Intervention de Jean Courtial

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 8 juin 2022 à 11h00

Jean Courtial, conseiller d'État honoraire, ancien chef de la mission de réflexion sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie :

Je vous remercie d'avoir accepté de décaler mon audition, même si la logique aurait voulu que je sois entendu en même temps que Ferdinand Mélin-Soucramanien. J'ai parcouru ce matin le document que nous avions produit : il me semble toujours d'actualité. Deux phrases me frappent en particulier dans l'accord de Nouméa : « Si la réponse est encore négative, les partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation ainsi créée. » ; « Tant que les consultations n'auront pas abouti, on continuera avec l'accord de Nouméa tel qu'il est, éventuellement indéfiniment. » On y est !

Le professeur Chauchat a indiqué la position des indépendantistes : ils voient dans le troisième référendum un mauvais geste et ils veulent parler à l'État. Cela implique certainement une phase intermédiaire avant la reprise des discussions entre les partenaires politiques calédoniens, pendant laquelle l'État doit prendre l'initiative.

Certains sujets majeurs n'ont pas été traités jusqu'à présent, et tant qu'ils ne le seront pas, on ne pourra pas déboucher sur une solution. Que signifie le « destin commun », horizon de l'accord de Nouméa ? C'est à la population calédonienne de le dire. L'État peut apporter toute son aide aux discussions, mais c'est aux partenaires de se déterminer.

La citoyenneté est un sujet brûlant, car elle évoluerait en nationalité en cas d'indépendance. Sujet plus mineur, les compétences qui n'ont pas été transférées. Si elles ne l'ont pas été, c'est que cela posait des difficultés politiques. Mais elles restent sur la table et peuvent constituer des axes de discussion.

La grande difficulté, c'est qu'en sortant d'un parcours normalisé, avec des étapes et des garanties, nous nous retrouvons comme en suspension. Bien sûr, nous pouvons continuer avec les institutions telles qu'elles sont. Mais ce qui était justifié, parce que provisoire, ne l'est peut-être plus, si c'est indéfini. Je ne parle pas du corps électoral ou du référendum, ni du droit à l'autodétermination, lequel, effectivement, ne s'éteint pas, mais du corps électoral pour les élections provinciales et le congrès. Ce qui était justifié par son caractère provisoire sur vingt ans devient beaucoup plus problématique sur le terrain politique et juridique.

L'urgence, c'est de rétablir le dialogue. Il faut une initiative de l'État pour que les réunions entre partenaires politiques prévues dans le document d'orientation se tiennent.

Il y a enfin une chose que l'expérience nous apprend : à chaque fois que l'on a envoyé une mission en Nouvelle-Calédonie parce que la situation était tendue, cela s'est bien passé. Tout n'a pas été résolu, mais cela a apporté la paix pendant un certain temps. Toutes les missions depuis 1988 jusqu'à la nôtre ont fortifié le dialogue. Seule différence : il faudrait, cette fois-ci, que la mission soit mixte, avec des membres désignés par le Gouvernement, mais aussi par les institutions calédoniennes. Cela préparerait les conditions du dialogue.

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