Intervention de Hélène Monasse

Commission des affaires sociales — Réunion du 8 juin 2022 à 9h00
Bilan et perspectives des plans greffes – Audition commune de l'agence de la biomédecine et de la direction générale de la santé

Hélène Monasse, sous-directrice de la politique des produits de santé et de la qualité des pratiques et des soins à la direction générale de la santé :

– Ma présentation commence là où s’arrête celle de Mme la directrice générale : je vais expliciter la méthode et les principaux éléments de contenu du plan 2022-2026. Il s’agit du quatrième plan depuis l’an 2000. Il a été révisé parallèlement à deux autres plans ministériels, portant respectivement sur les cellules souches hématopoïétiques et sur le secteur de la procréation – embryologie et génétique. La préparation de ces trois plans a obéi à la même méthode, focalisée sur la concertation, sous le pilotage de l’Agence de la biomédecine et en lien avec les parties prenantes.

Il y avait un enjeu transversal à reprendre certains des constats et des conclusions du rapport de l’IGAS, qui a trait aux contrats d’objectifs et de performance de l’Agence de la biomédecine, mais dont les préconisations sont plus larges, et portent notamment sur la construction globale des plans.

D’abord, des leviers de progression ont été identifiés, par comparaison avec d’autres pays de l’Union européenne, avec l’idée de faire porter l’effort sur chacun d’entre eux simultanément. Le premier était le taux d’opposition au prélèvement ; le deuxième, la poursuite de la capitalisation sur la dynamique de Maastricht III ; le troisième portait sur l’accompagnement renforcé des donneurs vivants.

Progresser de façon transverse impliquait quatre types d’efforts : sur les éléments d’accompagnement et d’information auprès du grand public, des personnes concernées et des équipes soignantes ; sur le développement et la diffusion de nouvelles technologies permettant d’optimiser les techniques de prélèvement et de greffe ; sur l’amélioration et le renforcement des moyens humains dans les équipes associées aux activités de prélèvement et de greffe et, par conséquent, sur des moyens financiers incitatifs pour les établissements de santé ; et sur les indicateurs et les éléments de pilotage, ce qui nous a beaucoup mobilisés, en lien avec les représentants des équipes soignantes au sein des établissements de santé, ainsi que sur les éléments de gouvernance et de suivi régulier de ces indicateurs – avec pour objectif d’identifier des écarts par rapport aux objectifs fixés par les plans et de comprendre les leviers à mobiliser pour réduire ces écarts.

Le plan prévoit cinq axes.

Le premier porte sur le développement du prélèvement multi-sources et multi- organes. L’objectif est de faire baisser le taux d’opposition, en renforçant l’expertise des équipes qui prennent en charge les donneurs potentiels et leurs familles. Le plan prévoit la poursuite du développement du prélèvement sur donneur dit Maastricht III qui, comme l’a indiqué la directrice générale de l’Agence de la biomédecine, donnait de très bons résultats dans le cadre du précédent plan. Le plan prévoit aussi le développement du recensement et du prélèvement pédiatrique, notamment par le déploiement d’outils informatiques comme Cristal Action dans les services concernés, et par l’élaboration de règles de bonnes pratiques ad hoc. Quatrièmement, il s’agit de promouvoir la réhabilitation et la mise sous machine à perfusion des greffons prélevés, ce qui implique des investissements.

Un enjeu important, transverse à l’ensemble du plan, est le renforcement des fonctions infirmières associées aux activités de prélèvement et de greffe, avec une cible spécifique de mise en place d’infirmiers en pratique avancée pour les activités de prélèvement et de greffe. De fait, au vu des tensions en termes de temps médical, le renforcement de temps infirmier spécifiquement reconnu pourrait aider à faire baisser le taux d’opposition dans certains établissements.

Le deuxième axe du plan porte sur l’amélioration de l’accès à la greffe. Les leviers identifiés pour y parvenir sont l’harmonisation et la réévaluation des critères d’inscription sur la liste d’attente, la réduction des durées d’ischémie froide, le développement de greffes innovantes comme les îlots de Langerhans pour les personnes diabétiques, l’amélioration de la prise en charge médico-psycho-sociale des donneurs vivants et de suivi des patients transplantés, et le développement de la greffe de rein, notamment à partir de donneurs vivants.

Les trois autres axes sont transverses et concernent le suivi qui, de l’aveu à la fois des équipes soignantes et des représentants des associations de patients, était important pour emporter une dynamique et éviter que le fait de ne pas atteindre dès la première année des objectifs extrêmement ambitieux ne provoque un décrochage et la démotivation d’un certain nombre d’équipes.

Le troisième axe fixe donc le principe d’une approche régionalisée, pour tenir compte des spécificités des territoires et réduire les disparités entre régions. Nous avons donc lancé des travaux avec les ARS. D’abord, pour désigner un référent dans chaque ARS, qui soit chargé de suivre la mise en place du plan régional et d’être l’interlocuteur à la fois de l’Agence de la biomédecine et des établissements de santé. Puis, pour suivre et décliner une feuille de route, avec quelques indicateurs seulement, au niveau régional, afin d’avoir un focus sur quelques actions phares qui nécessitent une progression dans chaque région. Il est prévu aussi d’associer les représentants des associations de patients et d’usagers, ainsi que ceux des professionnels de santé, aux conférences régionales de la santé et de l’autonomie.

Le quatrième axe porte sur la démarche de qualité, c’est-à-dire l’accompagnement des pratiques et le renforcement des audits et des plans d’accompagnement des équipes. Le rapport de l’IGAS constatait en effet des hétérogénéités sur le territoire, et l’on pouvait relever une corrélation entre celles-ci et la fréquence des audits, le partage des bonnes pratiques et l’intensité des contrôles de l’Agence de la biomédecine. Ainsi, les équipes qui n’atteignent pas les objectifs fixés au niveau national ne seront pas laissées sans éléments d’accompagnement ou de suivi spécifiques. La définition d’indicateurs de qualité, en lien avec la Haute autorité de santé, s’accompagne de la conduite d’actions renforcées sur la gestion des risques, la biovigilance et l’analyse des événements indésirables.

Le dernier axe, qui nous a très largement et fortement mobilisés au sein du ministère, est celui des moyens associés. Nous avons donc travaillé en lien étroit avec la direction générale de l’offre de soins et la direction de la sécurité sociale, pour prévoir un financement ambitieux et à la hauteur des enjeux. Cela concerne tout d’abord les investissements associés aux innovations techniques, mais aussi aux innovations organisationnelles et à ce qu’elles impliquent en termes de recrutement et de formation des personnels, notamment infirmiers, ou de renforcement des astreintes. Il fallait aussi renforcer le caractère incitatif des financements qui existent actuellement, c’est-à-dire les forfaits et tarifs qui sont applicables de droit dans les établissements de santé.

Cela représente un effort financier conséquent, de 210 millions d’euros sur cinq ans, concentré sur les années 2023-2026. Cet effort a été partagé entre les différentes directions du ministère et avec l’Agence de la biomédecine, au vu du bilan du plan précédent, il est vrai entaché par les freins conjoncturels liés à la période de crise pandémique, mais aussi par des freins plus structurels, identifiés notamment dans le cadre des concertations avec les représentants des professionnels de santé.

Ces financements supplémentaires doivent aussi aider à suivre un certain nombre d’indicateurs. Le précédent plan a montré en effet qu’on avait tendance à fixer les indicateurs annuels de manière trop rigide, sans possibilité de report. La méthode sera désormais un peu différente, pour éviter l’effet de décrochage et de démobilisation des équipes. Il y a trois nouveautés. D’abord, les indicateurs auront une cible socle, c’est-à-dire un objectif de progression d’une année sur l’autre, qui est le minimum attendu, et un objectif plus ambitieux, qui est la cible au vu des moyens complémentaires apportés, notamment dans certaines régions qui peuvent se trouver déjà à un niveau élevé. Puis, les indicateurs seront déclinés au niveau de chaque région, avec une révision annuelle, au niveau national comme régional, dans le cadre d’un comité ad hoc, où siègent les représentants des établissements de santé autorisés pour le prélèvement et la greffe et les représentants des sociétés savantes et des associations compétentes. Enfin, au vu du bilan annuel dressé dans le cadre de ce comité, celui-ci sera chargé de proposer des mesures complémentaires de rattrapage pour que, en 2026, le bilan global soit aussi positif que possible.

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