président de la commission de la culture. – Mes chers collègues, nous poursuivons nos auditions sur les dysfonctionnements intervenus lors de la finale de la Ligue des champions le 28 mai dernier, en recevant cet après-midi une délégation de la Fédération française de football conduite par son vice-président, Philippe Diallo, et sa directrice générale, Florence Hardouin. Je vous remercie, madame, messieurs, d’être venus cet après-midi répondre aux questions des membres des commissions des lois et de la culture du Sénat.
Cette finale ne fut pas seulement une occasion heureuse de voir deux des plus belles équipes européennes, le Liverpool Football Club et le Real Madrid, s’affronter. Elle fut aussi une expérience malheureuse pour de nombreux supporteurs, qui dénoncent des violences commises à proximité du stade ou dans les transports en commun.
Nous souhaitons comprendre l’origine de ces dysfonctionnements – deux ans avant les jeux Olympiques de Paris 2024, ils ont été constatés par des millions de téléspectateurs à travers le monde – et en tirer tous les enseignements.
La Fédération française de football étant chargée d’organiser cet événement avec l’Union européenne des associations de football (UEFA), nous voudrions connaître précisément les informations dont vous disposiez sur les risques en termes de sécurité publique. La grève du RER B avait-elle été suffisamment anticipée ? Quels furent la teneur des réunions de préparation et le degré de coordination entre les différents acteurs ? De manière plus générale, quelle est votre interprétation du déroulement de cette soirée ?
L’une de nos difficultés est de savoir exactement qui décide de quoi et qui fait quoi dans cette organisation somme toute assez complexe, sans parler de tentatives pour se « renvoyer la balle ». La semaine dernière, devant nous, le ministre de l’intérieur déclarait ainsi : « Madame la ministre des sports et moi-même n’organisons pas les matchs de football en France, nous ne tenons pas la billetterie, nous n’embauchons pas les stadiers, nous ne contrôlons pas les billets et nous ne touchons pas l’argent qui va avec... La responsabilité est donc à tout le moins partagée dans cette affaire. » C’est bien ce partage que nous aimerions analyser. Quelle est votre part de responsabilité dans les dysfonctionnements constatés ? Quelles sont les erreurs que vous identifiez avec quinze jours de recul ?
Je vous laisse à présent la parole pour un quart d’heure maximum, avant que les sénatrices et les sénateurs présents ne vous interrogent.
– Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, merci de donner l’occasion à la première fédération sportive française de livrer ses éléments objectifs d’appréciation des incidents qui ont eu lieu lors de la finale de la Ligue des champions le 28 mai dernier.
Je veux commencer par exprimer, au nom de la Fédération française de football, des regrets très sincères sur ces graves incidents, et dire aux fans de Liverpool et du Real Madrid, qui étaient venus en grand nombre supporter pacifiquement leur équipe, que nous condamnons avec une extrême fermeté les actes qui ont été commis par des individus qui se sont comportés comme des délinquants, et dont le sort relève désormais de la justice. Le football est un jeu, assister à un match est un plaisir ; il doit le rester.
Vous le savez, c’est en raison de la guerre en Ukraine que l’UEFA a décidé d’exclure les clubs russes des compétitions et de délocaliser la finale de la Ligue des champions, initialement prévue à Saint-Pétersbourg. Le 25 février, l’UEFA a choisi la France et le Stade de France. Dans l’urgence qui était la sienne, l’UEFA a considéré que la France et la FFF présentaient les garanties nécessaires pour accueillir un événement d’une telle ampleur.
Depuis l’inauguration du Stade de France en janvier 1998, la Fédération française de football a organisé très régulièrement des matchs à guichets fermés dans cette enceinte, c’est-à-dire avec plus de 75 000 personnes présentes. Ces rencontres se sont déroulées dans des conditions optimales de sécurité pour les acteurs du jeu comme pour les spectateurs. En vingt-quatre ans, nous n’avons eu à déplorer que deux très graves incidents : en 2001, avec l’envahissement du terrain à l’occasion du match France-Algérie et, bien sûr, le 13 novembre 2015, lors du match France-Allemagne, où le Stade de France a été le théâtre d’une attaque terroriste, causant la mort d’une personne et en blessant 56 autres.
Dans ces circonstances extrêmes, dramatiques, l’action concertée des services de l’État, du Stade de France et de la Fédération française de football a permis d’éviter un bilan plus lourd encore. En matière de grandes rencontres rassemblant plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, nous ne sommes donc ni des novices ni des amateurs.
L’organisation de l’Euro en 2016 et de la Coupe du monde féminine en 2019 sont d’autres exemples du savoir-faire français en matière d’accueil des grandes compétitions. Plus récemment, le 8 mai dernier, la finale de la Coupe de France s’est parfaitement déroulée, alors que le match était pourtant classé par la préfecture de police à un niveau de risque 4 sur une échelle de 5.
Enfin, le 3 juin, la Fédération a accueilli dans de parfaites conditions de sécurité près de 80 000 personnes pour le match France-Danemark. C’est donc avec la conviction de notre capacité à faire que nous avons accueilli la décision de l’UEFA de confier à la France l’organisation de cette finale de Ligue des champions.
Si la fierté et l’enthousiasme étaient les sentiments dominants, nous avions aussi conscience du défi qui était le nôtre : plus grand match de clubs dans le monde, la finale de la Ligue des champions suscite chaque année un intérêt planétaire, qui conduit plus de 300 millions de personnes à regarder le match à la télévision. Quant aux spectateurs, nous avons reçu plus d’un million de demandes de billets pour un stade de 75 000 places. Pour faire face à cet engouement et pour respecter le cahier des charges de l’UEFA, il faut habituellement dix-huit mois de préparation pour un tel événement. Nous en avons eu seulement trois…
Pourtant, sans la grève du RER B, la multiplication des faux billets et les comportements délictueux, nous aurions relevé ce défi. J’en veux pour preuve les deux « fan zones », organisées sur le cours de Vincennes à Paris et à Saint-Denis en moins de dix jours, qui ont accueilli plusieurs dizaines de milliers de supporteurs sans que nous ayons à déplorer d’incident majeur.
Toutefois, bien évidemment, nous ne serions pas devant vous cet après-midi si tout s’était déroulé comme nous l’espérions.
Pour conclure, et avant de laisser la parole aux autres membres de notre délégation, je voudrais souligner que la finale de la Ligue des champions constitue à nos yeux une très regrettable exception dont nous tirerons tous les enseignements pour nous améliorer et continuer d’accueillir à l’avenir des tournois finaux de grandes compétitions, comme nous avons su le faire avec succès par le passé.
– Mesdames, messieurs, je souhaite appuyer les propos de notre vice-président Philippe Diallo. Au nom de la Fédération française de football, nous regrettons sincèrement les graves incidents qui ont eu lieu au Stade de France le 28 mai dernier. Nous ressentons un sentiment mêlé de tristesse, de colère et d’indignation. Tout le monde attendait cette finale. Elle aurait dû être la fête du football européen, mais elle a été gâchée. Nous devons tous ensemble tirer des enseignements de ce qui s’est passé pour que cela ne se reproduise plus.
Pour organiser les finales de coupe d’Europe, l’UEFA demande toujours de l’aide aux pays et fédérations hôtes, qui agissent sous le contrôle et la validation de cette dernière.
En l’occurrence, en quoi consistaient les missions des différents acteurs ?
Le Stade de France était chargé de mettre à disposition le stade et d’assurer la sécurité incendie de l’événement, l’accompagnement dans l’élaboration et la validation des dossiers de sécurité ainsi que le bon fonctionnement des dispositifs de contrôle d’accès et la restauration grand public.
La première mission de l’UEFA est de commercialiser la billetterie et les prestations d’hospitalité. Elle livre également la rencontre sportive, les contreparties des partenaires télé et marketing, les animations sur le parvis et dans l’arène, la signalétique directionnelle à l’intérieur et aux abords du stade et l’habillage de l’enceinte.
Quant à la FFF, sa première mission est d’assurer la sécurité privée, c’est-à-dire la mise en place du dispositif de stadiers et d’agents d’accueil aux points de préfiltrage, aux portes du stade et à l’intérieur du stade, de concevoir le plan d’acheminement des spectateurs, le recrutement et la gestion des volontaires, et d’assurer les relations avec les villes hôtes, le Gouvernement et la sécurité publique. Les villes hôtes se chargent pour leur part d’organiser l’animation dans leurs communes.
La FFF a analysé quatre types de difficultés, situées essentiellement à l’extérieur du stade, qui ont conduit aux incidents constatés lors de la soirée du 28 mai, ces derniers ayant été aggravés par une succession de dysfonctionnements.
La première difficulté tient à l’arrivée aux abords du stade d’un nombre de spectateurs nettement supérieur à la capacité de l’enceinte et à la présence de faux billets : 110 000 personnes ont ainsi été acheminées au Stade de France, pour une capacité de 75 000 places. Selon les données fournies par la RATP, 6 200 personnes sont arrivées par le RER B, 36 000 par le RER D et 37 000 par la ligne 13 du métro. Selon les données de la FFF, 450 cars ont acheminé 20 905 personnes aux abords du stade. Enfin, selon les données de la préfecture de police, 6 680 personnes sont venues en taxi et 4 111 en véhicules légers. Cet afflux massif a créé une situation inédite d’engorgement des dispositifs de contrôle en préfiltrage et aux portes du stade.
Initialement, l’UEFA devait exclusivement commercialiser sa billetterie sous forme électronique, avec un système de blockchain non falsifiable. Cependant, à la demande des clubs, elle a accepté que Liverpool obtienne 20 000 tickets au format papier – c’est-à-dire la totalité de ses billets –, le Real de Madrid 6 000, la ville de Saint-Denis 600 et celle de Paris 280. Or ces titres papier ont permis la fabrication de faux billets. Nous savons que 2 471 billets ont été scannés aux tripodes du stade avec un résultat inconnu, ce qui est la marque d’un code-barre frauduleux.
À titre d’exemple, pour de grands événements comme des concerts internationaux, il est arrivé que l’on identifie jusqu’à 300 faux billets. Le 28 mai, leur nombre était beaucoup plus élevé. Entre 18 heures et 21 h 35, 57 faux billets ont été scannés toutes les cinq minutes, et 66 % d’entre eux l’ont été sur les trois portes X, Y et Z, situées dans le secteur sud dédié aux supporteurs de Liverpool. Par ailleurs, sur ces fameuses trois portes, qui permettaient de faire entrer 15 000 personnes dans le stade, un billet sur dix était faux, avec pour conséquence un engorgement des portes.
Il est toutefois très difficile aujourd’hui d’évaluer avec précision le nombre de faux billets qui ont circulé. Il convient en effet d’ajouter aux faux billets scannés aux tripodes ceux qui ont été identifiés au niveau du préfiltrage et dans les « fan zones ». Une enquête de police est en cours. L’on sait déjà qu’une personne a été prise avec un sac de 50 faux billets à la « fan zone » du cours de Vincennes et que l’on a identifié environ 250 faux billets lors du préfiltrage. Par ailleurs, certaines personnes ont pu entrer dans le stade sans billet à la faveur des incidents.
La deuxième difficulté tient à la gestion des flux de spectateurs en provenance des transports en commun. Le mouvement de grève de la RATP sur le RER B a conduit à reporter une très grande partie des spectateurs sur le RER D, occasionnant des congestions très significatives entre la sortie de celui-ci et la zone de préfiltrage, qui ne compte à cet endroit que 10 couloirs de palpation, contre 20 à la sortie du RER B. Ces congestions ont bien entendu été aggravées par l’afflux de personnes dépourvues de billet ou munies d’un faux billet. Le RER D a ainsi vu transiter 36 000 personnes, au lieu de 10 000 à 15 000 d’ordinaire pour une manifestation de ce type, alors que la ligne B n’a été utilisée que par 6 000 personnes, contre 30 000 habituellement. Ce déport massif a été aggravé, dès la fin de l’après-midi du 28 mai, par des messages en gare qui indiquaient de ne pas utiliser la ligne B, mais plutôt la ligne D pour se rendre au stade, alors même que 4 trains sur 5 fonctionnaient sur la première. Cette situation a essentiellement concerné les supporteurs de Liverpool. À 21 h 00, heure du coup d’envoi théorique, seuls 63 % d’entre eux étaient assis en tribune. En revanche, 99 % des supporteurs de Madrid, qui étaient majoritairement venus par la ligne 13, étaient installés à leur siège.
Nous avons rencontré une troisième difficulté, touchant, d’une part, à la vérification des billets aux points de préfiltrage par les agents de sécurité et, d’autre part, au positionnement, en soutien, des forces de l’ordre. La FFF, le soir de la finale de la Ligue des champions, a proposé un dispositif de 1 680 agents de sécurité privée. Cela représentait 17 % de personnes en plus par rapport au 8 mai dernier, où 1 400 agents étaient déployés pour la finale de la Coupe de France, match classé au niveau de risque 4 sur une échelle de 5. Comme pour chaque match, ce dispositif est validé par la préfecture de police. Parmi ces 1 680 agents, 258 étaient répartis aux points de préfiltrage, avec deux missions distinctes. La première était la palpation, conformément au plan Vigipirate, la seconde la vérification de la validité des titres d’accès, effectuée soit via un stylo chimique, pour les billets papier, soit via une carte électronique, pour ceux qui souhaitaient activer le QR code sur leur téléphone. Nous n’avons connu aucun problème de fiabilité quand les stylos étaient passés sur l’étiquette. Cette double tâche demandée aux agents de sécurité, sans mentionner les flux massifs de personnes à certains endroits, les a mis en difficulté, à tel point que le préfiltrage au niveau du RER D a été « relâché » pendant quinze minutes pour éviter des écrasements de personnes. « Relâché » signifie qu’il n’y avait plus de contrôles et que tout le monde pouvait pénétrer sur le parvis, aux abords du stade. Les agents de sécurité, aussi nombreux et formés soient-ils, ne peuvent pas contenir une telle pression de la foule sans être assistés par les forces de l’ordre ; c’est pourquoi un dispositif complémentaire a été mis en place par la préfecture de police, comme pour la finale de la Coupe de France. Cependant, les forces de l’ordre, placées, en majorité, derrière les stadiers, n’ont pas eu la possibilité d’agir efficacement.
La quatrième difficulté touchait aux agressions et intrusions. De très nombreux délinquants ont profité de cette finale pour se rendre au Stade de France, dans le seul but de pénétrer dans l’enceinte sans billet, de voler et d’agresser les supporteurs des deux clubs présents aux alentours. Nous n’avions jamais vu cela. Nous avons tous vu, à la télévision, sur les réseaux sociaux, des images et des témoignages, comme ceux de salariés de la FFF qui, je les cite, ont eu « la peur de leur vie ». Le centre d’accréditation de l’UEFA placé à proximité immédiate du Stade de France a été envahi par des délinquants, à tel point que nos collègues ont dû s’enfermer dans leur bureau et sont restés bloqués pendant quatre heures. Pourquoi s’en prendre à ce centre ? Tout simplement pour voler des accréditations, afin d’entrer dans l’enceinte... La présence très importante de ces délinquants a obligé les forces de l’ordre à intervenir à de nombreuses reprises, mais cela les a détournées de leur mission de sécurisation des points de préfiltrage et des accès. Ces actes inacceptables ont contribué à créer des engorgements de personnes aux portes du stade et ont semé la peur parmi les spectateurs.
– Comme l’ont dit mes collègues, ces événements sont regrettables. Nous avons préparé du mieux que nous le pouvions, dans les trois mois qui nous étaient impartis, la finale du 28 mai. Nous avons mené de très nombreuses réunions avec le préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, avec M. Cadot et ses équipes de la délégation interministérielle aux grands événements sportifs (Diges), le préfet de police de Paris, le préfet du département de Seine-Saint-Denis et l’ensemble des acteurs.
Il faut en tirer les enseignements et se demander comment, collectivement, nous pouvons progresser, dans la perspective de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques, pour faire en sorte que de tels événements ne se reproduisent pas et pour organiser au mieux l’accueil des spectateurs.
Notre première recommandation est en lien avec le plan de mobilité. Nous insistons sur la nécessité de le définir conjointement et d’avoir, au sujet des flux de personnes qui viennent au Stade de France, une communication en temps réel entre l’organisateur que nous sommes, la préfecture de police et les opérateurs de transports publics.
Dans le cas de la finale de la Ligue des champions, la FFF a organisé, en lien avec l’UEFA, un plan de mobilité relatif au dispositif d’accueil et d’orientation. Cela signifie que nous avons pris en compte l’acheminement de l’ensemble des spectateurs en provenance des deux clubs finalistes dès le moment où ils posaient le pied sur le sol français jusqu’aux différents lieux où ils pouvaient être amenés à se retrouver. Pour les autocars, nous avons défini, avec l’aide du Stade de France, de la ville de Saint-Denis et de Plaine Commune, un dispositif d’accueil pour séparer les supporteurs. Schématiquement, la partie nord du Stade de France était dédiée à ceux du Real Madrid, la partie sud à ceux de Liverpool et aux personnes invitées par l’UEFA et les différents partenaires de la compétition. Nous avons travaillé sur ce plan pendant trois mois, sous l’égide de la préfecture de Seine-Saint-Denis, qui nous a fortement accompagnés pour le mettre en œuvre. Une fois ce plan élaboré, nous avons défini l’accueil et l’orientation des personnes qui venaient par les aéroports, principalement Beauvais, Charles-de-Gaulle et Orly.
Dans le cas des supporteurs de Liverpool, nous avions trois typologies. « Je suis supporteur de Liverpool, avec un billet, je veux me rendre au Stade de France » était l’une d’entre elles. Dans ce cas, dès l’arrivée dans un aéroport ou dans une gare, un plan d’acheminement était défini, car nous avons contractualisé, avec les différents opérateurs, Aéroports de Paris, l’aéroport de Beauvais, la RATP et la SNCF, un dispositif d’accueil et d’orientation. Nous sommes allés jusqu’à proposer des plans pour arriver à destination, toujours avec la contrainte très forte consistant à différencier les flux et à faire en sorte que les supporteurs de Liverpool ne croisent jamais les supporteurs de Madrid. Nous avons également pris en considération la capacité d’emport du RER B par rapport au RER D, la taille des flux et des couloirs de palpation pour inciter les supporteurs à s’orienter majoritairement vers le RER B. Nous avons travaillé avec la RATP et la SNCF pour les orienter en diffusant des annonces dans les stations, en anglais et en français.
Autre typologie : « Je suis supporteur de Liverpool, je n’ai pas de billet, mais je veux me rendre dans la fan zone ». Quel que soit votre emplacement dans Paris, vous aviez des informations pour vous y rendre. De même, pour le Real Madrid, nous avons fait en sorte d’avoir un maillage dans la plupart des stations, dans Paris, que ce soit à travers des messages sonores, des hôtes et hôtesses ou des plans.
J’insiste sur la communication en temps réel. À partir du moment où a été prise la décision de réorienter les flux, nous aurions dû avoir l’information pour pouvoir faire preuve de souplesse ; par « nous », j’entends le Stade de France, la FFF pour l’accueil des spectateurs, la préfecture de police, mais également la RATP et la SNCF pour l’orientation. Si nous avions eu l’information, en milieu d’après-midi, que le flux du RER B était poussé vers le RER D, nous aurions pu avoir le temps de repenser notre dispositif. Avec l’accord de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), nous aurions pu faire évoluer le positionnement des forces mobiles et repenser notre dispositif d’accueil au niveau des couloirs de palpation.
Voilà pour nous l’enseignement important : nous avons beau construire des dispositifs pour accueillir et acheminer les spectateurs dans les meilleures conditions, si certaines personnes prennent des décisions sans en référer aux autres acteurs concernés, cela ne fonctionne pas.
président de la commission de la culture. – Pouvez-vous préciser votre pensée ?
– Nous n’avons pas eu l’information que le flux du RER avait été dévié par la RATP.
président de la commission de la culture. – La préfecture de police ne vous a pas prévenus non plus ?
– La préfecture de police n’avait pas non plus l’information. Aux alentours de 18 h 30, nous avons connu un afflux massif de supporteurs en provenance du RER D, alors que le dispositif que nous avions mis en œuvre prévoyait une capacité d’accueil maximum orientée vers le RER B.
président de la commission de la culture. – La RATP ne vous a pas prévenus ?
– Exactement.
Pour terminer mon propos, nous sommes allés jusqu’à prévoir la signalétique du dernier kilomètre. Certaines personnes ont dit qu’il n’y avait aucune signalétique aux abords du Stade de France : évidemment, c’est complètement faux. Avec l’UEFA, nous avons balisé ce dernier kilomètre, prévoyant un dispositif pour orienter les spectateurs en fonction de leur arrivée par la ligne 13, le RER B ou le RER D. Nous sommes allés jusqu’à prévoir une procédure permettant, en cas d’engorgement, aux supporteurs en provenance du RER D de se diriger vers l’arrivée du RER B, où l’avenue est plus large, pour accéder au Stade de France et aux couloirs de palpation.
Un autre enseignement que nous souhaiterions mettre en avant concerne la coordination. Organiser un événement, c’est évidemment coordonner toutes les parties prenantes ; organiser une finale de Ligue des champions est un événement à part. Cela ne revient pas uniquement à prendre en compte le Stade de France et ses dix-huit portes d’accès, mais aussi l’ensemble des flux piétons, véhicules, autocars et transports en commun qui y donnent accès. Nous recommandons vivement qu’à l’avenir nous nous coordonnions avec la préfecture de police de Paris pour construire le dispositif d’accueil et de sécurité de l’événement.
Vous avez, sur un événement comme celui-là, 75 000 personnes à acheminer. Notre métier est de les prendre en charge aux points de préfiltrage et aux portes du Stade de France ; le métier de la RATP et de la SNCF est de nous amener ces spectateurs ; la compétence de la DOPC est de nous aider à encadrer ces personnes pour qu’elles soient accueillies dans les meilleures conditions de sécurité. Le samedi 28 mai, la RATP, à travers les lignes B et D du RER, nous a envoyé un flux de supporteurs ininterrompu sur lequel nous n’avions pas d’information. Le RER B ou D, c’est huit trains par heure, avec pour chacun une capacité d’emport de 1 600 à 2 000 personnes qui sont acheminées vers le Stade de France sans information sur la situation à la sortie de la gare, que nous devons faire entrer en nous assurant qu’elles ont un titre d’accès valable, qu’elles respectent les consignes du plan Vigipirate et qu’elles sont au bon endroit. Quand vous nous poussez entre 12 600 et 20 000 personnes par heure, la chose devient extrêmement compliquée dès que vous rencontrez des difficultés d’engorgement. Il faudra faire en sorte, demain, que nous co-construisions nos dispositifs, pour que les forces de sécurité privée et leur positionnement soient en adéquation avec les forces de sécurité publique. Le dernier France-Danemark en est le meilleur exemple : cela a fonctionné parce que nous nous sommes parfaitement coordonnés. La FFF portait la responsabilité de l’organisateur, la DOPC nous a accompagnés pour prendre en compte l’ensemble des supporteurs et leur permettre d’accéder au Stade de France dans les meilleures conditions.
Un troisième enseignement a trait à la billetterie dématérialisée. Le sujet est simple : un billet papier est falsifiable. L’enquête qui est menée aujourd’hui, pour laquelle nous avons été auditionnés jeudi dernier, pour laquelle l’UEFA va être prochainement auditionnée par la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA), est en train de prouver que la fraude était massive, organisée par des imprimeurs professionnels. C’est à l’issue de cette enquête que nous connaîtrons le nombre de faux billets qui ont été dupliqués et imprimés. La certitude que nous avons, c’est qu’aucun e-billet n’a pu être falsifié. Nous recommandons vivement, pour les prochains événements, si le Gouvernement donne son accord, que l’accueil ne se fasse qu’à la stricte et unique condition qu’aucun billet ne soit en version papier. Cela évitera un nombre considérable de fraudes, de faux billets et permettra de fluidifier les accès au Stade de France.
président de la commission des lois. – Votre dernier propos attire mon attention. Alors que ce n’était pas la règle pour ce type de compétition, pourquoi avons-nous accepté les billets papier pour le club de Liverpool ? On se rend compte que les supporteurs sans billets papier, notamment madrilènes, ont accédé sans trop de difficultés au stade.
Ma question est donc celle-ci : pourquoi avoir accepté le recours aux billets papier sachant que les risques de falsification sont réels ?
J’aurai une deuxième question. M. Diallo nous a rappelé les circonstances ayant conduit la France à se porter candidate pour organiser le match de football à Paris, tout en précisant qu’il faut habituellement dix-huit mois pour préparer un tel événement. Pourquoi dix-huit mois ? Du fait de notre expérience assez grande, nous, Français, avons répondu positivement pour l’organiser en trois mois. À quoi sont utiles ces dix-huit mois ? Qu’a-t-il manqué, dans les trois mois qui étaient impartis, pour remplir la mission correctement ?
Troisièmement, vous avez en charge les stadiers, notamment ceux qui vont accueillir le public. Vous en avez prévu plus que d’habitude, il n’y a aucun doute sur ce point. Pouvez-vous nous préciser la manière dont vous les recrutez, la formation qu’ils reçoivent ? Si moi, demain, je veux être stadier au Stade de France, comment dois-je procéder ? Qu’allez-vous me demander ?
Enfin, je peux noter, il me semble, une petite contradiction entre ce que vous indiquez et ce que nous a dit le préfet de police ce matin. Ce dernier a précisé qu’il s’était concentré sur le risque terroriste. La gestion de l’événement aurait été abordée de cette manière, prenant également en compte, pour éviter tout problème majeur, le risque d’écrasement des gens. Dans le même temps, la sécurité en tant que telle, à l’égard de ceux qui ont perpétré des actes de délinquance, aurait été laissée un peu de côté. Je parle sous le contrôle des collègues qui étaient là ce matin… Toutefois, à l’instant, vous semblez dire l’inverse : que l’obligation pour les forces de l’ordre d’intervenir contre les délinquants était absolument essentielle, d’où leur moindre présence aux lieux de filtrage.
Nous avons besoin de comprendre : deux avis différents, deux positions différentes, pour des gens qui ont travaillé ensemble sur l’organisation de cet événement. Ce n’est pas suffisamment clair.
– Concernant les billets papier, comme je vous l’ai dit en préambule, l’unique instance qui a la main sur la commercialisation de la billetterie est l’UEFA. Au départ, tout était prévu pour que l’ensemble du public puisse avoir des billets électroniques. Face à la forte demande des clubs, l’UEFA a autorisé Liverpool et le Real Madrid à disposer de billets papier. Madrid n’en a demandé que 6 000, alors que Liverpool a demandé sous ce format la totalité de ses billets. C’est factuel. L’instance qui a autorisé la délivrance et la possibilité d’avoir des billets papier, c’est l’UEFA, qui est seule responsable de la commercialisation de la billetterie.
président de la commission des lois. – Je ne dis pas que c’est vous : ce qui m’intéresse est de comprendre le mécanisme. De fait, les supporteurs madrilènes avaient un billet papier pour certains ?
– Oui.
président de la commission des lois. – Et, là, il n’y a pas eu de difficultés ?
– Non.
président de la commission des lois. – Pour être clair, il n’y a donc pas eu de fraude, de ce point de vue.
– Liverpool a demandé qu’on lui permette de commercialiser 22 000 billets pour l’ensemble de ses supporteurs. Ils ont l’habitude de le faire en version papier. La demande de Madrid, elle, visait à répartir les flux ; leurs 6 000 billets papier étaient pour des clients internes du club : les partenaires, les sponsors, les familles. Les autres billets étaient pour les supporteurs. Effectivement, il n’y a eu aucune falsification de billets du côté madrilène.
Au sujet de votre question sur le délai de dix-huit mois, c’est l’un des requirements de l’UEFA. Quand vous candidatez pour organiser une finale de championnat, vous candidatez trois ans avant la date de l’événement. Vous répondez à un cahier des charges de l’UEFA, qui prévoit, quand vous avez été choisi, qu’à dix-huit mois de la manifestation vous devez mettre en place un comité d’organisation local, en lien avec l’association européenne. Les huit premiers mois, vous devez lui proposer un cadre d’organisation dans lequel vous faites appel aux différentes parties prenantes. La première des parties prenantes d’une finale de Ligue des champions, c’est l’État. Vous demandez à ce dernier un certain nombre de garanties concernant cette manifestation, apportant des éléments d’appréciation qui permettent d’assurer que vous accueillerez la manifestation dans les meilleures conditions. Il s’agit par exemple de faciliter les formalités douanières, l’accueil du public, mobiliser les transports et l’ensemble des acteurs du territoire qui concourent à la manifestation. Vous rentrez ensuite dans la dernière année : un an consacré à l’organisation, qui s’oppose aux trois mois que nous avons eus. Nous ne sommes pas capables de vous dire si un an est un délai suffisant ; nous pouvons cependant affirmer qu’en trois mois, exception faite du jour de la finale, avec le concours de l’ensemble des acteurs, nous avons rempli les obligations que nous imposait l’UEFA : les différentes lettres de garantie, la capacité de mobiliser les aéroports d’Orly et Charles-de-Gaulle, avec une capacité à voler de nuit, ce qui normalement n’existe pas. Nous avons obtenu des accords, que ce soit pour permettre le transport des supporteurs au moyen de différents bus et autocars ou pour mobiliser des parkings aux abords du Stade de France, en concertation avec la ville de Saint-Denis et le groupement Plaine Commune.
Je vais vous donner un élément de comparaison. Nous parlions de la finale de la Coupe de France : avec deux publics de 20 000 supporteurs respectivement, cela a engendré 180 autobus. Pour la finale de la Ligue des champions, nous en avions 450. Ce n’est pas le même événement !
Ce que nous avons également réussi à construire en trois mois, c’est un dispositif d’organisation générale qui a fonctionné. Ce qui a manqué, c’est du temps pour préparer l’imprévu. Si la manifestation est allée à son terme, c’est en partie parce que nous avons rempli nos obligations. Nous avons su faire en sorte que le Stade de France accueille 75 000 personnes et pas plus. Si des groupes de supporteurs, finalement repoussés, avaient enfoncé des portes, comme cela a pu être évoqué ce matin par M. le préfet de police, nous nous serions retrouvés dans l’enceinte du stade avec une capacité largement supérieure à celle qui est autorisée. La décision que nous aurions alors dû prendre, c’est de ne pas autoriser la rencontre, ce qui aurait eu des conséquences bien plus dommageables en matière de troubles à l’ordre public.
Oui, nous avons manqué de temps pour nous assurer, avec l’ensemble des parties prenantes, que la grève des transports n’entraînerait qu’une perturbation minimale du trafic, et n’aurait pas pour conséquence un déport des flux. Si nous avions eu plus de temps, nous aurions pu nous tourner vers la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC) pour nous assurer qu’elle partageait la façon dont nous avions conçu notre dispositif, notamment le préfiltrage.
En revanche, nous n’aurions jamais pu prévoir, croyez-en mon expérience – j’ai travaillé pendant dix ans au Stade de France –, un tel afflux de délinquants.
Le dispositif prévoyait douze points de préfiltrage venant compléter l’environnement du Stade de France, qui a beaucoup évolué depuis 1998 : lorsque j’ai commencé à y travailler, je voyais des champs depuis mon bureau ; aujourd’hui, la zone est devenue complètement urbaine, elle est saturée par les immeubles. Didier Pinteaux, qui a fait un travail remarquable, et moi-même avons mis en place des points de préfiltrage pour rendre l’enceinte hermétique.
Florence Hardouin prenait l’exemple de gens qui se sont introduits à travers le centre des accréditations ; j’ai d’autres exemples à vous donner pour montrer à quel point cette manifestation était hors norme en matière de délinquance. Des gens sont passés à travers des restaurants pour entrer dans le périmètre protégé. D’autres ont fracturé les accès à une école qui constituait une barrière naturelle autour du Stade de France : ils ont cassé la grille et ont déverrouillé la porte de l’intérieur pour pénétrer dans le périmètre d’accès protégé. Dans le cadre de Paris 2024, une passerelle est en train d’être construite pour relier le Stade de France à la piscine olympique. Ce chantier se trouve 4,80 mètres en contrebas du parvis du stade. Les gens y sont entrés par effraction et se sont fait la courte échelle pour accéder au parvis.
Nous convenons tous que nous aurions pu anticiper et prévoir la grève, les faux billets et cet afflux massif de supporteurs, si nous nous étions mieux coordonnés. En revanche, une telle délinquance n’aurait jamais pu être prévue.
président de la commission des lois. – Et qu’en est-il de la formation des stadiers ?
– Pour gérer cette manifestation, la FFF a fait appel à dix sociétés : huit sociétés de sûreté et deux sociétés d’accueil. Depuis le covid, nous avons beaucoup de difficultés à trouver du personnel compétent dans le domaine de la sûreté. Ces huit sociétés nous ont fourni environ 1 650 personnes, détenant toutes un certificat de qualification professionnelle délivré par le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Des formations au matériel sont ensuite organisées sur le terrain. Nous travaillons avec ces sociétés depuis trois ans ; elles connaissent donc parfaitement le matériel mis à disposition au Stade de France. La particularité de cet événement était la mise en place d’un contrôle de billet en amont du préfiltrage avec, comme l’a dit Florence Hardouin, soit le contrôle du billet papier par un stylo chimique, soit celui du billet sur les téléphones avec une carte électronique qui active le billet, change la couleur affichée sur l’écran et produit un code-barre. Concernant cette nouvelle fonction, les responsables de billetterie à chaque poste ont reçu une formation spécifique organisée par l’UEFA.
président de la commission de la culture. – Je vous remercie de la clarté de vos propos. Vous parlez beaucoup du délai très court et des difficultés d’anticipation et de préparation. Concrètement, deux réunions de préparation ont été organisées le 25 et le 27 mai sous la présidence du préfet de police ; y étiez-vous ? Toutes les parties prenantes que vous avez citées — RATP, SNCF — étaient-elles également présentes ? L’impact de la grève sur les flux et la complexité que cela entraîne pour les organisateurs ont-ils été étudiés à ce moment-là ? Le dialogue nécessaire entre transporteurs et organisateurs s’est-il tenu lors de ces réunions, alors que le préavis de grève avait été déposé ?
La note de la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), qui décrivait assez bien ce qui allait se passer, était connue le 27 mai. En avez-vous eu connaissance ? En avez-vous débattu ?
Enfin, on se souvient que, pour France-Kazakhstan, la FFF avait demandé de déplacer le match au Parc des Princes. Avez-vous fait une demande similaire, non de déplacement, mais de report du match, compte tenu des risques que vous anticipiez ?
– Nous avons tenu des réunions le 23 et le 25 mai, sur les thématiques que vous évoquez. Lors de la réunion du 23 mai, le plan de mobilité que nous vous avons présenté a été validé par l’ensemble des parties prenantes. Cela inclut la demande de déporter les flux du RER D vers le RER B en cas de grève. C’est ce qui a été fait à partir du moment où des problèmes ont été constatés, ce qui pour nous était trop tard. Le 26 mai, la RATP a publié un communiqué de presse nous informant de l’ampleur du mouvement de grève : jusqu’à 17 h 00, quatre trains sur cinq seraient en circulation, puis cinq trains sur sept. Nous avions également demandé à la RATP, qui avait validé auprès de nous le dispositif mis en place, de communiquer massivement auprès des supporteurs de Liverpool pour les inciter à prendre le RER B.
Concernant la note de la DNLH, notre réponse va être très simple : non, nous n’avons pas été mis au courant de cette note.
président de la commission de la culture. – Vous n’en avez donc pas débattu en réunion.
– Non.
président de la commission de la culture. – Et il n’y a pas eu de réunion le 27 mai ?
– Nous avons tenu des réunions le 23 et le 25 mai. En trois mois, nous avons eu plus de 130 réunions avec l’ensemble des parties prenantes, mais je pense que les réunions auxquelles vous faites référence sont celles du 23 et du 25 mai.
M. David Assouline. – C’est la réunion cachée !
M. Laurent Lafon. – Je précise que les dates nous ont été données par le ministre de l’intérieur.
M. Michel Savin. – Permettez-moi tout d’abord de remercier M. Diallo et Mme Hardouin d’avoir présenté des excuses et exprimé leurs regrets et leur tristesse auprès des supporteurs anglais qui ont été victimes d’actes de délinquance. Vous venez de préciser une nouvelle fois, après l’avoir écrit dans un communiqué, que 110 000 personnes se trouvaient aux abords du stade le soir du match. Ce chiffre nous interpelle depuis le début des auditions. Ce matin, M. le préfet de police a été assez flou dans sa réponse : les 35 000 à 40 000 personnes supplémentaires évoquées n’étaient plus à proximité du stade, mais dans les environs du stade. Une photo prise à 20 h 58, deux minutes avant le début prévu du match, montre qu’il n’y avait pas un tel nombre de personnes à l’extérieur du stade. Or leur présence est la raison invoquée par le ministre de l’intérieur pour expliquer les événements. S’ils n’étaient pas là, comment expliquer les débordements ? Quelle est la position de la FFF sur ces chiffres ?
Vous avez par ailleurs évoqué votre souhait de coconstruction : ne pensez-vous pas que le préfet de Seine–Saint-Denis, qui connaît bien le terrain, notamment en matière de délinquance, devrait avoir à l’avenir un rôle plus important dans la préparation de ce type de rencontres ?
Enfin, nous avons compris que le Président de la République avait poussé très fort pour accueillir cette finale à Paris malgré le court délai ; avez-vous été associé à cette décision ?
M. Jean-Jacques Lozach. – Concernant les moyens qui ont été mobilisés, que le ministre de l’intérieur a jugé largement suffisants — c’était un peu plus flou du côté de la préfecture de police —, jugez-vous les effectifs de forces de l’ordre déployés suffisants pour ce type de rencontre à risque ?
La FFF, dans un communiqué, a estimé à 110 000 le nombre de personnes se trouvant à proximité du Stade de France en donnant comme source « des opérateurs publics et privés ». Confirmez-vous qu’il s’agit uniquement des transporteurs — RATP, SNCF et taxis privés en particulier ?
Nous sommes par ailleurs encore dans le flou au sujet de cette note de la DNLH, entre ceux qui ont été destinataires et l’ont bien eue, ceux qui ont été destinataires, mais ne l’ont pas lue, ceux qui n’ont pas été destinataires du tout…
La FFF est-elle propriétaire des images captées par la vidéosurveillance à l’intérieur du Stade de France ? Si oui, des éléments vidéo ont-ils été transmis aux autorités qui en auraient fait la demande — je pense notamment aux services du ministère de l’intérieur ?
L’UEFA s’est exprimée sur la question du dédommagement des spectateurs munis de billets n’ayant pas pu accéder au stade ; la FFF va-t-elle être sollicitée ?
Enfin, un arbitrage va devoir être pris. D’un côté, le préfet de police nous dit que la doctrine a bien été appliquée et ne saurait être remise en question ; de l’autre, Mme Hardouin nous a présenté un ensemble de préconisations et de propositions qu’il serait bon d’intégrer dans une stratégie sécuritaire relative aux événements de ce type.
M. Stéphane Piednoir. – Ma question porte sur les missions et les prérogatives de la FFF dans l’organisation de ce match. Je m’interroge sur la proportionnalité des mesures déployées et, plus précisément, le nombre de stadiers. Le ministre de l’intérieur a comparé cet événement à la finale de la Coupe de France qui s’est tenue dans le même stade quelques semaines plus tôt et aurait été classé 4 sur 5 sur une échelle de risque. Qui établit cette échelle ? Tient-elle compte de l’attractivité d’une rencontre ? Je n’ai rien contre les supporteurs de Nantes et de Nice, mais cet événement revient chaque année alors qu’une finale de Ligue des champions sur le sol français est beaucoup plus rare et suscite une exposition médiatique bien plus importante. Cela entraîne un flux de circulation autour du stade plus dense, comprenant des étrangers moins habitués aux formes de communication que nous employons, notamment dans les stations de métro et de RER. Avec un délai de préparation aussi faible, il aurait fallu, si j’ose dire, mettre le paquet pour faire face à l’imprévu. Pour cela, rien de mieux que du contrôle physique et donc des stadiers. Vous avez évoqué le chiffre de 17 % de stadiers supplémentaires. Était-ce, compte tenu de tous ces éléments, suffisant ?
– Sur les flux de spectateurs, nous pouvons être précis, mais seulement sur ce que nous maîtrisons : les bus — nous en avons acheminé 450 avec les supporteurs des deux clubs et l’ensemble des populations invitées — et les véhicules légers qui ont stationné dans le parking du Stade de France. Pour les transports en commun, les chiffres que nous avons donnés sont ceux qui nous ont été communiqués par la RATP le soir du match : 6 200 personnes arrivées par le RER B, 36 000 par le RER D et 37 000 par la ligne 13 du métro. Au total, cela représente 110 000 personnes acheminées au Stade de France. Nous sommes bien incapables de vous dire ce que sont devenues ces 110 000 personnes, hormis les 72 000 qui sont entrées dans le stade et ont assisté à la rencontre. Quant aux 35 000 autres, 2 583 d’entre elles sont arrivées jusqu’aux grilles du Stade de France et ont été refoulées parce que leur titre d’accès était faux. Grâce à l’action des services de l’UEFA et des équipes de sécurité de Didier Pinteaux aux points de préfiltrage, nous avons récupéré près de 300 faux billets. Comme nous vous l’avons présenté sur la carte du stade, le périmètre ne comporte pas uniquement le parvis et la proximité immédiate du Stade de France et de ses 18 portes d’accès.
La zone qu’il faut regarder représente un périmètre extrêmement large à partir des stations de RER et de la ligne 13. L’entité qui peut répondre précisément à votre question – c’est une question que nous nous posons également – est la RATP : elle peut vous fournir sa capacité d’emport et le nombre de trains qui, à partir de 17 h 00, sont repartis vers le centre de Paris ou vers les aéroports avec un flux de spectateurs supérieur à celui qui est habituellement constaté. Certains agents de la RATP nous ont confirmé qu’à partir de 21 h 00 le flux était suffisamment important pour que des trains soient ajoutés en direction de Paris, ce qui constitue un élément important d’appréciation.
À propos de l’organisation de cet événement et du rôle de la préfecture de Seine-Saint-Denis, le préfet, Jacques Witkowski, et son directeur de cabinet, Frédéric Poisot, nous ont apporté une aide considérable. Il ne nous revient pas d’établir le cadre légal ou réglementaire d’intervention de la préfecture de police et des autres préfectures, mais il nous semble que la connaissance du terrain est essentielle dans ce type d’événement, en particulier dans ce département où les nuits sont agitées... Ils nous ont poussés dans nos retranchements concernant le plan de mobilité et nous ont alertés sur un ensemble de risques qu’il fallait prendre en compte.
– La finale de la Coupe de France et celle de la Ligue des champions sont deux manifestations totalement différentes.
La première a été classée au niveau 4 en raison d’importants risques d’affrontements entre les supporteurs des deux clubs concernés – ils sont connus pour s’affronter lors des rencontres de championnat. De plus, nous disposions d’informations selon lesquelles des supporteurs parisiens se mêleraient à ceux de ces deux clubs. Le classement au niveau 4 se justifiait donc du fait d’un risque élevé de trouble à l’ordre public à l’extérieur du Stade de France.
Concernant la finale de Ligue des champions, le risque était totalement différent. Nous savions que les supporteurs anglais avaient l’habitude de venir avec de faux billets, sans pour autant connaître le nombre de personnes concernées. Le dimensionnement du dispositif a été renforcé pour faire face à cette situation. Nous avons notamment ouvert plus de points de préfiltrage – douze au lieu des huit habituels – et donc multiplié le nombre d’agents. Nous avons aussi augmenté l’effectif de ce que nous appelons les équipes d’intervention, qui sont des personnels mobiles à l’intérieur du stade prêts à intervenir en cas de troubles : nous sommes passés de 40 à 112 agents.
Ai-je correctement dimensionné le dispositif ? J’aurais eu tendance à répondre oui, même si a posteriori j’aurais plutôt tendance à répondre non ! Pour autant, je ne suis pas sûr qu’augmenter les effectifs aurait changé quelque chose. En effet, le principal problème était la présence, à certains points de préfiltrage, d’un nombre important de personnes : cela créait un blocage et rendait impossible l’accès des spectateurs munis de billets.
– Je voudrais apporter une précision au sujet des faux billets. Lors de grands concerts ou de manifestations importantes, il est habituel de constater que des gens achètent de faux billets pour des sommes très élevées par rapport à la valeur faciale de ces billets : des gens payent de 1 000 euros à 5 000 euros un billet qui en vaut quelques centaines. À l’occasion de la finale de la Ligue des champions, nous nous sommes rendu compte qu’un trafic de faux billets a été organisé, mais qu’ils ont été vendus à des personnes informées de leur nature frauduleuse. Tous les éléments d’information à ce sujet figurent dans la note de la FFF adressée à Michel Cadot.
Ainsi, sur les réseaux sociaux, des billets ont été vendus au prix de 50 livres sterling, soit moins cher que leur valeur faciale, les vendeurs expliquant précisément aux acheteurs qu’ils pourraient éventuellement passer le préfiltrage en faisant pression sur nos agents, mais qu’ils n’avaient aucune chance d’entrer dans le Stade de France munis de tels billets. C’est pour cette raison que le chiffre de 2 583 billets interceptés aux portes du stade est élevé.
Il est important d’avoir conscience que le nombre de personnes venues au Stade de France, en sachant pertinemment qu’elles possédaient un faux billet et que leur seule possibilité d’entrer était de saisir le moment opportun – celui où les portes céderaient et où les barrières seraient enfoncées – pour se précipiter dans l’enceinte, était bien plus élevé que celui des personnes qui, de bonne foi, pensaient avoir acheté un vrai billet.
Je voudrais apporter un élément de réponse à la question sur la vidéosurveillance posée par M. le sénateur Jean-Jacques Lozach. Les images sont disponibles pendant sept jours et sont automatiquement détruites ensuite. Une réquisition aurait été nécessaire pour déroger à cette règle.
En tout cas, j’ai passé la journée au PC sécurité et je peux vous dire que les images étaient extrêmement violentes.
président de la commission de la culture. – Aucune réquisition n’a eu lieu, alors que la justice a été saisie dès le samedi soir ?
– La justice a été saisie, sur la base de l’article 40 du code de procédure pénale, au sujet de la fausse billetterie.
– En ce qui concerne le niveau de risque d’une rencontre, c’est la DNLH qui propose au préfet un classement.
M. David Assouline. – Ce qui vient d’être dit par M. Le Prévost est très important, voire grave, et il aurait été particulièrement intéressant d’entendre le préfet de police sur ce point. Des images que vous jugez très violentes ont été détruites, parce qu’aucune réquisition n’a été faite avant l’expiration du délai de sept jours et alors même qu’une procédure a été engagée au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. Des preuves ont ainsi été détruites du fait de ce que l’on pourrait qualifier au minimum d’incompétence – je n’ai pas envie de penser que cela a été fait exprès. C’est grave et c’est une responsabilité très importante de l’autorité publique.
Je souhaite vous interroger sur le préfiltrage. Il était réalisé au moyen de stylos. Il semblerait que des stadiers se soient beaucoup interrogés sur le taux particulièrement élevé de rejet – il atteignait 90 % ! – et qu’ils estimaient que cela provenait d’un dysfonctionnement des fameux stylos – M. le ministre de l’intérieur s’est beaucoup amusé de cet aspect des choses... Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
Si nous nous tournons maintenant vers l’avenir, ne pensez-vous pas que, lors de manifestations de ce type suscitant un fort engouement auprès d’un public populaire, la répartition des places – 28 000 billets destinés à des personnalités ou à des VIP, 7 000 pour le grand public et 20 000 pour chaque club – constitue un problème ?
J’ai assisté une fois à une finale de Ligue des champions – elle opposait Arsenal à Barcelone au Stade de France. Il y avait déjà une pénurie de billets et j’ai été effaré de voir des personnes de condition défavorisée détenir dans leurs poches des centaines, voire des milliers, d’euros en liquide pour acheter une place. Des supporteurs étaient prêts à dépenser leur paye pour cela ! Lorsqu’on crée une telle situation, qu’on incite en permanence les gens à consommer du football, ne peut-on pas s’attendre à ce que les pickpockets soient là et pas ailleurs ?
S’assurer que les billets soient vendus à un prix abordable, ne pas créer une situation de rareté telle qu’elle pourrait produire de la délinquance : ces questions sont importantes en vue des prochains jeux Olympiques.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. – Je veux tout d’abord remercier les représentants de la FFF de leur transparence et de la clarté de leurs propos. En particulier, il n’y a pas eu de déni de leur part au sujet des problèmes de billetterie ou de délinquance qui ont suscité la stupeur des Français. Je regrette d’ailleurs que nous ne parlions que des problèmes de sécurité et de violence et pas de la victoire du Real Madrid !
J’espère en tout cas, madame la directrice générale, que vos propos ne seront pas qualifiés de nauséabonds – c’est ce qu’a fait le ministre de l’intérieur, lorsque j’ai évoqué des problèmes de délinquance...
Dès lors que le Président de la République a décidé que ce match se déroulerait à Paris, est-ce qu’une réunion a été organisée en urgence par les ministères concernés avec l’ensemble des partenaires afin de les mobiliser et d’organiser correctement, en trois mois, cet événement pour qu’il soit une belle fête du football ? Combien de réunions ont eu lieu en présence de tous les partenaires – la FFF, la RATP, la SNCF, les responsables du Stade de France, etc. – pour anticiper les dysfonctionnements éventuels que l’on a finalement constatés ?
Enfin, comment avez-vous pu estimer le nombre de personnes détenant de bonne foi un faux billet et les autres ?
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. – Vous avez détaillé la fréquentation des différentes lignes de transport et regretté le basculement des usagers du RER B vers le RER D comme le manque d’informations sur ce point, qui explique peut-être la présence d’un plus grand nombre de stadiers à l’arrivée du RER B.
Un point m’intrigue : la grève était annoncée et, deux jours avant l’événement, des messages préconisaient de prendre le RER D. Je comprends qu’il puisse exister un problème de coordination ou de circulation de l’information, mais vous n’aviez pas besoin qu’on vous informe de cette situation, car elle était de notoriété publique.
Ensuite, était-il possible, selon vous, d’organiser de manière satisfaisante cette manifestation en trois mois ou l’accident était-il prévisible ?
Enfin, qui pilotait l’ensemble de l’opération ? La Diges, le préfet de police ? Qui était responsable du pilotage d’ensemble ?
M. Jacques Grosperrin. – Lors des nombreuses réunions qui ont eu lieu, avez-vous alerté la préfecture de police ou une autre autorité sur les risques que présentait ce match, puisqu’on sait que les supporteurs du club de Liverpool se déplacent en nombre et souvent sans billet ou avec de faux billets ?
Pouviez-vous, sous couvert de l’UEFA, interdire cette manifestation, étant donné les risques engendrés par l’utilisation de billets papier ?
Enfin, le préfet de police, Didier Lallement, nous expliquait ce matin que ce n’était pas un match à risque. Or Philippe Diallo vient de nous dire qu’il avait reçu une note selon laquelle le risque de ce match était classé au niveau 4 sur une échelle de 5. Faisait-il référence à la note concernant la finale de la Coupe de France dans laquelle jouait Nantes ou à une note de la préfecture de police qu’il aurait reçue au sujet de la finale de la Ligue des champions ?
président de la commission des lois. – Le Président de la République vous a-t-il consultés, avant de prendre sa décision, sur notre capacité à recevoir cette finale dans les conditions que vous avez évoquées ?
président de la commission de la culture. – À quel moment avez-vous eu les chiffres de la RATP et de la SNCF concernant les flux de voyageurs ? Est-ce dès le samedi soir ou quelques jours plus tard ?
– Nous les avons reçus en temps réel le samedi soir.
– Je vais répondre à la question portant sur les stylos. Chaque point de préfiltrage est géré par un responsable et, le soir de la manifestation, l’un d’entre eux nous a appelés pour nous demander de nouveaux stylos, car il pensait que ceux dont il disposait ne fonctionnaient plus. Nous avons donc envoyé le responsable billetterie de l’UEFA sur le site : il a constaté que les stylos fonctionnaient très bien et qu’il s’agissait en réalité de faux billets. Je le répète, les stadiers de ce point de préfiltrage ont cru que les stylos ne fonctionnaient pas, mais le problème venait des nombreux faux billets
– L’UEFA nous a fourni des stylos neufs, dont le bon fonctionnement a été testé le matin du match. Lorsqu’un stylo fonctionne correctement, l’encadré figurant au dos du billet devient rose lors du passage du stylo ; s’il reste blanc, le billet est faux. Dès 17 h 00, le PC sécurité a été alerté sur le fait que les stadiers avaient un problème avec les stylos, car la couleur rose n’apparaissait pas sur les billets. Nous avons alerté l’UEFA qui a envoyé une équipe sur les différents points de préfiltrage avec de nouveaux stylos. Cette équipe a pris un échantillon de dix billets par point de préfiltrage : en moyenne, de quatre à sept étaient faux.
président de la commission des lois. – À partir de quelle heure le stade est-il ouvert pour que le public puisse prendre place à l’intérieur ?
– Il y a deux niveaux. Le premier, c’est l’activation du préfiltrage, qui était prévue à midi ; elle a eu lieu à 11 h 50. Le deuxième, c’est l’ouverture des portes du Stade de France, qui a été prévue à 18 h 00 et qui a eu lieu à 18 h 00.
président de la commission des lois. – Le Président de la République vous a-t-il consultés ? Soyons clairs, je comprends que la réponse est non...
– Je souhaite vous apporter des réponses sur l’organisation générale. La décision a été prise le 28 février. Le 4 mars, nous avons eu la première réunion de coordination organisée par le délégué interministériel aux grands événements sportifs (Diges), c’est-à-dire le préfet Michel Cadot ; elle a regroupé l’ensemble des acteurs et des parties prenantes. En moyenne, nous avions environ une réunion par semaine sur les différentes thématiques, qu’il s’agisse des transports, des fan zones, avec les villes de Paris et de Saint-Denis, ou de la sécurité, avec la préfecture de police. Les équipes du préfet Michel Cadot étaient présentes à chacune de ces réunions. La coordination générale de l’événement s’est donc faite sous l’égide du Diges et de ses équipes. Cela a permis de construire l’événement. Même si la forme n’est pas celle que nous attendions, les acteurs ne se sont jamais autant mobilisés à nos côtés, malgré les délais contraints, pour surmonter les écueils que nous rencontrions.
Ce qu’il faut avoir en tête, c’est la particularité de cette finale. Vous évoquiez cette problématique connue des supporteurs qui se déplacent en très grand nombre. C’est pour cela que nous avons mis une pression certaine sur les villes de Paris et de Saint-Denis. Nous avons ainsi pu accueillir 44 000 personnes sur la fan zone de Paris et 6 000 personnes à l’instant t, mais, en définitive,12 000 personnes sur celle qui était prévue pour Madrid. Il était important pour nous de prendre en compte ce nombre substantiel de spectateurs.
J’insiste sur le fait que la coordination a mobilisé l’ensemble des services de l’État. L’ensemble des ministères ont travaillé à nos côtés et à ceux de l’UEFA, qui était présente à chaque réunion pour organiser cet événement dans ce que nous pensions être les meilleures conditions. En définitive, c’est un échec pour nous tous.
Comme l’ont indiqué M. le vice-président et Mme la directrice générale, ce que nous en tirons en tant que FFF, c’est un sentiment de tristesse, compte tenu de l’investissement consenti par toutes les personnes mobilisées autour de l’événement. Au regard de tout le travail de coordination que nous avons effectué avec l’ensemble des parties prenantes, ce n’est pas cette fin-là que nous attendions.
Je vous rejoins. Il y a des moments où nous aurions dû prendre le temps de poser certaines questions. A-t-on bien compris notre demande ? La restitution qui en est faite est-elle la bonne ? En prenant telle décision, assumons-nous le risque correspondant ou préférons-nous faire en sorte de l’écarter, afin de nous concentrer sur notre objectif premier, c’est-à-dire accueillir et organiser la manifestation ?
M. Michel Savin. – Madame la directrice, vous avez indiqué tout à l’heure qu’il y avait eu des retours importants dans les transports après 21 h 00. Or, dans son communiqué, la SNCF précise qu’aucun afflux particulier ou plus important que d’habitude n’a été enregistré dans l’autre sens après le début du match. Il y a là une contradiction. Une de plus. Vous comprenez que nous puissions nous interroger.
– La SNCF pourrait-elle communiquer ses flux montants et ses flux descendants au Stade de France sur la journée du 28 mai ?
président de la commission des lois. – Nous allons auditionner la SNCF.
M. David Assouline. – Je trouve totalement aberrant que les images aient été détruites sous prétexte qu’elles n’ont pas été réquisitionnées dans les sept jours. Qui devait faire la réquisition et agir pour qu’elles ne soient pas détruites ?
– Nous ne les avons pas détruites. Elles se sont écrasées toutes seules. C’est automatique.
M. David Assouline. – Certes. Mais j’aimerais avoir la réponse à ma question. Qui devait prendre la décision ?
– Il faut une réquisition judiciaire.
président de la commission des lois. – En effet. La réquisition des images de vidéoprotection relevant d’une décision judiciaire, il appartenait au procureur de la République de la demander. S’il ne le fait pas dans le délai imparti par la loi, les images s’écrasent.
président de la commission de la culture. – Nous avons compris que les discussions avec la RATP ne fonctionnaient pas de manière opérationnelle lorsque vous avez eu connaissance du préavis de grève.
Vous avez laissé les points de filtrage tels qu’ils avaient été envisagés, c’est-à-dire l’essentiel des points de filtrage côté RER B alors que l’on pouvait imaginer un phénomène de report sur la ligne D. Finalement, le jour du match, malgré le préavis de grève, quatre RER B sur cinq fonctionnaient. Néanmoins, en raison des annonces préalables, les spectateurs, notamment les Anglais, ont tout de même utilisé le RER D. Il y a donc eu un afflux sur les points de filtrage du RER D. À ce moment-là, il n’y avait pas de liaison entre la RATP et vous pour réorienter sur les points de filtrage. Mais, lors de l’annonce du préavis de grève, il n’y a pas eu modification de votre part sur la répartition des points de filtrage en anticipant un phénomène de report sur le RER D ou en prévoyant un cheminement orientant vers les points de filtrage du RER B. C’est bien cela ?
– Je confirme exactement ce que vous venez dire. Les différentes réunions que nous avons menées avec l’ensemble des parties prenantes sur l’organisation de cet événement et le plan de mobilité nous ont amenés à proposer un plan, en faisant notamment appel à la RATP et la SNCF, pour orienter les spectateurs vers le RER B. Ce plan a été validé. Un communiqué de presse diffusé le 26 mai informait qu’il y aurait une grève le 28 mai, mais en précisant que le trafic ne serait pas loin d’être optimal, avec quatre trains sur cinq, puis cinq trains à partir de dix-sept. Et nous avons découvert dans l’après-midi du match que la RATP, notamment dans les hubs de Châtelet et de Nation, incitait les personnes à se rendre au stade en utilisant le RER D.
président de la commission des lois. – Madame, messieurs, nous vous remercions de votre venue et des éléments que vous avez portés à la connaissance de nos deux commissions.
Ce point de l’ordre du jour a fait l’objet d’une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 05.