Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 16 février 2010 à 14h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Article 2, amendement 4

Christine Lagarde, ministre :

Monsieur le rapporteur général, je vous remercie de votre explication tout à la fois charpentée, détaillée et approfondie. Elle touche à une question majeure puisque la dépense dont il s’agit s’élève à 22 milliards d’euros ; cette question méritait donc vraiment un examen de notre part.

Néanmoins, vous le comprendrez, je ne suis pas favorable à votre amendement ; à cet égard, j’évoquerai les éléments concernant la politique de l’emploi et laisserai à mon collègue Éric Woerth, qui vient de nous rejoindre, le soin de vous répondre sur les aspects strictement budgétaires.

Vous avez raison de poser la question des effets de l’exonération de charges à caractère général sur l’emploi. En revanche, je ne pense pas que le moment soit particulièrement propice pour le faire.

Aujourd’hui, l’allégement général des charges s’applique sur toutes les rémunérations comprises entre 1 et 1, 6 SMIC. On s’adresse donc très clairement au segment du marché de l’emploi sur lequel les salariés sont le moins rémunérés. Mais la propension à l’embauche ou au maintien dans l’emploi se trouve être beaucoup plus forte à ce niveau de rémunération, ainsi que le démontre clairement la mise en place de la mesure « zéro charges » applicable aux très petites entreprises, les TPE. Au cours des douze derniers mois, environ 800 000 embauches ont été réalisées grâce à ce dispositif. Les remontées d’informations du terrain indiquent que les effets de cette exonération de charges sont particulièrement sensibles dans la cible des salaires les moins élevés.

C’est la première raison qui nous porte à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 4 rectifié. Le moment n’est pas opportun, car nous sommes à une étape de notre politique de l’emploi qui nécessite la mobilisation de tous les vecteurs pour encourager à l’embauche et au maintien dans l’emploi.

Quelle que soit leur taille, les entreprises sont évidemment particulièrement sensibles à cette exonération de charges. Faire bouger les curseurs dans un contexte où le taux d’emploi constitue une donnée critique et où l’augmentation du chômage est restée constante chaque mois depuis le début de la crise, à l’exception du mois de décembre dernier, ne nous paraît donc pas judicieux.

Par ailleurs, dès lors que l’on touche au coût du travail, le mécanisme de dégressivité existant sur l’échelon concerné est au moins ébranlé. Les organisations patronales mais aussi les syndicats de salariés sont particulièrement sensibles à l’évolution de ces curseurs. Dans la continuité de la réunion d’agenda social qui a eu lieu à l’initiative du Président de la République le 15 février dernier, ces questions-là seront également examinées.

En outre, dans le cadre du programme de stabilité que j’ai soumis à Bruxelles, il est prévu d’examiner l’ensemble des niches fiscales et sociales existantes, parmi lesquelles figurent évidemment les allégements de charges. À ce moment-là, on devra se poser la question des effets des allégements sur la politique de l’emploi et sur les décisions d’embauche des employeurs.

Telles sont les raisons pour lesquelles, en tout cas au titre de la politique de l’emploi, il ne me paraît pas, à ce stade, souhaitable de ramener de 1, 6 SMIC à 1, 58 SMIC le seuil en deçà duquel s’applique cet allégement de charges à caractère général.

Pour autant, l’examen précis du caractère incitatif ou non de l’allégement de charges doit être effectué, non seulement à l’occasion du rapport que nous devons produire, mais également lors de la revue des niches fiscales et sociales auquel il sera procédé au cours des trois années qui viennent, conformément à l’engagement que nous avons pris vis-à-vis de Bruxelles.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion