Intervention de Catherine Bergeret-Galley

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 1er juin 2022 : 1ère réunion
Table ronde sur les représentations des femmes et des sexualités véhiculées par la pornographie

Catherine Bergeret-Galley, première vice-présidente de la Société française des chirurgiens esthétiques plasticiens (SOFCEP) :

La chirurgie plastique a une finalité reconstructrice mais aussi esthétique ; on dit alors qu'elle est de confort, c'est une erreur car même la chirurgie esthétique est thérapeutique. En tant que chirurgienne, je reçois depuis vingt-cinq ans des femmes qui viennent pour réparer leur appareil génital, par exemple après un accouchement qui s'est suivi d'un élargissement du vagin qu'elles jugent excessif ou qui leur pose des problèmes dans leur vie quotidienne. Dans le projet de réparation, mes collègues et moi devons expliquer qu'il y a des normes et qu'il faut respecter les fonctions des organes, parmi lesquelles le plaisir, et il est clair pour moi que nous réparons aussi l'image du corps et le psychisme.

Dans ces échanges, nous voyons des femmes mais également des hommes désemparés par ce que leur montre la pornographie et par l'idée qu'ils se font de ce que devrait être leur corps ; nous sommes choqués face aux effets de cette pornographie dévoyée, qui, alors qu'elle a d'abord été un mouvement libertaire et joyeux, accumule désormais des scènes violentes et dégradantes pour la femme, mais aussi pour l'homme. Nous voyons arriver dans nos consultations des hommes convaincus qu'ils ont un micro-pénis et qui en font une obsession, parce qu'il est plus petit que ceux qu'ils regardent dans la pornographie. Nous devons leur expliquer que ce qu'ils voient dans ces images n'est pas la norme, que leur pénis n'a rien d'anormal et, surtout, que le plaisir n'a rien à voir avec la taille du pénis. Quant aux femmes, elles subissent de plein fouet la dérive violente de la pornographie, du fait des hommes formés par cette pornographie, mais aussi dans les représentations qu'elles se font de la sexualité et du plaisir, car les femmes regardent aussi cette pornographie, y compris des femmes homosexuelles.

Comme médecins, nous devons aider ces patients, les convaincre de ce que l'amour peut s'exprimer par des caresses et que la pénétration n'est pas une preuve d'amour. Nous devons les aider à comprendre que la sexualité passe par tous les sens et qu'elle ne se réduit pas à quelques gestes stéréotypés. Nous devons les aider à développer l'aspect sensoriel de leur sexualité, c'est-à-dire le toucher, l'odeur, la perception du corps de l'autre à côté de soi. Nous recevons des patientes très perturbées qui ont un besoin très précis de réparation - je pense à des femmes dont l'accouchement a été difficile ou a entraîné une béance vulvaire qui les gêne dans leur vie quotidienne -, mais aussi des femmes dont les demandes trouvent leur origine dans le fait que leur corps est différent de ce qu'elles ont vu dans la pornographie, en particulier la forme de leur vulve. Nous devons leur expliquer que les vulves ont naturellement des formes diverses, qu'il y a des variations anatomiques et qu'il faut respecter cette diversité, mais leur dire aussi les dangers de la violence sexuelle, les risques de déchirure et de mutilation que comportent certaines pratiques sexuelles. Nous leur expliquons que la sexualité n'a pas à être violente mais qu'elle doit servir d'abord le plaisir. Nous récupérons aussi parfois des femmes qui ont été victimes de chirurgie extrême : une patiente française s'est retrouvée complètement excisée des grandes et petites lèvres génitales après deux interventions gynécologiques successives. Certaines femmes sont rétives à une prise en charge psychologique qui s'imposerait pourtant. Il faut expliquer qu'une sexualité violente peut entraîner des dommages physiques graves et que la sexualité ne devrait pas être violente car il s'agit d'un bien-être.

Parmi les choses à faire pour contrer ces phénomènes, je crois que nous pourrions travailler avec les industriels de la pornographie, comme on l'a fait pour l'alcool. Nous constatons tous une dérive de la pornographie, elle atteint désormais un niveau de violence physique inacceptable, jusqu'à des scènes de mutilations voire même de mise à mort, et nous sommes en droit de contester la normalité et la diffusion de ces images. Je n'ai pas la méthode, mais je crois qu'il faudrait travailler avec ces industriels pour faire en sorte que la pornographie soit un vecteur d'information sur une sexualité joyeuse et épanouissante, qui ne ferait la promotion d'aucune violence ni mutilation. On lutte contre les images pornographiques associant les enfants, on est en droit de le faire pour les adultes et le fait que des films violents et illégaux continueraient à être produits ne devrait pas nous décourager à travailler dans ce sens. Il faut éviter que notre jeunesse soit contaminée par cette violence que l'on voit dans les films porno, violence qui cible d'emblée les femmes, même si l'on trouve également beaucoup de scènes d'agression dans la pornographie dédiée aux hommes.

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