : « il faut d’abord faire un bilan, on ne peut pas construire une coquille vide » !

Un hôpital qui va doubler sa capacité d’accueil des malades pour cet été se voit refuser des murs et se fait traiter de « coquille vide » ! Les soignants et les présidents de CME ne peuvent plus entendre ça ! Des rapports sont remis à longueur d’année, y compris par les hôpitaux. À quoi sert l’ARS ?

Dernière réflexion, j’ai évoqué la démission massive du personnel en maternité. Il s’agissait pourtant de personnels en poste depuis trente ans. Je m’interroge donc aussi sur l’exigence du public. Là où les personnels travaillaient auparavant douze heures, ils en travaillent à présent quatorze : une heure de plus pour satisfaire les exigences de chacun et une heure de plus pour entrer des dossiers informatiques sur des logiciels complètement obsolètes…

M. Laurent Burgoa. – Rassurez-vous, monsieur Braun, après cinq jours de feria à Nîmes, je ne vais pas vous porter l’estocade finale d’entrée de jeu, mais j’aimerais vous interroger sur deux points.

Premièrement, vous nous avez dit dans vos propos préliminaires que vous disposiez d’à peu près 150 pistes de réflexion. Vous en avez développé une en envisageant de dispenser les médecins des tâches administratives. Comment cela va-t-il se passer dans le cadre de votre mission ? Vous nous avez dit que vos propositions seraient contrôlées d’un point de vue réglementaire par le ministère, mais quid du financement ? Où allez-vous trouver les marges budgétaires ? C’est un problème auquel nous sommes confrontés lors de l’examen de tous les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Vos propositions vont-elles entrer dans le « quoi qu’il en coûte » actuel ?

Deuxièmement, vous avez beaucoup insisté sur la territorialisation. Votre mission fera des propositions adaptées aux territoires. Comment allez-vous travailler, car les territoires sont divers et variés ? La France compte actuellement dix-huit régions. Allez-vous œuvrer avec l’ensemble des ARS ? Allez-vous associer également à vos réflexions l’ensemble des directeurs des hôpitaux ? Un mois me paraît un délai un peu court pour parvenir à faire des propositions territorialisées, sauf à être particulièrement doué…

M. René-Paul Savary. – Si cette mission est courte, c’est – semble-t-il – pour « enjamber » les élections législatives. Votre responsabilité est notamment de passer l’été. Face à cette crise, il va falloir prendre des décisions impopulaires. Avez-vous déjà envisagé des décisions difficiles comme des fermetures de service ou des réquisitions de personnel ? Si de telles mesures doivent être prises, nul besoin d’attendre le 1er juillet pour prévenir les personnels concernés. Il importe de faire au plus vite et de trouver des réponses à la hauteur de la situation. Qu’en est-il ?

M. Olivier Henno. – Nous sommes partagés face à votre crédibilité et à votre honorabilité. Nous examinons votre mission avec beaucoup de sérieux, mais l’expression de « mission flash » pose question. L’utilisation d’un tel terme risque d’ajouter désordre au désordre !

Vous parlez par ailleurs de damage control. J’ai bien peur que cela finisse par une régulation accentuée. Envisagez-vous de toucher au management, au mal-être au travail, à l’intérim, aux lourdeurs administratives ?

Enfin, je m’interroge sur la méthode. Comment est-il possible d’aller aussi vite lorsque l’on veut aborder la question de l’échelle des territoires ? N’y a-t-il pas là un risque d’extrême verticalité ? Quand on parle de damage control, c’est que la survie est en jeu. N’est-il pas dangereux de s’en remettre à une méthode flash ? Le risque n’est-il pas, en appliquant une méthode brutale, d’ajouter du désordre au désordre ?

Dr François Braun. – Une note d’optimisme se dégage de vos interventions. Finalement, nous partageons le même diagnostic et chacun a la volonté de faire bouger les lignes. C’est ce qu’attendent de nous nos concitoyens et les soignants.

Vous avez évoqué le rôle exemplaire, voire héroïque dans le quart nord-est, des soignants, je n’y reviendrai pas.

Vous parlez d’une énième mission et d’un énième rapport. J’ai donc du mal à faire passer le message : il n’y aura pas de rapport. Si vous en attendez un, vous allez être déçus !

Nous allons juste désigner quelques « traitements » pour mettre en place le damage control à très court terme. Pour chaque traitement, il y aura une petite notice explicative : pourquoi on propose ça, quels sont les effets attendus ? Et surtout, pour chaque traitement – je serai rigoureux sur ce point –, nous aurons un indicateur et nous évaluerons l’action sur les deux mois. Il s’agira bien d’actions à court terme, qui doivent être évaluées pour mesurer leur effet et savoir si elles doivent être prolongées ensuite.

Que faut-il faire d’autre ? Je l’ignore ! Cela fait plus de vingt ans que l’on dégrade notre système de santé. Je pense notamment à la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST). Il est évident que ce n’est pas en trois semaines ni en deux mois que l’on va trouver toutes les solutions ! Quoi qu’il en soit, l’idée est quand même d’initier un mouvement pour changer un peu notre système de soins.

Il existe beaucoup de confusion autour de l’expression de permanence des soins. La permanence des soins, c’est la garde. Or la garde est assurée sur 96 % du territoire national par les médecins généralistes, comme le souligne le très récent rapport du Conseil de l’Ordre. Certes, elle n’est plus assurée après minuit, mais je puis vous assurer qu’après cette heure il s’agit soit de donner des conseils, soit d’aller à l’hôpital ! Ce m’intéresse surtout, c’est les 4 % du territoire où cette garde n’est pas assurée.

Il faut aussi parler de la permanence des soins dans les établissements de santé. Est-il normal aujourd’hui que dans certaines zones géographiques – je pense à Metz-Thionville – la permanence des soins en chirurgie vasculaire – c’est-à-dire les gardes de nuit et de week-end pour les urgences – ne repose que sur les deux praticiens du public alors qu’il y a deux autres chirurgiens en clinique et qu’il y en a au moins autant dans l’établissement de santé privé d’intérêt collectif (Espic) d’à côté ? C’est un point sur lequel il est possible d’agir très vite pour regrouper à l’échelle d’un territoire la question de la garde. Idem pour la prise en charge des patients. Il n’est pas normal qu’un patient suivi dans une clinique pour un cancer et pris en charge par les urgences de l’hôpital public pour une complication ne puisse pas réintégrer ensuite les services de ladite clinique. On nous dit « il n’y a pas de place, débrouillez-vous ». Ce n’est pas admissible ! Pendant la Covid, nous avons trouvé des solutions et nous avons réglé ce problème dans le Grand Est via une attribution des lits à l’échelle du territoire, aussi bien pour le public que pour le privé. C’est une solution qui peut aussi très rapidement être mise en place en situation de crise.

Par rapport à l’ensemble des réponses, nous ne voulons pas transiger sur les urgences vitales. Nous ne devons pas mettre en péril la vie et la santé fonctionnelle de nos concitoyens en n’assurant pas la réponse aux urgences vitales. Un axe fort doit être mis en place. Le maintien des services mobiles d’urgence et de réanimation (SMUR) est essentiel. Je le dis devant vous, des réponses sont possibles au travers de discussions sur le niveau intermédiaire SMUR, entre les secouristes et les médecins hyperspécialisés du SAMU, en incluant probablement les infirmiers et les futurs infirmiers en pratique avancée (IPA).

Il ressort également qu’à peu près la moitié des hélicoptères de SAMU sur le territoire national ne tournent qu’en H12. Ne serait-il pas pertinent, en fonction des territoires, de les faire tourner en H24 ? Cela permettrait d’intervenir plus loin et de toucher les territoires où les SMUR sont en difficulté. Bref, les solutions sont nombreuses.

Est-ce que la régulation médicale fonctionne ? Est-il possible de réguler l’entrée dans les services d’urgence ? Le département de la Manche nous a montré que c’était réalisable entre Saint-Lô et Cherbourg, mais à une condition : dans une logique de main dans la main entre les spécialistes de l’hôpital et la médecine générale.

Les urgences de Bordeaux ne ferment pas passée une certaine heure. Elles mettent simplement en place un accueil sur régulation médicale. Les patients qui se présentent sont évalués. S’il s’agit d’une urgence immédiate, ils sont pris en charge. Sinon ils sont réorientés ailleurs. N’est-il pas légitime qu’une personne qui se présente aux urgences à vingt-trois heures trente, après le film ou le match de foot, parce qu’elle a mal au genou depuis trois semaines soit redirigée vers son médecin traitant ? Revenons à davantage de bon sens. Les services d’urgence sont devenus aussi par notre faute, à nous, urgentistes, il faut le reconnaître, un produit de consommation. À l’époque où nous étions pléthore de médecins d’urgentistes, on a dit : venez, il y a la lumière, on va s’occuper de tout, particulièrement après 2003, quand nos collègues généralistes ont fait grève pour obtenir la suppression de l’obligation de garde.

Globalement, si l’on en croit les remontées de terrain, les professionnels de l’urgence et de la médecine générale vont plutôt dans notre sens et demandent que l’on mette sur la table un certain nombre de solutions.

Quant au budget, ce n’est pas dans mes prérogatives. Nous allons proposer des traitements dont le coût sera chiffré. Des décisions seront prises, mais pas par moi. Quoi qu’il en soit, nous hiérarchiserons très clairement nos propositions. Nous proposerons notamment de valoriser financièrement certains actes effectués par nos collègues généralistes à la demande de la régulation médicale. Je parle essentiellement des actes en journée, notamment les jours fériés, pendant les ponts et le samedi matin.

Aller à l’échelle des territoires, qu’est-ce que cela signifie pour moi ? J’étais à Nîmes la semaine dernière, les SAMU sont de véritables tours de contrôle de ce qui se passe dans leur département. Par notre réseau de SAMU, nous avons des remontées d’informations parfois passionnées, qu’il faut filtrer un peu, mais en tout cas extrêmement précises, ce qui permet d’évaluer ce qui ne va pas : à tel endroit, il s’agira de la permanence des soins ou de la continuité des soins en journée, à d’autres endroits, il s’agira de l’absence de garde en médecine générale la nuit. Voilà ce que cela signifie quand je parle d’examiner la situation au niveau des territoires.

Cette cartographie précise des territoires, département par département, a quasiment été faite. Il faudra probablement aller à l’échelle des CPTS, qui est certainement, même s’il n’y en a pas partout, l’échelle la meilleure en termes de fonctionnement. À mon sens, l’une des solutions serait d’intégrer les CPTS à l’hôpital et aux cliniques, comme c’est le cas à Metz.

Y aura-t-il des décisions difficiles à prendre, des réquisitions ou des fermetures ? Malheureusement, les fermetures existent déjà. Notre rôle, à nous, en tant que professionnels, c’est de savoir comment faire, dans le cadre de fermetures qui ne sont pas décidées par les professionnels eux-mêmes, pour continuer à assurer la prise en charge des patients, surtout les urgences vitales. C’est certes dramatique si quelqu’un doit faire 40 kilomètres pour un traumatisme de la cheville, mais on doit pouvoir se déplacer jusqu’au patient s’il s’agit d’un infarctus du myocarde. Tel est le véritable enjeu.

Parmi les décisions difficiles, se posera certainement la question de l’obligation de la garde. En tout état de cause, je ne suis pas naïf, cela ne se fera pas au 1er juillet. En revanche, c’est un sujet qui doit rester sur la table pour le moyen terme et le long terme. Je le redis : la garde est assurée dans l’immense majorité des cas. C’est plus la prise en charge de patients adressés par la régulation médicale en journée qui serait quelque chose d’intéressant à mettre en œuvre.

M. Alain Milon. – Je suis désolée d’intervenir, mais je ne suis absolument pas d’accord avec vous ni avec d’autres, d’ailleurs, lorsque vous dites que tous les problèmes de l’hôpital viennent de la loi HPST. C’est absolument faux !

Les problèmes viennent de la non-compensation des 35 heures par du personnel supplémentaire. Ils viennent aussi un peu probablement de la tarification à l’activité (T2A) et de la loi de 2002 de M. Mattei sur la suppression de l’obligation de permanence des soins. HPST est une loi d’organisation et de gouvernance. HPST a créé les ARS, les pôles, les directeurs d’hôpitaux, les maisons de santé pluridisciplinaires, mais elle n’a pas joué de rôle financier. J’aimerais vraiment que l’on arrête de dire ça, car vous n’êtes pas le seul à le dire – j’ai entendu récemment M. Bardella affirmer la même chose. C’est un discours un peu facile de critiquer un gouvernement qui a fait énormément pour les hôpitaux.

Dr François Braun. – Je suis tout à fait d’accord avec vous, j’ai trop généralisé en parlant de la loi HPST. Votre remarque me donne néanmoins l’occasion de revenir sur les pôles. Quand on discute avec les professionnels dans les hôpitaux, on s’aperçoit que les pôles sont une catastrophe. Excusez-moi de le dire, ils ont créé des baronnies qui ne se parlent plus entre elles. Il faut en revenir à la notion de services. Rien n’empêche que les services se fédèrent et coopèrent entre eux. Mais les pôles sont un des éléments responsables de la perte de sens à l’intérieur de l’hôpital, même si ce n’est pas le seul.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

présidente. – Nous n’allons pas refaire le débat de la commission d’enquête Hôpital. La loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite « loi Rist », a permis de ne plus rendre les pôles obligatoires, c’est plutôt bien. Nous n’avons pas besoin d’une nouvelle loi, nos concitoyens n’en peuvent plus. Ils veulent qu’on leur redonne du souffle, qu’on les laisse respirer. Servons-nous des outils existants, qu’il s’agisse des groupements hospitaliers de territoire (GHT) ou des CPTS.

L’hôpital de Valenciennes, par exemple, est un hôpital multipolaire. Certes, il existe des pôles, mais il y a aussi une gouvernance ascendante qui fait que tout repart du service. Personne ne copie Valenciennes pour l’instant, mais il faut laisser de la souplesse aux organisations à l’intérieur des établissements. Lorsqu’il existe un bon binôme à la tête d’un établissement, un bon directeur qui s’entend bien avec le président de CME et qu’il y a une bonne écoute avec l’ensemble de la communauté des soignants, cela fonctionne plutôt bien.

En résumé, puisque l’on arrive à la fin de cette audition, vous avez pas mal de propositions sous le coude, que vous avez glanées ici ou là, pour nous permettre de passer cet été de tous les dangers. Dont acte !

Mais cela n’enlève rien au fait qu’une action de fond sera nécessaire. À notre grande surprise, nous avons tous eu le sentiment, en écoutant le Président de la République, qu’il en était à son premier mandat et qu’il découvrait la situation. Or il est Président de la République depuis 2017 et il était auparavant au Gouvernement depuis 2012.

Le Ségur de la santé a été annoncé par le précédent ministre de la santé comme l’alpha et l’oméga. Certes, un effort financier important a été consenti pour les soignants, mais il s’agit plus d’un rattrapage que d’une véritable revalorisation. Par ailleurs, toutes les suggestions n’ont pas été prises en compte. Puis nous avons ensuite passé notre temps à nous occuper des oubliés du Ségur : toutes les semaines, il s’en présentait de nouveaux !

Cette réforme qui aurait pu être positive si elle avait été structurée et bien annoncée est devenue très frustrante. Qui plus est, elle n’a rien apporté en termes d’attractivité. Au contraire, elle a davantage accru le malaise.

L’objectif de votre mission est de faire des préconisations concrètes pour nous permettre de passer l’été en toute sécurité, avec une adaptation aux territoires et en associant mieux tous les acteurs de la ville et de l’hôpital. Le Sénat avait auditionné à directrice de Gap-Sisteron, qui travaillait sur des correspondances SAMU. Il existe déjà des choses très pratiques. Il faut laisser respirer les territoires, les laisser s’organiser comme ils le souhaitent, avec l’ARS pour contrôler et réguler éventuellement, mais sans être trop directive.

En tout état de cause, pour redonner confiance aux soignants, de simples mesures pour passer l’été ne suffiront pas. Il faudra aussi faire passer un vrai message politique. Il y a eu un plan d’urgence pour l’hôpital en 2019 et un Ségur de la santé en 2020. Or la situation s’aggrave de plus en plus. On ne peut pas tout mettre sur le dos de la crise, d’autant que celle-ci a aussi permis aux personnels de renouer avec la notion d’équipe et de travail en services. Il y aura donc un vrai signal politique à donner, mais ce sera le rôle de la nouvelle ministre de la santé.

Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 20.