– Liverpool a demandé qu’on lui permette de commercialiser 22 000 billets pour l’ensemble de ses supporteurs. Ils ont l’habitude de le faire en version papier. La demande de Madrid, elle, visait à répartir les flux ; leurs 6 000 billets papier étaient pour des clients internes du club : les partenaires, les sponsors, les familles. Les autres billets étaient pour les supporteurs. Effectivement, il n’y a eu aucune falsification de billets du côté madrilène.
Au sujet de votre question sur le délai de dix-huit mois, c’est l’un des requirements de l’UEFA. Quand vous candidatez pour organiser une finale de championnat, vous candidatez trois ans avant la date de l’événement. Vous répondez à un cahier des charges de l’UEFA, qui prévoit, quand vous avez été choisi, qu’à dix-huit mois de la manifestation vous devez mettre en place un comité d’organisation local, en lien avec l’association européenne. Les huit premiers mois, vous devez lui proposer un cadre d’organisation dans lequel vous faites appel aux différentes parties prenantes. La première des parties prenantes d’une finale de Ligue des champions, c’est l’État. Vous demandez à ce dernier un certain nombre de garanties concernant cette manifestation, apportant des éléments d’appréciation qui permettent d’assurer que vous accueillerez la manifestation dans les meilleures conditions. Il s’agit par exemple de faciliter les formalités douanières, l’accueil du public, mobiliser les transports et l’ensemble des acteurs du territoire qui concourent à la manifestation. Vous rentrez ensuite dans la dernière année : un an consacré à l’organisation, qui s’oppose aux trois mois que nous avons eus. Nous ne sommes pas capables de vous dire si un an est un délai suffisant ; nous pouvons cependant affirmer qu’en trois mois, exception faite du jour de la finale, avec le concours de l’ensemble des acteurs, nous avons rempli les obligations que nous imposait l’UEFA : les différentes lettres de garantie, la capacité de mobiliser les aéroports d’Orly et Charles-de-Gaulle, avec une capacité à voler de nuit, ce qui normalement n’existe pas. Nous avons obtenu des accords, que ce soit pour permettre le transport des supporteurs au moyen de différents bus et autocars ou pour mobiliser des parkings aux abords du Stade de France, en concertation avec la ville de Saint-Denis et le groupement Plaine Commune.
Je vais vous donner un élément de comparaison. Nous parlions de la finale de la Coupe de France : avec deux publics de 20 000 supporteurs respectivement, cela a engendré 180 autobus. Pour la finale de la Ligue des champions, nous en avions 450. Ce n’est pas le même événement !
Ce que nous avons également réussi à construire en trois mois, c’est un dispositif d’organisation générale qui a fonctionné. Ce qui a manqué, c’est du temps pour préparer l’imprévu. Si la manifestation est allée à son terme, c’est en partie parce que nous avons rempli nos obligations. Nous avons su faire en sorte que le Stade de France accueille 75 000 personnes et pas plus. Si des groupes de supporteurs, finalement repoussés, avaient enfoncé des portes, comme cela a pu être évoqué ce matin par M. le préfet de police, nous nous serions retrouvés dans l’enceinte du stade avec une capacité largement supérieure à celle qui est autorisée. La décision que nous aurions alors dû prendre, c’est de ne pas autoriser la rencontre, ce qui aurait eu des conséquences bien plus dommageables en matière de troubles à l’ordre public.
Oui, nous avons manqué de temps pour nous assurer, avec l’ensemble des parties prenantes, que la grève des transports n’entraînerait qu’une perturbation minimale du trafic, et n’aurait pas pour conséquence un déport des flux. Si nous avions eu plus de temps, nous aurions pu nous tourner vers la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) pour nous assurer qu’elle partageait la façon dont nous avions conçu notre dispositif, notamment le préfiltrage.
En revanche, nous n’aurions jamais pu prévoir, croyez-en mon expérience – j’ai travaillé pendant dix ans au Stade de France –, un tel afflux de délinquants.
Le dispositif prévoyait douze points de préfiltrage venant compléter l’environnement du Stade de France, qui a beaucoup évolué depuis 1998 : lorsque j’ai commencé à y travailler, je voyais des champs depuis mon bureau ; aujourd’hui, la zone est devenue complètement urbaine, elle est saturée par les immeubles. Didier Pinteaux, qui a fait un travail remarquable, et moi-même avons mis en place des points de préfiltrage pour rendre l’enceinte hermétique.
Florence Hardouin prenait l’exemple de gens qui se sont introduits à travers le centre des accréditations ; j’ai d’autres exemples à vous donner pour montrer à quel point cette manifestation était hors norme en matière de délinquance. Des gens sont passés à travers des restaurants pour entrer dans le périmètre protégé. D’autres ont fracturé les accès à une école qui constituait une barrière naturelle autour du Stade de France : ils ont cassé la grille et ont déverrouillé la porte de l’intérieur pour pénétrer dans le périmètre d’accès protégé. Dans le cadre de Paris 2024, une passerelle est en train d’être construite pour relier le Stade de France à la piscine olympique. Ce chantier se trouve 4,80 mètres en contrebas du parvis du stade. Les gens y sont entrés par effraction et se sont fait la courte échelle pour accéder au parvis.
Nous convenons tous que nous aurions pu anticiper et prévoir la grève, les faux billets et cet afflux massif de supporteurs, si nous nous étions mieux coordonnés. En revanche, une telle délinquance n’aurait jamais pu être prévue.