Intervention de Rima Abdul Malak

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 29 juin 2022 à 15h00
Audition de Mme Rima Abdul malak ministre de la culture

Rima Abdul Malak, ministre de la culture :

– Mesdames, messieurs les sénateurs, je suis très honorée d’être aujourd’hui devant votre commission. Pour avoir été conseillère du Président de la République en charge de la culture ces deux dernières années, je connais la qualité des travaux que vous menez. Vous avez su prouver qu’une coopération au-delà des sensibilités politiques était possible, en trouvant des consensus sur la culture. Je pense notamment aux travaux de Laure Darcos et de Sylvie Robert sur le livre. Cela me laisse de l’espoir en cette période si particulière : la culture peut nous rassembler au-delà des clivages habituels. Certes, la question du pouvoir d’achat préoccupe en premier lieu nos compatriotes, mais je suis convaincue qu’ils ne veulent pas seulement gagner plus ; ils veulent aussi vivre mieux, et la culture a un rôle primordial à jouer dans cette quête.

Le Sénat est la chambre des territoires. Aussi, je compte sur vous pour me faire remonter les préoccupations locales et identifier des acteurs locaux qui pourraient constituer des relais pour notre action. Je souhaite également refonder le pacte entre l’État et les collectivités locales autour de la culture.

Je vais maintenant esquisser quelques-unes de mes grandes priorités.

Depuis vingt ans, la révolution numérique a bouleversé le secteur de la culture, mais le contexte sanitaire que nous avons connu depuis deux ans a contribué à amplifier le phénomène. Cette évolution technologique apporte son lot d’opportunités, mais également de menaces, avec l’ombre menaçante des géants du numérique.

De surcroît, une fracture générationnelle s’est creusée. Il y a ceux qui se déplacent au cinéma, au musée, au concert, et ceux qui consomment depuis leur canapé. Il faut savoir qu’entre 3 ans et 17 ans, les jeunes passent trois heures en moyenne par jour sur leurs écrans. Ce constat est très préoccupant et nous pose un premier défi pour l’avenir : que vont devenir nos cinémas, musées, bibliothèques ? Pour quels publics ?

Pour répondre à ce défi, nous croyons beaucoup dans le pass Culture, dont la première étape a été un succès. Nous avons pour ambition de développer l’éducation culturelle et artistique dès le plus jeune âge, sans oublier la petite enfance. Nous souhaitons aussi étendre le pass Culture au collège, ce qui est un engagement fort du Président de la République. À partir de septembre 2023, je l’espère, main dans la main avec l’Éducation nationale, nous allons étendre le pass Culture pour son volet collectif en mobilisant les enseignants à partir de la classe de sixième, pour construire une jonction entre notre politique d’éducation artistique et le pass Culture, un peu comme la conduite accompagnée avant le permis.

L’enjeu est aussi dans la formation à l’éducation artistique. L’Institut national supérieur de l’éducation artistique et culturelle (Inseac) de Guingamp sera l’épicentre de cette ambition.

Le deuxième défi sera notre souveraineté culturelle. En d’autres termes, comment affirmer notre culture et notre langue dans cet océan numérique ? Comment adapter nos régulations ? Pour ce faire, la priorité sera de renforcer nos industries culturelles et créatives. À cet égard, le plan d’investissements France 2030 est un véritable atout. Ce dernier doit nous permettre d’ancrer la création au plus près des territoires, mais aussi de soutenir la création dans le monde numérique, notamment à travers le métavers. Imaginons-nous un instant visiter le Louvre ou écouter un concert de l’Opéra de Paris dans ce nouvel espace...

Mon troisième défi concerne le patrimoine, dont la préservation est selon moi un enjeu de civilisation. Il y a environ 45 000 monuments historiques en France, sans compter le patrimoine de proximité, qui a son importance. Au-delà de la poursuite du Loto du patrimoine et de la mission Bern, je compte mettre l’accent sur un plan dédié aux métiers d’art et du patrimoine, pour perpétuer chez les jeunes ces savoir-faire en les ancrant dans l’avenir grâce aux innovations technologiques. On a beaucoup à faire sur les métiers du patrimoine. L’articulation de la préservation du patrimoine avec la transition écologique représente aussi un enjeu, comme l’a rappelé M. le président en introduction.

Mon quatrième défi sera de concilier information et démocratie. Nous vivons une véritable guerre internationale de l’information, qui peut contribuer à déstabiliser nos démocraties. Quel rôle peut jouer l’audiovisuel public à cet égard ? Comment assurer un véritable pluralisme ? Comment apprendre à nos concitoyens, notamment les plus jeunes, dès l’école, à décrypter l’information et à déjouer les fake news en cultivant leur sens critique ? Vous le savez, le Président de la République a annoncé la tenue d’états généraux de l’information qui devraient apporter des premières réponses.

Mon dernier défi sera de tenter d’apaiser les mémoires par la culture, en travaillant notamment à une conversion des regards avec l’Afrique. Il s’agira de rééquilibrer et de dépasser la place des mémoires, tant en France qu’à l’étranger. Dans ce cadre, l’Institut de la France et de l’Algérie préconisé par le rapport Stora, qui pourrait s’installer à Montpellier, est susceptible de constituer un premier jalon.

Permettez-moi de conclure sur une note poétique, avec les mots de Jean-Pierre Siméon :

« Oui je sais que

la réalité a des dents

pour mordre

que s’il gèle il fait froid

et que un et un font deux

je sais je sais

qu’une main levée

n’arrête pas le vent

et qu’on ne désarme pas

d’un sourire

l’homme de guerre

mais je continuerai à croire

à tout ce que j’ai aimé

à chérir l’impossible

buvant à la coupe du poème

une lumière sans preuves

car il faut être très jeune

avoir choisi un songe

et s’y tenir

comme à sa fleur tient la tige

contre toute raison. »

1 commentaire :

Le 04/07/2022 à 22:08, aristide a dit :

Avatar par défaut

Il n'y a plus de culture en France, que des réseaux de copinage...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion